33 - Jay

18 minutes de lecture

Lorsque Dan m'a proposé de passer l'après-midi avec lui, j'ai de suite accepté. De toute façon, je n'avais rien d'autre à foutre. Cependant si j'avais su qu'il passerait son temps à zieuter son portable et à répondre aussi sec, je crois que je m'en serais abstenu. J'aurais pu me trouver une activité un peu plus intéressante, comme mater cette nouvelle série dont tout le monde parle sur Netflix ou me trouver une meuf pour me distraire un peu. Ce qui en soit n'est pas bien difficile à dénicher, le plus dur c'est de faire abstraction de ce que j'éprouve en la baisant. Depuis que j'ai décidé de redevenir moi-même et de pratiquer ce que je sais faire de mieux, je dois sans cesse lutter pour ne pas chercher des traits communs entre la fille qui m'accompagne et celle pour qui j'ai encore des sentiments. J'ai eu beau fermer mon cœur à double tour derrière une porte blindée, je pense encore à elle. Bien trop souvent.

Assis dans un bar du centre de Chicago, une bière devant moi, je baille. C'est vraiment soulant de passer son temps avec un pote qui se fiche totalement de votre présence. Épuisé par son attitude, je scrute la salle à la recherche d'une proie facile qui pourrait m'aider à chasser cet ennui. Je passe rapidement sur un groupe de jeunes lycéennes qui bavent sans discrétion sur nous. Elles doivent avoir à peine seize ans, je préfère zapper direct. Une petite brune au fond de la salle me fait de l'œil depuis un moment. Elle est pas mal, mais sa façon d'être me rappelle un peu trop Jen. Pour oublier mon ex, je dois choisir son total opposé.

Au moment où je pense que ce n'est pas ici que je vais trouver mon bonheur, une nana aux cheveux rouge sang entre dans le bar. Son look de mauvaise fille me plaît bien. Jamais, Jen n'aurait osé porter ce genre de tenues. Elle a trop de classe pour se rabaisser à mettre une chemise à carreaux, un jeans troué et des rangers. Parfait ! C'est exactement ce qu'il me faut.

J'avale une gorgée de bière, avant de me lever. À peine suis-je debout que Dan semble percuter ma présence. Il redresse la tête dans ma direction, un sourcil haussé en signe de questionnement.

— Qu'est-ce que tu fous ? demande-t-il.

D'un signe de tête, je lui montre la fille que j'ai repérée.

— Sérieux ? Je croyais qu'on devait passer l'aprèm entre mecs ?

Ouais, moi aussi je le pensais, jusqu'à ce que je me rende compte que son smartphone le passionnait plus que moi.

— Je crois que ton tête-à-tête avec ton smartphone est bien plus passionnant que moi.

— Désolé, mec. C'est Haley. Elle est à l'hôpital.

Inquiet à présent, je ne mets pas deux heures à reposer mon cul sur la chaise. Ma proie attendra, au pire je m'en trouverai une autre. Après tout, ce genre de fille est monnaie courante par ici.

— Qu'est-ce qui se passe ?

Savoir mon amie à l'hôpital ne me plait pas du tout. J'espère que ce n'est pas trop grave. En même temps, je me dis que si Dan est avec moi, c'est que ce ne doit être rien de dramatique. Je tente de me rassurer comme je peux, mais je n'aime vraiment pas ça.

Dan jette un nouveau coup d'oeil à son téléphone, puis il lève un regard navré vers moi. Pourquoi navré d'ailleurs ? C'est quoi son putain de problème ?

— Ecoute, Jayden…

Pour qu'il m'appelle par mon prénom entier, j'ai de grosses raisons de m'alarmer. D'autant plus qu'il semble, désormais, très mal à l'aise. Est-ce qu'il est arrivé quelque chose à son fils ? Si c'est le cas, je n'arrive pas à m'expliquer sa présence avec moi. Il devrait être à son chevet, non ? À moins que ce soit tellement grave qu'il ait eu besoin de mon soutien et moi comme un gros con, je n'ai même pas été fichu de décrypter mon pote. Si c'est le cas, je suis vraiment le roi des losers.

— Il est arrivé un truc à Haley ?

— Non.

— Ton fils va bien ? Est-ce que je peux faire quelque chose ?

Je ne sais pas pourquoi cette situation me stresse autant. C'est comme si je savais d'ores et déjà que ce qu'il va m'annoncer ne va pas me plaire.

— C'est Jen, lâche-t-il de but en blanc.

Jen ? Ma Jen ?

— Quoi Jen ?

— Elle est à l'hôpital.

Mon cœur se serre avec violence et mon estomac se tord en imaginant qu'il ait pu lui arriver le pire. Est-ce qu'elle va bien ? Question stupide, puisqu'elle est à l'hôpital ! J'espère juste que ce n'est rien de méchant, genre une légère foulure ou au pire un bras ou une jambe cassée. Si jamais il lui était arrivée quelque chose de grave, je ne suis pas certain de pouvoir le supporter. Bien que depuis dix jours, je laisse ma tête et ma queue contrôler ma vie, à cet instant mon cœur me hurle toute sa douleur en imaginant la perdre sans aucun retour en arrière possible.

— Est-ce que… Comment elle va ?

— Pour le moment, elles attendent les résultats de ses analyses de sang.

Putain ! Elle est malade ?

J'avale une nouvelle lampée de ma boisson alcoolisée. J'aurais mieux fait de me prendre une tequila ou un whisky. Ça m'aurait un peu mieux aider à faire passer la pilule.

— Tu penses que c'est grave ?

Il hausse les épaules.

— Franchement, je n'en sais rien, mec. Haley m'a dit que Gabe l'a envoyée à l'hôpital après une sale chute. Il était inquiet. Elle a tendance à faire pas mal de malaises ces derniers temps.

— Gabe, c'est son nouveau mec, c'est ça ?

Je me rappelle parfaitement ce gars qui avait le bras autour des épaules de la femme de ma vie. Rien que d'y penser, j'en ai la gerbe. Si je pouvais éclater la gueule à ce salopard qui ose me la prendre sans avoir pu me battre, je le ferais volontiers. Surtout qu'à présent, j'ai un argument de poids pour convaincre Jen de revenir vers moi. Je ne suis pas père. L'autre connasse a menti sur toute la ligne.

Un éclat de rire me sort de mes pensées. En voyant Dan se tordre en deux, je fronce les sourcils, mécontent qu'ils puissent se foutre de ma tronche de la sorte. Non, mais, il se prend pour qui ? J'aimerais bien l'y voir si Haley avait un autre gars. Je ne suis pas certain qu'il se marrerait autant.

— À choisir, Gabe préfèrerait te foutre dans son lit plutôt que de passer une nuit avec ton ex.

Il sous-entend quoi là ? Que ce mec est gay ? Pourtant de ce que j'en ai vu, il avait plutôt l'air bien hétéro lorsqu'il serrait Jen contre lui. Je ne sais pas quel jeu malsain a décidé d'entreprendre Dan, mais il vaut mieux pour lui qu'il l'arrête de suite, avant que j'explose. Surtout qu'il continue à se marrer comme une baleine.

— Cesse de te foutre de ma gueule ! grogné-je.

— Je ne me fous pas de toi. Gabe est gay.

— Ouais, à d'autres.

Il souffle, certainement désespéré par mon entêtement.

— Pour répondre à ta question, je ne sais pas si c'est grave. Dès que Haley m'envoie les résultats, je te tiens au jus.

Je hoche la tête, puis entreprends de faire tournoyer le liquide ambré dans mon verre afin de faire défiler les secondes le plus vite possible. Du moins, j'ai cru que ça pourrait m'y aider, mais au bout d'à peine une minute, j'avale tout d'un trait. Le temps semble s'être figé dans une lenteur extrême.

Au bout de dix minutes d'attente, je commande une tequila, que j'avale cul-sec dès que la serveuse la pose devant moi.

— Vous pourriez m'en apporter une autre, s'il vous plaît ?

Elle me gratifie d'un immense sourire, avant de le noter sur son calepin. Lorsqu'elle me ramène ce troisième verre, je décide de patienter un peu avant de l'avaler. Je dois quand même avoir les idées claires quand Dan m'annoncera de quoi il en retourne au sujet de Jen.

Plus les secondes s'écoulent et plus l'attente me paraît interminable. Insoutenable même. Impuissant face à cette lenteur extrême, je tente de tuer le temps en pianotant sur la table.

— Nerveux à ce que je vois ! me balance Dan comme si de rien n'était.

Qu'est-ce que ça peut lui foutre ?

— J'aimerais bien t'y voir si Haley se trouvait à la place de Jen.

— Je croyais que tu avais décidé de tirer un trait définitivement sur elle. D'ailleurs avant même que je te dise que ma femme se trouvait à l'hôpital, tu t'apprêtais à aller à la pêche, je me trompe ?

Il a entièrement raison, mais merde, ce n'est pas de ma faute, mon connard de palpitant a décidé de reprendre les manettes de ma vie. Je ne sais pas comment il s'y est pris pour se dépêtrer de la prison dans laquelle il s'était enfermé,néanmoins le fait est qu'il a réussi à briser tous les verrous que j'ai pu cadenasser.

— Tu n'arrives pas à l'oublier, n'est-ce pas ?

Cette fois encore, il n'a pas tort. Dix jours que je ne l'ai pas vu, neuf où je ne passe pas une journée sans ramener une meuf dans ma baraque pour les baiser de toutes les manières possibles. Pourtant, Jen est toujours là, à me hanter. Les souvenirs de notre relation s'invitent dans ma tête presque tous les soirs alors que je me retrouve seul dans mon plumard. Parfois, je me demande comment faire pour la sortir de ma tête tant elle reste omniprésente. Et ce n'est pas parce que j'ai décidé de redevenir ce gars distant avec les femmes, qui s'en sert que pour son propre plaisir, que je suis réellement redevenu le même qu'avant. Il me manque une part de moi, celle que j'ai laissé auprès de Jen et qui y restera jusqu'à ma mort. Elle est mon unique amour, la seule avec qui je désirais vivre quelque chose de plus profond. Celle avec qui j'avais envie de partager ma vie.

— Jay ! me rappelle-t-il.

— Désolé, mec, je me suis paumé dans mes pensées.

Un large sourire illumine sa gueule.

— Et tes pensées la concernait, je me trompe ?

— Non, tu ne te trompes pas. Et pour répondre à ta question d'avant, ouais, je suis encore accro. Ça fait pourtant plus d'un mois qu'on n'est plus ensemble, mais je suis incapable de passer à autre chose. Ce n'est pas faute d'avoir essayé pourtant.

— Si tu veux, je peux demander à ma femme qu'elle la ramène chez nous à sa sortie. Vous pourriez vous voir et discuter un peu tous les deux. Haley m'affirme que Jen t'aime toujours.

Je hausse les épaules, pas certain que ce soit une bonne idée. J'en doute même, vu ce qu'il s'est passé entre nous la dernière fois. En même temps, je crève d'envie de plonger mes yeux dans la verdure des siens, la frôler, la toucher. Je rêve d'être dans la même pièce qu'elle pour sentir ce parfum qui me rend dingue. Même l'entendre m'insulter serait préférable que cette putain d'absence contre laquelle je me sens complètement démuni.

— Je ne suis pas certain qu'elle ait envie de me voir. La dernière fois que je l'ai vue, je l'ai blessée.

Il opine du chef, compréhensif. Il sait exactement de quoi je parle, puisque nous en avons discuté.

— Mais vous ne pouvez pas rester comme ça à être malheureux tous les deux, chacun de votre côté.

— Ok, abdiqué-je.

Après tout, je n'ai rien à perdre, puisque j'ai déjà tout perdu le jour où elle m'a plaqué comme un moins que rien.

Sans perdre de temps, Dan envoie un message à Haley, avant de me proposer de quitter ce bar. J'avale ma tequila d'un trait, puis me lève pour le suivre.

Quelques secondes plus tard, je suis devant ma bécane. Un vrai petit bijou. En regardant ma Ducati Diavel 1260, je me mets à croire qu'un jour la femme de ma vie la chevauchera avec moi. Le cœur gonflait d'espoir, je l'enfourche, puis la fais vrombir, avant de m'engager dans la circulation.

Lorsque j'arrive chez mes potes, Dan n'est pas encore arrivé. Un pied au sol, je détache mon casque. En attendant qu'il se pointe, j'ai tout loisir de penser à la manière dont je pourrais aborder Jen. Enfin, si elle accepte de suivre sa meilleure amie jusqu'ici. Je me demande comment elle réagira en voyant que je suis également là. Sera-t-elle d'accord pour me voir ou préférera-t-elle se tenir le plus loin possible de moi ? Et si elle veut bien me parler, pourrais-je lui proposer de venir chez moi, histoire qu'on soit un peu plus tranquille tous les deux ou bien devrais-je me contenter de l'aborder en présence de nos amis ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête et je suis incapable de trouver une ligne de conduite. Enfin, déjà, il faut qu'elle quitte ce putain d'hôpital.

— Désolé pour le retard, vieux, me lance Dan quand il sort de sa caisse. J'ai dû m'arrêter pour répondre à Haley.

— Des nouvelles ? Ce n'est pas grave au moins ?

Le stress est vraiment mon nouveau pote cette aprèm. Il n'a aucune envie de me lâcher.

Un sourire énigmatique s'affiche sur sa gueule. Bordel, à quoi il joue à présent ?

— Je ne peux rien te dire.

Surpris, je fronce les sourcils.

— Comment ça tu ne peux rien me dire ?

— T'inquiète, mon pote, tu devrais bientôt en savoir plus, me sourit-il en me donnant une claque amicale sur l'épaule.

— Putain, tu pourrais au moins me rassurer un peu, non ?

Il me lance un nouveau sourire. Je lui ferais presque ravaler si ce n'était pas le seul pote qu'il me restait. Toute cette histoire commence vraiment à me soûler. De plus, les mystères n'ont jamais été ma tasse de thé, encore plus si ça la concerne elle.

— Elle va très bien, ne t'en fais pas.

— Attends, tu te fous de moi, non ? Comment tu expliques ses malaises alors ?

Il hausse les épaules, comme si ce genre de truc était presque banal. A moins qu'il s'en contrefoute totalement. Je pense que c'est ça. Il s'en fout royal alors que moi j'ai besoin de savoir. Imaginons que la dernière fois qu'on a couché ensemble, je lui ai refilé une saloperie, ça me concerne, merde !

Je reste figé quelques secondes à essayer d'analyser cette foutue situation. Putain, pourquoi quand ça la concerne, je me fous dans tous mes états ? La réponse je la connais déjà, pas la peine de s'y attarder.

— T'as l'intention de l'attendre dehors ? me demande Dan alors que lui se trouve à présent sur le perron.

Pourquoi pas ? Après tout, le temps est plutôt agréable. Mais si elle me voit devant cette baraque, peut-être n'aura-t-elle même pas envie de quitter la bagnole de Haley. Pourquoi n'irais-je pas faire une balade en bécane ? Je pourrais revenir ensuite… ou pas. Je ne sais même pas si j'aurais encore les couilles de revenir si je me barre maintenant.

Penser à elle est en train de me faire virer barge. Faut que ça cesse, avant de complètement perdre les pédales !

Je relève légèrement la tête dans la direction de mon pote et fous ma main en visière devant mes yeux, afin d'éviter de me prendre en pleine face les rayons du soleil. Dan me scrute attentivement comme si j'étais devenu un putain d'inconnu pour lui. Toute son attitude me gonfle aujourd'hui.

— Allez, viens mon pote, on va aller se prendre une bière sur la terrasse en les attendant.

Se rendre sur la terrasse n'est pas une mauvaise idée en soit, par contre descendre une nouvelle bière, je ne suis pas certain que ça le fasse. Il ne faudrait pas que je sois éméché lorsqu'elle va débarquer.

Je hoche la tête et le rejoins en quelques enjambées. Dès que je franchis la porte, Ashton attire mon attention avec sa petite voix. Il semble ravi de voir son père. Une jeune femme se trouve proche de lui.

— Jay, je te présente Elise, notre jeune fille au pair. Elle est Française.

Je ne savais même pas qu'ils avaient engagé une jeune femme pour s'occuper de leur gamin. En même temps, si au lieu de me morfondre seul sur mon sort, je serais venu un peu plus souvent ici, je l'aurais certainement su.

Avec un sourire angélique sur sa jolie tronche, elle me tend une main en guise de salutation.

— Bonjour, je suis ravie de vous rencontrer, me dit-elle avec un accent tout à fait charmant tandis que je lui serre la main.

Dans mon malheur, je crois que je suis chanceux. Si Jen me rejette comme une vieille merde, je pourrais toujours trouver à me consoler dans cette baraque. Pour lui prouver qu'elle pourrait avoir toutes ses chances de finir chez moi avant la nuit tombée, je lui lance un sourire de séducteur confirmé. Comme je m'y attendais, ses joues virent au rouge aussitôt. Le jour où j'arrêterai de faire craquer les meufs, les poules auront des dents ou alors je serai devenu vieux et édenté. En attendant, je profite de mon charme naturel pour obtenir ce que je souhaite.

D'un coup d'épaule dans la mienne, Dan me ramène à la réalité. Son froncement de sourcils m'indique que mon petit jeu ne lui plaît pas du tout. Pas besoin d'être devin, ni même qu'il me le dise, pour savoir ce qu'il doit en train de penser. La femme de ma vie ne va pas tarder à se pointer et je suis en train d'en draguer une autre. Il doit se demander si je ne suis pas tombé sur la tête.

Afin de répondre à sa question muette, je hausse les épaules.

— On ne sait jamais. Elle est plutôt bien gaulée cette nana.

Elise lève un sourcil. Elle n'a pas dû tout comprendre. Tant mieux. Bon ce n'est pas innocent si j'ai utilisé de l'argot, je n'avais aucune envie qu'elle comprenne ce que je disais à mon pote. Même si avec mes sourires, je la dragouille légèrement, elle n'a pas besoin de connaître le fond de mes pensées.

— Désolé de te décevoir, mais la seule nana bien gaulée pour moi, c'est ma femme, m'avoue Dan en m'invitant à me rendre sur la terrasse.

— Arrête tes conneries, je suis certain que tu as déjà bavé sur d'autres, même si tu te la fermes à chaque fois, pour éviter les emmerdes, lui dis-je en m'arrêtant net.

Une drôle de lueur passe à cet instant dans ses prunelles. Je ne sais pas à quoi il pense, cependant j'ai l'intuition que s'il me l'avoue, je ne vais pas du tout apprécier. Il se gratte un instant le front, avant de me répondre :

— Ouais, t'as raison, vieux. Ça m'est déjà arrivé une fois, une jolie Britannique, me déclare-t-il, un rictus énigmatique sur les lèvres.

Putain, je suis certain qu'il se fout de ma gueule. J'espère qu'il ne pense pas à Jen et si c'est le cas qu'il n'est pas sérieux.

— J'espère pour toi que tu ne parles pas de Jen.

— Pourquoi ?

Je serre les mâchoires ainsi que mes poings, furax qu'il ait pu avoir ce genre de pensée vis-à-vis de mon ensorceleuse. C'est bon, j'ai déjà perdu un pote, aucune envie de me battre avec un autre à cause d'elle.

Dan me fixe avec sérieux quelques secondes avant d'éclater de rire.

— Tu verrais ta tronche, mec !

— Tu te fiches de moi, c'est ça ?

— Ouais, m'avoue-t-il en retrouvant son sérieux. Jen est jolie, je ne vais pas dire le contraire, mais à mes yeux, la plus belle reste ma femme.

J'apprécie beaucoup Haley, mais je ne suis pas du tout de son avis. Jen est bien plus belle pour moi.

— Je voulais juste te ramener à la raison de ta présence chez moi. Va t'installer sur la terrasse et arrête de draguer ma jeune fille au pair. Ce n'est qu'une gamine en plus, elle n'a que dix-neuf ans. Tu veux boire quoi ?

— Je vais éviter la bière, ramène-moi un soda. N'importe lequel.

Après son retour, on papote de tout et n'importe quoi, sans, toutefois, amener Jen dans la conversation. Je crois qu'il a compris dans quel état de stress, je me trouve. Putain, j'aurais bien besoin d'un bon calmant là, avant que mon cœur n'implose dans ma poitrine. Cependant, la seule chose qui pourrait me détendre vraiment, je ne peux pas l'obtenir. Pas maintenant en tout cas.

Au moment où la porte d'entrée s'ouvre, mon palpitant devient complètement dingue. Je vais finir par faire une syncope. Dan me serre l'épaule en guise de soutien. Il sait tout autant que moi que ma vie va se jouer dans les secondes qui suivent.

— Dan, amour, t'es où ? entends-je Haley l'appeler.

Mon pote me jette un regard, avant de se lever.

— Allez, viens, on va les rejoindre, me lance-t-il.

Je le laisse partir en premier. Avant de le suivre, je ferme les yeux, afin de retrouver le courage qui me fait défaut à cet instant. Je n'ai rien à perdre. Je me répète ses paroles en boucle alors que je me dirige vers la baie vitrée. Au pire, elle m'ignore totalement et j'aurais tout compris, au mieux on parvient enfin à se retrouver et j'aurais tout gagné.

Au moment où je franchis l'ouverture pour rentrer dans la baraque, le tract me saisit au bide. Putain, j'ai l'impression d'être un môme et de me rendre à mon premier rencard. Ou encore de faire ma première scène devant un public composé de milliers de personnes. À choisir entre les deux, je ne sais pas ce qui est le pire.

— Tu ne m'avais pas dit qu'il serait là, entends ma belle ensorceleuse prononcer.

Je n'arrive pas à définir le sentiment qui perce dans sa voix, néanmoins elle ne paraît pas ravie de me voir ici. D'ailleurs, j'en ai confirmation lorsque je me tourne vers elle. Aussitôt que mes yeux se posent sur elle, les siens me fuient. Elle regarde partout sauf vers moi.

— Salut, lancé-je pour tenter d'attirer son attention.

Elle tourne à peine son regard vers moi. Je suis mal barré, ça va être chaud d'établir un lien avec elle.

— On va vous laisser tous les deux, nous annoncent Haley et Dan en chœur.

Les deux sont tellement complémentaires qu'ils parviennent à dire exactement la même chose au même moment.

— Quoi ? Non ! s'écrie Jen qui ne semble pas ravie par cette perspective.

Haley s'approche d'elle afin de lui glisser quelques mots à l'oreille. Je serais presque jaloux de leur proximité. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle lui a dit, mais cela semble avoir eu son petit effet, puisqu'à présent Jen ose me faire face. Je ne sais pas ce qui lui passe par la tête, mais elle semble comme résignée. Et moi, de la voir si belle, malgré sa pâleur, me donne envie de me jeter à ses pieds pour la supplier de me reprendre.

— Comment tu vas ? la questionné-je dès que nos amis se sont suffisamment éloignés. Dan m'a dit que tu étais à l'hôpital. Est-ce que c'est grave ?

Ses lèvres esquissent un petit sourire, totalement irrésistible. Il vaudrait mieux qu'elle cesse ce genre de chose si elle ne veut pas que je la plaque contre le mur derrière elle et me jette sur cette bouche dont je reste barge.

— Tu t'inquiétais pour moi ?

— Oui.

Elle affiche à nouveau ce petit sourire qui me fait saliver comme un clebs, avant que ses prunelles viennent s'ancrer aux miennes. Durant plusieurs secondes, nous restons ainsi, les yeux dans les yeux. Je n'ai aucune envie de lâcher ce contact visuel le premier, surtout que ce que je lis dans son regard me plaît énormément. Elle veut encore de moi, j'en suis persuadé. Pourtant, lorsqu'elle rompt le charme qui s'opérait jusqu'alors, je me prends comme une douche froide dans le coin de la gueule.

Je la suis des yeux tandis qu'elle se dirige vers le canapé, sur le rebord duquel elle s'assoit. Je laisse passer un court instant, sans vraiment savoir nquoi faire, avant de m'y rejoindre, tTéeméeraire, mais 'pas farouche, je m'assois à l'opposé. La vérité c'est surtout que je crains de ne pas pouvoir me retenir 'si je me tiens trop près d'elle. Elle me manque tellement. Même si j'ai tenté d'en faire abstraction ses derniers jours, à cette distance d'elle, je ne peux plus me voiler la face.

— Il faut qu'on parle, m'avoue-t-elle d'une toute petite voix, tout en se triturant les doigts,

Ma présence semble l'incommoder au plus haut point.

— Je pensais avoir le temps de te l'annoncer, mais puisque tu es là, je préfère le faire maintenant. En même temps, je n'aurais peut-être plus le courage ensuite. Alors autant se lancer.

Oula ! Est-ce que je dois craindre le pire ? Mon cœur cesse de battre dans l'attente de ce qu'elle a à me dire.

Elle relève les yeux un instant dans ma direction, cherche un je-ne-sais quoi dans mon regard, avant de reporter ses prunelles sur ses mains.

— Je suis enceinte.

Ses mots sont sortis si bas que je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Une ride se dessine sur mon front, tant je suis incrédule.

— Tu es… enceinte ? J'ai bien entendu ?

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