Chapitre 22

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Dans la bibliothèque, Fanny observait son devoir avec ennui. Elle avait deux semaines de retard sur son programme, et devait rendre sa traduction dans l'après-midi. Le menton entre les mains, elle désespérait en regardant les autres tables, vides, et souffla sans mélodramatiser. Une philosophie qui rendait sa situation bien pathétique.

"Comment viser l'enseignement quand on se lasse d'apprendre ?"

L'étudiante ferma les yeux, bercée par le silence, et somnola. Étrangère aux sons furtifs, elle fut néanmoins surprise par un bruit de chaise levée et un fessier s'y asseyant. Relevant sa tête qui commençait à pencher, ses yeux clignèrent quelques secondes avant de s'arrêter, net. Un adolescent, sourire aux lèvres, la regardait, l'air amical.

- Je peux t'aider ?

Troublée, Fanny bégaya quelques syllabes incompréhensibles. Gatien, plus avenant que d'habitude, sortit trousse et cahier de son sac sans demander à Fanny ce qu'elle pensait de son entrée en scène, et fit jouer un stylo entre ses doigts en jetant des yeux déplacés sur la copie de la jeune fille. Mimant des petits signes de tête en direction de la feuille, Gatien prenait ses aises pendant que Fanny le dévisageait, perplexe.

- Qu'est-ce que… commença-t-elle avant que le lycéen ne s'empare du contrôle.

Stupéfaite, un sentiment d'exaspération s'empara bientôt de l'adolescente. Gatien Illys, un gamin de seconde, lui ôtait nonchalamment sa copie pour en rédiger le contenu ! Reprenant son devoir par la force des mains, Fanny ne put réprimer un accent de colère et toisa durement le garçon.

- Ne te mêle pas de ça !

Intimidé, Gatien quitta ses airs de mâle dominant, s'assura que personne ne les regardait, et se pencha vers la jeune fille.

- Excuse-moi, c'est juste que, de loin, j'avais l'impression que tu avais besoin d'aide…

Saisissant la tournure de sa phrase, le visage de Gatien vira à l'écarlate. Fanny, gênée, attendait sans rien dire.

- Je n'ai pas besoin d'aide, largua-t-elle pour briser le silence. Maintenant, tu peux retrouver tes amis.

Voyant que Gatien ne bougeait pas, Fanny rangea son matériel et s'apprêta à partir. Paniqué, le lycéen attrapa son poignet d'une main tremblante, mais le regretta bien vite. Décontenancée par la brutalité du contact, la jeune fille couina, pensant faire face à une forme d'attaque, et ramena précipitamment ses affaires à elle. Sans réfléchir, Gatien lança : "Je suis bilingue, tu dois le savoir ?!", de sorte que la jeune fille s'arrêta.

Hébétée, l'adolescente cherchait les motivations profondes du jeune homme sans n'y rien comprendre. Pensant à sa traduction, elle frémit. Pourquoi lui donnerait-il un coup de main ? Jamais personne n'avait fait ça pour elle !

Soupirant devant l'interruption de Fanny, Gatien baragouina quelques mots anglais et tendit une main hésitante vers la copie. Tenant fermement les trois phrases qu'elle avait rédigées, la lycéenne lui remit finalement le devoir dans un air de confusion totale. Souriant timidement, son cadet ne la quitta pas des yeux jusqu'à ce qu'elle reprenne place à table. Là, il se racla la gorge, et joua les professeurs en expliquant le sens de chaque terme sans que cela intéresse un tant soit peu Fanny. Fixant le garçon, une pensée lui vint soudain. Elle l'apostropha : "Tu sèches ?"

Le jeune homme cessa son monologue indistinct. Interdit, il assura que non devant une adolescente récalcitrante.

- Je viens ici tous les vendredi matin, et je sais que Pia est en espagnol en ce moment. Or tu es dans sa classe, alors qu'est-ce que tu fais là ? 

Gatien sourit malgré lui, amusé. 

- Je fais allemand en seconde langue, pas espagnol. J'ai hésité entre les deux, mais je ne regrette pas mon choix…

Sans rien ajouter, le jeune homme rapporta son attention sur la feuille, les joues enflammées. Dans une atmosphère étrange, Fanny se convint d'accepter le renfort – puisqu'elle avait l'occasion d'avoir une bonne note à un exercice qui lui échappait –, et les étudiants travaillèrent dans un sérieux calomniant. Gatien jetait des yeux à Fanny quand la lycéenne s'intéressait étonnamment au contrôle. Après quinze minutes où le bilingue était seul à écrire, Fanny gagna un devoir excellent, dont la note aurait été divisée par trois malgré trois fois plus d'investissement de son unique part.

- Merci, émit-elle en récupérant sa copie.

- Je t'en prie. N'hésite pas à redemander mon aide… Pour quoi que ce soit.

- Mais je ne l'ai jamais demandée, rappela Fanny en souriant. Et puis, ce n'était pas vraiment une collaboration : tu as fait tout le devoir à ma place.

Le jeune homme rayonnait tandis que des sensations agréables l'envahissaient. Comme il était bon d'être soi-même et de ne rien devoir aux autres… Se suffire de la présence de celui ou celle qui nous attire, est-ce vraiment impossible ?

Voyez par vous-mêmes...

Alors que le jeune homme ouvrait la bouche pour répondre, quelques lycéens, jeans délavés, sweats à capuches et casquettes à l'envers, se rameutèrent. Livide, Gatien resta figé, puis saisit son sac avec précipitation tandis que ses amis arrivaient déjà.

- Hey, Gatien ! s'écria Joris, à la tête du groupe. Qu'est-ce que tu fous encore là, mec ? T'as dit que t'en avais pour cinq minutes !

Joris était un grand et beau jeune homme. Pas aussi séduisant que Gatien, certes, mais tout de même très attirant. La peau bronzée, les yeux charbonneux et les cheveux noirs bombés sous une casquette bleu électrique, il était plus musclé que son ami, même si Gatien l'était déjà assez. Mâchouillant un chewing-gum, il s'amusa jusqu'à ce que son regard dévie vers Fanny. Surpris, le lycéen fronça les sourcils et explosa de rire. Suivi de ses amis, Joris ne fut pourtant repris par personne. Il y avait, même au sein du personnel, une sorte de peur respectueuse envers le groupe qui n'était jamais vraiment réprimandé.

- C'est pour Ça que t'es venu ? T'aurais pu nous le dire !

Défaillant, Gatien s'assit sur la table dans un geste protecteur à Fanny tout en jouant les garçons insolents. La jeune fille, ainsi cachée, sentait son cœur battre à tout rompre.

- Non, je suis passé là par hasard, c'est tout… De toute façon, je redescendais…

Joris lança un regard lourd de sens à ses amis.

- Ouais, t'avais vachement l'air de te bouger quand on t'as trouvé !

- Ça va, on s'en fout. Bon, on y va ? s'énerva Gatien dont la peur grandissait.

Joris jeta un œil derrière son épaule sans cesser d'atomiser la sucrerie. Dans un sourire, il scruta Fanny avec perversité.

- Maintenant qu'on est là, je m'amuserai bien un peu…

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