Chapitre 24

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Assise devant sa glace, Pia Rita-Lans caressait les boucles soyeuses de sa chevelure blonde. Elle ressemblait à un ange, son maquillage léger faisant ressortir ses magnifiques prunelles vertes. Telle une princesse, elle quitta son siège pour choisir la robe qui la mettrait le mieux en valeur. Se décidant pour la petite bleue ciel, elle enfila néanmoins un collant, puisque l'on était en hiver, et se regarda à nouveau dans le miroir. Elle aimait se contempler. C'était s'assurer que sa beauté n'était pas morte. Beauté qu'elle devait entretenir, puisque les gens la définissaient ainsi.

Le physique de Pia ne lui appartenait donc pas. Quand elle observait sa silhouette, elle soupirait de soulagement. La nuit n'avait pas affecté ses traits parfaits. Repassant un coup de rouge à lèvres rose sur sa bouche, elle tenta de calmer son agitation, en vain. Aujourd'hui, Pia avouerait tout à Gatien.

L'adolescente descendit dans la cuisine sous le regard étonné de sa mère. Ce matin-là, elle était particulièrement ravissante. Monsieur Lans quitta même son portable pour l'admirer. Alors qu'elle s'asseyait pour déjeuner, Fanny arriva à son tour. Son jean bleu nuit était accompagné d'un sweat-shirt beige. Sans maquillage, elle s'était encore coiffée de son chignon mal fait. Pia, qui l'observait sans rien dire, plaignait la sœur aimante mais disgracieuse qu'elle avait toujours eue. Elle adorait Fanny, mais au lycée, marcher à ses côtés restait très embarrassant. C'est qu'elle avait une réputation à tenir ! Et son aînée ne l'aidait pas dans cette affaire.

Lorsqu'elle enfila ses souliers vernis, Pia jeta un œil aux baskets vieillissantes de sa sœur, et se mordit les lèvres. Elle ne saisissait pas pourquoi Fanny faisait tout pour se rendre plus laide qu'elle ne l'était déjà. Montant dans la voiture avec élégance - puisqu'elle soignait toujours sa démarche - elle leva les yeux en voyant Fanny et son allure de canard. Madame Rita-Lans conduisit les lycéennes à Marie Curie, et Pia rejeta ses cheveux en arrière dès qu'elle claqua la portière de la voiture. Ses meilleures amies, Kayla et Julie, silèrent en se précipitant vers elle, tandis que le fantôme Fanny rejoignait sa classe dans le silence. Ce cri d'alerte eut pour effet d'avertir tout l'établissement de l'arrivée de Pia, et les étudiants se retournaient vers elle, jalousement pour les filles, amoureusement pour les garçons. Elle traversa la cour comme une reine, les révérences accompagnant son approche, et discuta avec ses amies de tout et de rien. Néanmoins, le sujet Gatien Illys revenait plus souvent sur la table, et la belle blonde confessa ses intentions à Kayla et Julie, ébahies.

- Vous serez le couple de l'année ! s'écria Julie.

- C'est sûr. Il en aura de la chance le petit Gatien ! ajouta Kayla.

Pia ne put s'empêcher de rougir. La simple idée de tenir la main du garçon l'agitait profondément.

- Je vais tout lui dire… Maintenant ! s'extasia l'amoureuse devant l'air convaincu de ses camarades.

Les filles arrivèrent devant la salle, frénétiques, tandis que le cœur de Pia ne tenait plus. Mais au fur et à mesure que les élèves s'amassaient, les regards gênés fixaient la "Pia de Gatien". En effet, le garçon semblait le seul élève de la classe à n'avoir jamais remarqué les sentiments de la jeune fille à son égard. Aussi, l'adolescente surprit quelques murmures désagréables où les noms de Gatien et Fanny Rita-Lans revenaient. Lorsqu'elle s'attarda sur l'une des conversations, elle entendit une histoire qui changea à tout jamais ses rapports avec sa sœur.

Effrontée, Pia regarda ses amies qui avaient aussi entendu le récit et souriaient avec compassion. Refusant ces rumeurs sans fondement, l'étudiante fut pourtant ébranlée de découvrir Gatien et son œil au beurre noir, et hocha la tête, certaine que l'explication était plus "raisonnable" que ce qu'elle écoutait depuis tout à l'heure. Pourtant, les lèvres de Joris avaient doublé de volume, ce qui pouvait signifier qu'une dispute avait bien éclaté entre les garçons. La lycéenne se détourna lorsque Joris lui lança un regard qui se voulait coquin, mais était juste affreux avec son visage affecté. Elle rougit de honte. Et si les jacasseries disaient vrai ?…

"Gatien s'était-il vraiment battu pour défendre Fanny alors qu'il n'en avait jamais fait autant pour une autre ?"

Cette pensée brisa le cœur de Pia. Si la chose était vraie et que sa sœur s'était vraiment trouvée en danger, elle aurait dû être reconnaissante envers Gatien, mais n'y arrivait pas. L'adolescente avait mis tant d'espoir dans une relation avec le jeune homme que son amour propre en souffrait trop. Elle était d'autant plus désemparée que cette anecdote concernait sa propre sœur. Fixant Gatien du coin de l'œil, elle remarqua un étudiant exaspéré, presque menaçant, et oublia toutes ses pensées romantiques.

Alors que la journée défilait, les réflexions de Pia s'assombrissaient. Gatien, au fond de la classe, écoutait Joris, qui s'excusait sans arrêt, d'un air particulièrement agacé. À un moment, elle crut même qu'une nouvelle bagarre s'annonçait, mais rien ne se produisit.

A la fin des cours, elle quitta précipitamment la salle et attendit devant la porte, décidée à avoir quelque explication avec le jeune homme. Ce dernier, qu'elle réussit à retenir, la fusillait presque du regard, mais la seconde ne le fuyait pas. Elle était trop mortifiée par les images nauséeuses d'une Fanny et d'un Gatien enlacés que son esprit n'avait cessé de fomenter.

- Qu'est-ce que tu me veux ? s'énerva Gatien sans vraiment le vouloir.

Pia était sûre de n'avoir jamais été aussi si triste de sa vie.

- J'ai, j'ai entendu des choses…

Incapable d'en dire davantage, l'adolescente détourna la tête. Gatien, muet, avait rougi.

- Et je voulais savoir si c'était vrai, reprit-elle courageusement.

Le jeune homme souffla nerveusement, et regarda derrière lui, l'air ennuyé.

- Qu'est-ce que tu veux savoir ? lança-t-il, méchant.

La lycéenne plongea ses petits yeux larmoyant dans ceux de l'étudiant.

- Est-ce que tu t'es battu pour ma sœur ?

Gatien remua. Il s'était attendu à la question et se croyait prêt à y faire face. Mais rien à faire. Le silence s'installa. Pour y mettre fin, le garçon se racla la gorge, et parla d'une voix rauque.

- Je, j'ai agi comme la plupart des gens l'aurait fait.

- Mais qu'est-ce que tu faisais dans la bibliothèque ? gémit Pia, désespérée.

L'élève était trop mal à l'aise pour répondre. Regardant le sol comme un enfant coupable, il chercha un moyen d'abréger la conversation.

- Bah je cherchais un livre ! J'ai le droit, non ?

Pia retenait ses pleurs tandis que le lycéen "s'excusait, mais devait partir".

Dans la voiture qui ramenait les jeunes filles chez elles, Pia n'était plus la même. Elle ne croyait pas une seconde aux réponses de Gatien, et des pensées noires l'envahissaient. Alors que Fanny jetait un œil dans le rétroviseur, elle frémit. Sa cadette, rigide, la fixait avec dégoût...

... pour la première fois.

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