19 - Jen Part 2

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Deux mois !

Comment vais-je pouvoir dire à mon père que c'est bien trop long ? Si je refuse maintenant, que va-t-il en penser ? Je ne peux pas le décevoir. Ces questions en tête, je m'engouffre dans la cage métallique, qui me remonte à mon étage.

Deux mois !

Je n'arrive toujours pas à en revenir. Lorsque j'ai accepté, j'ai cru que ce serait pour deux ou trois semaines. Mais deux mois... Du revers de la main, je me frappe le front pour tenter de remettre mes esprits en place. Cette durée m'obnubile tant, que je suis incapable de penser à autre chose, alors que je longe le couloir qui me ramène à ma suite.

Au moment ou je pose mon badge sur ma porte, des rires attirent mon attention. Jay et la jolie blonde, vue au restaurant un peu plus tôt, quittent le second ascenseur sans même prêter attention à ma présence. Leurs différents gestes sont si explicites qu'ils me donnent la nausée. Troublée, j'en échappe mon badge qui tombe sur le carrelage en faisant du bruit. Surprise, je pousse un petit cri de frayeur et sursaute. De peur de poser mes yeux à nouveau sur eux, je n'ose plus bouger. Je reste donc immobile comme une statue dans l'attente d'entendre sa porte se refermer.

— Je crois que tu as fait tomber ça.

Au son de cette voix grave et sexy, mon corps frémit. Je me tourne aussitôt vers Jay, qui me tend mon badge, un léger sourire sur les lèvres. Sans le quitter du regard, je tente de reprendre possession de mon bien. Quand nos doigts se touchent, mon cœur palpite un peu trop vite.

— Jay ! l'interpelle la jeune femme.

Il continue à me regarder comme si personne ne venait de l'appeler. Une nouvelle bulle vient nous envelopper, protectrice, bienfaisante. Une douce chaleur remonte le long de mon bras lorsqu'il recouvre ma main de la sienne. Les secondes s'écoulent sans qu'aucun de nous deux n'aient envie de rompre ce charme.

— Si tu ne veux plus coucher avec moi, tu n'as qu'à le dire et je me casse ! s'impatiente-t-elle.

Alors, c'est bien ça ? Je ne m'étais pas fait de films, il avait bien l'intention de coucher avec elle. Mon monde s'écroule et je retire ma main de son emprise dans un geste brusque. Déçue, attristée et le cœur en lambeaux, j'ouvre la porte de ma suite. Je vais pour la refermer quand il la retient de justesse.

Décidément, ils se sont donnés le mot ce matin pour m'empêcher de la leur claquer au nez.

Furieuse, je me dirige droit vers la baie vitrée, Jay sur mes talons. Il m'attrape par le coude et me force à me retourner vers lui. Son regard empli de diverses émotions contradictoires tentent de se plonger dans le mien, mais je préfère lui échapper en déviant la tête pour lui démontrer à quel point il vient de me blesser. Avec délicatesse, il pose ses mains en coupe sur mon visage, afin d'obtenir ce qu'il désire. Je tente de lutter encore en fermant les yeux.

— Regarde-moi !

Sa voix aussi douce que de la soie me force à lui obéir. Il me lance aussitôt un petit sourire qui met à mal mon palpitant. Pourtant, ma colère contre lui continue à grogner au fond de mon ventre.

— Pourquoi tu ne vas pas la rejoindre ?

— Parce que je lui ai demandé de se barrer.

— Tu ne serais pas tomber sur moi, t'aurais couché avec elle, n'est-ce pas ?

Quand il baisse son regard en direction du sol, mon cœur se remet à pleurer.

— Ouais, souffle-t-il.

La douleur est telle que je refuse qu'il me touche encore. Je m'éloigne jusqu'à la baie et cette fois, rien ni personne ne pourra me détourner de la vue qu'elle m'offre.

— Je dois me tenir loin de toi, ajoute-t-il, après un long moment de silence.

Énervée par son excuse bidon, je me retourne avec vivacité et croise les bras sur ma poitrine.

— Et pour ça, tu penses que coucher avec une autre est la solution ?

Il mord sa lèvre, tout en me lançant un regard peiné.

— Si t'en as une meilleure, je suis tout ouïe. Tu crois que ça m'amuse, putain ! Je n'arrête pas de penser à toi. Tu me hantes à un point inimaginable, mais on ne peut pas être ensemble.

Merci de me le rappeler encore une fois. Comme si hier ne m'avait pas fait assez mal.

Incapable de lui répondre, je me ronge l'ongle du pouce. Même si je lui disais qu'on pourrait se battre ensemble pour faire admettre à Shawn notre relation, il ne m'écouterait pas, j'en suis convaincu. Bien que je le comprenne, je n'arrive pas à l'admettre. Au fond de moi, j'espère qu'Antonio me remettrait les pendules à l'heure si je me mettais entre lui et sa copine, tout comme j'aimerais que l'homme qui se trouve encore dans ma suite le fasse avec son meilleur ami.

Il secoue la tête, en me fixant un instant.

— Je suis désolé, Jen. J'aurais aimé te rencontrer bien avant.

Son coeur en miette transparaît à travers son regard, avant qu'il me tourne le dos, avec l'intention de quitter ma suite et me laisser seule. Le voir partir m'accable avec une force inouïe. Les larmes ruissellent à nouveau sur mes joues. Sous mes pleurs, mon sang se met à bouillonner. J'ai tellement pleuré par le passé, que je hais me voir si faible.

— Et moi, je t'oublie comment ? lui lancé-je, furieuse, avant qu'il n'atteigne la porte.

Il s'arrête, enfonce les mains dans ses poches, avant de me répondre d'une voix peinée :

— Si je te le dis, la réponse ne te plaira pas.

Je n'ai pas besoin de plus pour sortir de mes gonds. Comment peut-il penser un seul instant à Shawn dans ces circonstances ?

— Tu penses à ton meilleur ami, n'est-ce pas ?

Il se tourne pour me faire face et le visage fermé, il hoche la tête.

— Je sais qu'il est passé te voir ce matin et qu'il t'a écrit une chanson. Quoi qu'il t'ait dit, je sais qu'il ne t'a pas menti.

— Et ça change quoi ?

— Il t'aime.

Bordel, comment peut-on être plus borné que Jayden Miller ? Shawn m'aime encore, je le sais, tous les deux n'arrêtent pas de me le dire. Mais, est-ce que quelqu'un pense à ce que moi j'éprouve ? Est-ce que tous les deux peuvent envisager que mes sentiments ne se portent plus sur le leader du groupe aujourd'hui ? Ce n'est pas mon ex qui m'attire comme le pôle Nord attire une boussole ni qui m'électrise comme une ligne à haute tension, mais lui. Juste lui.

— Laisse-lui une chance de se racheter.

En deux temps, trois mouvements, je me rapproche de lui, excédée.

— Cesse de me parler de lui ! m'emporté-je, en le poussant brutalement. Je ne veux pas être avec lui, parce que c'est à toi que je pense en permanence ! Ce sont tes lèvres que j'imaginais sur les miennes avant de m'endormir hier soir. C'est de toi dont j'ai rev...

— Tais-toi ! me coupe-t-il sèchement.

Ce n'est pas pour ça que je vais m'arrêter. Mon besoin de lui dire ce que j'éprouve se fait viscéral, car je sais que si je ne le fais pas, je le regretterai.

— C'est de toi dont j'ai rêvé toute la nuit ! poursuis-je. C'est à toi que je pensais encore en me réveillant ce matin !

— Je t'ai dit de te taire, putain !

Les mains agrippés à ses cheveux, il longe le salon de long en large. La tension entre nous est si palpable qu'elle en est presque visible.

— Non, Jay, je ne me tairais pas ! Tu n'es pas le seul à être hanté ! Tu es là en permanence, dans ma tête, et même si je sais que...

La force avec laquelle il vient plaquer sa bouche à la mienne me fait taire. Il m'embrasse avec une telle vigueur, que j'en perds mes moyens. Je suis obligée de m'accrocher à son cou pour ne pas me noyer sous toutes les émotions qu'il fait naître dans mon corps. En même temps que sa langue s'enroule à la mienne, ses mains se posent sur mes fesses pour me rapprocher un peu plus de lui. Il frotte son érection contre mon ventre pour me montrer à quel point il me désire. Le feu qu'il allume en moi est tel, que je dois serrer mes cuisses l'une contre l'autre pour tenter de l'apaiser. C'est si intense, que je me retrouve plonger au fond d'une abysse au moment où il met un terme à cet échange et fonce vers la sortie. Il quitte la suite en claquant la porte, sans omettre de lâcher un juron avant.

Sans sa chaleur pour me réchauffer, je plonge en plein hiver polaire. J'ai si froid, que j'en grelotte. Les larmes se déversent sur mes joues avec la puissance de l'eau qui se jette d'une cascade. Mon estomac se contracte et ma gorge se serre. Pourquoi faut-il que je tombe chaque fois sous le charme d'un homme qui n'est pas pour moi ? Effondrée, je m'écroule sur le canapé et me laisse aller à mon chagrin, malgré la rage qui gronde en moi face à cette nouvelle faiblesse.

Je ne sais combien de secondes, minutes ou heures s'écoulent tant je suis perdue dans cet océan d'obscurité, avant qu'on ne frappe à ma porte. Je me redresse et sèche mes larmes pour avoir un semblant de figure présentable, même si je sais qu'avec le mascara je risque plus de ressembler à un raton-laveur qu'à un top-model.

— Oula, ma belle ! me dit Antonio en me découvrant derrière la porte. Viens là !

Dans un geste plein de douceur, il m'attire contre son épaule musclé. Puis, il m'amène jusqu'au canapé, sur lequel je me laisse encore aller à ma peine, mais cette fois dans ses bras réconfortants. Je ne suis plus seule à présent, mon meilleur ami se trouve avec moi et je sais qu'avec lui à mes côtés, je ne peux qu'aller mieux. Tandis que mes larmes perlent sur mes joues, il me berce et me chuchote des mots apaisants.

— Raconte ! m'ordonne-t-il avec gentillesse lorsque mes pleurs se tarissent.

Je m'exécute et lui raconte tout de tout, de la chanson de mon ex, à la proposition de mon père. De mon acceptation de devenir amie avec Shawn jusqu'au baiser torride de Jay pour me faire taire. Il m'écoute, sans m'interrompre une seule fois. Vider ainsi mon sac me soulage de tout le poids qui pèse sur mon âme et m'apaise. Antonio grimace à plusieurs reprises, néanmoins il ne me dit rien. De toute façon, aux vues de ses mimiques, je sais déjà ce qu'il en pense et ce qui lui déplaît fortement.

— Je sais de quoi tu as besoin, ma belle. Un bon chocolat chaud extra-guimauve et je sais où trouver le meilleur de la ville, me déclare-t-il après ma longue tirade. On va d'abord aller chercher ton amie et on y va.

Je secoue la tête, peu encline à sortir maintenant.

— Je n'ai pas bien compris ta réponse. C'est un oui, n'est-ce pas ? me questionne-t-il, un sourire taquin sur les lèvres.

Comme toujours, il n'acceptera pas mon refus. Bon gré, mal gré, je me lève et me rend dans ma chambre pour retoucher mon maquillage. Je constate avec effroi que j'ai une tête à faire peur. Mes yeux sont rougis d'avoir trop pleuré et le mascara a laissé une belle trace noire en-dessous. Au final, vu ma tête, je suis bien heureuse qu'Antonio soit celui qui se trouvait derrière la porte.

Après avoir ôté tout ça, avec une lingette démaquillante, je repasse un simple trait de crayon sous mes yeux, avant de retourner dans le salon. Mon meilleur ami glisse aussitôt son bras sous le mien et m'entraîne hors de ma suite.

Dès que nous avons récupéré Haley, il nous emmène dans un petit café au bord de la Tamise. Au moment où nous y entrons, son décor moderne me surprend, tant il détonne avec la façade vieillotte de l'établissement. Nous nous installons près de la fenêtre sur des sièges en similicuir rouge.

Tandis qu'Antonio part chercher nos boissons, je raconte une nouvelle fois à Haley tout ce qui m'est arrivé ce matin. J'hésite un instant à lui parler de l'offre de mon père, avant de tout lâcher de but en blanc.

— Oh, c'est super ça ! s'exclame-t-elle, ravie.

Je hausse une épaule. Pour moi c'est loin d'être aussi excitant.

— Tu vas pouvoir assister à tous leurs concerts et je suis certaine que Jay finira par lâcher prise. Il en pince vraiment pour toi, je ne l'ai jamais vu comme ça avec une fille. Pour tout te dire, il était dans notre suite quand tu es venue me chercher. Il avait besoin de parler avec Dan de ce qu'il s'est passé entre vous hier soir et tout à l'heure.

De savoir qu'il parle de moi réchauffe mon cœur. Pourtant, après sa fuite, je sais qu'il ne voudra plus de moi et je n'ai qu'une envie me tenir loin de lui, le temps d'oublier à quel point il me plaît. Une idée germe alors dans ma tête à cet instant.

— Je ne vais pas vous suivre, lui annoncé-je. Je pense pouvoir gérer vos soirées de loin. Il suffira que tu me dises ce dont ils ont besoin et d'appeler le personnel présent sur place pour le mettre en place.

Ravie de ce qui vient de me traverser l'esprit, je souris à mon amie alors que, dépitée, elle secoue la tête.

— Ton père ne va pas apprécier, dit Antonio en posant nos commandes sur la table.

Tant pis, je préfère affronter le grand patron des hôtels Hollister que de faire face au duo Shawn-Jay. Mon cœur ne s'en portera que bien mieux.

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