Chapitre 25

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Les hommes sont d'éternels débateurs. Certains sont arrogants, convaincus, et entendent contrôler le monde en réfutant les idées de leurs voisins. D'autres sont plus sages, ouverts, et écoutent patiemment les inepties de leurs adversaires. Enfin, il y a ceux qui se désintéressent des masses et négligent tout l'intérêt d'une conversation intellectuelle.

Une ultime classe existe. Trop minoritaire pour la confondre avec les précédentes, mais présente. Il s'agit des timides. Ceux qui peuvent avoir une pensée très intéressante mais se taisent par peur d'être jugés. Parfois des génies. Souvent des gens du commun. Quoi qu'il en soit, ces personnes, comme les autres, méritent d'être entendues. Malheureusement, leurs opinions restent souvent interdites.

Fanny en faisait partie. Aussi singulière par son physique que par sa raison, il n'y avait pourtant rien de désagréable à suivre le cours de ses pensées. Elle avait un esprit noble et rêveur - des fois un peu trop -, et une idée du monde en laquelle elle croyait.

L'adolescente imaginait une vie sans accroche, une terre de paix, et un téléphone qui vibrait régulièrement. Elle voulait être appréciée, sollicitée, populaire. Que ses bourreaux la laissent tranquille. Elle souhaitait que Pia lui pardonne un tort dont elle ignorait la nature. Qu'elle l'adore à nouveau. En clair, Fanny fantasmait, idéalisait l'impossible.

Terrible est la solitude. Misérable est la convoitise.

La jolie blonde évitait son aînée depuis deux semaines. Noël approchant, Fanny avait espéré un rapprochement avec sa cadette, mais comprit vite que c'était sans espoir. Pia refusait de lui parler, de la regarder même. Et puisqu'il était trop dur de haïr sa soeur, elle avait décidé de s'en éloigner, tout simplement.

Les deux filles souffraient de la situation, mais la plus jeune ne pouvait mettre de côté le ressentiment qui la rongeait.

Fanny et sa mère avaient convenu de ne pas révéler la tentative de suicide de la lycéenne. Et malgré la disparition des couteaux de cuisine, la deuxième enfant Lans n'en soupçonna jamais rien. (Comme Monsieur Lans, bien sûr…).

Ainsi, cette dernière ne ménageait pas son aînée. Et Amandine se trouvant à plus de trois cents kilomètres pour passer des vacances "super chiantes" avec sa grand-mère, Fanny se sentait plus seule que jamais. Elle se condamnait dans sa chambre et n'en sortait que pour passer à tabler ou se rendre dans la salle de bain.

En ce moment, elle était assise sur son lit, les genoux ramenés contre son torse, ses longs bras les enlaçant. Elle pensa à Luc qui passait aussi les fêtes avec sa famille, à l'autre bout du pays, et l'envie d'une promenade lui passa instantanément.

L'adolescente recevait des messages haineux sur les réseaux sociaux - en privé - mais n'en parlait à personne. Néanmoins, ils se modéraient depuis quelques jours. Résultat d'une lassitude chez les harceleurs ou simple pause en ces temps de congé ? Fanny penchait pour la seconde option - la situation ne lui étant pas étrangère.

Quand elle quitta son repère pour rejoindre les sanitaires, elle tomba nez-à-nez avec Pia qui descendait au rez-de-chaussée. Le cœur lourd, les sœurs s'estimèrent une seconde, et la plus jeune se détourna pour prendre l'escalier. Éprouvée, l'aînée piailla son nom quand la cadette ne s'y attendait plus, et celle-ci ne put s'empêcher de la regarder encore.

- Pourquoi, pourquoi tu m'évites comme ça ? brama la première.

La beauté retroussa ses lèvres, dilata ses narines, gonfla sa poitrine. Elle aussi ne supportait plus la situation, et explosa.

- Parce que tu m'as pris la chose à laquelle je tenais le plus !

Fanny hocha la tête, déroutée.

- Dis-moi ce que c'est alors, et je te la rends tout de suite ! répondit-elle sans réfléchir.

Le ton désemparé de sa sœur énerva encore plus Pia.

- Tu ne peux pas me la donner ! Cela ne s'offre pas…

Un silence s'installa. Fanny, interdite, cherchait les mots justes pour y remédier, mais n'y parvint pas… Aucune parole ne pouvait la sauver.

- Qu'est-ce que je dois faire pour tout arranger ? fit-elle, angoissée.

Pia examina la jeune fille de haut en bas… "Mais qu'est-ce que Gatien pouvait bien lui trouver ?"

Agacé, son esprit était embrumé, intègre à ses convictions infondées, loin de toute timidité.

- Cesse d'exister !

Et elle dévala l'escalier, laissant une adolescente pétrifiée derrière elle. Les mots étaient sortis aussi vite que l'idée était venue, mais Fanny n'en souffrait pas moins. Les menaces qui pesaient sur elle devenaient éphémères face à l'insulte de sa cadette.

L'amour que l'on cède à quelqu'un nous rend aussi plus vulnérable.

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