Chapitre 61

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Gatien se retrouva nez-à-nez avec Charlotte qui, surprise, fit un pas en arrière. L'adolescent semblait plongé dans un état second, et la jeune fille crut en deviner la raison. Avant qu'il ne referme franchement la porte, elle aperçut Fanny - dans un état plus lamentable encore -, et en déduisit que les amants avaient tenté quelque chose, qui s'était soldé par un échec. Cette simple pensée la troubla, et elle se dépêcha de retrouver ses camarades pour leur faire part de la nouvelle. Arrivée devant sa salle de classe, elle observa rapidement le groupe, et fronça les sourcils.

- Où est Sophie ?

- Sûrement aux toilettes, lança Mathilde en haussant les épaules. Elle y reste de plus en plus longtemps ces temps-ci.

La lycéenne à la chevelure platine remercia son amie, et se dirigea vers les WC les plus proches. D'après elle, Sophie méritait de recevoir l'information avant les autres pour son attachement particulier à Gatien. Elle en souffrirait, mais Charlotte saurait la consoler. Quand elle passa l'ouverture, une odeur pestilentielle et des sons rebutants lui vinrent. Elle plaqua une main contre sa bouche, avança lentement, l'enleva, et appela sa camarade.

- Suis là... dit la nauséeuse.

L'accès d'une des cabines s'ouvrit, et Charlotte écarquilla les yeux. Sophie avait les cheveux emmêlés et tenait à peine debout.

- Qu'est-ce qui t'arrive?

- Oh, murmura l'autre en s'essuyant la bouche, je ne me sentais pas très bien. Tu as besoin de quelque chose ?

Charlotte souffla profondément, et regarda son amie avec sérieux.

- Je sais quelque chose, et je pense que ça va te faire un choc de l'apprendre ; donc tu vas devoir être forte.

La grande brune se redressa, perplexe.

- Dis-moi.

- Est-ce... Est-ce que tu arrives à rester debout ?

- Oui... Qu'est-ce qu'il y a ?

Charlotte hésita, mal à l'aise, puis se reprit.

- Ca concerne Gatien.

Electrisée, Sophie trembla et perdit ses dernières couleurs. Elle eut un geste de recul qui effraya son amie, et qui poussa celle-ci à la soutenir.

- Alors tu sais ?... murmura l'adolescente aux cheveux de jais, le souffle court.

Charlotte dévisagea sa camarade. Préoccupée, Sophie se tourna vers l'autre lycéenne, l'air fou.

- Tu ne diras rien, n'est-ce pas ?... Est-ce que quelqu'un d'autre l'a remarqué ?

- Remarqué quoi ?

- Eh bien, ça !

L'étudiante à la chevelure blonde n'y comprenait plus rien.

- Mais de quoi tu parles ?

Coincée dans les bras de son amie, Sophie se montra aussi paniquée et perdue qu'elle.

- Et toi, de quoi tu parles ? renchérit-elle, plus hostile.

- De Gatien ! s'exclama Charlotte.

- Oui... Mais tu me comprends sûrement, toi ! Tu sais à quel point c'est important de plaire à un dieu du sexe qui ne te remarque pas et...

- Gatien s'est enfermé dans une salle de classe avec l'Affreuse ce matin, et je pense... qu'ils ont fait un truc, coupa Charlotte, fatiguée.

Sophie se tut, horrifiée.

- Fait quoi ?

- Je sais pas... Mais vu la tronche que tirait Gatien quand il est ressorti de la pièce, ça c'est mal fini.

Sophie observait le sol, prête à défaillir.

- Alors tu crois qu'il... l'aime vraiment ?

Et elle explosa en sanglots. Charlotte ramena sa tête contre son épaule, et la berça comme une enfant.

- On s'en fout des mecs. On n'a pas besoin d'eux. On est assez bien entre filles, assura-t-elle.

- Mais c'est Ga-tien, hoqueta Sophie. Il est spé-cial.

- Non ! C'est qu'un trou du cul qui a de la merde à la place des yeux pour préférer un laideron anorexique à une beauté comme toi !

Sophie se remit à sangloter.

- Oui... C'est pour ça qu'il ne veut pas de moi. C'est parce que je suis groooooosse.

Charlotte n'en croyait pas ses oreilles.

- Qu'est-ce que tu racontes ?! Ça va pas, non ?! T'es canon, et certainement pas grosse !

- Tu dis ça pour me faire plaisir...

- Non, bébé. T'es belle comme un cœur.

Charlotte déposa un doux baiser sur la joue de l'autre étudiante.

- T'es tellement belle que j'ai envie de te croquer, ajouta-t-elle sur un ton plus sensuel.

Sophie sourit, et s'apprêta à prendre son amie dans ses bras quand celle-ci l'embrassa à pleine bouche. Ahurie, la grande brune attendit que la belle blonde se retire, incapable de se dégager elle-même. Charlotte recula après quelques secondes, les joues en feu, étourdie, et contempla sa camarade, légèrement embarrassée.

- Hum... Tu sens encore un peu le vom...

- COUPEZ ! tonna soudain une autre voix, du côté de la porte d'entrée.

Prises au dépourvu, le cœur battant, les deux adolescentes se tournèrent vers l'intrus, et sursautèrent. L'indésirable avait un sourire joueur, et filmait les filles de son téléphone portable. Prenant conscience de la gravité de la situation, Charlotte s'élança vers l'individu pour tenter - en vain - de subtiliser son appareil.

- Donne-moi ça !

- Laisse-tomber, pauvre minable, s'amusait l'autre. Vous êtes à moi, maintenant, et je sens qu'on va s'é-cla-ter !

- Je vais t'égorger comme un porc si tu n'effaces pas cette vidéo ! fulminait Charlotte.

- Oh là là, tu me terrifies !

L'expression insolente et pitoyable qui se lisait sur le visage du parasite se transforma soudain en une grimace sérieuse.

- Bon, trêve de plaisanteries. On a un problème ; et il s'appelle Fanny Rita-Lans.

- Quoi ? Comment ça ?

- Eh bien, on m'a informé que les flics seront bientôt à nos trousses. Donc faut plus qu'on traine.

- Minute ! Comment ça : "les flics seront bientôt à nos trousses" ? s'inquiéta Charlotte.

L'individu souffla.

- Une source sûre me l'a confié.

- Il est hors de question qu'on replonge là-dedans ! clama Sophie, le choc de la nouvelle ayant supplanté le choc du baiser. Nous, on a pas envoyé de vidéo. C'est toi qui as pris cette décision !

- Parce qu'aucune d'entre vous n'a eu le courage de le faire.

Les lycéennes se fixèrent un instant, pétrifiées.

- Ne compte pas sur moi pour prendre à ta place, balança Charlotte à l'intention de l'intrus, tout en essayant de cacher son angoisse. Tu es responsable de ce qui est arrivé.

- Vraiment ? Dois-je vous rappeler qui a mis en place la scène macabre et enregistré la vidéo ?

Charlotte ne pouvait plus garder son calme.

- TU as proposé de la mettre en ligne !

- Et vous avez accepté.

- Qu'est-ce que tu veux alors ?!

L'individu esquissa un sourire glaçant.

- De vous ? J'ai déjà tout ce qu'il me faut.

Le parasite agita son portable entre ses doigts pour mieux se faire comprendre.

- Tu ne vas pas la diffuser sur internet ?! s'exclama Charlotte, affolée par cette perspective.

- Pas si vous suivez mes consignes à la lettre... Il serait en effet "malheureux" qu'un film de ce genre paraisse sur vous. Cela ruinerait votre réputation et... ben, toute votre vie en fait.

Le monstre s'esclaffa, s'avança vers la jeune fille à la chevelure platine, et la jugea avec autant de mépris que cela était possible.

- Qu'est-ce que tu préfères, hein ? Révéler ton homosexualité à la terre entière, ou passer quelques temps en taule si les choses venaient à se compliquer ?... A ta place, mon choix serait vite fait. Je ne sais pas pour Papa et Maman, mais pas sûr que tous les copains te soutiennent après une telle découverte... Enfin maintenant, on comprend pourquoi tes relations avec les mecs n'ont jamais abouti à rien.

Charlotte se jeta sur la vermine, prête à l'exterminer, mais fut renvoyée plusieurs fois en arrière, et finit par s'arrêter, épuisée.

- Bon, je crois que j'ai ma réponse. Au revoir...

- NON ! hurla la jolie blonde, au désespoir.

L'intrus se retourna, et ses lèvres s'étirèrent en un sourire malicieux.

- On fera ce que tu veux, promit Sophie, gagnée par un élan d'affection pour sa camarade, et aussi effrayée qu'elle par l'idée du partage de la vidéo sur les réseaux sociaux.

- Excellente décision. On se recontacte bientôt. Je vous ferai part des changements à venir et vous dirai quoi faire... Salut.

Un dernier sourire pervers, et le parasite disparut.

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