25 - Comfort sous les étoiles d'hiver

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44ème jour de la saison de la lune 2448 - PDV Azéna
Le premier semestre touchait enfin à sa fin. Dehors, une tombée de neige fraîche parsemait le sol gelé d'une mince couche de flocons blancs. Le deuxième soleil se faisait lointain et la noirceur prenait le contrôle du ciel tôt. Tout de même, ce n'était pas ces conditions qui empêchaient une jeune dragonnière rebelle et son dragon de s'amuser et de s'entraîner.

- Les examens sont dans quatorze jours, expliqua Azéna à Tyrath. J'espère que mon karsayrethrès n'est pas trop moche. D'ailleurs, comment ça se passe ton apprentissage de la langue commune? Tu sembles mieux prononcer tes mots dernièrement.

Tyrath planait paresseusement dans les nuages froids. Il vira à la droite et tourna le regard vers sa compagne.

- Tu seras parfaite. Ne t'inquiète pas. D'ailleurs, puisque vous humanoïdes avez une extrême difficulté à prononcer notre langue, vous n'êtes tester que pour la compréhension et l'écriture. En ce qui concerne la langue commune, nous avons pratiqués ensemble et nous voilà en train de discuter dans le ciel. Je m'améliore mais, ma pauvre langue est parfois tordue à la fin de nos discussions.

- Tu as raison, répondit Azéna. De plus, j'ai encore un peu de temps à étudier... Je déteste la théorie.

Elle s'accota sur un énorme piquant qui jaillissait du dos de Tyrath et releva le capuchon à poil de son manteau pour se protéger le visage d'une brise mordante.

- Il y aura de l'action durant le prochain semestre, dit Tyrath. Ça, je peux te le garantir.

- Comme quoi? s'excita Azéna avec avidité.

- Par exemple, le cours de vol et celui de combat.

- Génial! On va enfin travailler ensemble sur une base régulière.

- C'est le principe d'être une équipe.

- Quatorze jours de congé... Ça va nous faire du bien, dit Azéna en s'étirant les bras.

- Tu veux dire quatorze jours d'études, dit une voix familière qui provenait de derrière.

Les deux compagnons tournèrent la tête pour identifier le nouveau venu. Un dragon bleu aux yeux turquoises planait derrière eux. Azéna s'attendait à voir Fayne sur le dos de Buhrik, mais elle se rappela que son amie détestait les hauteurs et n'avait encore jamais osée monter son dragon.

- Bonsoir Buhrik, saluèrent Tyrath et Azéna au même moment.

- Comment vont les études? questionna le dragon bleu.

- Pas encore commencé, répliqua Azéna.

Buhrik lança un regard désapprobateur en direction d'Azéna et la pointa brièvement d'un doigt.

- Tu prends des risques à être installé de la sorte, jeune dragonnière, dit-il en faisant référence à sa position.

- Bah! Je suis habituée à voler avec Tyrath, aboya Azéna.

- Bien sûr, dit ironiquement Buhrik, j'oublie. Vous allez faire des hautes notes au cours de vol, ce qui n'est pas étonnant quand on a un dragon gris pour compagnon.

Azéna ne remercia pas le dragon bleu pour son compliment car elle avait l'impression qu'il se moquait légèrement d'elle et Tyrath.
« Au moins, nous on vole, songea Azéna. »

Buhrik secoua la tête et un sourire se dessina sur ses lèvres.

- Je vais me réchauffer. Mes ailes commencent à geler. Ce froid est insupportable.

Il fit volte-face et piqua en direction du Grand Nid. Des petits glaçons avaient commencés à se former sur les extrémités de ses ailes.

- Tu n'as pas froid? demanda Azéna à Tyrath.

- Non, répondit-il. Ce n'est que dans des températures extrêmes que je deviens inconfortable. Buhrik est un dragon à sang chaud. Il est fragile quand ça vient au froid.

Azéna cligna des yeux et observa Buhrik rapetisser lentement au loin.

- Hé, Tyrath, tu crois que Buhrik est tout simplement venu nous voir parce qu'il s'inquiète pour Fayne?

- S'inquiéter? questionna Tyrath avec surprise. Mais pourquoi devrait-il s'inquiéter?

- Bah, Fayne est zélée avec les études ces derniers jours.

- C'est pas son comportement normale ça?

- Mmm m'ouais, mais encore plus que d'habitude. Elle ne devrait pas négliger son temps avec Buhrik pour autant. Le pauvre, il doit s'ennuyer. Les maîtres nous disent tout le temps qu'il est important d'interagir avec nos dragons quotidiennement. Être dragonnier...

- C'est une vie à deux, termina Tyrath. Je l'entend beaucoup de mon côté aussi. Peut-être que c'est juste plus difficile pour Fayne; elle est très indépendante, tu sais.

- Ça, je le sais...

Tout de même, la dragonnière ne pouvait pas s'empêcher de se faire du soucis pour Fayne. Cette dernière se renfermait trop sur elle-même lorsque le stresse était trop intense et dans le passé, ça lui avait causé des problèmes.
Ce ne fut que juste à temps pour le couvre-feu que Tyrath rapporta Azéna à l'académie. Il lui offrit son coup de tête affectueux habituel puis, disparut dans la nuit. Les quatorze jours d'études allaient commencer le lendemain matin suivie de celle pour les examens. L'idée d'un lavage de cerveau ne plaisait pas à Azéna, mais elle s'était résolue de passer au travers. Elle descendit à la chambre commune de la Tour de la Connaissance. Fayne étudiait solitairement à une table. Tous ses livres et notes étaient ouverts et ordonnés devant elle. Cette vue déprima Azéna.

- Salut, dit-elle mollement.

- Quoi? sursauta Fayne.

La dragonnière bleue était vêtue de son uniforme d'apprentie contrairement aux autres qui étaient tous en pyjamas ou dans un accoutrement relaxe. Azéna devina que son amie n'avait même pas prit la peine d'aller chercher son souper. Elle s'assied en face d'elle.

- Tu as au moins été voir Buhrik? questionna-t-elle avec découragement en devinant déjà la réponse.

- Buhrik? Oh, non! Merde! J'étais si occupée que j'ai oubliée!

- Bah, moi je l'ai vu. Il est venu voler avec moi et Tyrath.

Fayne ne dit rien; elle se sentait probablement trop coupable pour prononcer un mot. Cela faisait trois jours qu'elle stressait pour ses examens et qu'elle étudiait comme une défoncée. Ainsi, elle oubliait Buhrik et ses autres priorités habituelles.

- Demain, prend une heure, conseilla Azéna, même si c'est pendant le dîner, et va le voir. Je suis certaine qu'il aimerait ça.

Fayne resta silencieuse. Azéna soupira et changea de sujet en espérant détendre l'atmosphère.

- Tu sais où est Teri?

- Avec Ella, dit Fayne sèchement avec soudaine sévérité. Il regarde sûrement la nature et doit se perdre naturellement dans sa tête.

Sur le coup, Azéna se sentit offusquée. Elle savait que Fayne était préoccupée, mais dernièrement, elle manquait de sommeil et elle devenait de plus en plus impatiente avec les autres, spécialement Teriondil. Elle essaya de trouver une réplique mature, mais ses émotions en désirait autrement.

- Au moins, il passe du temps avec Ella, grogna-t-elle.

- Ohhh, tu n'es pas mieux, aboya Fayne en lançant un regard noir à son amie. Après tout ça, c'est moi qui vais devoir vous aider avec vos études parce que vous allez encore trop perdre de temps.

- Il va falloir trouver un équilibre entre les deux.

- Je doute que vous en soyez capable.

- Je crois que ça va être toi qui en seras incapable.

L'herboriste hésita et tourna les yeux sur son document. Elle prit une grande inspiration. Enfin, elle semblait s'être calmée.

- On verra bien. D'ailleurs, quels sont tes plans pour les quatorze jours?

- Je vais diviser mon temps en trois, répliqua fermement Azéna.

- Pourquoi trois?

- Les études, Tyrath et les recherches au sujet des quatre artefacts volés.

- Reviens s'en à la fin! hurla-t-elle. Ce n'est pas de nos affaires de toute façon.

Et revoilà son attitude de taureau. Elle s'était attirée l'attention des autres apprentis qui partageait la salle commune avec elles; tous sauf Umah qui semblait déconnecté de la réalité comme à son habitude. Azéna croisa les bras et baissa le ton pour ne pas qu'on l'entende.

- Et c'est toi qui veux toujours tout savoir normalement.

- Je ne veux pas aller jusqu'à en briser les règlements de l'académie une deuxième fois, rétorqua Fayne qui avait une fois de plus retrouver son sang froid. Je risque de mettre mon éducation en péril. Le plan avec Arièlla, c'était une erreur et ont a failli payer pour. Une chance que Maître Valkirel a été aussi clément.

- Encore en train de vous quereller? questionna Teriondil qui venait de franchir la porte d'entrée venant du premier étage.

Il s'assit à la table entre Fayne et Azéna. Fayne ignora la question et le fixa avec froideur.

- Tu es revenu de ta petite balade, dit-elle d'un ton accusateur. C'était amusant?

Azéna ignora l'envie soudaine de frapper son propre visage contre la table. Fayne avait vraiment une humeur fragile aujourd'hui. C'était insupportable.

- Bien sûr, répliqua l'elfe de sa voix agréablement mielleuse. La présence d'Ella est toujours appréciée. Nous avons survolé les environs en étudiant la nature, en discutant ou encore en méditant.

- Chacun ses préoccupations, dit Fayne en s'efforçant de ne pas se montrer désagréable.

- Méditer? questionna Azéna en haussant un sourcil. Quelle perte de temps!

Fayne la fusilla du regard.

- Tu devrais peut-être aller te savonner la langue.

Là, c'était la goutte qui faisait déborder le vase. Cette-fois, Azéna en avait assez de Fayne. Elle osait la questionner sa politesse alors qu'elle venait de lui exploser au visage à plus d'une reprise.

- Non, mais tu te prends pour ma mère? aboya Azéna.

Teriondil leva les mains afin de calmer les deux adolescentes.

- Tu as le droit de penser que c'est une perte de temps Azéna, dit-il avec un sourire qui rayonnait de bienveillance. Enfin bref, qu'avez-vous planifié pour les prochains jours?

Aucune des deux n'osa répliquer à l'elfe; elles étaient trop occupées à éviter le regard de l'autre.

- On essaie de balancer le tout, dit enfin Fayne.

- Un horaire serait plus que pratique, suggéra Teriondil.

- Mais non, répondit Azéna avec insouciance. On s'organisera.

- Si tu le dis, mais pour l'instant, je vais dormir car j'ai dû éviter Rendar et quelques maîtres pour retourner à la tour puisque j'ai perdu la notion du temps et je n'étais pas supposé être dehors à cette heure. C'est épuisant, vraiment. Je me demande comment tu fais Azéna.

- Les premières fois, j'avoue que c'est vrai, mais on s'habitue rapidement. De plus, nous avons découvert des raccourcis et quelques trucs.

Fayne roula les yeux et retourna à ses études. Teriondil monta les escaliers en direction du dortoir des garçons. Les deux filles passèrent le reste de leur soirée à étudier et discuter. Azéna s'en lassa après une bonne heure et alla s'accouder contre le rebord de la fenêtre de sa chambre jusqu'à ce qu'elle aille se coucher. La lueur bleutée de la lune lui procura un sentiment de relaxation et elle sombra rapidement dans un sommeil paisible.

***

Le lendemain, le trio s'était entendu pour s'entraider et pour suivre un horaire singulier. Le petit problème, c'était l'horaire; Fayne et Azéna ne s'entendaient sur aucun point à ce propos. Normalement, Fayne n'était pas du genre à se battre et à être si têtue alors Teriondil tenta de satisfaire les deux dragonnières.

Après avoir perdu deux heures à tenter de faire le diplomate, il abandonna et se décida à changer de tactique.

- Quel est la chose la plus importante pour être un bon dragonnier? questionna-t-il.

- L'entraide et l'esprit d'équipe, répondit Fayne avec passion.

- Alors, est-ce que vous démontrez un comportement exemplaire?

- Bien sur que...

Fayne s'interrompit alors que Teriondil la fixait avec des gros yeux.

- Non..., murmura Fayne avec honte.

- L'application est plus importante que le savoir, expliqua Teriondil en s'adressant à ses deux amies frustrées.

Il fit une pause et leva un doigt pour interrompre Fayne qui allait protester.

- Je vais décider ce qu'on fait, affirma-t-il avec douceur. Ce sera moins compliqué de cette façon. Donc, nous diviserons toutes nos journées en trois.

- En deux, insista Fayne. Je refuse de perdre mon temps avec ces quatre artefacts volés.

- D'accord. Dans ce cas, j'irai avec Azéna faire des recherches pendant que tu pourras étudier.

Le calme de Teriondil surprenait Azéna à chaque fois. Il était en parfait contrôle de ses émotions en tout temps. De plus, elle ne s'attendait pas à cette réponse, mais elle en était ravie.
Il fut décidé que chaque matin, le trio étudirait jusqu'à midi, puis ils mangeraient. Par la suite, ils passeraient du temps avec leur dragon et enfin, dévoreraient leur souper. Le soir allait être dédié aux recherches d'Azéna et Teriondil pendant que Fayne continurait ses études.

Ce soir-là, après le souper, Teriondil et Azéna se rendirent aux portes de la bibliothèque.

- Il n'y a pas moyen que je me faufile dans la bibliothèque, n'est-ce pas? Demanda Azéna. Cet horrible sortilège...

- ... ne te laissera jamais entré, continua Teriondil en souriant.

- Alors, qu'est-ce qu'on fait?

- Laisse-moi faire. Je m'en occupe.

Teriondil s'avança nonchalamment vers l'entrée et fixa strictement Azéna dans les yeux.

- Tu restes là, compris? Ne bouge pas d'un poil.

Il avança d'un pas et posa sa main sur la poignée sophistiquée en argent. Puis, il disparut à l'intérieur et ne revint que quelques minutes plus tard.

- Alors? questionna Azéna avec impatience. Pas de cris? Pas de panique? Qu'est-ce qui s'est passé?

Teriondil croisa les bras en souriant.

- Tu n'es pas croyable. Mais, pour ta patience, tu te mérites la permission d'accéder à la bibliothèque...

- Vraiment? Interrompit-elle avec enjouement.

- Laisse-moi terminer, petite impatiente. C'est pour les prochains jours uniquement. Pas de bêtises sinon, elle te jette dehors avec force et brutalité. Elle paraissait très contrariée avec sa propre décision alors, je te le répète, ne fait pas l'idiote.

Ils entrèrent et se dirigèrent vers la section dans laquelle ils n'avaient toujours pas fouillés avec Fayne.

- Comment as-tu fait? questionna Azéna à voix basse et en sautillant de joie.

- Calme-toi, chuchota Teriondil.

Azéna obéit et sonda les environs autour d'elle afin de s'assurer qu'elle n'avait pas attiré la colère du sort. Rien ne se produit alors elle répéta sa question.

- Simple, répondit Teriondil en commençant à fouiller les rangées de livres. J'ai proposé quelques ententes à la gardienne. En fin de compte, c'était ses termes ou rien. Ce sortilège est très entêté. Donc, tu es chanceuse d'avoir quelques jours; ne la gaspille pas.

- Je sais, répliqua Azéna en se mettant à chercher.

***

Quelques jours plus tards, après de longues périodes de recherches et des centaines de livres passés, Azéna trouva enfin une piste.

- Écoute ça! Écoute ça!

- Umm? murmura Teriondil.

Il détacha son attention de son livre intitulé « Rêves et réalités ».

- Ça dit ici qu'une arme formée de parties de corps de dragons aurait servi à repousser les dragons eux-mêmes, dit Azéna. Le premier à l'utiliser aurait été l'un des rois des elfes lunaires pour protéger son peuple contre quelques dragons et ça s'aurait passé avant le pacte des dragonniers. Cette arme a tué chacune de ses cibles, incluant le dragon qui représentait les siens dans le temps. Aujourd'hui, les dragons craignent l'arme et s'y soumettent sans hésitation. Ainsi, voici la raison pourquoi elle se nomme le Dompteur, aussi connue sous le nom Dompteur de dragons. Tous les dragons la reconnaissent en raison de son aura particulièrement malicieuse et deviennent nerveux en sa présence. Pourquoi quelqu'un voudrait utiliser cette arme? Les dragons ne causent pas de conflit.

- Peut-être pour les contrôler au travers de la peur.

Soulignant où elle était rendu dans le texte de son doigt pour l'aider à la lecture, Azéna continua:

- Un instant... Lorsqu'on était en route pour Atgoren, on s'est arrêté pour observer une bande de barbares qui étaient membres d'une faction nommée Sang du dragon. Peut-être qu'ils voudraient s'en emparer car ils tuent des dragons.

Teriondil réfléchit pendant un long moment.

- Mais, comment auraient-ils eu accès au donjon? questionna l'elfe. C'est impossible d'y pénétrer si on n'est pas un membre du personnel et encore là, probablement que le donjon est accédé que par quelques personnes spécifiques du personnel.

- Je ne crois pas que ce soit restreint à quelques membres du personnel spécifique. L'armurerie et les réserves sont là-bas. Les maîtres ont besoin de leur équipement.

- C'est possible qu'il y ait un traître. Mais, pourquoi un dragonnier voudrait aider à tuer ou à contrôler des dragons? Je crois que c'est quelqu'un de l'extérieur.

- On ne sait jamais. Un dragonnier peut avoir des liens avec le Sang du dragon. Avant d'être un dragonnier, nous avions tous une vie. Alors, ça pourrait être n'importe qui.

Teriondil secoua la tête comme s'il essayait de se débarrasser de ses propres pensées.

- Ça doit être connecté au Sang du dragon, déclara-t-il.

- C'est très possible, dit Azéna. Après tout, ils ont toujours été l'ennemi mortel des dragonniers.

- Alors, qui serait un suspect?

- Quelqu'un au comportement hostile; soit nerveux ou antisocial et qui aurait possiblement des liens de famille avec ces barbares.

- Une telle personne viendrait possiblement du Sang du dragon, répliqua Teriondil en hochant de la tête.

Les deux amis se fixèrent soudainement avec intérêt.

- Umah, s'exclamèrent-ils au même moment.

- Comment l'approcher? questionna Azéna.

- Fayne est douce, innocente et diplomatique, dit Teriondil. Elle serait notre meilleure option. Je n'ai jamais vu Umah interagir avec un autre apprenti. Il est très particulier. Aussi, je sens quelque chose de troublant en lui.

Azéna haussa un sourcil. Elle ne voyait pas comment Teriondil pouvait ressentir quoi que ce soit à l'intérieur d'une autre personne, peut-être mis à part Ella puisqu'il était lié avec elle. Elle haussa les épaules en signe d'abandon et se concentra sur sa suggestion: que Fayne approche Umah.

- Ouais, quand elle n'est pas stressée ni sur ses périodes. Alors, il faudrait attendre que ça passe.

Incapable de se retenir, la dragonnière grise éclata de rire.

- La ferme, cria la voix irritante de la gardienne de la librairie dans l'oreille d'Azéna. Je te veux en dehors de cette bibliothèque! Tu corromps le calme et tu souilles mon travail!

- Tu es une irritable vieille femme dans le corps...

Elle chercha un bon terme à utiliser pour décrire le sortilège, mais elle se rendit bien compte qu'elle n'avait pas de corps. C'était trop tard pour changer d'insulte maintenant.

- ...dans le corps d'un sortilège!

- Dehors, impolie! Et, que je ne te revois plus ici!

Azéna sentit son tympan mencer d'exploser. Elle sortit en trombe de la bibliothèque, claquant la porte derrière elle et fila en direction du Grand Nid sans même aller chercher son manteau. Là-bas, elle se plaint et se défoula en parlant avec Tyrath. Le dragon sympathisa et lui offrit une taupe morte pour la consoler.

- Non merci... , répondit-elle avec dégoût.

- Tu manques quelque chose, dit Tyrath en dévorant le petit animal noir d'une seule bouchée. C'est un de mes mets préférés; ils sont difficiles à trouver durant l'hiver. D'ailleurs, ne devrais-tu pas partir? C'est presque l'heure du couvre-feu pour vous.

- Je m'en suis déjà soucié? demanda-t-elle avec rogne.

- Quelques rares fois, oui.

Azéna fit la moue, s'accroupit et appuya sa tête sur ses bras croisés. Tyrath la fixa avec préoccupation. Elle se mit à trembler, mais ne s'en préoccupa pas.

- Tu as froid, dit le drake.

- Non, répliqua-t-elle, obstinée.

Il ouvrit une aile et couvrit Azéna.

- Tu sais, je suis encore chaud à cette température, dit Tyrath en fixant sa dragonnière avec innocence.

Azéna grommela et hésita, têtue comme une mule. Instant après instant, elle sentit le froid mordant pénétrer au travers de sa peau fragile.

- Bah! aboya-t-elle en claquant des dents.

Elle céda et vint se blottir contre son torse chaud. C'était une soirée particulièrement glaciale; le vent hurlant sa rage. Elle expliqua à son dragon toute ses découvertes de la soirée et ses plans le concernant.
Tyrath appréciait quelque peu ce temps hostile car le froid n'était pas assez prononcée pour qu'il le dérange. Au lieu, il se concentra à une tâche bien plus importante : réchauffer sa dragonnière à l'aide de ses ailes qui servirent de pare-vent. Sous le halo de la lune en cette saison de la lune, ses écailles brillaient étrangement d'un éclat bleu. Azéna leva le regard vers lui. Ses yeux étaient d'un bleu encore plus resplendissant qu'à son habitude, aussi en raison de la couleur de la lune. Chacune de ses expirations créait un nuage de buée.

- Il serait mieux que j'aille chercher mon manteau, décida-t-elle. Je ne veux pas retourner à mon dortoir pour le couvre-feu.

- C'est d'accord. Ensuite, je t'emporte à un endroit bien spécial, proposa Tyrath.

Heureusement, Fayne n'était pas encore dans la chambre lorsqu'Azéna y dénicha son manteau. Elle ne désirait pas se quereller avec elle, alors elle l'évitait le plus possible ces temps-ci. Elles étaient comme chat et chien ces derniers jours.
Une fois la selle de Tyrath installée, Azéna l'enfourcha et ferma la fenêtre derrière elle. Le drake s'envola immédiatement.

- Merci, dit Azéna en tenant la fourrure de sa cape proche de son visage d'une main pour se protéger du froid.

- Il n'y a pas de quoi, ronronna Tyrath avec douceur.

Il l'emporta en dehors d'Atgoren sur une butte au milieu d'une plaine gelée en territoire de Dètmor. La lune prit place haute dans le ciel étoilée; le couvre-feu était en vigueur, mais ni Tyrath ni Azéna ne s'en préoccupa car ils n'étaient pas sur le terrain de l'académie. Les deux compagnons discutèrent puis, prirent plaisir à observer le ciel et à décortiqués les constellations. Pour une fois, Tyrath agissait en adulte calme et mature. Il servait de mentor à Azéna qui s'intéressait énormément au savoir des dragons en ce qui concerne l'astrologie. Telle une enfant, elle lui posait plein de questions et il lui répondait avec une certaine fierté.

- Ma mère adoptive m'a racontée ce que je vais te dire lorsque j'étais tout jeune, encore un petit dragonneau, expliqua Tyrath avec une lueur de joie dans ses yeux. C'est une tradition chez les dragons; rares sont les humanoïdes qui connaissent ces informations. Mais premièrement, savais-tu qu'il y des constellations spéciales?

- Non. Combien y en a-t-il au total? demanda Azéna, soupçonnant que Tyrath essayait de la distraire de ses ennuis avec ce récit.

- Dix-sept exactement à moins qu'une nouvelle ne se forme un jour, mais c'est très rare, expliqua Tyrath.

- Des étoiles apparaissent? s'étonna Azéna.

- Bien sûr. Quand nous les dragons mourront, notre âme n'est pas à la merci du monde spirituel comme les vôtres. À la place, nous allons nous installer dans le ciel.

Azéna écarquilla les yeux et entrouvrit la bouche.

- Les étoiles sont des âmes de dragons? Attend... C'est quoi le monde spirituel?

- En gros, oui. Mais, le plus intéressant, c'est que notre lorsque notre âme monte là-haut, il continue de dessiner une constellation particulière. Le monde spirituel est un univers parallèle au nôtre et la seule chose que je sais, c'est que c'est la que vos âmes résident après la mort.

- Alors... pourquoi vos âmes continuent une constellation particulière.

- Parce que chaque constellation a une signification et qui nous sommes tout au long de notre vie décide où nous allons.

- Waaah... C'est impressionnant.

Tyrath sourit largement, semblant très fier de lui.

- Oui, mais ce n'est rien encore, continua-il avec entrain. Les légendes racontent qu'en formant le pacte entre les dragons et les humanoïdes, cela aurait alterné les propriétés de ces étoiles. Lorsqu'un dragon meurt le premier, il peut prêter ses pouvoirs à son dragonnier tant que ce dernier le garde près dans son coeur. Évidemment, c'est loin d'être le pouvoir qu'on vous donne en étant vivant, mais souvent, c'est assez pour changer vos vies de façon permanente.

- Je ne suis pas certaine de comprendre... Est-ce qu'ils peuvent communiquer avec leur dragonnier?

- Malheureusement, non. Certain le peuvent, mais lorsqu'ils en sont capable, ce n'est pas fréquent. Sache que ton dragon - en gros, moi - sera toujours là pour toi et ce, même s'il est dans l'impossibilité de te le démontrer.

Azéna sentit un noeud se former dans sa gorge. C'était à la fois beau et triste ce que Tyrath racontait.

- Comment un dragonnier sait quelle est l'étoile de son dragon? questionna-t-elle.

- Bonne question. Pour nous, chaque étoile est d'un blanchâtre brillant. Mais, en réalité, elle est de la couleur du vol de ce dragon. Seuls les membres de son vol draconique ainsi que son dragonnier peuvent voir sa véritable couleur.

- Alors, tous les dragons gris qui sont là-haut, tu les voient?

À cette question, le drake fit une pause pour observer les étoiles. Ses yeux coururent d'un endroit à un autre de temps en temps comme s'il cherchait quelque chose.

- Oui, répondit-il enfin. Ils sont difficiles à repérer en raison de la similarité de couleur avec les autres étoiles, mais j'ai un sentiment de nostalgie en moi lorsque j'en regarde une et je sais que c'est l'un des miens.

- Dans quelle constellation crois-tu aller?

- Je n'en n'ai aucune idée, mais si je pourrai choisir, j'irai dans celle-là.

Il pointa vers l'ouest où se trouvait un groupe d'étoiles qui formait une créature à la tête d'hibou, le corps et la queue de lynx et les épaisses pattes d'ours.

- Le tylluncarth. Il représente la liberté et l'ouverture d'esprit, expliqua-t-il avec admiration. Sinon...

Il tourna la tête vers l'est et pointa une autre constellation.

- Le chien car il représente l'énergie et l'optimisme.

- Je te verrai bien en chien, dit Azéna.

- Et pourtant, je suis un puissant dragon!

Azéna éclata de rire malgré elle et bailla longuement. Ses paupières se faisaient soudainement lourdes et ses yeux fermaient involontairement. Elle s'installa plus confortablement et Tyrath continua de parler des étoiles, nommant une douzaine de constellations. Certains étaient en forme d'une bête familière tandis que d'autres ressemblaient à des créatures fantastiques d'un pays lointain. Au milieu de la conversation, elle l'arrêta.

- Je me demandais...

- Oui? demanda le drake..

- Vous les dragons, êtes-vous obligé au serment de votre dragonnier?

- Si tu réfère à votre loyauté envers les Gardiens d'Aerinda, non. Nous sommes libres, mais pourquoi vivre notre vie sans notre partenaire? C'est très rare qu'un dragon abandonne son dragonnier. Pourquoi cette question?

- Qu'est-ce qui arrive si je dois briser mon serment? Parfois, notre morale fait conflit avec notre devoir.

Le visage de Tyrath s'assombrit.

- Pour tout t'avouer, je déteste ce serment. Les serments ce sont des idioties d'humanoïdes. Nous sommes nés pour vivre pour nous et non pour les autres.

Il fit une pause et plongea son regard imposant dans celui d'Azéna.

- Par contre, les conséquences sont trop sévères, particulièrement pour une petite chose comme toi. Je ne te conseil pas de le faire si ce n'est pas d'importance primordiale, mais je serai toujours à tes côtés quoi qu'il arrive.

Azéna sourit puis, Tyrath continua de lui parler d'étoiles. Elle tenta de suivre sa conversation, mais le sommeil eut raison d'elle.
Ce n'est que quelques minutes plus tard que Tyrath s'en rendit compte. Il jeta un coup d'œil en direction de la jeune dragonnière. Elle dormait paisiblement blotti contre lui sous son aile. Il sourit. Avec délicatesse, il la prit dans ses bras tel une mère portant son bébé et s'envola. Il plana paresseusement jusqu'à la fenêtre de la chambre d'Azéna.

- Dors, petite humanoïde, murmura-t-il pour lui-même. Ton examen approche.

Il fit son possible pour ne pas faire de bruit afin de ne pas attirer l'attention sur lui. Il poussa la fenêtre et celle-ci s'ouvrit lentement. Il déposa Azéna dans son lit et partit, disparaissant dans l'obscurité de la nuit sans la fermer.

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