Chapitre 13

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Agitées, les mains de Madame Rita-Lans malaxaient le volant tandis que ses lèvres remuaient sans parler. Jetant des regards furtifs à son aînée, qui était accoudée contre la portière à regarder la nature se lever, la mère de famille respirait difficilement. Lorsqu'elle s'arrêta devant l'établissement, elle regarda tour à tour l'édifice puis Fanny, et posa une main sur la cuisse de la jeune fille, de façon à ce qu'elle ne puisse s'en aller.

"Descends" ordonnèrent les yeux de Madame Rita-Lans à Pia.

Sans un au-revoir, la cadette s'exécuta, abandonnant Fanny aux prises de leur mère.

- Tu n'es pas obligée d'y retourner, commença difficilement Madame Rita-Lans.

Flegmatique, Fanny observait sa mère avec respect.

- Bien sûr que si, murmura la jeune fille alors que les joues de la conductrice se contractaient et que son regard revenait à Marie Curie. Nous en avons déjà parlé : ni toi ni Papa ne pouvez me faire les cours à distance. Vous avez vos propres soucis à gérer. Et je ne veux pas être la cause de votre malheur en vous empêchant de mener à bien vos activités.

- Nous payerons un professionnel pour te suivre, dans ce cas !

- Maman. Je veux retourner au lycée.

Madame Rita-Lans eut un rire mauvais.

- Je ne vois pas pourquoi tu insistes à ce point. On ne peut pas dire que ça t'ait apporté du bien !

Fanny se tut, comme toujours lorsque Madame Rita-Lans voulait avoir raison. Cette dernière, qui faisait naturellement plus jeune que son âge, semblait vieillie depuis quelque temps. Ses cheveux blonds avaient grisé, ses grands yeux pâles s'étaient teintés d'une tristesse propre à Fanny, et de petites rides étaient apparues au coin de ses lèvres.

- Devant un tel empressement de quitter ta famille, je ne peux te retenir plus longtemps.

- Maman…

- Va-t'en.

Madame Rita-Lans ouvrit la portière de Fanny, mettant ainsi fin à une conversation sans intérêt. L'adolescente quitta le véhicule en retenant un pauvre soupir, et fixa la berline noire jusqu'à ce qu'elle sorte de son champ de vision. Rejoignant le lycée, Fanny baissa les yeux pour éviter les regards surpris de ses "camarades". Quand, par le plus terrible des hasards, elle les leva enfin, ce fut pour apercevoir le groupe de Mathilde, de l'autre côté de la cour, qui se parlait en l'observant d'un air grave.

Instinctivement, la jeune fille prit un autre chemin. Ses nerfs étaient agités et sa tête allait exploser. Pour la première fois, son corps vivait en totale anarchie vis-à-vis de son esprit, qui se voulait rassuré. Car depuis l'incident, Madame Rita-Lans s'était battue pour que les agresseurs de Fanny soient retrouvés et punis, l'adolescente n'ayant pas voulu mener l'affaire en procès public. (Il reste plus aisé d'attaquer un criminel en justice - quelle que soit cette justice - que de soigner l'esprit qu'il a brisé.) Une élève de seconde avait alors confié à la direction ce qu'elle avait entendu en passant près des toilettes, ce matin là, et Mathilde, Sophie et Charlotte s'étaient rapidement retrouvées dans le bureau du proviseur. Mais bien qu'elles aient été réprimandées pour leur geste, le principal rejeta les allégations de "tentative de meurtre" ou "agression scolaire", préférant considérer leur comportement comme une "broutille d'adolescentes", plutôt que de s'entacher en reconnaissant la présence de potentiels "assassins" dans l'établissement. Néanmoins, on savait que la répétition d'un tel crime ne pourrait épargner le lycée une seconde fois, ce qui mettait Mathilde et ses adeptes dans une situation très délicate. Une autre attaque de ce genre les ferait obligatoirement renvoyer, et l'impact sur Marie Curie serait terrible.

La peur au ventre, Fanny se précipita vers sa salle de classe. Et alors qu'elle tournait au coin d'un couloir presque mort, une main attrapa brusquement son bras, l'obligeant à se retourner.

- Mais arrête de me faire la gueule Ann...

Le garçon arrêta sa phrase lorsqu'il découvrit le visage de Fanny. Effrayé, il lâcha la jeune fille et les deux parties reculèrent.

- Ah, non… Pardon, je me suis trompé…

Honteux d'avoir confondu sa petite amie avec Fanny Rita-Lans, l'adolescent s'en retourna, laissant une étudiante essoufflée et titubante derrière lui.

Reprenant sa marche, l'élève atteignit sa salle avec dix minutes d'avance sur le début des cours. Extirpant un livre de science-fiction de son sac, Fanny s'assit contre le mur et commença sa lecture, oubliant le reste du monde. Peu avant le déclenchement de la sonnerie, elle se redressa, rangea son roman, et attendit que le professeur arrive pour lui permettre de s'asseoir dans la plus affligeante des solitudes. Car, pour l'heure, Sophie et compagnie ne l'avaient pas encore rejointe. Autrement dit, Fanny ignorait toujours les répercussions que la détermination de sa mère causerait.

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