27 - Survie au cours de survie

21 minutes de lecture

41ème jour de la saison du sapin 2448 - PDV Azéna

La période des examens avait été douce sur Azéna et ses amis car ils avaient terminés plus tôt que la plupart des autres groupes. Enfin, c'était le temps pour une longue pause bien méritée. Azéna passa la plupart de son temps avec Tyrath à survoler les environs et à dormir tard. Parfois, Teriondil l'accompagnait dans sa balade aérienne ; les deux amis laissant Fayne au sol. Durant ces sept jours, il but énormément de thé et semblait encore plus lointain, mais ce n'était pas ça qui allait déranger Azéna. Elle le trouvait plutôt amusant car, il fâchait souvent Fayne en raison de son attention éphémère. Malgré tout, Turion occupait toujours les pensées d'Azéna.

Après quelques jours de tourmentes, Azéna s'était enfin confiée à ses deux compagnons. Elle leur raconta tout ce qui s'était passé durant l'examen, plus particulièrement lorsque Turion lui avait parlé. Elle avait encore peur que c'était un maître, ou encore Murun, qui l'avait mis au test. Si c'était le cas, elle attendait avec angoisse sa punition mais heureusement, rien ne s'était produit jusqu'à présent.

Fayne, curieuse comme à son habitude, s'était plongée dans les livres en espérant trouver une réponse à ce mystère. Elle et Teriondil affirmaient que ce nom leur était familier, mais ils n'arrivaient pas à trouver sa signification.

Le dimanche soir, Azéna entra par la fenêtre de sa chambre à dos de Tyrath qui avait volé avec elle toute la journée. Elle eut à peine le temps de souhaiter bonne nuit à son dragon et de s'asseoir sur son lit que Fayne se redressa d'un coup sec.

- J'ai trouvée l'identité de ce fameux Turion. Je cherchais trop profondément dans les livres avancés alors qu'il était dans notre historique de base.

Elle déposa son manuel d'histoire général sur la table de nuit.

- Tu l'as trouvé là-dedans ? questionna Azéna avec étonnement. Bah ça alors... Je n'en reviens pas. La réponse était sous notre nez tout ce temps.

- Terenas l'a dit au début de l'année. Turion, ou Turionthraluan, est le dragon qui a signé le pacte des dragonniers au nom de toutes les vols draconiques.

- Alors, il serait toujours vivant ?

- Impossible. Il était déjà massif durant ces années, ce qui signifie qu'il était à la fin de sa vie. Ça fait 499 ans de cela. Non. Pas après tout ce temps.

- Donc, d'après toi, que s'est-il passé durant l'examen ?

- C'était soit une vilaine farce qu'on ta fait ou plus probablement, c'était le fruit de ton imagination, sûrement causé par le stresse. Ton subconscient devait se souvenir de ce qu'avait dit Terenas.

- Une farce eh ? Mon imagination ? Non, non ! C'était bien trop réel.

- Tu as entendu la voix depuis l'examen ?

- Non...

- Bon, bah... Tu es moins stressée aussi. Alors, oublie tout ça. La période des examens est terminée et, demain c'est le début du deuxième semestre. Je vais me coucher.

Fayne s'enveloppa de ses épaisses couvertures en coton et ferma les yeux. De son côté, Azéna resta assise au bord de son lit, pieds touchant le sol, yeux fixés vers le plafond. Elle se demandait qu'est-ce qui s'était passé durant l'examen. Elle ne croyait pas à l'hypothèse de Fayne même s'il y avait de la vérité dedans. Turion devait être vivant. Si c'était le cas, comment avait-il endurer durant toutes ses années et pourquoi ne s'était-il pas manifesté ? La question la plus intrigante était : pourquoi s'était-il révélé à Azéna en particulier ? Pourquoi elle ? Qu'avait-elle de si spécial ? Elle y songea longuement et ne trouva aucune réponse. Il n'y avait pas plus ordinaire qu'elle comme jeune apprentie dragonnière. Peut-être que Tyrath aurait des réponses puisqu'il était un dragon, mais Azéna ne lui en avait pas parlé car elle craignait qu'il éprouve de la jalousie à ce propos et que ça devienne un problème. Son angoisse amplifia. Peut-être était-ce une mauvaise chose que Turion l'avait contacté. Les malédictions et l'art noire existait bien qu'elle ne l'avait jamais vu en pratique. Elle se leva et se dirigea en direction du miroir et s'observa minutieusement en tentant de trouver une anomalie ou un changement sur son corps.

Après dix minutes de recherche sans résultat, elle retourna s'asseoir sur son lit et s'accouda contre le rebord de la fenêtre. Dehors, une fine chute de neige tombait lentement. La pleine lune brillait avec puissance et sa lumière mystérieuse était reflétée sur les millions de petits flocons. Il y avait une mince couche de brume verdâtre dû à la teinte de la lune, ce qui réduisait le champ de vision d'Azéna. Elle réussissait à apercevoir les silhouettes des dragons qui appartenaient tous au vol blanc, noir et quelques un au gris. Azéna ronchonna, enfouit son visage dans le creux de son bras, ferma les yeux et tenta de chasser toutes ses pensées négatives de son esprit.

Quelques instants plus tard, elle entendit un grognement qui lui paraissait lointain. Croyant que ce n'était que le fruit de son imagination, elle ne réagit pas. Un deuxième retentit. Celui-ci était plus insistant mais toujours aussi faible. Puis, des crissements aiguës l'irrita assez pour qu'elle lève les yeux pour identifier la source de ce son. Elle aperçut une tête reptilienne aux multiples piques, dont quelques s'un étaient toujours immatures, aux écailles argentés et aux yeux violets qui la fixait au travers de la vitrine de la fenêtre.

- Tyrath, salua Azéna, se sentent soudainement mal à l'aise.

Le jeune dragon s'excita soudainement et déploya ses ailes avec amusement. Il se mit à fouetter le vide de sa longue queue. Il l'invita à sortir d'un mouvement de tête. Azéna sourit, mais lui fit signe qu'elle ne pouvait pas sortir.

- Il fait trop froid, dit-elle. De plus, le changement de température va réveiller Fayne et la neige va entrer.

Tyrath s'immobilisa et baissa les yeux avec tristesse.

- Désolé mais je dois aller me coucher car mes cours recommencent demain, lui expliqua-t-elle.

Tyrath hocha de la tête et s'envola pour disparaître dans la nuit.

***

Le lendemain, Azéna se réveilla en raison des grincements que produisait le lit de Fayne lorsqu'elle bougeait. La brunette s'était levée et fixait avec intérêt une longue feuille de parchemin.

- Qu'est-ce que c'est ? questionna Azéna d'une voix terriblement endormie et quasi-incompréhensible.

- C'est nos notes finales du semestre précédent et l'autre, c'est notre nouvel horaire, expliqua Fayne avec enthousiasme.

- Quoi ? s'écria Azéna avec une soudaine énergie.

Elle s'assit et aperçu deux parchemins sur sa table de nuit. Quelqu'un était venu les portés ce matin ou dans la nuit. Décidément, le personnel de cette académie l'impressionnait toujours autant. Elle prit celle qui l'intéressait le plus, soit ses notes finales. La légende des grades étaient en ordre croissant.

Il y était inscrit :

De passable à parfait, vous passez le cours.

N - Nulle

D – Désastreux

M - Mauvais

Pa – Passable

B – Bien

E – Excellent

P – Parfait

Notes de Kindirah, Azéna – Année 1 – Semestre 1

Bien-être du dragon I – Pa

Introduction à la psychologie draconique – B

Introduction aux éléments – E

Histoire générale – B

Introduction au karsayrethtès – B

Azéna était satisfaite de ses notes bien qu'elle aurait préférées plus d'excellents que de biens. L'important était qu'elle n'avait failli aucun cours. Décidément, elle n'était pas faite pour les cours théorique et ses notes le démontraient.

- Je peux voir tes notes, Fayne ?

Fayne hocha de la tête et elles s'échangèrent leurs feuilles. Lorsqu'Azéna vit les notes de son amie, son morale tomba.

De passable à parfait, vous passez le cours.

N - Nulle

D – Désastreux

M - Mauvais

Pa – Passable

B – Bien

E – Excellent

P – Parfait

Notes de Litfow, Fayne – Année 1 – Semestre 1

Bien-être du dragon I – P

Introduction à la psychologie draconique – E

Introduction aux éléments – B

Histoire générale – E

Introduction au karsayrethtès – E

Azéna et Fayne s'échangèrent à nouveau leurs feuilles.

- Merde, dit Azéna en faisant la moue, tu m'as battue partout.

- Sauf en introduction aux éléments, répondit Fayne avec tristesse. Cette note est affreuse.

- Tu es folle. Tu devrais être contente, tu t'es méritée un parfait en bien-être du dragon I.

- M'ouais... Je suppose.

- Bah, allons voir Teri.

Azéna enfila son uniforme d'apprentie dragonnière, empoigna son horaire, y jeta un coup d'œil, ramassa les accessoires dont elle avait besoin et descendit dans la salle commune. Il y avait énormément de mouvements ce matin-là car tout le monde se préparaient à leurs nouveaux cours. Azéna et Fayne cherchèrent Teriondil du regard et le repérèrent près du foyer en train d'observer sa feuille sur laquelle était inscrit ses notes.

Azéna la lui arracha des mains. Teriondil resta impassible malgré l'impolitesse de son amie.

- Azéna, grogna Fayne avec irritation. Tu es un désastre en bonnes manières. Je t'en pris, fait un effort.

La dragonniere grise ignora les critiques de son amie et lut la feuille:

De passable à parfait, vous passez le cours.

N - Nulle

D – Désastreux

M - Mauvais

Pa – Passable

B – Bien

E – Excellent

P – Parfait

Notes de Murkwan, Teriondil – Grade 1 – Semestre 1

Bien-être du dragon I – Pa

Introduction à la psychologie draconique – B

Introduction aux éléments – P

Histoire générale – Pa

Introduction au karsayrethtès – E

- Un parfait en introduction aux éléments, s'exclama Azéna.

Fayne lui arracha la feuille de parchemin des mains et la passa à Teriondil. Azéna fronça des sourcils et afficha une expression défiante en fixant Fayne. Cette dernière la fusilla du regard pour un bref moment puis, détourna son attention sur Teriondil comme si elle attendait un approbation de la part de l'elfe.

- Ne te fait pas de soucis, répondit Teriondil avec petit sourire.

Azéna roula les yeux, impatiente de passer à un autre sujet de discussion.

- Tyrath m'a dit qu'il y avait des cours de combat, mais je n'en vois pas sur le nouvel horaire.

- Ils ont fait des changements, expliqua Teriondil. L'an passé, il y en avait. D'après les maîtres, il y avait trop d'incidents car les premières année n'étaient pas assez mûrs pour ces cours. D'ailleurs, quelle classe avez-vous ce matin ?

Déçue de cette révélation, Azéna soupira et fourra son horaire dans la poche de ses pantalons sans se préoccuper du dommage que son action allait provoquer.

- En introduction à l'anatomie draconique, répondit Fayne. C'est enseigné par Maître Nors.

- Des cours théoriques partout, se lamenta Azéna en fixant l'horaire de Fayne. Quel embêtement... J'espérais voir Tyrath plus souvent.

- Pas tous. Le cours de vol te plaira sûrement ainsi que celui de développement de soi et de survie.

Azéna se décida à donner une chance à ces trois cours. Elle sortit son horaire de sa poche et le déplia avec un mouvement sec. La feuille de parchemin faillit déchirer sous la tension.

- Survie, c'est enseigné par Ruvior... Ça va être une joie... De plus, le cours de développement de soi me fait penser à un cours de psychologie. On va probablement tous se mettre en rond et ruminer sur nos problèmes pendant une heure. Voyons... Nikala Sombrelame, je ne l'imaginais pas comme une hippie sentimentale.

- Oh, arrête de juger, aboya Fayne. On verra bien. Ça va te faire du bien de travail sur comment tu te sens.

- C'est surtout centré sur le développement mental de soi-même, expliqua Teriondil.

- Tu as un exemple ? questionna la brunette avec intérêt.

- Contrôler ta rage ou encore, ne penser à absolument rien. J'ai entendu que la méditation en fait partie aussi. Je suis très enthousiaste pour ce cours.

- Il faut faire ça pour être dragonnier ? demanda Azéna, complètement prise au dépourvue.

- Absolument, dit Teriondil avec une sérénité rêveuse. Pour devenir bon dans n'importe quel art qui requiert la concentration et l'entraînement physique, c'est important d'avoir un bon contrôle mental.

- Arf... Misère.

- J'avoue. De ton côté, ça va être la grande misère.

- Merci pour l'encouragement, répondit Azéna avec sarcasme. C'est vraiment apprécié.

***

La journée passa rapidement car le changement de routine était agréable. Azéna était particulièrement excitée pour le cours de vol qui se donnait dans l'enceinte de l'académie. Elle et Arièlla avaient impressionnées Sèrgus Bicornas, le maître qui donnait ce cours. Sèrgus, un homme dans la quarantaine aux cheveux épais et grisonnants et au sourire loufoque, était lié avec un dragon gris dénommé Edrihkèj. Ce dernier était de taille moyenne, avait un long museau aux grosses dents qui obstruaient sa gueule, des écailles foncées et des yeux argentés ce qui plaisait beaucoup à Azéna. Elle se sentait dans son élément et s'entendait à merveille avec les deux. Fayne, de son côté, fut anxieuse du début à la fin de la période. Sa phobie des hauteurs l'empêchait de prendre plaisir au cours. Buhrik avait beau tenter de la calmer, mais ça ne marchait pas. Sèrgus n'aidait pas ; il était sévère avec elle.

- Il faut te préparer pour les dangers d'Aerinda et avoir une bonne maîtrise lors du vol, lui expliqua-il. C'est une base fondamentale.

Fayne baissa la tête, honteuse d'elle-même. Buhrik vint à ses côtés.

- Patience, Maître Bicornas, supplia le dragon bleu. Donnez-lui le temps qu'il lui faut. Elle en viendra à bout de sa peur. Je serai là pour l'aider. Il est très difficile de contrôler une phobie.

Fayne fixa Buhrik avec un regard plein de gratitude.

- Buhrik a raison vous savez, dit Edrihkèj qui avait regardé son cavalier interagir avec les étudiants sans faire un commentaire pour la plupart de la période. Vous devez travailler sur cette patience. La jeune femelle humaine se sentira à l'aise avec le temps, le dévouement et la pratique, que je suis sûr qu'elle possède.

- Merci, Maître Edrihkèj, dit Fayne en s'inclinant.

Sèrgus posa simplement son poids sur une jambe, réfléchit un instant et sourit joyeusement.

- Nous allons travailler avec cela. Tout le monde est différent, oui oui.

Azéna, qui avait observé de loin, était heureuse pour son amie. Elle devait admettre qu'elle s'était inquiétée pour elle.

D'après le trio, la cerise sur le gâteau allait être le cours de survie à la cinquième et dernière période de la journée. Les trois compagnons étaient stressés à l'idée des méthodes d'enseignement de Reaginn. Teriondil avait coulé son cours de survie l'an passé.

- Comment est-il comme enseignant ? questionna Azéna à Teriondil alors qu'ils se dirigeaient vers la salle de classe.

- C'est le genre de maître qui ne se laisse aucunement marcher sur les pieds, expliqua Teriondil. Il te pousse à ton potentiel maximum et ce, par n'importe quel moyen, incluant la manipulation et l'intimidation s'il juge que c'est la meilleure méthode à employer. C'est pour une bonne cause, mais il arrive parfois à un point où il détruit tout simplement l'esprit de son apprenti.

- Est-ce qu'il t'a endommagé ? demanda Fayne, complètement outrée par l'idée.

- Pour être honnête, je n'étais pas à mon meilleur comportement dans cette classe et j'avais des problèmes de concentration alors, il s'en prenait beaucoup à moi.

Azéna imaginea les horreurs que Teriondil avait dû endurer pour cet homme acerbe. Elle ne trouvait pas surprenant qu'il avait échoué le cours. Un jour, elle allait défigurer Reaginn avec un coup de poing solide et cette pensée lui apporta beaucoup de satisfaction.

- D'après mes expériences dans le donjon avec lui, Teriondil a tout à fait raison, dit-elle. Il te pousse jusqu'à l'épuisement et même plus loin. Le tout jusqu'à ce que tu apprends de tes erreurs. Mais, à la fin de cette épreuve, je suis devenue amie avec Arièlla alors que je ne l'aurais jamais cru possible avant.

Les yeux de Fayne s'écarquillèrent encore une fois.

- Je savais que tu avais eut du fils à retordre durant cette retenue, mais pas à ce point. Tu ne m'as jamais vraiment raconter les détails...

- Ce n'est pas la peine de t'inquiéter avec ça, répliqua Azéna en s'assurant de soigneusement éviter le regard de la brunette. C'est fini maintenant. Reaginn est une brute, il n'y rien de plus à savoir.

- N'essaye pas de me protéger Azéna Kindirah, aboya Fayne.

Le trio arriva devant la porte de la classe de survie et prirent une grande respiration.

- Allons affronter le maître du donjon, déclara Azéna.

Elle ouvrit la porte et s'avança. Derrière elle, elle pouvait sentir la fureur de Fayne qui la suivait en silence. Elle espérait que la brunette aurait oublié cette conversation d'ici la fin de la période, mais Reaginn allait servir de rappel constant.

Dans la salle de classe, les apprentis pour la plupart discutaient à haute voix. Leur imprudence étonna Azéna.

- Ça va bien commencer le cours ça, dit-elle avec sarcasme.

- Même si Reaginn n'est pas encore arrivé, dit Fayne, toujours aussi frustrée, ce n'est pas une raison de prendre de tels risques.

- On va se faire pendre.

- Par la peau des fesses, termina Fayne sèchement. Et toi, continua-t-elle en s'adressant à Azéna, je ne t'ais pas oubliée.

- Merveilleux, murmura Azéna pour elle-même.

Ils prirent place à un bureau l'un derrière l'autre et attendirent avec anxiété dans le silence. Fayne jouait avec sa plume avec une légère obsession, Azéna tapait du pieds comme un lapin et Teriondil avait les yeux un peu plus gros qu'à son habitude.

Quelques instants plus tard, la porte de la classe s'ouvrit à la volée et un homme au regard sombre équipé d'une armure en tissu épais, en cuir obscur et d'un peu de cotte de maille usée pénétra dans la salle. Il s'arrêta devant les apprentis qui le fixaient avec abasourdissement. Sa seule présence, son aura intimidante, avait obligé le silence. Étant légèrement musclé, en forme et jeune, Reaginn avait l'allure d'un survivant, de quelqu'un qui avait lutté toute sa vie. Il observa les apprentis de son regard pénétrant et menaçant.

- Je crois qu'on se connaît tous, commença-t-il sur un ton sévère, mais en cas du contraire, je suis Maître Ruvior et personne ne m'appellera autrement sauf si vous êtes dans mon donjon... Dans ce cas uniquement, vous pouvez m'appelez Maître du Donjon Ruvior. Des questions ?

Il fit une pause pour laisser la chance aux apprentis de parler, mais personne ne prononça un mot. Il continua donc sur son ton mielleux qui agaçait tant Azéna:

- Je ne suis pas celui qui donne le cours de survie pour rien. J'ai de l'expérience en la matière et j'ai vu des choses qui vous auraient déchirés l'âme si vous aviez été à ma place. La douleur, personne ne la connaît mieux que moi. C'est pourquoi je vais vous préparer à tout cela afin que vous ne répétiez pas mes erreurs, ce que vous allez probablement commettre de toute façon.

Le maître aux cheveux ébène paraissait se régaler de ces propres prédictions; il offrit à son audience un sourire en coin malicieux que certain n'aurait pas détecter, mais Azéna ne le manqua pas. Cette dernière grinça des dents et s'efforça de ne pas réagir.

- Quelles ont été vos erreurs, Maître Ruvior? questionna Katanor avec une innocence qui allait bientôt disparaître sous le choc.

- Ce n'est pas de vos affaires, Apprenti Diramin. De plus, je ne vous aurais pas répondu même si je l'aurai voulu car je crois en la politesse en salle de classe.

Katanor cligna des yeux en fixa Reaginn avec confusion.

- J'ai fait quelque chose de mal ?

- On ne parle pas à moins d'avoir la permission Apprenti Diramin, expliqua Reaginn avec autorité. C'est un affront sérieux dans certaine situation et vous pourriez vous mériter une place sur un pique pour cela. Je ne crois pas que votre tête idiote désire s'y retrouver.

Katanor déglutit difficilement. Azena sentit l'aura de Reaginn saillir dans son esprit, comme s'il lui tenait tête à la place. Une goutte de sueur ruissela sur sa tempe droite; le malaise ne fit qu'empirer.

- Pourtant, continua Reaginn en observant le jeune elfe gris avec intérêt, chez les elfes gris, une acte d'impolitesse pourrait vous attirer de sérieux ennuis. N'avez-vous pas appris les règles de survie qui s'applique à la citée sombre de Norkux? Ou peut-être êtes vous un peu trop comfortable ici?

- Je suis un Diramin, s'offusqua Katanor après une brève pause. Je n'ai pas besoin de les apprendre! Je suis descendant du Père des elfes gris et membre de la famille royale de Norkux! Je suis au dessus des règlements et des lois!

- Décidément, tu n'as pas encore réalisé les risques de vivre dans cette société malgré ton statut social. Ton grand frère est beaucoup plus... prudent.

Incroyablement, Reaginn paraissait plus serein que jamais, contraire à Katanor dont le visage était devenu un gris écarlate étrange et dont une veine pulsante faisait son apparition sur son cou.

- Qu'est-ce que tu racontes ? aboya-t-il. Personne ne s'attaque aux Diramin.

- Jusqu'à quand cela dura-t-il ? Rien n'est éternel, particulièrement dans la société elfe grise. Souviens toi bien de cela. De plus, on t'a mentis pour te faire croire que ta famille était à l'origine de la montée des elfes gris.

- Quoi ?

- Ton ancêtre n'était pas le Père des elfes gris et encore moins leur premier roi. Tu n'as jamais entendu parler de l'elfe gris à la peau blanche, celui qui a échappé à la malédiction ou la bénédiction, dépendant du point de vue, de Noktow?

Katanor ne dit rien. Il était à court de réplique.

- Pris au piège comme un rat, n'est-ce pas ? demanda Reaginn. Apprends ta leçon et éduque-toi dans les livres qui ne sont pas originaire de Norkux car toute ressource dans cette ville, qu'elle provient d'un être vivant ou d'un objet, n'est pas fiable.

Encore une fois, Reaginn avait été sans pitié, mais il avait soutenu ses arguments et avait gagné. Il n'avait même pas attaqué Azéna et la jeune dragonnière se sentait toute petite à côté du maître du donjon. Tous les yeux, pétrifiés par la peur, étaient rivés sur Reaginn. Ce dernier en avait terminé avec Katanor; c'était l'heure d'inspecter un autre apprenti. Ses lugubres yeux vert sombre se fixèrent sur Fayne.

- Avez-vous essayé de passer votre première année d'entraînement plus d'une fois ? questionna-t-il.

- Non, Maître Ruvior, répondit-elle en baissant les yeux.

- Vous êtes plus vieille que la norme.

- Oui, Maître Ruvior, répliqua la brunette d'une voix légèrement cassée par la gêne.

Puis, Reaginn se retourna vers Teriondil et ses traits faciales se durcirent.

- Vous, par contre, avez échoué l'an passé, Teriondil Murkwan. J'espère que vous êtes réveillé et sérieux cette-fois sinon, sortez de ma salle de classe. Ne me faites pas perdre mon précieux temps.

Teriondil n'osa pas répliquer. Il attendit tout simplement que Reaginn passe à quelqu'un d'autre. Reaginn continua de balayer la salle du regard et s'arrêta à Arièlla qui était la seule à ne pas paraître intimider.

- Ne vous attendez pas à recevoir des traitements spéciaux, héroïne du skotar.

Il pivota sa tête et posa son regard sur Azéna. Pendant un long moment, il ne dit rien et ne fit que la fixer avec un mélange d'intrigue et de sévérité. Azéna se baissa légèrement dans sa chaise.

- Je ne vais pas tolérer un comportement désagréable ni une attitude rebelle de votre part Apprentie Kindirah, avertit Reaginn. N'arrivez pas en retard car vos excuses de noblesse ne marcheront pas avec moi. Vous n'êtes pas plus spéciale qu'un autre.

- Je sais ça, grogna Azéna dans un murmure avant de se rendre compte qu'elle avait été impulsive.

Heureusement, Reaginn ne commenta pas. L'adolescente ressenti un mélange bizarre de rage et de contentement. Ce sentiment ne se dissipa pas avant que Reaginn ne commence à enseigner. D'un côté, elle détestait qu'on l'a menace mais, d'un autre côté, elle appréciait que, à l'académie d'Archlan, elle n'était plus une dame. Chez elle, elle pouvait briser les règles comme elle le désirait sans avoir besoin de se soucier de quoique ce soit sauf de la colère son père et de son frère qui signalait toutes ses bêtises. À l'académie, c'était bien plus amusant de s'enfuir de l'autorité qui se trouvait partout.

- La vie est une jungle et vous n'êtes que ses habitants, dit Reaginn en croisant les bras. Partout où vous irez, il y aura des traîtres, des manipulateurs, des escrocs, des infidèles et des tueurs. Chaque être possède des désirs, des passions et des buts. Certain feront tout en leur pouvoir pour les atteindre. Même vos parents ne sont pas entièrement bons pour la simple raison que personne ne l'est; certaines personnes sont plus sur le côté blanc de la gamme, tandis que d'autres penchent sur le côté noir, alors que les autres errent dans la zone grise. Nous avons tous nos sombres secrets. C'est à vous d'être prudent et ce qu'importe si vous serez la proie ou le prédateur. Le prédateur est confiant, mais sa nourriture pourrait très bien être empoisonnée. La proie est nerveuse et docile, mais elle peut posséder des armes mortelles.

Les apprentis étaient tous livides sauf Arièlla qui ne paraissait pas impressionner. Reaginn expliqua le fonctionnement de base des poisons, où on les trouve et comment neutraliser la plupart d'entre eux. Ensuite, il parla pendant quinze minutes à propos de manières efficaces pour achever un animal le plus rapidement et le plus humainement possible. Durant l'explication, Reaginn jeta plusieurs coups d'œil en direction de Teriondil pour s'assurer qu'il était toujours attentif. Azéna remarqua que son ami faisait l'impossible pour résister à la tentation de plonger dans ses pensées. L'une des veines de son front ressortait légèrement tellement il se concentrait. Azéna eut l'impression que la tête de Teriondil allait finir par exploser. Dans un sens, elle comprenait les raisons derrière les méthodes d'enseignement de Reaginn mais, d'un autre côté, elles lui donnaient envie de se lever et de lui hurler des injures. Elle tenta de dissimuler son irritation ainsi que son envie d'aider son ami. Les autres apprentis et Reaginn, ne devaient pas comprendre ni connaître Teriondil comme elle et Fayne. C'est pourquoi, pour eux, ce n'était pas grand-chose, mais Azéna voyait bien plus loin qu'eux.

Finalement, Reaginn remis des documents à chaque apprenti.

- À présent, vous allez me répondre aux questions suivantes. Le tout doit se faire en silence et je veux qu'il soit rempli pour la fin de ce cours. Si vous avez besoin d'aide, référez-vous à votre manuel. L'apprentissage indépendant sera votre meilleur ami. Il est très important dans la vie.

L'expression de Teriondil se détendit. Il n'avait plus besoin de garder ses yeux fixés sur Reaginn. Ce devoir était presque une pause pour lui.

Un léger coup de vent traversa la classe. Teriondil sursauta et les pages du manuel de Katanor défilèrent et s'arrêtèrent à une page précise. L'elfe gris plissa les sourcils et jeta un bref regard de haine en direction du maître du donjon. Reaginn ne s'en préoccupait plus ; il parla à la classe en générale.

- On ne perd pas son temps dans ma classe, dit Reaginn avec froideur.

Quelques minutes plus tard, Azéna leva la main, mais Reaginn ne lui accorda aucune attention. Elle se fâcha après quelques tentatives inutiles.

- Puis-je avoir de l'aide ? questionna Azéna avec impatience. Je ne comprends pas le sens de la question seize.

- Politesse Apprentie Kindirah, répliqua Reaginn avec neutralité.

Azéna se leva en frappant ses deux mains sur son bureau.

- Tu n'es pas très poli toi-même. Politesse pour politesse.

- Je suis de son avis, osa dire Gragèn qui avait été transparent jusque-là.

Azéna instantanément sû que le garçon roux disait cela uniquement pour se mettre en difficulté avec le maître intolérant de la survie. Cependant, elle espérait que ses plans ne fonctionneraient pas. Elle jeta un regard provocateur à Gragen, lui laissant savoir qu'elle ne le laisserait pas faire à son gré sans interférer.

- Retenue à tous les deux pour impudence, déclara Reaginn.

Reaginn reste impassible, comme s'il ne s'était rien produit de grâve. Azéna serra les dents dans sa frustration. Au moins, elle pourrait surveiller Gragèn durant leur retenue.

- Quand ?

- Dans deux jours, répondit l'homme aux yeux sombres. Ce soir et demain, je n'ai pas le temps pour vous. Alors, soyez à l'heure, après les cours. Vous savez où puisque vous vous y êtes déjà retrouver tous les deux, n'est-ce pas ?

Azéna serra ses mains en poings et du se retenir pour ne pas frapper le bureau à nouveau. Elle tremblait de colère. Cet homme avait dépassé les bornes. Il avait été grossier et avait dit des choses privés à propos de tous les apprentis ouvertement dans la classe. Il cherchait constamment à humilier. N'avait-il pas un peu de sens du professionnalisme ou même, de politesse ? Malgré tout, il s'y prenait bien car personne ne s'était offusqué contre lui sauf elle et Gragèn. C'était comme si il tournait assez autour du pot pour éviter de fâcher les autres mais, en même temps, il ne manquait pas à sa grossièreté. Il jouait sur une fine ligne et Azéna n'allait pas se laisser avoir.

À la fin du cours, Azéna s'empressa de sortir de cette salle de classe infernale à grande pas lourds. Elle sentait qu'elle s'était trouvée une raison de rallumer la flamme de colère en elle qui s'était éteint depuis son départ de Nothar; elle avait une dent contre Reaginn pour être insupportable et cruel et contre Gragen pour se laisser manipuler par Serfantor. Teriondil et Fayne la rattrapèrent.

- Ça va ? demanda Teriondil avec inquiétude.

- Pas de le choix, répliqua Azéna avec froideur.

Elle se sentit soudainement comme si on la surveillait. Elle tourna la tête et là, au coin du corridor, elle aperçut Reaginn qui la fixait en souriant malicieusement. Il disparut avec finesse dans l'ombre.

- Quoi ? demanda Fayne qui suivit le regard de son amie. Qu'est-ce qu'il y a ?

- Rien, répondit-elle, soulagée que la brunette n'avait rien vu.

Elle continua son chemin en direction du Hall d'Archlan où un souper digne d'un roi les attendait.

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