32 - Jen

19 minutes de lecture

Assise sur mon lit, je regarde la pluie tomber par la fenêtre. Le temps est aussi triste que moi. Je n'arrive pas à déterminer si c'est le mal du pays ou son absence qui me pèse autant. Malgré les heures que je passe au travail, je n'arrive pas à l'oublier. Jay est présent en permanence dans ma tête. C'est encore plus vrai depuis que je l'ai revu, il y a dix jours. Et depuis ce laps de temps, je me demande pour quelles raisons j'ai agi ainsi devant lui, alors que tout mon être, toute mon âme, me hurlait de le laisser revenir dans ma vie. Le voir m'a tellement bouleversée que j'ai perdu mon sang-froid. Je crois que j'ai eu peur de souffrir encore une fois.

Bien qu'après notre rupture, j'ai pris conscience de pas mal de choses, grâce, notamment à Haley, mais aussi à Gabe, mon colocataire et bras droit, je n'ai pas eu la force de l'affronter. Je sais que j'ai commis une erreur monumentale le jour où je suis partie sans lui laisser le temps de s'expliquer. Mais, ce jour-là, je n'ai pas pu m'empêcher de reporter sur lui tout le mal que m'ont fait mes exs et Shawn en particulier. Après tout, qui dit frères de cœur, dit qu'ils peuvent être semblables sur pas mal de choses, non ? Depuis que j'ai compris à quel point, j'ai été stupide, il n'y a pas un seul jour où je regrette ma décision et aujourd'hui, c'est encore pire. Je ne sais pas comment revenir vers lui. Je ne sais pas comment lui avouer combien mes sentiments pour lui sont intenses. Il me manque d'une façon inimaginable. Pas un seul soir ne se passe sans que je songe à me lover dans ses bras. Chaque nuit, il apparaît dans mes songes, exauçant mon souhait. Quand je me réveille le matin, je me sens horriblement seule, en captant que tout ça n'est qu'illusion. Dans mon cœur, il y a comme un vide, quelque chose que même mon travail acharné ne saurait combler. Le jour où je suis partie, j'ai perdu une part de moi. Celle qui me démontrait par " A + B" que la vie pouvait être belle, que je pouvais encore avancer malgré mon passé. Qui me prouvait que j'étais en droit de sourire malgré la perte de ma fille.

Des trombes d'eau s'abattent contre les carreaux au moment où je me lève. Il est temps de quitter mon lit pour commencer cette nouvelle journée. Même si je ne me sens pas vraiment d'humeur, je dois signer le contrat avec l'entrepreneur que nous avons choisi pour bâtir mon futur hôtel. Il a fallu un bout de temps pour que l'architecte dessine les plans selon nos envies. Il faut dire aussi que si mon équipe et moi avions mis moins de temps pour nous accorder ensemble, les travaux auraient peut-être déjà débuté. Cependant, si avec Gabe, nous nous sommes entendus sur tous les points, ça n'a pas toujours été le cas avec Haley. Ma meilleure amie m'a rejointe dès le début. Je ne sais même pas si c'est par ennui ou bien parce qu'elle ne voulait pas me laisser seule dans cette aventure alors que j'étais au plus mal. Peut-être un peu des deux. En tout cas, j'aurais beau la cuisiner, je sais que sur ce coup-là, elle ne m'avouera jamais la vérité. Peu importe. L'essentiel, c'est qu'elle soit avec moi dans cette aventure qui aurait pu être magnifique si je ne souffrais pas chaque jour autant. Je vis le rêve de toute ma vie en plein milieu d'un cauchemar qui ne semble pas vouloir prendre fin.

J'ai à peine effectuer un pas que ma tête se met à tourner. Comme ce n'est pas la première fois, je fais fi de cette sensation et tente d'avancer. Néanmoins, je ne m'attendais pas à ce que ce soit pire que les autres fois. Je suis dans l'obligation de me retenir au mur pour ne pas chuter. Je ferme les yeux, puis respire lentement par la bouche durant plusieurs secondes. Je n'ai aucune idée de ce qui m'arrive. Gabe ne cesse de me dire que mes malaises doivent être liés au temps que j'accorde à mon travail. Selon lui, je donne beaucoup trop de mon énergie et ça risque de me tuer si je ne lève pas un peu le pied. Vu le temps que je consacre à ce futur hôtel, il doit sûrement avoir raison. Je devrais peut-être l'écouter, même si au fond de moi, je suis convaincue que c'est une très mauvaise idée. Si mon projet ne m'emplit pas la tête, alors je penserais inéluctablement à l'homme que je chéri. Je n'ai donc pas le choix. Je dois me donner à fond dans ce projet, quitte à y laisser ma peau.

Quand j'ouvre à nouveau les yeux, je me sens légèrement mieux. J'attrape mon kimono, avant de quitter ma chambre. Je longe le couloir jusqu'à rejoindre les escaliers. Je prends mon temps pour les descendre, afin de ne pas faire revenir ces étourdissements qui, je dois l'admettre, me pourrissent un peu la vie.

Arrivée en bas des marches, sans trop de difficulté, une forte odeur de pancake et d'œufs brouillés m'assaillent les narines. Gabe a encore dû se lever à l'aube pour préparer mon petit-déjeuner. Ce mec est un ange. S'il n'était pas gay, je crois que j'aurais tenté d'oublier Jay entre ses bras. D'habitude, je lui suis très reconnaissante pour ce genre d'attention, mais ce matin, la nourriture entreposée sur la table du salon me soulève l'estomac. Je tente, malgré tout, d'afficher un sourire pour ne pas l'inquiéter inutilement.

— Tout va bien ? me questionne-t-il, une ride d'inquiétude lui barrant le front.

Nous nous connaissons à peine et pourtant il sait lire en moi comme peu de personnes sont capables de le faire. Mon faux sourire ne lui a visiblement pas échappé.

D'une voix qui se veut convaincante, je tente de le rassurer. En vain, puisque une violente nausée me submerge. Cette fois, je peux dire qu'il a tort lorsqu'il affirme que c'est mon acharnement au travail qui est en cause de mes malaises. À mon avis, j'ai plus attrapé un sale virus qu'autre chose.

Je fonce aux toilettes où je vomis le peu que j'ai sur l'estomac. L'horreur ! J'espère ne pas avoir chopé une gastro, j'ai toujours détesté ça. Se tordre de douleur à cause de son bide, non merci. Après, j'en serais tout de même étonnée puisque nous sommes presque à la fin du printemps et ce genre de virus sévit plutôt en hiver.

— Ça va ? me questionne Gabe alors que je m'essuie la bouche avec du papier toilette.

Je me retourne vers lui, la feuille appuyée sur le coin de mes lèvres et hoche la tête. Un drôle de rictus s'affiche sur son visage. Il ne semble pas me croire.

— T'en es sûre ?

Pour le convaincre de ma bonne foi, je sors des toilettes avec la ferme intention d'aller prendre mon petit-déjeuner. Mais, à peine ai-je franchi la moitié de la distance que ma tête se met à tourner une nouvelle fois. Heureusement pour moi, le canapé se trouve à portée de main. J'ai juste à m'appuyer dessus pour ne pas m'écrouler. Hors de question d'inquiéter Gabe plus que nécessaire, toutefois il va réellement falloir que je prenne rendez-vous chez le médecin. Je n'ai plus le choix.

— Qu'est-ce qu'il y a Jen ?

Je me tourne très lentement en direction de mon ami, mais je n'aurais jamais le temps de lui répondre. Des étoiles apparaissent sous mes paupières avant qu'un voile opaque recouvre mon regard me plongeant dans le néant.

Lorsque je rouvre les yeux, je suis étendue sur le canapé, une couverture remontée jusqu'au cou. Je ne suis pas certaine que ce geste soit bien utile, cependant je ne fais pas part de mes pensées à son auteur.

Alors que je tente de me redresser, Gabe se jette littéralement sur moi pour m'interdire de bouger.

Il est devenu dingue ou quoi ?

— Les secours arrivent, m'informe-t-il.

Les secours ? Non, mais c'est bon ! Je n'ai pas besoin d'être emmener à l'hôpital pour un si petit malaise.

— Tu t'es blessée à la tête, ajoute-t-il comme si cette information révélait un caractère d'une extrême importance pour ma compréhension.

Étonnée, je porte tout de même mes mains à hauteur de mon crâne, que je tâtonne du bout des doigts jusqu'à ressentir une violente douleur juste au-dessus de mon oreille. Et zut ! Il ne manquait plus que ça. Ce n'est vraiment pas le moment vu qu'on devait signer ce fichu contrat. Comment je vais faire si je dois passer des heures interminables à l'hôpital ? Franchement remettre la signature à plus tard est totalement inenvisageable. Paniquée à cette idée, je m'agite de plus en plus. Comme Gabe me refuse toujours le droit de me lever, je commence à grogner et à m'énerver après lui.

— Tu penses au contrat ? le questionné-je hargneuse.

— J'irai le signer, mais toi, tu dois te rendre à l'hôpital. Cesse de faire ta tête de mule, Jenny Hollister.

Bien qu'il ait totalement raison et que je suis convaincue de son professionnalisme, je refuse que cet acte ait lieu sans moi. C'est le projet de toute ma vie. Je refuse d'être absente lors de cet entretien. C'est à moi de signer et à personne d'autre.

— Je sais que tu rêves de le signer. On peut éventuellement le repousser. Deux ou trois jours de plus ne devraient tuer personne. À moins que ce soit pour une autre raison que tu tiens tant à aller au bureau, alors que tu peux très bien souffrir d'une commotion cérébrale.

Pas très certaine de comprendre où il veut en venir, je fronce les sourcils.

— Je parlais d'un grand brun que tu es incapable d'oublier.

Atterrée par ses paroles, je secoue la tête. Même si en réalité, il n'a pas tout à fait tort. Si je pars à l'hôpital, je vais passer la journée à penser à lui, à me demander ce qu'il devient, ce que nous serions devenus si je lui avais offert la chance qu'il est venu me réclamer la dernière fois où nous nous sommes vus. Enfin bref, si je me retrouve aux urgences, je ne parviendrai pas à m'empêcher de songer à lui. Et ça, je me le refuse totalement. Je dois l'oublier.

Je m'apprête à rétorquer lorsque la sirène hurlante de l'ambulance retentit dans la rue. À peine deux minutes plus tard, Gabe ouvre la porte sur un homme au teint basané. Un Cubain ou Mexicain, peut-être. Il s'avance vers moi, me pose quelques questions afin de savoir si j'ai des troubles de la mémoire. Il note sur son calepin tous les renseignements que je lui fournis. Puis avec l'aide de son collègue, un afro-américain, ils me hissent sur un brancard.

— Je te suis jusqu'à l'hôpital, ensuite j'irai voir les entrepreneurs, m'informe Gabe. Je vais appeler Haley pour qu'elle te tienne compagnie, ça t'évitera de trop penser à lui.

Quand je dis que ce mec lit dans mes pensées, j'en ai encore la preuve flagrante à l'instant. Sans lui, je ne sais pas ce que je serais devenu ces dernières semaines.

Une heure plus tard, je suis toujours allongée sur le même brancard. Il ne faut vraiment pas être pressée. Je pourrais crever la bouche en cœur que personne ne prêterait attention à moi. Il suffit de voir tous les gens qui se tordent de douleur pour en avoir confirmation.

Gabe doit sentir mon état d'énervement, puisqu'il attrape ma main dans la sienne. Avec de légers mouvements du pouce, il effectue des cercles dans ma paume. Si d'habitude, il parvient à me détendre, ce n'est vraiment pas le cas ce matin. Je hais trop les hôpitaux pour que ça en soit autrement. Quelque soit l'endroit dans le monde, leurs murs blancs sont déprimants à souhait. Ils pourraient y mettre de la couleur. Pour quelles raisons doivent-ils être aussi neutre ? S'il y avait un peu de jaune ou même du orange, ils seraient tout de suite plus accueillant. Ou alors mettre une peinture par-ci, par-là. Je suis certaine que ça changerait tout et que les gens seraient un peu plus souriants malgré leurs douleurs. Là ils n'ont rien sur quoi se focaliser hormis leur souffrance.

— Tu m'as bien l'air songeuse, me fait savoir mon ami. J'espère que tu n'es pas partie loin dans le passé.

Ce n'était pas le cas jusqu'à ce qu'il intervienne. À présent, je ne peux empêcher des images de mon dernier séjour dans la même sorte d'établissement de se faufiler dans ma mémoire.

— Merci de me rappeler mon passé, maugréé-je en retirant ma main de la sienne.

Je tourne la tête dans l'autre sens pour lui signifier mon mécontentement.

— C'est bon, Jen. Je ne voulais pas te blesser. Tu sais que je ne te ferais jamais de mal.

Oui, ça je le sais. Et je peux m'estimer plus qu'heureuse de l'avoir rencontrée. Puis, ce n'est pas de sa faute si je suis coincée entre ses murs qui me rappellent une sombre période de ma vie. En plus, si je l'avais écouté et si je m'étais rendue chez le médecin bien plus tôt, je n'en serais sûrement pas là, à attendre qu'un docteurveuille bien me prendre en charge.

— Désolée, je n'aime juste pas cet endroit. Ça me rappelle ma fille, dis-je en me tournant vers lui.

Il pince les lèvres, avant de hocher la tête de manière presque imperceptible.

— Quand je disais passé, je parlais de ton ex. Pas d'une époque aussi lointaine. Excuse-moi, j'avais totalement oublié pour ta fille.

Je pose ma main sur la sienne pour lui faire comprendre que je ne lui en tiens pas rigueur. Comment le pourrais-je ? Je n'ai évoqué la mort de ma puce qu'une seule fois avec lui et c'était il y a des semaines. Je ne peux pas lui en vouloir d'avoir oublié cette partie de ma vie.

Alors qu'un silence apaisant nous enveloppe, durant lequel nous ne nous quittons pas un seul instant du regard, nous promettant d'être toujours présent pour l'autre, une furie alarmée débarque sans prévenir et se jette sur moi.

— Oh mon Dieu, Jen ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je suis désolée, je n'ai pas pu me libérer plus tôt. La nounou a eu du retard ce matin. Gabe, dis-moi, elle va bien au moins ? Ils lui ont fait des examens ? Qu'est-ce qu'ils ont dit ?

Je lève les yeux au plafond, sidérée par la réaction de ma meilleure amie, avant d'éclater de rire. Elle est complètement folle.

Gabe fait le tour du brancard pour venir se placer devant elle. Il l'attrape par les épaules et la force à le regarder. Quand il obtient enfin toute son attention, il secoue la tête, certainement dépité de la voir dans cet état de panique.

— Je ne peux pas te dire que tout va bien puisque nous sommes ici…

En l'entendant dire ça, elle ne peut s'empêcher de plaquer ses mains sur sa bouche et un voile de tristesse voile son regard.

— Mais, ajoute-t-il aussitôt, il n'y a pas mort d'hommes. Elle s'est juste cognée la tête et j'ai préféré être prudent en appelant les secours. Alors, cesse de paniquer.

Légèrement rassurée, sa tension semble s'envoler.

— Ne me fout plus jamais une trouille pareille, Jenny Hollister ! me réprimande-t-elle faussement en colère. Dan a cru qu'il allait devoir appeler les ambulanciers tellement j'étais en panique.

— En même temps, c'est de ma faute, avoue Gabe. J'aurais peut-être dû t'expliquer un peu mieux la situation. Mais entre ça et le contrat à aller signer, je n'ai pas trop penser à te ménager.

Elle le fusille du regard, certainement outrée par son manque d'empathie envers elle.

— Il s'agit de ma meilleure amie, alors j'ai eu la trouille de ma vie quand tu m'as annoncé qu'elle partait aux urgences.

— C'est bon, Haley, tout va bien, interviens-je sur un ton maternel pour éviter qu'elle abatte sur lui une pluie de reproches.

Elle se tourne à nouveau vers moi et étire ses lèvres dans un demi-rictus.

— Bon, à présent que tu es ici, je vais pouvoir aller bosser avant que les entrepreneurs pensent qu'on s'est foutu de leurs gueules.

D'un signe de tête, je lui donne mon consentement. Il vient me serrer dans ses bras, pose un baiser sur mon front, puis nous laisse Haley et moi en tête-à-tête.

À peine est-il parti qu'une jeune femme vient me voir. Elle se présente comme étant l'infirmière, en charge de mon dossier jusqu'à l'arrivée du médecin. Elle regarde les notes que les ambulanciers ont déposé sur mon lit de fortune, avant de débloquer les roues et de m'emmener dans un box. La tristesse de ce lieu n'a rien à envier avec la salle d'attente. Un de ces quatre, je leur suggérerai de mettre des couleurs qui illumineront ces pièces bien trop mornes. Surtout que, maintenant, je suis seule. Haley n'a pas pu franchir la porte avec moi.

— Votre amie pourra vous rejoindre dès que vous aurez enfilé cette blouse, m'annonce l'infirmière en me tendant un bout de tissu ignoble, et que j'aurais pris vos constantes. Un médecin passera ensuite vous voir dès que possible. Comment va votre tête ? Serez-vous capable de vous déplacer seule jusqu'à ce lit ? me questionne-t-elle en me désignant de la main le lieu en question.

Comme si elle venait de me rappeler les raisons de ma présence ici, je porte ma main au-dessus de mon oreille. La douleur s'est estompée, ce n'est qu'au moment où j'appuie légèrement dessus qu'elle se rappelle à moi. À mon avis, je suis bonne pour une belle bosse, rien de plus. Quelle horreur ! Je me retrouve coincée entre ces quatre murs pour une chose des plus banales.

— Je ne sens presque plus rien, lui avoué-je. Je pense que je dois pouvoir y aller.

Elle se contente de hocher la tête, avant de débloquer les barrières de sécurité.

Bien que ma tête me tourne encore un peu, je parviens à aller jusqu'à l'autre lit. Encore heureux qu'il n'était pas plus loin sinon je pense que j'aurais à nouveau chuter. Une fois installée, l'infirmière pousse son matériel jusqu'à moi. J'ai droit à tout. Prise de température, de tension, des pulsations cardiaques. Confiante, je souris. Mais au moment où elle me prend une seconde fois ma tension, je suis légèrement perturbée. Ce n'est pas très normal.

— 9/6, m'annonce-t-elle. Est-ce souvent le cas ?

Je lève les yeux vers elle, légèrement inquiète. Est-ce mauvais signe ?

— En général, j'ai autour de 13/7.

À nouveau, elle hoche la tête avant d'entrer les diverses informations dans l'ordinateur.

— Vous êtes-vous sentie faible dernièrement ? Des malaises peut-être ?

Je lui explique que oui, en effet, je me sens plutôt faible actuellement et que j'ai fait deux malaises avant d'être conduite ici. Elle se contente d'opiner du chef et de noter ce que je viens de lui dire.

— Bien, un médecin ne devrait pas tarder à passer vous voir. Je vais autoriser votre amie à vous tenir compagnie en attendant son arrivée.

D'un simple regard, je lui exprime ma gratitude avant qu'elle ne quitte la pièce. La seconde suivante, Haley franchit la porte.

— Alors, qu'est-ce qu'elle t'a dit ?

— Pas grand-chose, si ce n'est qu'un médecin doit passer me voir.

Haley se contente de sourire, avant de s'éloigner jusqu'à la fenêtre. C'est quoi son problème ? Dans ce que j'ai dit, rien ne me paraît alarmant pourtant. Le silence qui s'abat entre nous m'inquiète bien plus que mon état de santé.

Au bout de plusieurs longues secondes, n'y tenant plus, je lui demande :

— Qu'est-ce qu'il y a, Haley ? Tu m'inquiètes.

Elle se retourne, le visage peint d'une gravité que je lui ai rarement vu. Ça sent mauvais et je n'aime pas ça du tout.

— Il faut que je te parle, Jen.

Je hausse une épaule. Elle a toujours été libre de me parler de toutet de rien, alors pour quelles raisons, j'ai l'impression qu'elle en fait tout une montagne ?

— C'est au sujet de Jay.

Mon cœur se serre douloureusement à l'annonce de son nom. Dans ma tête, plus d'un scénario se met en place, mais le seul que je retiens est celui qui me suggère qu'il m'a complètement oublié. Mes yeux me brûlent d'un coup, cependant pour ne pas perdre la face, je me mords la joue. Après tout, c'est bien moi qui l'ai cherché.

— Eh ! s'exclame mon amie en me voyant au bord des larmes.

Elle se précipite vers moi, s'assoit sur mon lit et prend ma main.

— Je ne sais pas ce que tu imagines, mais je pense que tu es très loin de ce que je souhaite te dire.

— Il n'a pas refait sa vie ?

Elle laisse échapper un petit rire, avant de secouer la tête.

— Depuis que tu lui as brisé le cœur, il a décidé de redevenir celui qu'il était avant de te rencontrer. Et tel que je le connais, personne ne pourra venir prendre ta place. Tu es son seul amour, Jen. La seule femme qu'il désire à ses côtés.

Elle laisse passer un silence éloquent afin que je réalise la teneur de ses propos. Mais, moi tout ce que j'entends dans ce qu'elle vient de dire, c'est qu'il est redevenu le coureur de jupons qu'il était avant qu'on se percute. Même si personne ne prendra ma place, plus d'une profitent de son corps d'Apollon tandis que moi je ne peux même plus m'en approcher. Pourquoi ai-je été aussi stupide ?

Voyant la larme qui roule en silence sur ma joue, Haley secoue la tête.

— Il t'aime encore.

— Comment peux-tu dire ça alors qu'il s'envoie en l'air avec toutes les femmes qu'il croise ?

Elle fronce les sourcils.

— Tu es désespérante parfois, Jen. Il essaie juste de t'oublier et c'est sa façon à lui de tenter d'y parvenir. Mais quand je lui parle de toi, je vois bien sa réaction. Il est furieux, certes, parce que tu l'as jeté deux fois, mais ses sentiments à ton égard sont bien réels. Il peut les cacher à qui il veut, mais pas à moi.

Un léger rayon de soleil tente de franchir la brume dans laquelle je suis plongée depuis que je l'ai quitté à Paris. Malheureusement, je ne sais pas quoi faire pour le retrouver.

— En fait, je voulais te parler de son soi-disant gamin.

Interloquée, je fronce les sourcils. Pourquoi vouloir me parler de cet enfant qui est la cause de notre rupture ? D'un signe de la main, je l'invite à poursuivre.

— Ce n'est pas innocemment que j'ai dit soi-disant gamin. Cette histoire m'a pas mal perturbée et j'ai décidé de faire quelques recherches. Dan a été obligé de reparler à Shawn pour apprendre qui était la fille en question. Une fois son identité connue, j'ai engagé un détective pour remonter jusqu'à elle. Elle a bien un enfant, mais c'est une fille. Et je peux t'assurer qu'elle n'a rien à voir avec Jayden.

Elle vient carrément de me larguer. Bon d'accord, ce n'est pas un garçon, mais une fille, toutefois je ne vois pas du tout ce que ça change.

— Comment ça ?

— Elle a à peine six ans.

— Oui et ?

Haley secoue la tête, complètement dépitée par ma réaction.

— Non, mais t'es pas croyable ! s'écrie-t-elle en se levant d'un bond. Dis-moi, Jen, ça t'arrive de réfléchir quand ça concerne le mec dont tu es folle ou alors il annihile tellement ton cerveau que tes neurones ne sont même plus capable de fonctionner ? Je te dis que la gamine a à peine six ans et toi tu me dis, oui et ? Non, mais t'es sérieuse ?

Ok, je ne vois vraiment pas où elle veut en venir, mais si je désire qu'elle cesse de s'emporter, il va falloir que je trouve la solution. Et très vite si possible.

— Réfléchis un peu, merde, Jen !

J'essaie de me rappeler ce qui a été dit, mais je ne me souviens vraiment pas si Shawn ou Jay ont fait quelconque mention de la date à laquelle s'est déroulée cette histoire. J'ai beau me creuser les méninges, c'est un blackout total. Puis, d'un coup, sans que je ne m'y attende, un déclic se fait dans ma tête au moment où je me rappelle de sa copine au lycée. Tout s'éclaire alors. cette histoire a eu lieu alors qu'ils étaient en dernière année, son enfant devrait avoir presque dix ans.

— Ce n'est pas la sienne, soufflé-je en guise de conclusion.

— Bravo, Sherlock. J'ai cru que ta chute était bien plus grave que ce que tu voulais me laisser entendre… Oui, Jay n'est pas père.

Sans que je ne puisse les retenir, mes larmes, retenues jusqu'alors, se déversent d'un coup le long de mes joues. Je suis incapable de dire si ce sont des larmes de soulagement ou de colère dirigée contre moi. Je suis heureuse qu'il n'ait jamais abandonné son enfant et en même temps, je m'en veux horriblement de ne pas avoir cherché à l'écouter plus. Je me déteste d'avoir brisé ce qu'il y avait entre nous, sur une simple rumeur.

— J'en ai parlé avec lui, reprend Haley. J'ai fini par apprendre qu'elle a utilisé de faux documents et s'est servie de ce que disait la presse sur Jay a ce moment-là pour convaincre le juge de sa dangerosité. Avec tout ça, elle a obtenu le droit qu'il ne s'approche jamais de son soi-disant gamin et elle a pu lui soustraire un paquet de blé.

Furieuse qu'une telle nana puisse exister, je serre les poings de rage. Qu'elle ne croise jamais ma route où je lui dirais clairement ma manière de penser. Une bonne gifle devrait lui remettre en place. Maintenant que je connais toute la vérité, je n'ai plus qu'une ambition, celle de revenir dans la vie du plus beau bassiste de la planète.

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