28 - Rage intérieure

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41ème jour de la saison du sapin 2448 - PDV Azéna
Le soir venu, après le couvre-feu, Azéna attendait Fayne dans la salle commune près du foyer au chaud. Enroulée dans une couverture de laine, elle observait les autres apprentis silencieusement. L'un d'eux avait toujours attiré sa curiosité. Il avait quelque chose en lui qui la rendait un peu mal à l'aise, mais elle n'arrivait pas a comprendre pourquoi.

Umah faisait ses devoirs d'anatomie dans un coin sombre installé à une petite table. Il semblait à la fois énervé et calme. Son humeur semblait souvent vaciller, ainsi il n'arrivait pas à se concentrer.

La salle commune était sereine si on ignorait les craquements du feu dansant du foyer. Umah baissa la tête. Une mèche rebelle dérangeait son champ de vision. Sa chevelure avait poussée rapidement. Cette dernière aurait descendue au bas de ses oreilles si elle avait été tombante, mais presque toutes les mèches refusaient de s'aplatir, ce qui donnait à son porteur une allure farouche. La main sur son cœur, Umah semblait vérifier qu'il était bien vivant. Après un instant, il laissa tomber sa main sur la table dans un mouvement lent. On aurait dit qu'il venait de mourir. Son sang pulsait toujours ses veines, mais son esprit n'était pas présent.

Il ne remarqua pas la présence de Fayne qui était entrée dans la salle commune. Son attention était perdue dans le vide et ses yeux étaient clos. Ce n'est que plusieurs secondes plus tard qu'une brise légère dérangea sa transe. Lorsqu'il ouvrit ses yeux gris profond, il aperçut une jeune dragonnière devant lui. Celle-ci semblait nerveuse, mais s'efforçait de sourire bêtement. Ses yeux noisette émettaient de la chaleur et de la douceur malgré sa situation délicate. Ce n'était pas cela qui allait charmer l'elfe des bois. Il lui lança un regard impatient et retourna à son travail.

Acceptant sa défaite, Fayne recula de quelques pas et croisa ses doigts ensembles en fixant le sol. Umah s'était entouré de sa coquille invisible une fois de plus et ignorait tout ce qui était à l'extérieur. Son comportement irritait Azéna. Fayne essayait tout simplement d'être amicale. Azéna savait que Fayne était assez perspicace pour remarquer qu'il n'était pas heureux. La dragonnière bleue essayait de lui parler de temps en temps, même que Azéna soupçonnait que son amie le trouvait de son goût. Fayne aimait déjà l'allure des elfes des bois en général et était souvent attirée par les garçons avec des problèmes de comportement. Elle essayait toujours de les guérir d'une façon ou d'une autre.

- Viens Fayne, dit Azéna en tentant de dissimuler son impatience. Allons dormir. Tu as besoin de ton repos.

Elle traîna sa couverture avec elle et guida son amie vers leur chambre. Elle s'assura que Fayne continua avant de s'arrêter au début de l'escalier. Lorsqu'elle jeta un coup d'oeil en direction d'Umah, les oreilles de ce dernier frémirent légèrement comme s'il était aux aguets. Il leva les yeux et aperçut une courte dragonnière au visage sévère encadré d'une chevelure d'argent qui l'observait. Il la dévisagea à son tour pendant un instant avant de parler:

- As-tu été élevé dans la société elfique? questionna-t-il avec neutralité.

- Non, répondit sèchement Azéna. Essayes-tu de m'insulter?

Umah resta neutre, immobile.

- Alors, tes parents étaient-ils des elfes?

- N...

Azéna s'interrompit car elle n'avait aucune idée de qui étaient ses parents. Répondre négativement à cette question aurait été un mensonge.

- Je ne sais pas, reprit-t-elle avec un peu moins d'assurance.

- J'assume que tu as été abandonnée par tes parents, en conclut Umah avec une mine sombre.

- Et alors? Je suis certaine que je suis humaine, tout simplement.

- Pourquoi une telle affirmation? Parce ce que les autres te l'ont dit?

Azéna ouvrit la bouche. Elle ne pouvait nier ce que Umah avait dit car c'était la vérité. Personne ne connaissait l'identité de ses parents donc, personne ne pouvait confirmer ses origines.

- Ne crois pas ce qu'on te dit, conseilla Umah. Vérifie par toi-même.

- On n'est jamais mieux servi que par soi-même, cita Azéna.

- On s'entend là dessus.

Umah retourna à son travail et laissa Azéna à son sort. Celle-ci repensa aux vérités qui venaient de lui frapper en plein visage. Elle y avait déjà songé à multiples reprises, particulièrement lorsque son frère Sérus lui avait révélé qu'elle était adopté pour la tourmenter alors qu'elle n'avait que sept ans. Les paroles de Bayrne résonnaient dans son crâne alors qu'elle se souvint de ce que son père adoptif lui avait répondu lorsqu'elle avait demandé une confirmation des paroles de Sérus.

- Tu es ma fille et personne d'autre ne saura que tu es adoptée, avait-il ordonné avec fermeté. Ne t'inquiète pas, je vais glisser un mot à ce propos à Sérus. Aussi, n'oublie pas, personne ne doit savoir.

- Pourquoi? avait demandé Azéna d'une voix suraiguë.

- Ne questionne pas. Fait seulement ce qu'on te dit. Ça vaudra mieux pour toi.

Azéna insista, mais malgré tout, Bayrne ne lui avait jamais répondu. Lorsqu'elle avait demandée à sa mère, cette dernière lui assura que c'était pour son bien qu'elle n'en sache pas plus. Par la suite, elle l'avait implorée de ne pas en parler à personne et que c'était pour sa sécurité. Azéna n'avait pas brisé sa promesse, sauf à Fayne en qui elle avait pleinement confiance. Cette situation lui avait apporté bien des nuits d'insomnies à se demander qui elle était et pourquoi elle ne pouvait pas savoir.

Depuis son départ de Nothar, elle se sentait enfin libre. Libre de faire et dire ce qu'elle voulait. Elle était en contrôle de sa vie et c'est pourquoi elle révélerait son véritable héritage à qui elle désirerait. Mais, ce Umah, c'était la première fois qu'il adressait la parole à un apprenti. Azéna se demandait si elle devait en être méfiante, heureuse ou honorée. Elle monta au dortoir et alla se coucher car demain, elle aurait besoin de toute son énergie pour prouver ses habilités dans le cours de vol.

***

Le lendemain, à la troisième période, fut le cours de vol. Tous les apprentis ainsi que leurs dragons étaient en ligne devant Maître Bicornas et Maître Edrihkej. Azéna avait toujours été très intéressé par les autres dragonniers gris. C'était comme un instinct familial, un désir de vouloir apprendre d'eux et de connaître leur relation vis-à-vis de leur dragon et élément. Puisque les dragons gris avaient tendance à se lier à des gens ouverts d'esprit, à tendance rebelle et libres, elle se demandait si sa personnalité et ses valeurs étaient semblables à celles de Sèrgus Bicornas.

D'ailleurs, le maître du cours de vol était directement devant elle. Il était moyennement costaud, très grand, avait un visage anguleux, une barbe d'un jour et portait une armure légère en cuir, un arc long foncé et une longue cape à capuchon qui ressemblait vaguement à celle de Reaginn. Sa chevelure brune en bataille grisonnait et ses yeux brun pâle étaient striés de doré.

- Comme vous le savez peut-être tous, commença-t-il, chaque dragonnier joue un rôle spécifique dans une guerre comme dans la vie de tous les jours. Ceux qui deviendront des maîtres en vol pourront se battre de n'importe où sur leur dragon et seront les plus rapides et agiles dans les airs. C'est très important pour tenir l'ennemi occupé lorsqu'on a besoin d'une distraction. Ces dragonniers pourront éviter toutes les attaques aériennes et traverseront de longues distances en peu de temps. Pour ceux qui souhaitent plonger dans la spécialité de géographie et de survie avancée l'année prochaine requièrent ces habiletés et je serai celui qui vous fera explorer un des aspects de ce chemin particulier. Si vous vous demandez, la spécialité géographie et survie avancée vous donnera accès à devenir un assassin - je suppose que vous savez ce qu'ils sont - ou un rôdeur, qui est essentiellement un éclaireur, un traqueur et un espion.

Il fixa son regard sur Azéna alors qu'il prit une brève pause.

- Pour ceux qui désirent devenir joueur de skotar, je vous conseille de ne pas prendre du retard dans ce cours. Mais, assez de bavardage. Qui se sent confiant pour une première balade en pleine air?

Environs la moitié du groupe, incluant Azéna, Umah, Teriondil et Arièlla, leva la main. Le teint de Fayne pâlit immédiatement. Buhrik lui donna un petit coup de museau amical sur l'épaule pour la réconforter, mais cela n'eut que très peu d'effet.

- Éh bien, dommage pour ceux qui ne se sentent pas prêts car vous avez appris les bases hier, dit Sèrgus en souriant diaboliquement. Vous allez prendre votre premier envol. Enfin, premier envol dans ce cours, rectifia-t-il avec une lueur joueuse qui brilla dans ses yeux. Montez vos dragons.

Les apprentis s'exécutèrent. Certain n'eurent aucune difficulté et se sentirent à l'aise sur le dos de leur compagnon tandis que d'autres tremblèrent tellement ils étaient effrayés. Fayne fut la dernière à s'installer sur la selle de son dragon. Elle se déplaçait si lentement, comme si chaque mouvement pouvait lui coûter la vie.

- Tout ira bien, assura Buhrik à Fayne. Je t'aiderai.

Au bord de la panique, Fayne ferma les yeux et prit de grandes respirations.

- Je t'en prie, pas trop vite le décollage.

- Ne me compare pas à ces fous, répliqua Buhrik en désignant Azéna et Tyrath du regard. Je tiens à ta sécurité et à ton confort.

- Prêts ? demanda Sèrgus.

Les apprentis s'accrochèrent aux rênes de leur monture. Azéna, pour taquiner Fayne, s'accôta contre l'énorme piquant qui saillait du dos de Tyrath juste derrière la selle. La dragonnière bleue fronça des sourcils et fusilla Azéna du regard puis, se concentra vers l'avant. Azéna rit de bon cœur.

- Hoé, assis-toi convenablement, ordonna Sèrgus à Azéna.

Azéna fit la moue et se remit en position droite. Ce Sèrgus avait un accent étrange; elle se demandait d'où il pouvait bien venir. Une fois satisfait de tous les apprentis qu'il inspecta un à un, Sèrgus donna le signal pour décoller.

- Dragons, prenez votre essor. Apprentis, accrochez-vous bien!

Fayne sentit les muscles de Buhrik se détendre puis se contracter. Elle accentua sa poigne aux rênes alors que le dragon bleu déploya ses ailes.

- Prête? questionna Buhrik avec tendresse.

- Ce n'est pas comme si j'ai le choix, répondit Fayne avec nervosité.

Buhrik s'élança dans le ciel à une vitesse qu'Azéna aurait considéré lente et que Fayne trouvait bien trop brusque à son goût. Alors qu'ils s'élevaient doucement, Azéna entendit Sèrgus qui hurlait:

- Hoé, hoé, non et je me répète non! Recommence, monsieur!

- Ça va, dit Maître Edrihkej qui semblait donner des conseils à un dragon. Juste assure-toi de donner des coups d'ailes puissants pour le décollage. Les humanoïdes paraissent petits, mais ils ont un impact. C'est une ajustement à prendre en considération; tu t'y habitueras.

Azéna jeta un coup d'oeil sous elle et aperçut Jessa Bane, une jolie humaine à la longue chevelure blonde, aux yeux bleus et au visage en forme de coeur qui était installé sur son dragonne blanche Kujah à qui Edrihkej donnait des conseils.

De son côté, Fayne hurla et s'accrocha à la selle comme si sa vie en dépendait. Dans son mouvement, elle tira sur les rênes et Buhrik tourna brusquement à la droite. Il poussa un glapissement et il faillit perdre contrôle de son corps.

- Soit consciente des rênes, avertit-il avec le ton de voix le plus doux qu'il put produire.

Fayne n'écoutait plus et ne regardait plus ce qui se passait. Elle s'était enfouit le visage dans ses bras qui étreignait le pommeau de la selle. Buhrik se stabilisa et plana lentement au-dessus du terrain.

- Ça va? questionna-t-il avec inquiétude.

Azéna qui avait observée la scène avec Tyrath d'au dessus secoua la tête.

- On devrait peut-être leur donner un conseil ou deux, se décida-t-elle.

Tyrath ricana et se positionna à côté de Buhrik qui s'efforçait de ne pas faire de mouvement brusques.

- Ah, bonjour jeune Tyrath, salua-t-il.

Azéna se pencha sur le côté et fit signe de la main pour attirer l'attention de Fayne qui paraissait sur le bord de vomir.

- Hé Fayne!

Elle attendit que son amie la regarde avant de continuer:

- Prends des grandes respirations, conseilla Azéna en tentant de paraître de plus calme et confiante possible.

La brunette lui obéit et sa respiration ralentit après quelques instants.

- Voilà qui est bien, encouragea Azéna avec un sourire bienveillant. Maintenant, essaye de sentir le battement de coeur de Buhrik.

- Comment dans une pareille situation? demanda Fayne dont la respiration devint un peu plus lourde sur le coup.

Azéna posa une main sur les écailles fraîches de Tyrath, mais elle se rendit vite compte que Fayne n'allait jamais retirer ses mains des rênes alors, elle opta pour les jambes.

- Serre les cuisses contre Buhrik et concentre-toi à ressentir sa respiration, son battement de coeur, son sang, sa chaleur, mais plus important encore, son mouvement.

Fayne hésita, mais obéit. Elle ferma les yeux et après quelques minutes, elle sourit faiblement.

- Je crois que je comprends ce que tu veux dire. C'est inexplicable, mais c'est comme si je peux prévoir ce qu'il anticipe et ce qu'il désir faire. Je crois que je peux ressentir ce qu'il sent.

Buhrik, les yeux attentifs, parut satisfait. Il hocha de la tête en signe de remerciement.

- Ce n'est rien, murmura Azéna qui ne put retenir un gloussement content.

- Il est temps d'atterrir, annonça Sèrgus en haussant le ton de la voix pour que chacun l'entende bien.

Fayne ne dit pas un mot et lorsqu'elle sentit Buhrik se poser, elle s'empressa de retourner sur la terre ferme. Elle faillit trébucher, mais Buhrik le soutien à l'aide de sa queue. Il la regarda alors qu'elle tentait de se rétablir du choc. Son tremblement ralenti un peu.

- Alors, vous avez aimé votre expérience? demanda Sèrgus.

- Pas du tout, murmura Fayne.

La plupart des dragonniers furent heureux de leur balade aérienne.

- Bien, bien, dit Sèrgus. La pratique est la clé lorsqu'on veut se sentir à l'aise. Maintenant, j'ai vu que quelques un d'entre vous étaient déjà à ce stade. Pourquoi ne pas tenter de faire une petite démonstration pour les autres?

Azéna et Arièlla furent les deux seules à se proposer pour l'activité. Sèrgus invita les deux à performer individuellement. Il par la suite demanda à un apprenti du groupe de faire apparaître quelques nuages d'ombre et se chargea de créer deux petites tornades immobiles, le tout utilisé comme obstacles.

Arièlla fut la première à faire le parcours; son dragon décolla et fit le tour du terrain en effectuant de multiples cascades impressionnantes avant de se poser à côté de Tyrath qui, comme à son habitude, se sentit menacé par la rivalité. Il grogna et bomba le torse.

- Faites de votre mieux! s'exclama Sèrgus. Montrez-moi de quoi vous êtes capables!

- Oh, nous allons vous le démontrer, répliqua Tyrath en affichant une expression malicieuse.

Sèrgus ricana joyeusement puis, il observa d'un air intrigué.

Azéna était aussi impatiente que son partenaire à jouer à ce petit jeu. Elle savait que Tyrath était beaucoup plus rapide et agile que le dragon d'Arièlla. Il était né pour ce genre de performance. Elle fixa les tornades avec intensité et s'imagina un parcours précis. Les nuages d'ombre étaient une nuisance, rien de plus, mais les tornades étaient ce qu'il fallait à tout prix éviter sinon les tourbillons venteux allaient les attirer vers eux et ce sera la fin.

- Allez y, alors, ordonna Sèrgus en souriant.

Tyrath prit son essor et, dès le début, évita un premier nuage d'ombre. Les courants d'air passaient entre ses multiples piquants, ce qui aidait énormément à la pénétration et à l'amélioration du contrôle de navigation. Azéna tenait fermement les rênes et sondait les environs pour n'importe quel signe de danger tandis que Tyrath s'occupait de la manœuvre aérienne.

La première tornade se présenta devant eux, mais de chaque côté se trouvait un énorme nuage d'ombre. Pour éviter le tout, il fallait passer en dessous d'un nuage. Azéna guida Tyrath vers le bon chemin avec les rênes et tenta de voir ce qui se trouvait derrière, mais l'épaisse brume noire embrouilla sa vision. Lorsque Tyrath se trouvait directement sous la brume, il aperçut une tornade de taille moyenne qui était camouflé par le nuage. Azéna tira les rênes vers la gauche et Tyrath battit furieusement des ailes pour se dégager du vent violent. Après maints efforts, il demeura immobile. C'était déjà bien que Tyrath fut assez fort pour maintenir sa position, mais pour combien de temps allait-il tenir? Le cœur du dragon battait farouchement et ses muscles étaient tendus. Il ne pouvait pas rester ainsi pour plus longtemps.

- N'arrête pas, encouragea Azéna avec détermination. Tiens bon un autre moment.

Paume face à sa cible, la dragonnière se concentra sur la tornade, le vent, ses moindres particules et tenta d'invoquer un sentiment de paix en elle.

- Soit sereine, murmura-t-elle à la tornade comme une prière. Calme ton âme puissante.

À sa grande surprise, la tornade fut affaiblit, ce qui permis à Tyrath de s'échapper.

- J'ai réussie, s'écria Azéna en tenant les rênes de sa main libre tandis que l'autre s'occupait toujours de maintenir la force de la tornade.

Les apprentis poussèrent des cris d'exclamations tandis que Sèrgus fixait fièrement Azéna en croisant ses bras.

- Allez, informa Azéna à Tyrath, on a surement perdu du temps et de la performance en se laissant engouffrer par ce piège. Il va falloir se surpasser pour la suite.

- Je trouve que tu mérites un peu de crédit pour ta performance surprenante, loua Tyrath, mais tu as raison. Il faut toujours donner son maximum.

Le drake se laissa planer pendant quelques secondes pour se laisser le temps de récupérer un peu d'énergie et fila vers les prochains obstacles qu'il évita avec grâce et aise. Il effectua quelques pirouettes et démontra à quel point son vol draconique avait été conçue pour le vol rapide et flexible. Vers la fin du trajet, Azéna s'amusait tellement qu'elle perdit sa concentration et lâcha les rênes. Lorsque Tyrath fit une rotation sur lui-même de 180 degrés, elle tomba. Tyrath poussa un rugissement d'effroi alors qu'il se rendit compte de ce qui se passait. Il colla ses ailes sur son corps pour amplifier sa vitesse et piqua vers le sol.

À quelques mètres de la terre, il attrapa Azéna avec ses mains. Azéna prit quelques secondes pour se remettre du choc et grimpa sur le dos de son compagnon. Tyrath, à nouveau dans une position verticale, évita une dernière tornade que Sèrgus créa sur le moment et se posa lourdement au sol à côté du maître en laissant des traces de griffes dans son sillage.

- Belle performance malgré les erreurs commises, informa Sèrgus. Vous avez déjà un bon sens de communication et de travail d'équipe. C'est bien. Et, je dois souligner que Apprentie Kindirah possède une maîtrise du vent supérieure pour une simple première année d'entraînement. Prenez son exemple en note.

- Maître Bicornas, je ne comprends pas ce qui s'est passé, dit Azéna. Je n'ais pas assez de force pour atteindre un tel contrôle sur une si puissante tornade, surtout sans l'aide de Tyrath.

- Ma jeune dragonnière grise, Aerinda dans son ensemble est vivante.La terre, le vent, le ciel, ils possèdent une âme, quoique bien différente de la nôtre. Parfois, lorsqu'on leur accorde notre respect et qu'on lui partage nos sentiments, ils nous répondent.

Sèrgus lui accorda un clin d'oeil et lui ébourrifia la chevelure. Edrihkej lança un regard curieux en direction de Tyrath qui s'efforçait à ce que son essoufflement ne paraisse pas.

- C'était très bien jeunot, complimenta le dragon gris adulte.

Tyrath remercia celui-ci en baissa la tête puis se redressa en bombant le torse.

- Vous avez bien vu nos volontaires, dit Sèrgus. Mais avez-vous remarqué ce que qu'ils faisaient? Le dragon s'occupe des actes physiques et ne pensent à rien d'autre tandis que le cavalier prend en charge les décisions et guette pour du danger. Le travail d'équipe est important en tout temps.

Au fond du groupe, Umah et sa dragonne brune Yuzia ignoraient l'enseignement de Sèrgus.

- C'était à toi de suivre les mouvements des rênes, murmura Umah avec irritation.

- On aurait été trop proche de l'arbre si on aurait fait comme tu voulais, répliqua calmement Yuzia.

- Et alors?

- Mon aile aurait été égratigné par les branches et aurait pu en être déchiré, répliqua la dragonne qui commençait à perdre patience.

- Bah! C'est qu'un arbre à la fin. Évite les branches.

- Ce n'est pas aussi facile que tu le crois, dit-elle après un bref soupir. Que tu peux être entêté.

- Pour qui tu te prends? aboya l'elfe des bois.

- S'il te plait Umah...

- Non! rugit l'elfe.

Son ton de voix montait dangereusement et, à présent, Sèrgus ainsi que les autres l'observait en silence. L'elfe des bois se rendit compte qu'il était le centre de l'attention et son visage se tordit de colère. Il fixait intensément Sèrgus. Yuzia s'en rendit compte et posa une main entre son dragonnier et le maître.

- Calme-toi, dit-elle fermement.

Umah ne réagit pas. Yuzia fronça les sourcils.

- Umah, insista-t-elle.

Umah serra les poings.

- Ferme ta gueule! hurla-t-il.

Yuzia fixa son dragonnier avec étonnement. Offusquée, elle secoua la tête puis, elle s'envola en fouettant l'air de sa queue.

- Voilà un exemple d'une situation fâcheuse entre dragon et dragonnier, dit Sèrgus. Cela ne doit surtout pas se produire en combat ou lorsqu'une vie est en péril.

Umah respirait avec férocité. Il fronça les sourcils. Azéna crut voir un changement subtil de teinte dans les yeux de l'elfe des bois.

- Regarde les yeux d'Umah, murmura-t-elle à Tyrath.

- Qu'est-ce qu'il y a? répliqua le drake.

- On dirait... Ce n'est plus la même personne. De plus, on aurait dit que le gris de ses yeux est un peu plus foncé.

Tyrath l'observa avec plus d'attention.

- Tu as raison. Est-ce une particularité des elfes des bois?

- Je ne sais pas, mais il a un regard de meurtrier. Je n'aime pas ça.

Umah empoigna son sac à dos et partit en trombe. Sèrgus le laissa partir, mais le regarda jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'une silhouette à l'horizon.

- Allez, filez, le cours est terminé pour aujourd'hui.

***

Le lendemain, l'humeur d'Umah ne s'améliora pas. Le simple fait qu'une fille discute avec une autre l'irrita tellement qu'il dû se concentrer pour ne pas que sa colère ne paraisse. Malgré ses efforts, Azéna avait remarqué et le surveillait de près. Son humeur noire l'inquiétait.

Au cours de vol, Umah fixa Sèrgus avec froideur en tout temps sauf lorsqu'il volait avec Yuzia. Les autres apprentis se tenaient loin de lui par peur de ses réactions imprévisibles.

C'est en après-midi, entre le cours d'anatomie et survie, que Azéna entendit une argumentation entre un garçon et une fille dans le corridor. Cachée dans le recoin du corridor précédent, elle aperçut Umah qui faisait face à deux dragonnières de première année : Renora et Naëshirie. Les poings de l'elfe des bois étaient crispés et ses muscles étaient tendus, comme s'il se préparait à attaquer. Renora était devant Naëshirie et était visiblement prête à défendre sa camarade de classe.

- Laisse-nous tranquille, ordonna Renora avec défiance. Va jouer ailleurs sinon...

- Vous êtes deux idiotes, rétorqua Umah avec rage. Sinon, quoi? Tu crois vraiment que tu peux me vaincre?

- Pourquoi je ne pourrai pas? Parce que tu es un garçon. Ouais, je l'ais dis. Tu es un garçon, sûrement pas un homme avec cet attitude.

Azéna ne savait pas ce qui s'était passé, mais si ça continuait ainsi, Umah allait perdre le contrôle de lui-même. C'était un des rares moments qu'elle ne savait pas comment réagir. Devrait-elle aller chercher un maître ou ne pas prendre ce risque? Si elle intervenait, Umah risquait d'éclater dans une frénésie et là, elle serait punie pour s'être impliquée dans un combat. 

Les paroles colériques venant des deux parties ne cessèrent pas. Finalement, Umah s'élança en direction de Renora qui ne bougea pas. Il tenta de la frapper, mais elle se protégea avec son bras. Azéna prit une décision et cessa de réfléchir. Elle courut en direction d'Umah et agrippa ses deux poignets pour handicaper ses mouvements.

- Calme-toi Umah sinon tu vas blesser quelqu'un et te faire expulser de l'académie, avoya la Daigorniènne.

- Arrêtez tout simplement, s'écria Naëshirie. C'est de la folie. C'est idiot se battre pour si peu.

- Non, rugit Umah. Elle mérite d'être puni pour son insolence.

Il commençait déjà à perdre le contrôle à nouveau. C'était étrange. Azéna sentait les muscles de l'elfe des bois amplifier lentement en puissance.

- Retrouve ton sang-froid immédiatement avant qu'un maître arrive, ordonna-t-elle.

Elle s'efforça de ne pas défaillir, mais ses bras ne résisteraient plus longtemps à la force supérieure de l'elfe des bois. Des pas retentirent dans le corridor. Azéna, prise de panique à l'idée que ce soit un membre du personnel, lâcha prise des poignets d'Umah. L'elfe des bois profita de sa distraction, fit volte-face et poussa Azéna. Celle-ci fut projeté au sol comme une poupée de chiffon.

- Tu vas voir ce qui arrive à ceux qui se mettent au travers du chemin d'un chaman, menaça-t-il.

Son ton de voix avait changé; il était plus profond.

Lorsque Azéna leva le regard, elle remarqua que les yeux d'Umah étaient beaucoup plus foncé qu'à la normale. Azéna ne savait pas grand chose à propos des chamans, mais selon le folklore qu'elle avait entendu dans Nothar, un chaman était un protecteur paisible de la faune qui possédait le don de la communication avec l'au-delà et non des gens violents comme le démontrait Umah. Azéna n'avait pas le temps de penser à tout cela. Ce changement dans ses yeux n'était clairement pas bon présage. Elle se leva d'un bond et, avec agilité, elle évita le coup de poing d'Umah puis, agrippa fermement son large bras.

- Cesse ces absurdités, supplia-t-elle avec un esprit fort.

Elle bloqua un deuxième coup de poing avec la paume de sa main libre. L'impact la secoua et elle ressentit une douleur aiguë tout le long de son bras. Alors qu'elle tenta de reprendre contrôle de ses émotions, elle aperçut Umah qui s'était fait lancé loin d'elle.

- Toujours là où l'ennui réside, dit une voix sévère qui parlait d'Azéna.

Reaginn tint fermement l'elfe des bois avec ses bras afin de l'empêcher de se défendre et de s'enfuir. Umah se débattit en vain; le maître de survie avait une poigne de fer sur lui. Il poussa un rugissement qui ressemblait plus à celui d'une bête que d'un humanoïde.

- Il fallait que je l'empêche, balbutie Azéna. Il allait les attaquer.

Renora fixa Azéna avec colère.

- J'aurai très bien pu me défendre.

- Peu importe, dit Reaginn avec calme. Vos actions seront reportées au grand maître et il en décidera les conséquences.

Umah finit par se calmer; ses muscles se détendirent et ses yeux retournèrent à leur gris pâle habituel. Reaginn le relâcha d'un coup sec. Il paraissait inassouvi, les traits de son visage durs. Umah fixa Reaginn de ses yeux maintenants écarquillés, examina ses environs et partit à grands pas en marmonnant des excuses. Reaginn l'ignora et posa son attention sur les trois filles.

- N'oubliez pas que vous avez un cours avec moi dans très peu de temps. Tâchez d'y être malgré cet évènement agaçant.

***

Le soir venu, Azéna raconta tout ce qui s'était passé à Fayne et Teriondil alors qu'ils étaient installés dans les gradins du terrain de skotar de l'académie d'Archlan.

- Peut-être si on essaye de l'aider sans essayer de le comprendre, proposa Fayne. Tout simplement proposer notre aide.

- N'y pense même pas, répliqua Azéna avec sévérité. Il est fou. Il devrait apprendre à maîtriser sa rage.

- Mais, il doit être incompris. Ça doit être frustrant.

- Je m'en fou. Je vais peut-être me faire expulser à cause de lui. Ne pense même pas à aller lui parler.

- Mais...

- Fais attention à toi et ne t'approche pas de lui.

- Que fait-on du plan?

Le trio avait planifié de tenter une dernière fois de devenir ami avec Umah. Le plan était que Teriondil l'approche puisqu'il était très nonchalant.

- On annule tout, décida Azéna. Je ne risquerais pas ta sécurité.

Elle n'avait jamais été aussi sérieuse et normalement, c'était elle qui ne faisait que répéter que la vie était un risque constant qu'il fallait prendre. Cette-fois, elle éprouvait de la crainte.

- La manière dont ses yeux changent, dit Teriondil, c'est étrange.

- Très, dit Azéna. Je n'ai jamais rien vu de pareil.

- C'est probablement lié à son humeur. Je suis d'accord avec Azéna. Fayne, je te conseil de te tenir loin de lui. Pour le moment au moins.

Fayne baissa le regard, ses yeux à la fois tristes et reconnaissants.

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