17 - Le guidage de Leith

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2ème jour de la saison de la mort 2447 - PDV Azéna

Ce soir-là, Azéna ne dormit presque pas. Elle s'en voulait trop pour Tyrath et était nerveuse pour sa retenue. Elle roula sur le côté dans une tentative de trouver une position assez confortable pour s'endormir pour la centième fois. Encore une fois, pas de chance. Elle était si anxieuse que les muscles tendus de sa jambe droite lui faisait légèrement souffrir, juste assez pour lui rappeler constamment qu'elle stressait. Ce cercle vicieux avait continué de la tourmenter pendant comment longtemps maintenant? Elle ne savait plus. Elle leva la tête et fixa le ciel à la recherche de la lune qui était complètement invisible en cause de sa couleur sombre. Elle se résolu à regarder l'heure sur l'horloge de la chambre. Ça lui prit un moment pour la lire. 2:32 AM.

- Super, murmura-t-elle en rogne. Putain que je déteste ces minutes et ces heures.

Elle réalisa que son humeur noire affectait encore ses pensées. Franchement, l'horloge ne lui avait rien fait de mal. Pourquoi se fâchait-elle contre un simple objet? Elle se retint de frapper dans son oreiller. Elle avait besoin de se calmer alors, elle décida d'aller voir si Teriondil traînait dans la salle commune.

Sur la pointe de ses pieds, elle tenta d'enfiler des pantalons sans réveiller Fayne. Le plancher craqua sous le poid lorsqu'elle leva une jambe. Elle secoua de la tête et renonça. Tant pis, elle allait voir l'elfe des bois en chemise sans soutien-gorge et en petite culottes... enroulée dans une couverture de coton.

Comme prévus, elle trouva son ami buveur de thé assis près du foyer sur le tapis avec une grosse gourde qu'elle devina devait être remplis de thé à ses côtés. Il fredonnait un air fantaisiste qu'il semblait improvisé à mesure. À chaque fois qu'elle l'entendait, le rythme n'était jamais pareil, mais ça lui faisait sans faute chaud au coeur. Quelques paroles émergeait de la mélodie de temps en temps, mais elles étaient toujours en elfique, alors Azéna ne comprenait jamais.

Elle s'installa tout simplement à sa droite et attendit qu'il la remarque ce qui prit un moment puisqu'il était en transe avec les yeux clos.

- Oh! s'exclama-t-il. Jirnah!

Azéna cligna des yeux.

- Excuse-moi? questionna-t-elle.

- Oh, désolé. J'oublie parfois que je ne suis pas chez nous et que l'elfique n'est pas très utilisé ici. Jirnah est une forme de salutation qui sous-entend que tu as beaucoup de sentiments pour ton interlocuteur.

Sur le moment, Azéna sentit son sang lui monter au visage. Elle devait être aussi rouge qu'une cerise à ce moment. Elle s'enroula le bas de la tête dans sa couverture.

- Qu'est-ce que tu veux dire par sentiments? demanda-t-elle.

- Bah, répliqua Teriondil en se grattant le menton qui commençait légèrement à avoir une touffe de barbe verte menthe. Bah...

Il prit une gorgée de son thé et se tourna plus confortablement vers elle. Il lui prit une main.

« Ça y est, je vais mourir, se dit Azéna le visage chauffant de gêne. Fayne va me tuer quand elle va savoir que Teri a le béguin pour moi. Oh non. Ce n'est pas bon ça. Bon, d'accord. Fayne le trouve mignon, mais elle a dit qu'elle ne voulait pas de lui comme amoureux... Je vais peut-être survivre... »

Teriondil semblait très songeur, perdu dans un autre monde.

- Mais accouche! aboya Azéna sous le stresse.

Elle le plaqua la main libre sur la bouche.

- Désolée, chuchota-t-elle, regrettant son impulsivité.

On dirait que Teriondil venait de se réveiller. Il ouvrit soudainement les yeux grands.

- Des sentiments positifs quoi? Dans le genre, tu es une très bonne amie ou encore, une compagnonne digne de respect, ou encore, une amoureuse, ou encore...

Azéna n'en revenait pas; c'était super vague ce dialect.

- Qu'est-ce que vous pouvez être bizarres, dit-elle en référant au peuple des elfes des bois. Mais, Teri, lequel veux-tu dire exactement?

Il mit encore une éternité à répondre. Le coeur d'Azéna battait la chamade et une goutte de sueur roula sur son front.

- Oh, si si, dit l'elfe. Je veux dire, une bonne amie bien sûr. Tu es un peu imprudente par contre.

Il lâcha sa main et lui présenta une tasse de thé qu'il venait de remplir. Il gardait toujours une deuxième tasse avec lui dans le dortoir.

- Thé? L'est bon, j'ai ajouté du miel et un peu de...

Azéna lui prit la tasse des mains et ronchonna.

- Ça va, coupa-t-elle. Tu as faillis me faire causé une crise cardiaque.

Les yeux de Teriondil devinrent tout petit à nouveau. Il semblait se concentrer sur les paroles de son amie.

- Je ne comprend pas d'où vient la crise cardiaque?

Azéna prit une grosse gorgée du thé. Sur le coup, le liquide était chaud et apaisant, mais il y avait un petit arrière-goût amer qu'elle n'aimait pas tant que ça. Elle essaya de se concentrer sur le côté sucré du breuvage et se prépara à encaisser le choc gustatif pour sa deuxième gorgée.

- Bah, tu l'aimes bien le thé, dit Teriondil, surprit. Je ne pensais pas que tu allais tomber en amour comme ça. Tu devrais ralentir un peu... Ça pourrait t'assomer sur le coup.

- M'assomer? questionna Azéna. Oui! Parfait!

Elle se pinça le nez et avala tout le reste d'un coup. L'elfe la fixa avec la bouche légèrement ouverte.

- L'est... pas bon ça, murmura-t-il dans sa barbe.

Quelques instants plus tard, Azéna sentit son stresse diminuer drastiquement et sa concentration devient floue. Tous ses soucis disparurent de son esprit. Elle sentit un léger picotement dans le bout de ses doigts et la chaleur du feu semblait la caresser tendrement le visage.

- La vie est trop belle, dit-elle en souriant timidement du coin de la bouche.

Teriondil l'observa attentivement, enfin c'est ce que Azéna semblait remarquer.

- Ahh ça va, dit l'elfe. La vie est belle, tu as raison.

Azéna et Teriondil gloussèrent comme des enfants.

Soudainement, Azéna ressentit une présence derrière elle. Elle leva la tête comme pour regarder le plafond et aperçut des magnifiques yeux noisette qui la fixaient. La jeune femme avait des longs cheveux ondulés et quelques tâches de rousseurs. Ses bras étaient croisées et elle paraissait mécontente.

- Oh, jirnah, dit-elle en saluant Fayne de la main.

Azéna et Teriondil se mirent à rire. La dragonnière bleue ne dit pas un mot. Elle prit ses deux amis par la main et les guidèrent chacun vers leur chambre à coucher. Teriondil ne rouspèta pas. Il s'écroula dans son lit et se mit immédiatement à ronfler.

Une fois retournée à son propre lit, Azéna ne pouvait pas prendre son amie au sérieux. Elle trouvait la situation marrante.

- Vous êtes pires que des tout-petits, rouspéta la brunette. Allez, au lit. Tu as une grosse journée demain.

- Oui maman Fayne, murmura Azéna.

Elle s'assit sur le bord de son lit puis, elle se tourna vers son amie avec les yeux pleins d'espoir.

- Câlins?

- Mais qu'est-ce que Teriondil as fait de toi? demanda Fayne, suspicieuse du comportement de son amie.

- Rien du tout. On mérite des câlins.

- Rooh, t'es entrain d'agir vraiment étrangement en ce moment, mais ça va.

Elle enlaça Azéna dans ses bras pour un instant et retourna à son lit.

- Maintenant, tu va dormir, ordonna-t-elle en pointant l'oreiller d'Azéna du doigt. Et, je ne plésente pas.

Azéna sourit bêtement et obéit. Le reste de la nuit, elle dormit solide, sans se soucier que demain allait être l'une des pires journées de sa vie.

***

Dû à l'incident pendant le cours de maîtrise élémentaire, Arièlla et Azéna se méritèrent une extension à leur retenue avec Reaginn en raison de leur immaturité et leur imprudence. Depuis, Azéna avait une humeur qui tuait en permanence. Ça lui avait pris une énorme quantité de contrôle de soi pour se retenir de ne pas perdre son sang-froid face à la décision du Haut Conseil.

Le jour suivant, durant la pause du dîner, le trio étudiaient à la table des premières années dans le Hall d'Archlan. Azéna râlait à propos d'Arièlla ce qui ne faisait qu'accroître l'impatience de Fayne.

- Parfois, elle agit comme une adolescente normale tandis que le reste du temps, c'est une tête enflée colérique, expliqua Azéna.

- Ce comportement me fait penser à quelqu'un que je connais bien, dit Fayne qui essayait de lire un passage de son livre.

- À qui? demanda précipitamment Azéna sans penser.

Teriondil et Fayne ne dirent pas un mot et fixèrent Azéna avec abasourdissement. La dame comprit que son amie parlait d'elle et réalisa qu'elle agissait comme Arièlla sur cet aspect.

- Au moins, je fais preuve de plus de dignité qu'elle. Et puis, on est déjà assez chanceux que Maîtresse Blakar n'est pas fait exploser le terrain.

- Oui, répondit Fayne en émettant un petit rire moqueur. À la place, on s'est mérité un beau spectacle de la part de Tyrath et de toi. En parlant de lui, tu devrais aller le visiter avant ta retenue.

Azéna n'osa pas répondre à cette vérité. Elle ne n'avait pas vue Tyrath depuis l'incident. Elle utilisa le reste de son heure de dîner pour aller le visiter à l'écurie parce qu'après les cours, elle devait se rendre à la Tour Mère pour sa retenue. Elle connaissait la localisation de l'écurie par cœur puisqu'elle visitait Shirah assez régulièrement. Souvent, elle lui emportait des gâteries de la cuisine et ce malgré le désaccord de madame Gènar, la responsable des animaux et créatures que l'écurie hébergeait. L'écurie se situait près de la mer, était construite de bois rond et réussissait à accommoder près de vingt dragons adultes de trente mètres de haut. Le bâtiment n'était pas aussi imposant que l'académie, mais il était probablement parmi les plus grands d'Atgoren.

Une petite dragonnière trapue aux cheveux châtain grisant et au visage carré y travaillait. C'est elle qui s'occupait de nourrir, de surveiller et d'assuré un séjour confortable pour les pensionnaires qui étaient souvent des dragons malades ou blessés, des animaux domestiques ou encore des montures en besoin d'un refuge temporaire.

- Bonjour, madame Gènar, aboya Azéna afin de s'assurer que la vieille dame l'entende.

- Ohh, quelle belle surprise, répondit une petite voix rauque.

La dénommée madame Gènar s'approcha d'Azéna de sa démarche claudicante. Son long tablier poussiéreux suggérait qu'elle faisait le ménage, ce qui ne ferait vraiment pas de tort à cet endroit négligé. De sa main gauche, elle tenait un vieux bâton en bois dont elle se servait comme support en raison de sa hanche disloquée. Azéna se demandait encore comment elle avait réussi avec son handicap à obtenir son diplôme de dragonnier. Le regard vitreux de madame Gènar se posa sur elle alors qu'elle souriait largement, ce qui lui donnait un air légèrement troublant.

- Tu es venue visiter Shirah? demanda-t-elle.

- Pas cette-fois, répliqua Azéna. Le jeune dragon gris...

- Oh! s'exclama-t-elle en étouffant un cri. C'est ton partenaire? Il va bien. C'est un véritable boute-en-train, laisse-moi te le dire. Énergétique, ce jeunot. On n'a besoin de plus d'âmes comme lui. Allez, viens.

- Ça ne m'étonne pas de Tyrath, répondit Azéna avec un sourire niais.

Madame Gènar l'entraîna au fond de l'écurie où elle gardait les malades et les blessés au chaud pendant qu'elle continuait de parler. Cette femme ne s'arrêtait jamais de jacasser.

- La guérisseuse s'est bien occupé de lui, tu vas voir. Elle a soigné son aile brûlé. Ça semble bien s'être guéri, d'après moi. Dans tous les cas, elle voulait te parler.

- Leith? Où est-elle? demanda Azéna alors qu'elles s'arrêtèrent devant un enclos. Ça fait un bail que je ne l'ai pas vue...

Un grognement guttural retentit de l'autre côté de la petite porte en bois mince. Au début, Azéna croyait qu'il s'agissait d'une bête enragée mais elle se rendit vite compte que ce n'était pas le cas lorsque qu'un ronflement sonore brisa le bref silence.

- Elle visite bien souvent, mais tu sembles toujours la râter, expliqua madame Gènar. Leith est une brave dragonnière. Elle en fait beaucoup pour la communauté.

- Je me doutais bien que tu viendrais durant le dîner, dit une deuxième voix qui sonnait tout aussi vieillit, mais qui possédait beaucoup plus de puissance.

Azéna aperçut une grande femme au corps robuste et aux longs cheveux blanchis par l'âge. Elle l'a reconnue immédiatement.

- Leith! s'exclama-t-elle en accourant vers elle.

Elle donna un câlin à la vieille femme. Elle recula pour lui laisser de l'espace puis, son expression se transforma au travers d'une soudaine confusion.

- Un instant... Une dragonnière? Tu n'es pas...

Leith soupira, baissa les yeux pour rencontrer ceux d'Azéna et sourit.

- Je suis...

Elle hésita longuement avant de continuer puis, d'une voix étrangler, comme si ce qu'elle disait la troublait, elle parla:

- Enfin, j'étais une dragonnière.

Madame Gènar posa sa main sur l'épaule de Leith, comme pour lui donner un peu de réconfort.

Tout s'expliquait à présent. Azéna n'avait jamais compris comment Leith avait pu calmer Tyrath et faire en sorte qu'il lui fasse confiance si aisément. Ce n'était pas tout non plus : ces connaissances, ce physique robuste et cette habileté à soigner des dragons. Leith lui avait cachée tout ça, mais Azéna ne ressentit aucune colère en elle. Au contraire, elle en était plutôt heureuse.

- Comme tu le sais, je suis l'ancienne guérisseuse de l'académie, expliqua Leith en s'avançant vers l'enclos devant lequel Azéna se trouvait. J'ai passé au travers des cinq années d'entraînement comme tu vas le faire et j'ai travaillé très fort pour devenir la meilleure guérisseuse de l'établissement.

- C'est donc pour ça que Terenas voulait tant que tu reviennes, dit Azéna. T'es une championne!

- Je suppose que j'ai laissé une marque derrière moi, répliqua-t-elle humblement.

Leith sourit et poussa la porte de bois. Derrière dormait paisiblement un jeune dragon argenté aux ailes fermées sur lui-même sur une montagne de couvertures qui formait un lit.

- Il est choyé, dit Azéna entre deux petits rires. On dirait un chat sur son trône.

Tyrath eut un tic nerveux à la patte avant, mais il ne réveilla pas. Il semblait plongé profondément dans ces rêves.

- J'ai laissé ce poste pendant bien trop longtemps, dit Leith sur un ton de voix douce amère.

Elle s'approcha de Tyrath pour examiner son aile brûlé qui paraissait beaucoup mieux que la journée d'avant.

- En réalité, lorsque je suis arrivée à Nothar, je voulais tout simplement vivre le restant de mes jours dans la tranquillité et la paix, raconta-t-elle. Ça aurait été une belle retraite malgré que...

Les paroles de Leith se perdirent dans le silence comme si elle n'avait pas dit tout ce qu'elle avait sur le cœur. Azéna fixa la vieille dame alors que celle-ci appliqua une crème gluante vert kaki sur la brûlure de Tyrath. Le dragon poussa un grognement, mais se calma lorsqu'il aperçut Leith et retourna au sommeil. Lorsque la guérisseuse eut terminé d'étendre le tout, elle s'essuya les mains sur son tablier, ferma la petite bouteille remplie de cette même crème, la déposa dans sa poche de robe et se retourna vers l'adolescente.

- Il va bien aller, mais il ne serait pas sage de le réveiller. Son aile doit guérir, et ce chenapan est difficile à convaincre de rester tranquil.

Elle rebroussa son chemin jusqu'à l'entrée de l'écurie. Azéna la suivit et madame Gènar retourna à son ménage.

- Alors, pourquoi es-tu revenue? Demanda Azéna.

- Je me suis rendus compte que je m'étais trompée sur ma décision, répondit-t-elle en prenant le soin de bien choisir ses mots. La vie de retraité, ça n'existe pas chez les dragonniers. C'est bien trop ennuyeux après tout ce que tu viens de vivre en compagnie de ton dragon. Nous ne sommes pas des lâches et l'aventure est bien trop attrayante pour nous, enfin c'est ce que je me dis. De plus, je refusais de ne pas venir en aide à ma consœur et mon confrère: toi et Tyrath. Les dragonniers se supportent l'un l'autre, mais tu dois le savoir maintenant.

Elle lui fit un clin d'œil et sourit en coin.

- Maintenant, retourne à l'académie. Les cours recommencent bientôt.

La guérisseuse donna une poussée amicale en direction de l'académie sur l'arrière-train d'Azéna avec son bâton. Azéna hésita avant de saluer Leith et de se mettre en chemin. Elle se demandait si elle était au courant pour ses bêtises et sa retenue. Elle lui en aurait bien parlé, mais elle en avait trop honte.

Durant sa marche de retour, un détail important frappa Azéna. Leith avait bien précisée qu'elle avait été une dragonnière dans le passé. Avait-elle étudiée à cette académie? Comment avait-elle perdue son dragon? Quel type de dragon était-ce? Leith était vieille; ça sautait aux yeux. Toute son expérience et son histoire étaient des trésors que Azéna aimerait chérir en prenant soin de mémoriser soigneusement dans sa tête. Leith l'avait appelé sa consœur ce qui signifiait qu'elle l'avait déjà officiellement accepté comme sa compagnonne dragonnière. L'honneur lui monta à la tête momentanément. Elle s'élança vers les portes principales, profitant de ce bonheur qui, elle le savait, ne durerait pas longtemps.

***

L'amusement se termina lors de la fin de la cinquième période. En sortant de la salle de classe de Maîtresse Blakar qui avait décidée d'en rester à la théorie pour quelques jours, elle se souvint où elle devait aller à présent. Un trou noir lui dévora l'esprit et l'incertitude l'envahit.

- Ça ira bien, lui rassura Fayne en lui donnant une tape d'encouragement sur l'épaule.

Azéna força un sourire et regarda en direction de Teriondil. L'elfe sylvain évita son regard. Azéna présuma qu'il n'avait rien de bon à dire au sujet des retenues avec Reaginn.

- Je ne suis pas nerveuse du tout, mentit-elle. Je crois que Reaginn joue la comédie. Il n'est pas si dur à cuire que ça.

Teriondil lança un petit "mhmm", mais rien de plus. Il ne paraissait pas d'accord avec elle.

- Ne lui manque pas de respect, rouspéta Fayne. Ça va juste empirer la situation tu sais.

- Oui maman Fayne, soupira Azéna.

Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle et lorsque le trio fut assez éloigné des autres, elle leur annonça une idée:

- Je pourrais investiguer ce qui se passe dans le Donjon.

- Qu'est-ce que tu veux dire? questionna Fayne qui parut frappé par l'effroi.

- Sainte aspérule, on dirait que tu as aperçu un esprit, s'exclama Azéna. Ton visage est tout pâle.

- Cesse de faire l'idiote, répliqua sèchement Fayne qui reprit ses couleurs. Répond à ma question.

- Ça va, ça va. Ce que je voulais insinuer était toute ce drama avec Gragèn et Serfantor tu sais... On pourrait en...

- Oh que non, coupa Fayne sur un ton colérique. Tu es déjà dans les beau-draps et en plus, tu t'organise pour faire un plongeon dans un antre de loups géants.

- Mais non, rétorqua Azéna obstinément.

- Reste tranquille et ne fais rien d'impulsif, je t'en pris.

Azéna se tourna vers Teriondil pour du support.

- Je suis d'accord avec maman Fayne, répliqua-t-il en haussant les épaules. On tient à toi tu sais.

Azéna se résigna à leur supplices, mais en dedans d'elle, sa curiosité n'avait pas diminué d'une miette. Elle voulait savoir ce qui se cachait dans ce donjon pour aider Gragèn à se sortir des griffes de Serfantor.

« Je ne t'ai pas oublié Gragèn, songea-t-elle. Je sais comment on se sent face à l'intimidation. »

Lorsqu'elle arriva à l'entrée ouest de la Tour Mère, Azéna aperçut Arièlla qui était accotée sur le mur de pierre et qui fixait anxieusement la porte en bois renforcé d'un contour en fer. La blonde sursauta lorsqu'elle se rendit compte qu'elle n'était plus seule. Son regard se transforma rapidement en expression de dédain. Baissant ses yeux vers Azéna, elle la fixa comme si elle n'était qu'un déchet à se dessaisir. Azéna aurait bien aimé lui enfoncer son poing à la figure, mais garda son sang-froid.

- Tu sais que c'est ta faute si nous sommes ici, accusa Arièlla.

Azéna n'osa pas lui répondre de peur qu'elle perdre le contrôle de soi qu'elle avait amassée depuis son arrivée. Elle se contenta de fixer la demi-elfe avec rage. Arièlla l'avait tout de même démasquée car la malice sur son visage fut remplacé par du dédain.

- Tu te croyais véritablement meilleure que moi quand nous nous sommes croisées après la période d'essai pour les équipes de skotar, n'est-ce pas?

Ses yeux bleu ciel étincelaient d'assurance. Elle ne laissa pas la chance à Azéna de lui répondre.

- Détrompe-toi car je suis avantagée et plus puissante que n'importe quel des premières années.

Le côté droit de sa lèvre supérieur s'éleva avec exagération, comme si elle espérait offusquée Azéna. Cette dernière refusa de lui accorder ce bonheur et s'efforça à ne pas réagir. Et pourtant, elle désirait entendre le reste afin de découvrir ce que ses parents lui avaient enseignés durant son enfance.

- Qu'attends-tu pour me le prouver? Défia-t-elle finalement avec une nouvelle défiance dans son ton de voix.

- Ça t'amuserait hein? répliqua Arièlla. Dommage que...

Elle s'interrompit alors que la poignée de la porte menant à la Tour Mère fut tourné par quelqu'un de l'intérieur. Elle lança un regard arrogant à Azéna avant d'éliminer toute trace d'émotion dans son visage.

« Elle me défit à qui survivra la retenue, songea la dragonnière grise. »

À cette réalisation, Azéna se sentit terrifiée à l'idée qu'elle n'en n'était qu'au début de sa formation. Elle était véritablement faible et ignorante à comparer à Arièlla. Lorsque la porte s'ouvrit, elle blêmit. Étant déjà pâle naturellement, la peau d'Azéna était maintenant aussi blanche qu'un drap. Arièlla le remarqua, faillit laisser échapper un ricanement mais se corrigea avant que la figure encapuchonné ne se glisse en dehors de la Tour Mère. Celle-ci s'arrêta devant les deux jeunes filles et d'un œil sévère, elle les sonda minutieusement pendant quelques secondes.

Après avoir terminé son inspection, Reaginn se croisa les bras et leva la tête de sorte à ce que la lumière pénètre sous son capuchon. Azéna le reconnut et remarqua qu'il semblait encore plus cruel et froid qu'à son habitude. Le regard de Reaginn n'émanait aucune onde positive. Il n'était plus le même. La panique commençait à s'attaquer au moral fragile d'Azéna. Physiquement, elle resta impassible mais, elle avait le pressentiment que le maître du donjon perçait au travers de ce masque.

- Vous avez le droit d'avoir peur, dit Reaginn dans un murmure sombre. Après tout, c'est votre première visite dans ma demeure.

À ces mots, Azéna prit la peine de l'observer afin de comprendre de qui il parlait exactement. Son regardait les deux apprenties ce qui voulait sûrement dire qu'Arièlla se trouvait dans la même position qu'elle. Azéna se sentit soulagé pour un moment.

- L'effroi est naturel lorsqu'on affronte l'inconnu, murmura Reaginn.

Il tourna les talons. Sa vieille cape noire suivit son mouvement brusque en dansant dans le vide. Il lança un dernier regard derrière lui.

- Mais, il vous faudra corriger cette faiblesse, n'est-ce pas? questionna-t-il de sa voix mielleuse.

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire mauvais. Il entra dans la Tour Mère et fit signe aux deux adolescentes de les suivre d'un geste invitant de la main.

Arièlla fut la première à s'exécuter. Lorsqu'elle passa devant Azéna, ses lèvres bougèrent, mais aucun son n'en sortit. Azéna lut sur ses lèvres : « T'es un froussarde; tu ne vas pas survivre trois secondes dans ce donjon ». Elle serra les dents et ordonna à ses jambes de suivre les deux autres figures devant elle. Malgré le refus acharné qu'elle ressentait, elle avança.

Reaginn ferma doucement la porte derrière Azéna. Contrairement à ses invitées, il semblait trop calme dans cette situation inconfortable. C'était probablement devenu normale pour lui.

Azéna s'attendait à voir une spectacle grandiose, un peu comme le Hall d'Archlan. Après tout, elle était dans la Tour Mère, l'endroit le plus sécurisé de l'académie et le repère des maîtres. Au lieu, elle fut accueillit par une scène lugubre qui lui rappelait la prison de Nothar. Même l'air était lourd et inconfortable ici. On aurait dit qu'elle n'était plus dans le même bâtiment.

« Oh putain, songea la dragonnière grise. Dans quel bordel suis-je? »

Ils descendirent un escalier en colimaçon éclairée par des torches. Azéna sentit l'anxiété monter en elle à chaque pas. Afin de se calmer, elle tenta de visualiser quelque chose de plaisant. Au début, elle s'imagina les folies qu'avait fait Tyrath en tentant d'impressionner une femelle. L'image du drake argenté qui tournait sur lui-même en plein vol se transforma involontairement en Serfantor qui tenait Gragèn par le collet. La vue de l'elfe gris qui prenait plaisir à torturer sa victime secoua Azéna. Puis, elle se souvint de ce que Leith lui avait révélé durant sa pause du midi.

« C'est vrai, songea Azéna. Je ne connais peut-être pas Gragèn, mais les paroles de Leith disent vraies. Nous sommes confrère et consoeur dragonniers, donc je dois venir en aide à Gragèn. Et ça, je vais le faire en découvrant qu'est-ce que Serfantor veut qui se cache dans cet horrible donjon. »

Ses rêveries furent interrompues par un bruit de roche qui frappe sur de la pierre. Arièlla, n'ayant pas vue la petite roche à temps, l'avait poussé avec son pied en mouvement. La blonde sursauta mais se ressaisit et ne fit comme si rien ne s'était produit. Azéna s'attendit à une réaction de colère de la part du maître du donjon mais il resta impassible. Il continua sa descente jusqu'à une grille métallique noire qui bloquait le chemin devant lui. Elle remplissait le passage en son total. De plus, elle était dépourvue de poignée. Azéna fut tenté par sa curiosité. Elle mit de côté le désir puissant de la prudence, et se tortilla dans tous les sens en tentant d'apercevoir à distance ce que fabriquait Reaginn.

Arièlla s'en rendit compte et rougit de colère.

- Arrête ces idioties immédiatement, ordonna-t-elle sèchement dans un murmure.

Elle empoigna fermement Azéna par le bras et appliqua de la force pour l'immobiliser.

- Tu vas nous faire tuer.

Azéna se débâtit et faillit frapper une torche, mais Arièlle était plus forte qu'elle et tenue bon. Dans un grincement sourd, la grille s'ouvrit en pivotant vers l'intérieur du tunnel. En voyant le trou noir qui se présentait devant elle, Azéna blêmit à nouveau et sentit les muscles de son corps se tendre sous la pression du stress. Reaginn posa son regard sur les deux jeunes filles. Arièlla relâcha Azéna et se raidit sur place.

Le maître du donjon sourit malicieusement et les invita encore une fois à le suivre d'un signe de la main. Cette-fois, Azéna obéit sur-le-champ et fut suivit de sa consœur de retenue. Les trois plongèrent dans l'obscurité totale. Azéna sentit une odeur nauséabonde de putréfaction et de vieux sang avant que les torches qui longeaient les murs ne s'enflammèrent tous. Une fois de temps en temps, une goutte d'eau tombait du plafond. Un rat passa à côté du pied d'Azéna. Elle qui ne s'attendait pas à un tel événement sous terre, une bourrasque la surprit et elle faillit hurler. Un bruit sourd résonna dans le tunnel. Derrière, la grille s'était refermée. Elle compris que Reaginn en était l'initiateur. Après tout, il était un dragonnier gris. Azéna grogna silencieusement.

À un croisement, Reaginn suivit le couloir à sa gauche. Le groupe déboucha dans une énorme salle. Azéna constata avec ébahissement qu'elle se trouvait dans une sorte de réserve. Plusieurs étagères sur lesquelles reposaient divers objets se dressaient majestueusement en rangées désorganisées au travers de la pièce. En traversant la réserve, Azéna prit attention à ce qui s'y cachait. Sur chaque étagère se trouvait une étiquette identifiant ce qui y était rangé. Elle put lire : Alchimie & herbes, livres & grimoires, ingrédients divers, métaux, nourriture, accessoires de survie, équitation & protection, prophéties & accessoires de divination, totems et archives.

C'était tous des objets qui semblaient quelque peu banal aux yeux d'Azéna sauf ceux de divination. Elle savait qu'on pouvait tirer les gens au tarot et aux cartes, mais elle n'avait jamais crue en la possibilité de prédire de vraies prophéties. Elle s'arrêta pour observer les sphères et les cartes. Elle n'eut pas le temps d'analyser grand chose. Peu de temps plus tard, son attention fut attirée ailleurs car Reaginn venait de changer de direction. Devant elle, dans le fond de la salle, se trouvait une porte entrouverte qui menait à une plus petite salle qu'Arièlla et Reaginn ignorèrent en passant devant.

La curiosité d'Azéna remporta encore une fois la victoire malgré elle. Ne pouvant s'en empêcher, elle jeta un coup d'œil rapide dans la mince entrouverture. Elle y vit des armures et armes de toutes les sortes. C'était l'armurerie. Hypnotisée par ses découvertes, Azéna observa les chefs d'œuvres de guerre du mieux qu'elle le put sans toucher à la porte. Son œil fut attiré par un arc majestueux qui était accroché au mur. L'arme à jet était immense et avait été entretenue avec soin. Elle dégageait une impression de royauté et de puissance. Des symboles elfiques avait été taillés dans son bois pâle. Azéna aurait tant aimé posséder une telle arme. Mais, que faisait une telle beauté abandonnée dans ce donjon poussiéreux?

Elle dirigea son regard sur une lame singulière dépourvue de manche et de pommeau qui était accroché au mur à gauche de l'arc. La lame possédait une forme anormale; elle était légèrement courbée. Mais, le plus impressionnant était sa taille colossale. Azéna était assurée de ne pas avoir la force pour la manier et peut-être même pas la soulever correctement.

Il y avait tant de choses à voir, mais quelques précieux moments s'étaient écoulés. Soudainement anxieuse, Azéna vérifia où les autres étaient. Reaginn se trouvait devant une autre porte et l'ouvrit doucement, Arièlla sur ses talons.

Prise au dépourvue, Azéna resta immobile sous l'état de choc et de stresse.

- Mais, ressaisis-toi! s'ordonna-t-elle dans un murmure.

Elle fronça les sourcils, prit son courage à deux mains et fonça en direction de ses compagnons en tentant d'être subtile malgré ses pas accélérés. Elle avait la bizarre d'impression que Reaginn était au courant de son exploration interdit. Le maître entra tout simplement dans la pièce suivante et attendit avec patience que les deux adolescentes le rattrapent.

- Alors, commença-t-il avec pointe d'amusement dans sa voix, on s'amuse bien à scruter l'armurerie au travers de l'entrouverture?

Arièlla et Azéna tressaillirent aux paroles de Reaginn. Elles n'osèrent pas lever les yeux du sol en pierre sombre. Azéna remarqua que sa rivale lui avait lancée un regard accusateur qui ne durera pas plus d'une demie-seconde. Un profond malaise l'envahit soudainement. Elle avait eut la bonne impression en fin de compte. Elle se sentait comme une idiote, encore une fois.

- Mais, faites comme chez vous, continua Reaginn avec une telle douceur que l'écouter en devenait horriblement stressant, regardez aux alentours.

Il fit signe d'entrer avec politesse et calme.

Azéna et Arièlla comprirent le message et obéirent. À l'intérieur, la salle était faiblement éclairée par quelques torches comme le reste du donjon. Malgré qu'elle était la fille d'un seigneur important, Azéna n'avait jamais vue de telles choses. Il y avait des fourchettes géantes, des guillotines, des haches, des cages, des ciseaux et d'autres objets qui paraissait dangereux. Avec effroi indicible, Azéna réalisa qu'elle se trouvait dans une salle de torture. Après avoir retenue une envie soudainement de vomir, elle trembla et devint blême.

- Vous... Vous ne pouvez pas! Ce n'est pas possible!

Reaginn poussa un petit rire frustré.

- Ce n'est sûrement pas vous qui décidiez ce qui peut être fait ou non, n'est-ce pas Apprentie Kindirah? Vous oubliez que vous n'êtes plus dans le palais de vos parents. Il n'y a pas de serviteurs, ni de soldats ni de papa pour vous sortir de votre punition.

Le maître du donjon semblait éprouver une certaine joie à observer les deux adolescentes trembler de peur. Dans l'ombre de son capuchon, le coin droite de sa bouche s'étira en encore sourire mauvais. Azéna le vit et sentit de l'anxiété et de la colère monter en elle. Ses yeux s'écarquillèrent et sa pupille se dilata. Elle se sentit coincée et en danger. Elle répugnait ce sourire.

- Vous prenez même plaisir à nous voir souffrir, hurla l'adolescente.

- Mais, pour quelle raison dites-vous cela, Apprentie Kindirah? Répondit Reaginn en toute sévérité.

- Vous aimez tout simplement ça!

- Détrompez-vous, ma dame, dit-il avec sarcasme sachant que ce titre de lui appartenait plus. Vous ne me connaissez nullement.

Le silence pesait alors que le maître du donjon posa son regard sur un coin de la pièce dissimulé par l'absence de luminosité. Son expression sévère s'accentua; il ne s'amusait plus. Cette-fois, Arièlla laissa sa peur se manifester. Terrorisée, elle poussa un faible gémissement. Azéna n'avait pas le sang-froid pour prêter attention à la blonde qui commençait à se recroqueviller sur elle-même. On dirait que ce moment de paix l'avait fait craquée, comme si elle venait de réaliser que ce calme n'était qu'un privilège temporaire.

- Je ne suis pas comme certain qui prennent réellement plaisir à voir les autres souffrir, dit Reaginn avec froideur.

Il attendit patiemment, mais rien ne se produisit. Il ne lâcha pas le coin du regard.

- Sors d'ici immédiatement, ordonna-t-il sèchement.

De l'ombre émergea un homme encapuchonné. Celui-ci émit un ricanement sinistre, se dirigea vers la sortie et disparut, encore une fois, dans l'obscurité du donjon. Azéna n'eut pas l'opportunité de le discerner, mais elle avait déjà établi son idée de qui il s'agissait. D'après elle, il ne s'agissait que de nul autre que Vyrius Arahich, le maître douteux qui n'est jamais bien loin de Reaginn.

Reaginn s'accouda contre l'instrument le plus large de la salle de torture, le chevalet, comme si c'était pour lui une habitude banale. Il baissa lentement son capuchon pour ainsi révéler son jeune visage triangulaire à la mâchoire puissante. Ses petits yeux sévères semblaient toujours comme s'ils perçaient des âmes. D'une certaine façon, étrangement, il était séduisant, si on aimait ce genre d'homme.

- Ça vous dit de jouer à un jeu? proposa-t-il.

Son regard passa d'Azéna à Arièlla et vice versa en attendant que l'une d'elle lui réponde. Une longue minute s'écoula. Seule la respiration légère du maître du donjon brisait le lourd silence qui pesait sur la conscience d'Azéna.

- Eh bien, vous n'avez pas le choix puisque c'est moi le maître ici, affirma finalement Reaginn. Je vais vous faire part du principe de ce jeu, donc, écoutez attentivement.

Azéna et Arièlla hochèrent de la tête. Satisfait de leur réplique, le maître du donjon continua:

- C'est simple. Trouvez la solution au problème et vous serez libéré de votre châtiment ainsi que de mon emprise.

Il se releva et s'approcha des deux adolescentes d'un pas lent. Finalement, il s'arrêta devant elles. Il fixait le vide derrière elles. Azéna remarqua que Reaginn portait une tunique en cuir sombre. Il était assez près d'elle pour qu'elle puisse se permettre de le scruter. Il possédait aussi des épaulières du même matériel desquelles jaillissaient de petits piquants en fer. Un kriss et un poignard à la lame ondulée pendaient de sa ceinture. Comme à son habitude, sa chevelure était stylé en queue de cheval pour dégager son visage.

- Quel est le problème, Maître? osa demander Arièlla en évitant soigneusement le regard de son interlocuteur.

La question n'offusqua pas Reaginn. Au contraire, un sourire qui exprimait un mélange apeurant de malice et d'amusement dominait son visage alors qu'il accorda son attention à Arièlla. Ses yeux vert foncé étincelèrent.

- Bonne question, Apprentie Valkirel, dit-il en empoignant le manche de son kriss. C'est regrettable mais, vous allez devoir y penser par vous-même...

Il souleva l'arme et recula de quelques pas.

- ... en vous battant contre moi, continua-t-il. Ce sera un échange: votre sécurité contre la réponse au problème.

Là, c'était la goutte qui faisait déborder le vase. L'esprit d'Azéna était assaillié de tants d'émotions différentes qu'elle s'affola.

- Vous voulez dire que vous allez essayer de nous poignarder tout ce temps si nous ne trouvons pas la réponse? demanda-t-elle.

- Pourquoi pas? questionna Reaginn d'un ton sérieux. Ça vous donnera une avance d'expérience en combat sur vos compagnons de classe.

Azéna sentit sa patience s'écouler. Reaginn ne faisait aucun sense à présent. Il devait avoir perdu la raison. Connaissant sa lenteur avec ce genre de devinette, il fallait qu'Azéna sorte d'ici si elle ne voulait pas terminé sa retenue en brochette. Elle songea un moment. Les maîtres n'ont pas le droit de faire intentionnellement du mal à un apprenti. Spécialement, sans raison éducative. Enfin, c'est ce qu'Azéna espérait. Reaginn devait jouer la comédie.

- Commençons! annonça le maître en s'élançant vers l'avant.

Arièlla se mit en position défensive de combat. Azéna, de son côté, avait presqu'envie de défier le maître en lui hurlant qu'il n'allait pas leur faire de mal. La dragonnière rouge évita une attaque aux côtes qui s'aurait avérée sévère si elle avait atteint sa cible. C'est à ce moment qu'Azéna réalisait que Reaginn ne plaisantait pas. Paniquée, elle sonda brièvement la salle à la recherche d'une arme quelconque et aperçut une masse d'arme équipée de pointes acérées qui avait été accrochée au mur : une étoile du matin noircie par le temps.

- Je ne pourrais jamais lever ça, murmura-t-elle avec désespoir. Ça doit peser une tonne.

Un coup violent au ventre lui coupa le souffle. La douleur la secoua; elle tomber sur ses genoux et se serra le ventre. Elle leva les yeux, haletante, et vit Reaginn qui la fixait sévèrement.

- Il va falloir travailler plus fort que ça si vous voulez sortir d'ici lucide d'esprit, dit-il en s'adressant aux deux. Vos actes pourraient vous menez à votre ruine.

Arièlla empoigna une épée courte à double tranchant et s'attaqua à Reaginn. Azéna en profita pour vérifier son ventre. À son grand soulagement, ce dernier n'avait pas été coupé; Reaginn n'avait pas utilisé d'arme lorsqu'il l'avait frappé. Levant la tête vers Reaginn et Arièlla, elle tenta de comprendre ce qui se passait. Tout allait tellement vite, trop vite. Reaginn était un excellent combattant et Arièlla était béni par l'agilité de son héritage elfique. Malgré son avantage de vitesse, la demie-elfe ne pouvait rien faire d'autre que se défendre.

Après quelques secondes de réflexion, elle en conclut qu'Arièlla démontrait déjà des signes de fatigue. Pour maintenir sa vitesse, son corps semblait devenir plus tendu. Elle perdu son équilibre pour éviter que son bras ne se fasse couper. Il fallait faire vite si elles ne voulaient pas se retrouver à l'infirmerie ensanglantées ou pire, en lambeaux.

Azéna réussit à passer derrière Reaginn alors que celui-ci confrontait toujours la dragonnière blonde. Malheureusement pour elle, le maître de la survie était vigilant. Il para l'épée d'Arièlla avec son kriss d'une main et de l'autre, il empoigna Azéna par le collet et la projeta de toutes ses forces dans la direction opposée. Azéna ferma les yeux et enroula sa tête de ses bras de sorte à la protéger. L'impact brutal contre le mur de pierre faillit l'assommer. Elle resta assise, accoté contre le mur, trop étourdie pour réagir.

Arièlla, de son côté, livra une performance impressionnante en maniement de l'épée. Malgré tout, la jeune dragonnière n'était pas de taille contre l'agile et rusé Reaginn. Celui-ci la forçait à reculer constamment. Coup après coup, elle perdait du terrain et, finalement, elle fut repoussée sur le chevalet qui attendait pour sa prochaine victime avec avidité. Lorsqu'elle se rendit compte sur quoi elle était tombée, un cri d'angoisse s'échappa de sa bouche. Elle réussit à retrouver son sang-froid rapidement et tenta de repousser Reaginn avec des coups de pieds puissants tout en tenant son épée sur le long pour en faire un bouclier.

Azéna profita de la situation pour récupérer de son étourdissement et aller chercher l'énorme étoile du matin. Elle réussit avec difficulté à soulever l'arme. Reaginn entendit le bruit de grincement du métal contre la pierre et porta son attention vers elle. Avec une rapidité fulgurante, il poussa Arièlla et frappa, désarmant Azéna. Il ramassa l'étoile du matin avec un un effort moyen et la lança de l'autre côté de la pièce.

Pendant plusieurs longues minutes, les deux apprenties dragonnières se battirent contre leur assaillant, mais celui-ci était trop expérimenté pour leurs tactiques basiques. Elles ne réussirent pas à le mettre au désavantage. Elles devinrent si épuisées que leur vision s'embrouilla. Dans leur confusion, elles se mirent à s'attaquer entre elles, donnant des coups de pieds, des coups de poings et se poussants. La nervosité et la panique leur enlevèrent toutes pensées logiques. Heureusement, leur précision n'était pas à sa meilleure et elles s'atteignaient rarement.

- C'est moi votre ennemi, idiotes, aboya Reaginn sur un ton cruel.

À la fin de la soirée, les deux dragonnières défaillirent sous le poids de l'épuisement. Arièlla était étendue au sol et ne portait même pas attention à ses blessures qui se composaient de plusieurs écorchures, de petites coupures et d'hématomes. Azéna avait reçu le même traitement, mais contrairement à Arièlla, elle réussit à se relever. Elle tremblait de tous ses membres tel un animal malade au bord de l'évanouissement. Haletant, elle n'y voyait plus grand-chose. Sa vision était brouillée et sa peau était tellement parsemée de sueur qu'elle brillait.

- Azéna, tu es une auguste combattante, complimenta Reaginn. Mais, je suis déçu. Vous n'avez pas trouvé la solution à mon problème.

- Crache le morceau à la fin! hurla Azéna de sa voix cassante. De plus, comment veux-tu qu'on y réfléchisse lorsqu'on se fait attaquer par un déchaîner!

Reaginn répliqua d'un sourire mauvais.

- C'est une leçon que vous devez apprendre par vous-même.

- Une leçon de boucherie, oui.

- Dommage. Vous n'êtes que déception. Vous ne méritez même que je vous donne un indice. Alors, je vais devoir prendre les grands moyens pour vous apprendre.

- Nous apprendre quoi? Merde!

Pas de réponse. Azéna était désespérer. Elle était nulle en combat et Arièlla ne pouvait plus se défendre.

- Merde, jura-t-elle à nouveau. 

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