20 - Jay

21 minutes de lecture

Depuis une semaine, nous sillonnons l'Europe. Chaque concert ressemble au précédent, morne, sans joie. Moi qui m'éclatais sur scène, je ne prends plus le même plaisir à m'y produire depuis que j'ai laissé mon cœur à Londres, en miettes à ses pieds. Mon père m'a rabâché durant des années que les femmes étaient toutes les mêmes, bonnes à nous faire souffrir. J'aurais dû l'écouter et fuir dès la première nuit passée avec elle. Comment ai-je pu être aussi stupide et ne pas voir qu'elle allait m'ensorceler ? Avec ses magnifiques yeux émeraudes, son teint de porcelaine, digne d'une poupée, ses lèvres sensuelles à souhait et ses jolies boucles dans lesquels je rêve d'enrouler mes doigts, elle a tout pour me plaire.

Les trois premiers jours après notre départ, j'ai tout fait pour l'effacer de ma mémoire. J'ai pris cuite sur cuite, j'ai baisé une ou deux filles à la fois. Je ne m'en souviens plus vraiment, j'étais trop dans le coltard. Puis, je me suis rendu compte que ça ne servait à rien. Peu importe ce que je tentais pour l'oublier, les images d'elle, de nous, restaient implantés dans mon crâne.

Assis à bord du jet, qui nous emmène à Lisbonne, je ferme les yeux et son visage m'apparaît. Ses sourires, la douceur de sa peau et même son foutu caractère quand elle s'emporte me manquent terriblement. Jamais je n'aurais cru qu'en la percutant, j'allais ressentir un tel vide en moi quelques jours plus tard. Certes, elle m'a plu au premier regard, mais je ne faisais que déconner, comme chaque fois, lorsque j'ai sorti qu'elle était la femme de ma vie. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'une tornade m'a dévasté.

Pour changer le cours de mes pensées, je tente de me concentrer sur notre prochaine représentation, mais entendre Shawn au téléphone ne m'y aide pas vraiment. Je sais que c'est avec elle qu'il discute, comme tous les jours où nous sommes à bord de cet oiseau d'acier. Même s'il n'a pas encore obtenu ce qu'il désirait, lui, au moins, peut entendre le son de sa voix.

Après leur sortie la veille de notre dernier concert, ils se sont, semble-t-il, rapprochés. À mon grand dam. Je crève d'envie d'être à sa place et de l'écouter me parler pendant des heures. Mais comment ? Je n'ai même plus son numéro. Comme un con je l'ai effacé dès notre départ de Londres, pour éviter d'être tenté de l'appeler. Ma priorité était mon amitié avec Shawn à ce moment-là. À présent, je le regrette amèrement, mais je ne me vois pas le demander à Haley et encore moins à mon pote. Surtout que nous nous entendons mieux désormais que je ne peux plus m'approcher d'elle. J'ai retrouvé mon frère, mais à quel prix ? Si j'avais égaré une partie de mon âme, je ne me sentirais pas moins incomplet.

Un léger coup de coude dans les côtes me ramène à la réalité. Surpris, je tourne les yeux vers l'intrus. Dan a pris place sur le siège libre à mes côtés. Il plonge son regard dans le mien avec tant de force, qu'il me donne l'impression de sonder mon âme.

— Quoi ? lui demandé-je, mordant.

— Je voulais juste savoir comment tu te sentais.

Je ricane, aigri. Comment croit-il que je me sente ? Pour la première fois de ma vie, je ressens ce pincement dans ma poitrine, celui-là même qui a dévasté mon père quand ma mère s'est barrée. C'est tellement étouffant, que je me demande parfois si on ne m'a pas foutu sous une cloche en verre.

— Ça va, t'inquiète.

Son expression peinée me prouve qu'il ne me croit pas une seule seconde. Il a raison. Néanmoins, il ne ramène pas sa gueule et c'est tant mieux. Quand Shawn débarque près de nous, un large sourire plaqué sur ses lèvres, je réalise que Dan a dû le voir arriver et que c'est la seule raison pour laquelle il n'a pas répliqué. Quand on se posera, j'aurais certainement droit à l'un de ses foutus discours en tête à tête. Il a tendance à me souler grave depuis une semaine. Je n'ai aucune envie de parler d'elle et ce n'est pas en la ramenant sans cesse sur le tapis que je me sentirais mieux. Le temps devrait finir par panser mes blessures, mais combien de jours faudra-t-il pour que son nom n'égratigne plus ma langue chaque fois que je veux le prononcer ?

— Vous parliez de quoi ? s'enquiert mon meilleur pote en appuyant son avant-bras sur le siège de Dan.

— Je demandais à Jay si ça allait. Il a l'air sacrément crevé, vu la gueule qu'il tire.

Merci, mon gars ! Je suis peut-être à six pieds en dessous, mais je ne pensais pas avoir une aussi sale tronche.

— À mon avis, tu baises trop, mec. Faudrait penser un peu à la mettre au repos de temps en temps, me chambre-t-il en plaçant sa main sur son entrejambe pour bien me faire comprendre de quoi il parle.

Comme si j'étais con !

Atterrés, Dan et moi secouons la tête en même temps. Il n'a pas d'autres conneries à sortir, bon sang ? Merde on n'est plus des gosses pour se lancer ce genre de vannes ! Surtout que ça fait plusieurs jours que je n'ai pas ramené une femme dans ma chambre. Pour tout dire, ça fait même quatre jours que je n'en ai pas chauffé une seule.

— Va te faire foutre, Black ! grogné-je.

— Je n'attends que Jen pour ça. Même si techniquement, c'est plus moi qui irait me fourrer en elle.

Putain, il joue à quoi là ? Il me cherche ? Furieux qu'il puisse sortir une telle merde, j'agrippe les accoudoirs, avec tant de force que je sens le sang quitter mes phalanges.

— Non, mais tu t'entends parler, Shawn ? On dirait un gamin ! s'exclame Haley, outrée.

— C'est bon, si on n'a plus le droit de déconner ! fait-il en allant s'asseoir sur la banquette à l'opposé de nous, vexé.

Exaspérée, Haley lève les yeux au plafond tandis que je ravale ma colère, tant bien que mal. Depuis qu'il a revu Jen, Shawn a totalement changé. Je sais que j'y suis pour quelque chose, mais de là à devoir supporter ses caprices de gamin pourri gâté, il y a un fossé immense. S'il continue à le franchir, je vais devoir le remettre à sa place et ce ne sera pas joli à voir. Il va vraiment trop loin depuis quelques temps ! Jamais, je n'aurais cru que sa jalousie le rendrait ainsi. Pourtant, elle n'a plus lieu d'être, puisqu'il ne sait pas que je pense encore à elle. Que veut-il de plus, putain ?

Je jette un coup d'oeil dans sa direction. Tout sourire et le regard rêveur, il pianote sur son Iphone. Pas de doute, c'est encore avec elle qu'il discute. Juste pour qu'il ne puisse plus lire les mots qu'elle lui adresse, je rêve de lui crever les yeux. Je finis par attraper mes Airpods dans la pochette sur le côté de mon siège, avant de les enfoncer dans mes oreilles et fermer les yeux. Les premiers accords de Slayer retentissent puissants, tonitruants. Mon pied tape le rythme rapide de leur morceau tandis que Tom Araya beugle dans son micro. Peu à peu, je décroche de toute cette merde.

Une demi-heure plus tard, l'avion amorce son atterrissage sur la piste de l'aéroport international de Lisbonne. Après avoir longé le couloir de débarquement, nous entrons dans l'aérogare. Des dizaines de fans nous y attendent avec impatience, hurlant nos noms et chantant certains de nos tubes. Des groupies se pâment quand l'un de nous portent un regard sur elle, limite si elles ne s'évanouissent pas. Deux semaines plus tôt, j'aurais été à leur rencontre, les aurais draguées ouvertement et me serais éclaté à les regarder rougir. Aujourd'hui, je n'en ai aucune envie. Les stylos tendus dans ma direction me filent la nausée. Je passe devant eux, sans même leur signer un autographe.

— C'est quoi ton problème, Jay ? me questionne Shawn, en finissant par remarquer que je ne me prête plus aussi facilement au jeu qu'avant.

— Dan a raison. Je suis crevé en ce moment. J'ai dû me choper une saleté.

Il m'observe, attentif à mes mimiques, afin de lire en moi. Je reste impassible pour ne pas lui montrer que je suis loin de la vérité.

— Désolé pour ce que je t'ai sorti dans l'avion. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris, me confie-t-il en glissant son bras autour de mes épaules. Depuis que Jen... enfin je sors pas mal de conneries en ce moment. T'es mon meilleur pote, mais j'ai encore du mal à passer outre ce qu'il s'est passé entre elle et toi.... Enfin, bon c'est du passé, puisqu'elle et moi on avance dans la bonne direction. J'ai hâte de la revoir.

Ses mots sont une putain de lame qui s'enfoncent dans mes chairs à vif, se retournent pour mieux me déchirer.

— Je suis peut-être sur un nuage, mais je vois bien que tu n'es pas très bien en ce moment. Alors si je peux faire quoi que ce soit pour toi, n'hésite pas à me le dire, ajoute-t-il.

Te tenir loin d'elle m'arrangerait bien.

Si je n'étais pas aussi froussard, c'est ce que je lui sortirais, mais maintenant que nous nous sommes un peu retrouvés, je ne souhaite pas qu'on en revienne au point de départ.

— Ça va me passer. C'est juste un coup de froid.

Encore une fois, je lui mens. Moi qui déteste ça, je n'arrête pas depuis que j'ai rencontré Jen.

— Ok, c'est dommage, tu ne vas pas pouvoir profiter de la piscine de l'hôtel. Jen m'a dit qu'elle était gigantesque.

Qu'est-ce que je m'en fous ? Quoique, un bain de minuit avec elle, éclairés par une douce lumière romantique, me brancherait bien.

— Ouais. Je verrais bien, réponds-je pour éviter de me faire des films qui non plus lieu d'être.

Entourés de mes meilleurs potes, suivis de notre manager et nos gardes du corps, nous quittons le hall de l'aéroport. Nos noms résonnent encore lorsque nous montons dans les caisses qui nous emmènent à notre lieu de séjour.

Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant un somptueux hôtel. Rien qu'à voir la façade, on sait où on met les pieds. Un établissement digne de la chaîne Hollister, au même titre que tous les autres dans lesquels nous sommes descendus au cours de ces deux dernières semaines. Un portier vient nous ouvrir alors que le bagagiste s'occupe de nos affaires. L'intérieur est plein de charme. Des journaux et magazines sont disposés sur des tables basses. Tandis que Leo y jette un œil afin de savoir si on y parle de nous, je m'affale sur l'un des fauteuils en cuir qui ornent le hall d'accueil. Shawn et Dan en font de même. Les voyages commencent tous à nous épuiser, on dirait. Heureusement que nous allons pouvoir passer quelques jours de repos dans cette sublime ville. Le Portugal m'a toujours attiré et Lisbonne tout particulièrement. Ce serait sympa de découvrir ses merveilles et d'aller passer une journée au bord de l'océan. Je me vois bien faire du surf pour oublier ce qui me ronge.

Plongé dans mes pensées, je ne vois pas Leo s'éloigner. Ce n'est qu'au moment où Dan m'en sort que je réalise l'absence de notre manager. Je ne m'en formalise pas pour autant, puisqu'il a simplement dû aller s'enquérir de nos numéros de chambre.

— Ça va ? me questionne notre batteur.

L'éternelle question depuis quelques temps.

— Ouais, je pensais juste à aller visiter cette ville et trouver un spot de surf. Rien de bien méchant.

— Putain, ouais, ça serait trop cool qu'on y aille ! Ça fait un bail qu'on n'a pas surfé ensemble, lance Shawn, enthousiaste.

C'est clair. Ça doit remonter à deux années en arrière, juste avant qu'il s'installe avec Laura. Nous étions partis passer deux semaines à Miami, où on s'était éclatés comme des gosses. Je ne suis pas certain qu'aujourd'hui, nous pourrions prendre autant de plaisir à affronter les vagues ensemble. Ce temps me manque.

— Vous voulez ma mort ou quoi ? s'emporte notre manager dans notre dos. N'y pensez même pas les gars. Hors de question que vous montiez sur une planche durant la tournée.

Dans un même mouvement, Shawn et moi nous retournons vers Leo, excédés. Merde, on a décidé de faire de la musique notre vie, mais pas de cesser de vivre pour la musique.

— Ouais, ben c'est ce qu'on verra ! grogne mon pote.

— C'est tout vu. Je ne vais pas mettre votre carrière et la mienne en jeu pour vos lubies.

— T'es notre manager, Leo, pas notre père. Alors si on veut y aller, on ira ! grogné-je à mon tour. Et s'il y a un problème, tu seras là pour le régler, non ? C'est ton taf, après tout ! On te paie pour ça !

Hilare, Shawn me tend son poing dans lequel je cogne aussitôt. Leo perd ses moyens devant ma répartie et notre solidarité. Si bien qu'il reste quelques secondes la bouche ouverte à gober les mouches, avant de nous refiler nos numéros de chambre. La surprise me saisit quand je réalise que je suis le seul à me trouver au sixième étage. Le reste du groupe ainsi que les membres du staff logeront à l'étage inférieur. Soit il n'y a que deux suites par étage et seulement des chambres ensuite, soit je n'en sais foutrement rien. En tout cas celui qui a eu cette putain d'idée de nous dispatcher ainsi est un génie. Si Jen se refout avec Shawn, comme il semble le dire, je pourrais me réfugier dans mon antre loin d'eux, pour ne pas la voir se coller à lui. Je ne sais même pas comment je réagirai si c'était le cas. À mon avis, je serais partagé entre l'envie d'arracher la tête de Shawn et celui de me la fermer pour ne pas le perdre. Autant ne pas y songer, sinon mes pensées risquent de transparaître aux yeux de mes potes. Surtout là où nous sommes enfermés tous les cinq dans cet ascenseur ultramoderne, avec des miroirs sur chaque paroi.

— On se retrouve dans deux heures dans la salle de réunion ! me lance Leo avant de suivre les autres hors de l'ascenseur.

D'un simple mouvement de tête, je lui signifie mon accord, avant d'appuyer sur la fermeture des portes.

Lorsque je pénètre dans ce que je pense être ma suite, je suis surpris de ne voir qu'il ne s'agit que d'une chambre. Certes, immense et luxueuse, avec un lit qui pourrait contenir facilement trois adultes, même opulents, mais une chambre quand même. Déçu, je tire un peu la gueule, avant de remarquer le vase posé sur la commode, identique à celui que j'ai balancé à Londre. Face à ce souvenir, j'émets un léger sourire. Jamais je ne regretterai ce qu'il s'est passé entre Jen et moi.

Comme si l'objet pouvait me rapprocher d'elle, je laisse mes doigts l'effleurer. Puis, je retire mes chaussures et me dirige pieds nus vers la terrasse. Un canapé en teck décoré de jolis coussins me donnent de sales idées. Et encore une fois, aucune autre fille ne détrône ma jolie anglaise dans mes envies salaces. Plutôt que de m'y installer, pour éviter de vraiment dériver, je pars m'appuyer à la balustrade. La vue sur les collines environnantes est à couper le souffle. Je reste plusieurs minutes à contempler l'horizon.

Un jour, j'y achèterai une baraque et quand on aura le temps, entre deux tournées, les gars et moi y viendrons. On bouffera des steaks cuits au barbecue, avec une de ces salades dont seule Haley a le secret.

Putain, ça fait un bail qu'on n'a pas fait des trucs aussi simples tous les trois.

Depuis six mois déjà, la tournée nous mène de ville en ville et il nous en reste encore trois avant de pouvoir rentrer à Chicago, dont un et demi sur ce continent. J'ai hâte de rentrer à la maison. De l'autre côté de l'Atlantique, je suis persuadé que je réussirai à refermer la parenthèse que Jen a ouvert dans ma vie. Très loin d'elle, je redeviendrai moi-même, j'en suis persuadé.

Ras le bol que toutes mes pensées reviennent en permanence vers elle. Si elle pouvait cesser de me bouffer le cerveau deux minutes, je m'en porterais pas plus mal !

Je me masse la nuque pour tenter de me reprendre et laisse mon regard se porter sur l'immense piscine en contrebas. Des spots sont implantés tout autour. Le soir, ils doivent émettre une douce lumière chaleureuse, romantique à souhait, un peu comme dans ma vision de tout à l'heure. Le romantisme et moi on a toujours fait dix mille et pourtant c'est la seconde fois que je pense ainsi. Bientôt, je vais me retrouver avec un bouquet de roses rouges à la main, un genou à terre, a faire la cour à une femme. Et puis quoi encore ! Depuis quand suis-je devenu ce genre de gars ? Dan a raison, je ne vais pas bien en ce moment. Il faut vraiment que je me reprenne et redevienne le vrai Jayden Miller, celui qui se fout pas mal des femmes. Prendre le plaisir là où il se trouve et le reste on s'en tape.

Épuisé par ce combat intérieur, je décide de descendre à la piscine. Vu qu'il n'y a personne, je serais à l'aise pour me vider l'esprit, en donnant le meilleur de moi-même.

Peu de temps après, je me défoule en exécutant des longueurs de bassin sans relâche. Sous mes efforts, ma tête se débarrasse rapidement de toutes mes pensées parasites. Il n'y a plus que moi et cette eau rendue turquoise par le fond de la piscine. Rien d'autre ne compte. Je nage encore et encore jusqu'à ce que toutes mes forces m'abandonnent..

Wouah ! Ça fait un bien fou de se reconnecter avec soi-même.

Claqué, je rejoins la terrasse sur laquelle ma serviette est restée et me hisse hors de l'eau. Alors que je me sèche, je sens un regard lourd peser sur moi. Furieux qu'on puisse interrompre ce moment de détente en me scrutant de la sorte, je me tourne vivement vers l'intrus pour lui faire comprendre qu'il ou elle n'est pas le bienvenu. Pourtant quand je découvre ces yeux émeraudes dévorer mon torse avec envie, c'est une toute autre idée qui me traverse le crâne. Bien plus exquise. Bien plus tentante. En voyant Jen si belle dans son maillot de bain deux-pièces, assise de l'autre côté, les pieds dans l'eau, les mains posées derrière elle, je crois rêver. C'est impossible qu'elle soit vraiment ici. Et dans le cas contraire, où est Shawn ? Il doit sûrement être au courant de sa présence, puisqu'ils s'appellent tous les jours. Je jette un coup d'oeil aux alentours pour m'assurer qu'il est également là. Quand je vois qu'il n'y a qu'elle et moi, mon rythme cardiaque s'emballe. Elle est ici juste pour moi.

Je lui souris, d'un de ces sourires qui en fait craquer plus d'une. Captif de son regard, je ne peux détourner la tête. Joueuse, elle mordille son pouce, alors que ses magnifiques iris me fixent avec intensité. Je n'ai plus qu'une envie replonger dans cette eau et traverser les quelques mètres qui nous séparent et étancher ma soif d'elle à travers un baiser passionné. Si ce n'est qu'un rêve, comme je le crois de plus en plus, je ne risque rien.

J'ai certainement dû m'asseoir sur le canapé en teck et être en train de me taper un roupillon. Dan doit avoir raison, je suis certainement crevé.

— Salut, finit-elle par me saluer d'une voix si mielleuse que je décolle aussitôt.

Une semaine que je ne l'ai pas vue et mon corps devient fou. Sa voix me fait vibrer de la tête à aux pieds, en passant par ma queue qui commence déjà à durcir. Je la veux, là, de suite, dans cette piscine. Tant pis si les spots ne sont pas allumés comme dans ma vision. Je crève d'envie d'embrasser chaque parcelle de sa peau à découvert, de goûter ses seins et de m'enfoncer dans sa moiteur, pour un corps à corps des plus torride.

— Salut ! lui réponds-je d'une voix rauque qui dénote mon désir.

Ses joues s'empourprent, elle a dû comprendre le fond de mes pensées. Même si je la désire plus que tout, il faut que je me calme, surtout si ce n'est pas un rêve.

Je saute dans l'eau pour la rejoindre. Sa fraîcheur me permet de me remettre les idées en place le temps de la traversée. Je m'arrête un peu avant d'atteindre la paroi parallèle, laissant une distance suffisante entre nous.

— Tu n'as pas l'air d'apprécier de me voir, me sourit-elle, taquine.

Putain, si je le suis. Toutefois, à naviguer entre rêve et réalité, je ne sais pas comment réagir.

— Où est Shawn ? la questionné-je, soucieux qu'il puisse se planquer quelque part.

Le rire qu'elle laisse échapper retentit comme la plus belle des mélodies. Si elle continue à me séduire, je risque de me jeter sur elle dans la minute qui suit.

— Il ne sait pas que je suis ici, me dit-elle en retrouvant son sérieux.

J'écarquille les yeux, ahuri. Comment ne peut-il pas l'être alors qu'il est en permanence scotché au téléphone avec elle ?

— Je viens juste d'arriver, m'explique-t-elle. La dernière fois que j'ai eu Shawn, ce n'était pas prévu que je vienne de suite. Je lui avais juste promis de venir passer deux jours après votre concert, rien de plus. Mais mon père a appris que j'organisais vos soirées à distance et il est devenu furieux. Je n'ai pas eu le choix que de sauter dans le jet et vous rejoindre.

Je fronce les sourcils et penche légèrement la tête, pas certain de tout saisir.

Qui était au courant qu'elle devait nous suivre ? Shawn, sûrement. Haley, peut-être aussi et par extension Dan. Il y a de fortes chances que Leo l'étaient également. En somme, tout le monde sauf moi. J'ai l'impression d'être un peu le couillon de l'histoire.

— Qu'est-ce qui t'empêche d'aller voir Shawn à présent ?

Putain, même dans un rêve, je tente de lutter pour ne pas succomber à cette divine créature.

Elle me lance un sourire énigmatique, avant de se laisser glisser dans l'eau. Sans me perdre un seul instant du regard, elle s'approche de moi.

— Tu ne me demandes pas pour quelles raisons j'ai préféré me tenir à l'écart durant toute cette semaine, alors que j'étais censé vous suivre sur toute votre tournée ?

Elle avance encore d'un pas jusqu'à ce que nos corps ne soit plus qu'à quelques millimètres l'un de l'autre. Son parfum me grise en titillant un peu trop agréablement mon odorat. Troublé par notre proximité, je déglutis de travers.

— Pour quelles raisons tu t'es tenue loin de nous ?

Elle plonge ses prunelles dans les miennes, un léger sourire sur les lèvres qui me met KO direct. Puis elle pose son index avec douceur sur ma poitrine, à l'endroit même où mon cœur ne cesse de rater des battements, tellement je suis heureux de la voir... tellement j'ai envie d'elle.

— À cause de toi, m'avoue-t-elle. Je ne pouvais pas accepter que tu mettes autant de distance entre nous. Ça me faisait trop mal. J'ai voulu m'éloigner pour tenter de t'oublier, comme on se l'était promis ce soir-là.

Cette fois, j'en suis certain, ce n'est qu'un rêve. Vu ce que m'a dit Shawn sur leur rapprochement, elle ne me parlerait pas ainsi si c'en n'était pas un. Je ne risque donc rien à poser mes doigts ainsi sur son visage et à le caresser avec délicatesse. Je me penche au-dessus d'elle pour venir me régaler de la gourmandise la plus exquise qui existe sur terre. Avant que nos lèvres entrent en contact, je retiens ma respiration quelques secondes, effrayé que tout s'efface au moment où nos bouches se trouveront ou pire, qu'elle s'enfuit loin de moi en riant. Qui sait si je ne vais pas me réveiller ou bien le rêve pourrait virer au cauchemar avec l'arrivée impromptue de Shawn ?

Elle sonde mon regard, inquiète que je n'aille pas plus loin. Puis, elle enroule ses bras autour de ma nuque pour me forcer à aller jusqu'au bout de ce que je désire. De ce qu'elle désire. Comme attirées l'une par l'autre, nos bouches se trouvent, se scellent pour se promettre monts et merveilles.

Tendresse et désir. Fougue et passion. Tout se mêle dans notre échange.

Une semaine que j'attendais cet instant où nos corps seraient collés l'un à l'autre, où nos langues se lieraient pour inventer leurs propres pas de danse. Sa peau frissonne tout contre la mienne et me donne envie de plus. Elle halète, aussi excitée que moi, frotte son ventre contre mon membre déjà bien gorgé de sang. Ma trique devient douloureuse, demandant à ce que je sois soulagé le plus vite possible. C'est encore pire lorsqu'elle enroule ses jambes autour de mes hanches et que son sexe se positionne sur le mien. Putain de bordel de merde ! Je vais la prendre ici si elle continue à me chauffer de la sorte. Rien à foutre si dans quelques minutes tout disparaît, je profite de chaque instant avec elle. Mes mains s'amusent à la redécouvrir. Quand elle gémit, je deviens complètement dingue. Je veux la faire mienne.

Mon rêve prend fin quand des jeunes sautent dans l'eau, nous aspergeant au passage. Je pense me réveiller sur le banc de la terrasse, pourtant je suis encore dans l'eau tout près d'elle. Ses tétons durcis par notre échange me frôlent à travers le haut de son maillot de bain et me rendent fou. Fou de son corps. Fou d'elle.

— Ah, t'es là, mec ! Je te cherchais partout ! entends-je Shawn dans mon dos.

Dans un même mouvement, nous nous raidissons, pris en faute. L'angoisse apparaît sur le visage de Jen et je suis loin d'être mieux. Mon rêve vient de virer au cauchemar. La réalité me frappe de plein fouet. Encore une fois, j'ai commis l'erreur de me laisser aller à mes pulsions. Cette fille me fait perdre la tête, comme personne d'autres.

— Il ne faut pas qu'il me voit, sinon il risque de comprendre ce qu'on vient de faire, souffle-t-elle.

Elle a raison. Si Shawn pose les yeux sur ses lèvres rougies, il ne mettra pas trois plombes à capter que j'en suis l'auteur.

— Je m'en occupe. Tu peux rester sous l'eau quelques secondes ?

Elle hoche la tête, pose une dernière fois ses lèvres sur les miennes avant de s'accroupir sous la surface.

— Tu joues à quoi Miller ? s'enquiert Shawn. T'as un problème ou quoi ?

— Tout va bien, t'inquiète. Juste une crampe.

Je me retourne pour lui faire face et lui lance un sourire convaincant, afin qu'il cesse de se poser des questions. Je m'avance vers le rebord opposé, mon corps imposant devrait suffire à camoufler Jen à sa vue. Je n'ai que quelques secondes pour contrôler mon érection, avant de faire face à mon pote. S'il remarque que je bande, je n'imagine même pas ce qui va lui traverser le crâne. Il risque de me prendre pour un gay vu qu'il n'y a que des gars visibles ici. Il ne manquerait plus que ça qu'il s'interroge sur mes bords.

Je me magne de le rejoindre, pour que ma belle naïade ne se noie pas. Je n'aimerais pas que quelqu'un soit obligé de lui faire du bouche à bouche pour la réanimer et encore moins s'il se nomme Shawn Black. Le voir poser ses lèvres sur les siennes après notre baiser enflammé me tuerait. En même temps, je suppose qu'elle ne va pas attendre de perdre connaissance pour se relever et là, on serait aussi mal l'un que l'autre. Je n'imagine même pas la merde que ça serait. Cette fois, je suis certain que le groupe ne s'en relèverait pas.

Dès que je quitte la piscine, je me sèche rapidement, avant de glisser un bras autour des épaules de Shawn.

— On va se prendre une bière ? lui proposé-je pour l'éloigner le plus vite possible d'ici.

Douteux, il jette un coup d'oeil par-dessus mon bras.

— C'est moi ou j'ai l'impression que tu me caches un truc ?

— Jen doit te faire un peu trop planer en ce moment, parce que je t'assure que tout va bien.

Lui parler d'elle dans ces termes m'arrache la gorge et me retourne l'estomac. Néanmoins, je n'ai pas le choix si je ne veux pas qu'ils nous grillent.

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