Chapitre 28

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Alors qu'elle revêtait son manteau, Madame Rita-Lans rappela sa soirée à Fanny, tandis que son époux patientait dans l'entrée, prêt à sortir.

- Il y a du jambon dans le frigo et des pâtes dans le placard. En dessert, tu n'auras qu'à prendre un yaourt... Si tu as de la vaisselle à faire, ne laisse rien dans l'évier... Tu nourriras aussi cette saleté de chat que ton père a offert à ta sœur... Ne nous attends pas, tu seras sûrement couchée quand on rentrera...

La jeune fille acquiesçait toujours lorsque sa mère embrassa son front, puis regarda ses parents partir jusqu'à ce que la porte se referme derrière eux. Dès lors, un curieux sentiment de liberté l'envahit, et elle sourit à la vue du "cadeau de Noël" de Pia : un chaton gris jouant avec un bout de plastique. Monsieur Lans lui avait acheté tous les jouets du monde, mais c'était ce petit morceau qui suscitait l'intérêt de l'animal. Pia avait hurlé de joie en découvrant la bête, et s'était amusée avec elle toute la journée. Mais en fin de soirée, elle s'était lassée de sa compagnie, et était retournée dans sa chambre pour appeler ses amis et parler de leurs présents respectifs.

Puisque sa maîtresse le délaissait déjà, c'étaient dans les bras de Fanny que Tito recevait toutes ses caresses depuis deux jours. Contrairement à sa cadette, Fanny prenait tout le temps de cajoler la boule de poils. Madame Rita-Lans - qui n'aimait pas les animaux - avait accepté la présence du chaton si et seulement si elle n'avait pas à s'en occuper. Malheureusement, Pia avait rapidement failli à sa promesse de toujours prendre soin de la bête, et Madame Rita-Lans se retrouvait à nourrir l'animal elle-même.

Fanny se baissa et leva un doigt vers la créature qui y porta son attention. Ses pattes se levant à la hauteur de l'index, Tito plantait ses petites griffes dans la chair de sa maîtresse sans que cela lui fasse mal. Au contraire, l'adolescente s'amusait de voir le bébé s'agripper à son doigt. Le chaton, peu craintif, chercha enfin à se lover dans les bras de la jeune fille. Bercé comme il l'était, Tito ne tarda pas à s'endormir, et Fanny le considérait avec affection. A l'étage, un bruit d'eau continu annonça le début des préparatifs. Pia, qui devait passer la soirée chez Pauline Godart, commençait sa toilette.

Seule la sonnette qui retentit dans l'entrée trente minutes plus tard dérogea au planning familial. Surprise, l'adolescente reposa doucement l'animal sur le carrelage, et s'avança vers la porte. Quand elle l'ouvrit, ses yeux s'agrandirent. Gatien Illys attendait sur le palier, mains dans les poches, veste en cuir, écharpe, jean et baskets à la dernière mode.

Lorsqu'il reconnut Fanny, il se redressa, décontenancé. Ses mains pendaient désormais contre le pantalon et ses lèvres restaient entrouvertes. Muettes, les deux parties s'observèrent jusqu'à ce que Gatien brise le silence.

- Euh, bonjour... Je viens chercher Pia, bégaya le garçon avant de se mordre les lèvres.

L'étonnement de la jeune fille ne faiblit pas.

- Bonjour... Je croyais que tu ne passerais que... dans une demi-heure, fit-elle en consultant sa montre.

Gatien sursauta et perdit contenance.

- Je... je pensais qu'on s'était donnés rendez-vous à neuf heures, justifia-t-il comme l'accusé d'un procès.

Fanny leva un sourcil : il était neuf heures et demi.

- Pia parlait de dix heures... Vous ne vous êtes pas compris, c'est tout... Tu veux rentrer ? lança-t-elle, se disant que laisser un invité dehors était bien impoli.

Figé, Gatien fixait son aînée avec hébétude. Cette idée semblant clairement le révulser, il ouvrit la bouche pour refuser la proposition de l'adolescente, puis s'arrêta, et la referma. Enfin, il acquiesça dans un sourire timide.

Fanny se décala pour le laisser entrer, et le jeune homme la remercia d'une voix frêle tandis que l'adolescente lui conseillait de laisser ses affaires sur le portemanteau.

En découvrant la maison vide, Gatien pâlit.

- Pia se prépare et mes parents fêtent leur anniversaire de mariage à l'extérieur, expliqua la lycéenne, confuse...

L'ambiance qui suivit ces mots fut tout à fait inconfortable. Gatien regardait le sol, aussi mal à l'aise que réservé, et Fanny ne savait comment faire passer le temps.

- Ton père va mieux depuis le réveillon ?... Je me souviens qu'il ne se sentait pas très bien à la fin du repas, finit-elle par dire, hésitante.

Le garçon leva la tête, affecta l'indifférence devant la question, et se racla la gorge.

- Oui, ça va, assura-t-il. Merci.

L'étudiante sourit, ce qui détendit l'atmosphère.

- J'en suis ravie, reprit-elle plus facilement. C'est vraiment quelqu'un de bien. Je ne crois pas avoir rencontré une personne plus généreuse et cordiale que lui.

Gatien apprécia la gentillesse de l'adolescente, et, d'un pas lent mais assuré, se rapprocha d'elle.

- C'est vrai, fit-il distraitement. J'ai beaucoup de chance qu'il soit là pour moi.

- Je suis d'accord. Avoir ses parents auprès de soi est une vraie bénédiction.

Gatien se raidit, et Fanny comprit son erreur.

- Enfin, ce que je veux dire...

- J'ai compris, coupa le lycéen, mais sans méchanceté pour rassurer la jeune fille.

Celle-ci décompressa, certes, mais pour peu de temps. Car bientôt, elle prit conscience de la proximité inconvenante de l'étudiante, et déglutit.

- Hum... A part ça, je... je ne crois pas t'avoir remercié pour m'avoir protégée dans la bibliothèque l'autre jour... C'était très... courageux.

Le jeune homme sourit, ce qui fit rougir Fanny.

- C'est normal. Je n'allais pas te laisser aux prises avec Joris.

- Pourtant, vous êtes amis, non ? ne put s'empêcher l'adolescente, piquée à vif.

Gatien grimaça.

- Et bien, oui... Mais je ne l'aurais jamais laissé te faire du mal.

Troublée, l'étudiante ne savait que répondre à cela. Gatien, lui, la contemplait avec douceur, puis baissa les yeux vers ses mains lâches, et hésita. Fronçant les sourcils, il avança ses doigts vers les menottes de son aînée lorsque les pas de Pia retentirent dans l'escalier. S'écartant instinctivement, les adolescents découvrirent une lycéenne couverte d'une simple serviette de bain, et qui, à la vue du garçon, retint son souffle.

- Ga... Gatien ? couina Pia, prête à s'évanouir.

Ecarlate, le désigné détourna les yeux, et la jeune fille remonta dans sa chambre en courant. Fanny, qui ne s'était jamais sentie aussi embarrassée, garda ses distances avec l'étudiant jusqu'à ce que sa sœur redescende. Portant une robe noire qui mettait ses formes en valeur, Pia tenta un sourire profondément médiocre, et passa la porte de la maison sans un regard à son aînée. De son côté, Gatien admirait l'adolescente en reprenant les vêtements dont il s'était débarrassé à l'entrée, quand Fanny l'arrêta.

- Non, attends, tu te trompes d'écharpe. Celle-ci est à Luc...

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