29 - Jen part 1

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Plus que quelques minutes à être seule à ses côtés. Lorsque le chauffeur s'arrêtera devant l'AccorHotels Arena, notre balade romantique prendra fin. Jamais, je n'aurais cru en percutant Jayden à Londres que je serais aussi triste de le quitter, à peine deux mois plus tard. Et pourtant c'est le cas. Même si dès demain je m'installerai chez lui, je n'ai aucune envie de le voir s'envoler. Un mois sans lui me semble une éternité. Il va me manquer.

Blottie dans ses bras, je regarde la Seine et ses innombrables bateaux mouches défiler sous mes yeux. Jayden tente de me réconforter en me murmurant des mots d'amour à chaque seconde. Je les mémorise autant que possible pour me les ressortir au moment où son absence se fera trop pesante.

Alors que nous bifurquons sur la gauche, nous rapprochant inévitablement de la salle de spectacle, mon cœur se serre un peu plus. C'en est si douloureux que j'aimerais être capable de remonter le temps, pour savourer encore tous nos petits moments de douceurs et de tendresse. Enfin, il ne faut pas croire, tous les autres sont importants, néanmoins ce sont cela qui m'ont vraiment rendus folles de lui. Derrière ses airs de gros durs, Jayden est un ange. Je ne suis même pas certaine qu'il en ait vraiment conscience. À mon avis, il se voit plus comme un déchu qu'autre chose. L'homme qu'il a tué l'a vraiment marqué au fer rouge. J'ai passé assez de nuits dans ses bras, pour constater qu'il est encore réveillé par des cauchemars de temps à autre. D'après ce que j'en sais, ce n'est pas de sa faute. Pourtant, il ne se déroule pas une semaine sans que la culpabilité ne le ronge. Il le camoufle, toutefois, si bien qu'il faut passer son temps à ses côtés pour réellement s'en rendre compte.

Si j'avais pu, je l'aurais suivi sur toute la fin de leur tournée. Mais savoir qu'ils vont loger dans les hôtels de notre concurrent direct m'en empêche. Mon père ne l'accepterait pas. Moi non plus. Si jamais, je venais à croiser Wendy, je pense que j'aurais du mal à contenir toute la haine et la rancœur que j'éprouve pour elle. Par sa faute, j'ai perdu mon premier amour et encore à cause d'elle, l'homme que j'aime aujourd'hui a dû batailler pour se dédouaner auprès de la presse et de ses fans. Alors, comment pourrais-je la croiser sans lui dire ma façon de penser ou la gifler ? Cette fille est pire qu'une garce. Rien, ni personne ne pourra me faire changer d'opinion à son sujet.

— Je peux toujours nous réserver des chambres dans d'autres hôtels que ceux de la chaîne Johnson, me souffle mon beau ténébreux.

Je me tourne vers lui et plante mon regard humide dans le sien.

— Oui, je sais. On en a déjà parlé. Mais tu te souviens, j'ai pas mal de rendez-vous déjà fixés pour la construction du futur hôtel.

Malgré son petit sourire, je vois bien qu'il n'est aussi joyeux qu'il tente de laisser paraître.

— C'est vrai, me dit-il en caressant ma joue avec une infinie douceur. Mais ça me fait mal de te voir triste.

— Je suis désolée, c'est juste que j'ai du mal à accepter qu'on soit séparés, mais ça va me passer. Je suis certaine que dans quelques jours, ça ira mieux. Le travail va tellement m'accaparer que je ne vais pas voir le temps passer.

Je ne sais même pas qui je tente de convaincre. Il y a de très forte chance que ce soit moi.

— Je t'aime, me déclare-t-il.

Et comme la première fois où il l'a prononcé, mon cœur bondit dans ma poitrine. Je ne suis pas prête de quitter cet homme. Si Shawn était mon premier grand amour, quelque chose, au fond de moi, une sorte d'intuition, me dit que Jayden est l'homme de ma vie. D'ailleurs, il m'arrive déjà de m'imaginer vieillissant avec lui à mes côtés. Alors si ce n'est pas un signe, je ne sais pas ce que c'est.

Je pose ma main sur sa nuque et l'attire vers moi pour l'embrasser une nouvelle fois, avant que la voiture ne s'arrête. Quand le chauffeur coupe le moteur, Jay mets un terme à notre échange. Il pose son front contre le mien et harponne mon regard au sien. Nous restons ainsi plusieurs secondes jusqu'à ce que Tim vienne nous ouvrir la portière.

— Allez, les jeunes, il est temps de sortir.

Jayden baise mon front avant de m'inviter à obéir à son garde du corps. Une fois à l'extérieur, la première chose que je remarque sont les centaines de fans agglutinés devant les différentes entrées. Certains discutent tranquillement, prenant leur mal en patience, alors que d'autres reprennent les plus grands succès du groupe, tuant le temps comme ils le peuvent. D'autres encore, des femmes ou plutôt des gamines, hurlent le nom de leurs idoles. Comme la première fois où j'ai assisté à un de leur concert, les noms de Shawn et Jayden se font tout particulièrement entendre.

— Elles pourront clamer autant qu'elles voudront mon prénom, elles ne réussiront jamais à me faire vibrer autant que lorsque toi, tu le prononces, me chuchote Jayden, tout en passant son bras autour de mes épaules.

Même si je n'en doute plus une seule seconde, l'entendre me le dire me ravit. Pour l'en remercier, je pose un bisou chaste sur sa joue.

— On y va ? me questionne-t-il.

D'un simple mouvement de tête, j'accepte.

Alors que nous nous dirigeons vers l'entrée désignée pour le groupe, sous la bonne escorte de l'un des jumeaux, certaines groupies nous remarquent et accourent vers nous. En quelques secondes, nous sommes entourés d'une horde de filles totalement déchaînées. Elles le sont tellement qu'elles me bousculent pour avoir accès à mon homme. Je suis obligée de me tenir près du garde du corps du groupe, afin de ne pas me faire piétiner. Pour nous sortir au plus vite de cette mauvaise situation, Tim fait appel au reste de la sécurité. Ils accourent vers nous et en moins d'une minute, la foule se disperse. Pas simple de sortir avec un mec aussi convoité que le mien, surtout quand son public est en total délire.

Arrivés aux portes d'accès à la salle, nous relâchons notre souffle, soulagés d'avoir échappés à ses folles.

— Tu n'as pas été blessée au moins ? me demande Jay.

Comme si j'avais besoin d'une constatation visuelle, je jette un coup d'oeil à mon corps pour m'en assurer. Je suis juste un peu débraillée, mais rien de méchant.

— Tout va bien.

— Tant mieux, me dit-il, soulagé. J'aurais adoré te soigner, mais je n'ai pas vraiment le temps.

Comment peut-il tenir ce genre de pensées après cette marée humaine que nous venons de traverser ? Outrée, je lui donne un petit coup dans le ventre, ce qui le fait rire instantanément. Comme chaque fois le son mélodieux qui sort de sa bouche me fait frémir. J'adore l'entendre. Jamais un rire ne m'a paru aussi beau.

J'accompagne mon homme jusqu'à la scène où l'attendent déjà Dan et Shawn. Lorsque ce dernier nous aperçoit, ses yeux se chargent d'étincelles. Il foudroie Jay un instant du regard, puis il reporte son attention sur sa guitare qu'il fait semblant d'accorder. Avant qu'il ne détourne les yeux, j'ai largement eu le temps de remarquer à quel point ses pupilles sont dilatées. Un signe qu'il a encore consommé ? Je prie pour que ce ne soit pas le cas, même si j'ai du mal à me convaincre du contraire.

— Fais-moi un bisou porte-bonheur, me lance Jay en m'attirant dans ses bras.

Sans plus me poser de questions au sujet du guitariste derrière lui, je colle mes lèvres sur les siennes.

— Normalement, on fait ce genre de bisou avant que vous entriez en scène, le chambre Haley que je n'avais pas encore vue.

Amusée, je souris contre la bouche de mon mec, qui en fait tout autant. Je me sens tellement bien près de lui. Le mois à venir va vraiment se montrer terrible en son absence.

— Eh, Jen, ça te dit pas de dégager qu'on puisse bosser ! invective Shawn.

Jay se tend aussitôt contre moi. Ça va mal se finir s'il ne relâche pas tout de suite la pression.

— Ne rentre pas dans son jeu. Il te cherche en s'attaquant à moi.

J'ancre mes yeux aux siens afin qu'il ne puisse voir que moi. Sa cage thoracique se gonfle contre ma poitrine. Puis, il souffle ensuite très lentement, comme s'il cherchait à se maîtriser.

— T'as pas compris ou quoi, Jen ? Je t'ai dit de te barrer ! J'aime pas que les filles dans ton genre traînent dans les parages quand je tente de me concentrer.

À ses mots, Jay se rue sur Shawn sans que je ne puisse le retenir. Il faut dire qu'il ne m'en a pas laissé le temps. En même temps, pourquoi Shawn le cherche ainsi ?

Quand je me tourne dans leur direction, Shawn le nargue à travers son regard. Mon beau bassiste s'est arrêté à quelques pas. Dos à moi, je ne peux pas voir ce qui passe à travers ses sombres prunelles, mais à ses épaules contractées et son poing droit serré, il y a de fortes chances pour qu'il se batte. Je déteste le voir dans cet état, prêt à donner des coups pour laver mon honneur.

— Qu'est-ce que tu entends par des filles dans son genre ? grogne Jay.

Shawn pose sa guitare et se rapproche de lui, un sourire mauvais sur ses lèvres. Mes mains se mettent à trembler de peur qu'ils se mettent à en découdre.

— T'es sûr que t'as envie de l'entendre ?

J'aimerais pouvoir intervenir, mais je ne sais même pas quoi faire pour éviter que la situation ne dégénère.

— Vas-y, balance ta merde, ducon !

Jay est tellement tendu que je me demande si son sweat ne va pas craquer d'un instant à l'autre. Dan sort de derrière sa batterie et accourt pour s'interposer entre eux. Il a dû finir par sentir l'orage qui gronde de plus en plus.

— Des salopes ! lance Shawn.

— J'vais le tuer ! explose Jay.

Mais le mari de Haley le retient pour éviter que le leader se prenne une dérouillée avant leur entrée en scène. Malgré la rage qui coule dans mes veines à l'encontre de mon ex, je me rue vers eux pour calmer Jay. Il n'y a que moi qui puisse le détendre. Sa vision doit s'être tellement obscurcie qu'il ne voit sûrement rien d'autre que son ennemi à abattre. Ce n'est pas le moment. Pas du tout, même. J'enroule mes bras autour de son torse et pose ma tête contre sa poitrine. Son cœur bat extrêmement vite, tant il est énervé.

— Calme-toi, mon amour. Il le fait exprès pour te mettre hors de toi. Et toi, au lieu de l'ignorer, tu fonces tête baissée dans son jeu.

Je sens sa respiration s'apaiser peu à peu. Quand ses bras s'enroulent autour de moi, je sais que j'ai gagné. Sans que je m'y attende, il pose sa bouche sur la mienne et m'offre un baiser si passionné que chaque cellule de mon corps s'embrase.

Lorsque, à bout de souffle, nous nous éloignons l'un de l'autre, il tourne la tête vers Black et lui lance :

— C'est ça qui te fait chier, hein, pauvre con ! T'es jaloux parce qu'elle ne t'embrassera plus jamais comme ça !

Je dois le prendre comment, là ? Vient-il vraiment de se servir de notre amour pour défoncer Shawn, sans avoir à se salir les mains ? Ahurie, je recule d'un pas et lui fait comprendre à travers ma grimace que je n'apprécie pas du tout son petit jeu. Il me jette un regard désolé avant de franchir la courte distance que j'ai imposé entre nous. Penché au-dessus de moi, il me présente ses excuses dans un chuchotement.

— Pardon, princesse. Je devais vraiment faire quelque chose pour ne pas lui balancer une droite.

D'un doux baiser sur sa sublime bouche, je lui prouve que je ne lui en veux pas. Je dois être plus qu'amoureuse pour lui pardonner si facilement de m'avoir utilisée dans sa petite vengeance.

— T'inquiète pas, Miller, sous peu, tu ne l'auras plus non plus, lui lance Black, amer.

Non, mais il se prend pour qui ? S'il croit qu'il va pouvoir me séparer de l'homme dont je suis folle amoureuse, juste parce qu'il a été mon premier amour, il se plante carrément. En plus, il n'y a jamais eu rien de pire pour m'énerver que de penser à ma place. Là, il vient de tirer la mauvaise pioche. Le pire, c'est qu'il le sait, puisque nos quelques rares disputes démarraient de cette façon. Les poings sur les hanches et les sourcils froncés par la colère, je me tourne vers lui. J'ai bien l'intention de lui faire comprendre que je ne suis pas un jouet.

— Je ne suis pas un objet, Black ! m'emporté-je. Et sache, pour ta gouverne, que je n'ai aucune envie de laisser tomber Jay. Je l'aime.

Un voile de tristesse recouvre ses yeux un bref instant. Lorsqu'il se reprend, il éclate de rire, comme si je venais de sortir la meilleure blague du monde. Sidérée, je secoue la tête. Mais qu'est-ce qui lui arrive à la fin ? Durant un mois, il nous a laissé tranquille. Il est même venu me voir, sans que Jay ne le sache, pour s'excuser de toute la "merde" qu'il avait foutu entre mon homme et moi, me promettant de ne plus se mettre entre nous. Qu'il avait même fini par comprendre certaines choses et qu'au final, il valait mieux que je sorte avec un type comme son pote – ce sont exactement les termes qu'il a utilisé – qu'un connard qui n'avait pas su me respecter comme Pete. Là, il vient de me mettre totalement dans le flou. Je suis complètement larguée. La seule chose que je comprends, c'est ce qu'a voulu me dire Jay lorsqu'il m'a mise en garde contre lui. Shawn, sous l'emprise de la drogue, n'a absolument rien à voir avec le gars que j'ai connu, ni même avec celui qui a tenté de se placer entre mon beau bassiste et moi. Il est bien pire. Je le sens. C'est viscéral.

— On verra si tu tiens le même discours après le concert.

Sa tonalité me glace d'effroi. Jay doit le sentir puisqu'il m'enveloppe de ses bras.

— Quoi qu'il te dise, ne l'écoute pas. Il est shooté. Je ne sais pas ce qu'il cherche, mais je vais finir par lui fracasser la tête s'il continue, me murmure-t-il.

— Jen, tu viens, on va aller se balader toutes les deux, intervient Haley.

Elle doit penser que sans ma présence, les garçons pourront arriver à se tolérer.

Je regarde mon beau gosse, qui, d'un signe de tête, m'invite à la suivre.

— Ne t'en fais pas pour moi. Je gère, me déclare-t-il.

Je l'embrasse une dernière fois, puis rejoins mon amie.

Au moment où je m'apprête à quitter la salle, je jette un dernier coup d'oeil vers les musiciens. Mon amour a passé la sangle de sa basse autour de ses épaules, il ne semble pas prêter une once d'attention au guitariste. Le voir ainsi me soulage, j'ai trop peur qu'il se serve de ses poings et le regrette amèrement ensuite.

— Dan et les autres vont les surveiller. T'inquiètes, il n'arrivera rien à ton amoureux, me sort Haley.

Je me tourne vers elle. Comme moi précédemment, elle regarde ce qui se déroule sur la scène.

— Shawn aurait plus mal que lui, laché-je.

— Tu m'étonnes ! Il avait l'air d'être bien remonté notre petit Jay.

C'est peu de le dire. Il était furax, oui !

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