Le pacte de la faucheuse 07

Image de couverture de Le pacte de la faucheuse 07

Tout à l'est dans la pluie et la boue, on se battait contre quelque chose d'inhumain. Le bougre d'âne n'avait vraiment rien compris à ce que lui disait son corps. Mais que pouvait donc être cet ennemi qui donnait du fil à retordre à ses soldats près des chutes ? Il venait de réussir à sauver sa terre et voilà qu'on ne pouvait pas souffler. Après la pluie, le ciel n'a pas fini de gronder. Il se rendit sur place et les gens acclamèrent Musashi, jusqu'à le suivre sur sa route. Il gardait l'air stoïque, il ne s'attardait pas, il était comme l'orage qui grondait.
Jusqu'au campement au bord des chutes, il n'eût pas un instant de solitude. Notons tout de même, que seul un corps de police accompagna Takezo sur les sentiers qui menaient au champ de bataille. Un drôle de singe le regardait tout en bas, mais il ne le laissa pas entrer dans sa tête. L'animal était puissant. Une chaîne en feu retenait le macaque, mais il ne semblait pas en souffrir pour autant, ni son pelages ni sa peau ne s'en allait.
Sur un sentier qui descendait sur le pan d'une falaise près des chutes de vapeurs, près de la forêt qui entourait le quartier bûché, plus précisément, Sakuchi observait Musashi et attendait sa réaction. Il ne sut pas pourquoi son seigneur hésitait, mais lui entra dans la bataille sans demander de permission.
Il s'acharna jusqu'à sa victoire, contre huit de ces démons boueux, noir mâts, au cuir chevelu épineux et alors qu'il eut un genou au sol, son front en sang et que trois autres étaient tombés raides morts, son seigneur lui, avait toujours l'esprit ailleurs ! Musashi restaura la santé de ses alliés et les somma de battre en retraite. L'unité présente et Sakuchi ressentaient dans leur cœur, que le guide des revenants appelait tous ses soldats jusqu'à lui. Il inscrivit une liste de matériel sur une feuille de calepin et la donna à Sakuchi. Il fallait que l'armée revienne avec toutes les petites cases cochées, réclama-t-il avec une tête de simplet. Puis, encore une fois, Nïten fit l'inverse de ce qu'on lui demandait pour s'isoler. Car même s'il avait vu l'armée de la boue grouiller sous la brume, il avait aussi vu, qu'il y avait de nombreuses vies à sauver à l'instant même, qui tombaient du ciel.

Ce cher Samir, Nïten en avait presque oublié qu'il était venu là, grâce à cet homme. Le roi de la vieille Myamoto ne vit plus son ami, mais la dernière fois qu'il le vit, il put le sauver, lui et les terriens avec lui. Musashi marcha jusqu'à sentir l'humidité des chutes rafraichir son visage. Il devait trouver un endroit réellement vide et silencieux, une petite grotte, un sillon en pierre qu'ils avaient repéré lors d'une expédition. Ce fut là-bas qu'il put réellement méditer comme il le souhaitait. Il fallait s'éloigner du bruit. Des essaims de mouches aussi grosses que des chats, c'est horrifiant. Fort heureusement, elles préféraient rester près de la limite des chutes, là où la nuit et le jour prennent fin. Ces amoureuses des déchets, étaient la principale cause des échecs des missions d'exploration sous les chutes. Mais il y avait quelque chose chez les humains, qui les poussaient à vouloir savoir ce qui se trouvait en dessous de cette brume, qu'importe les conséquences.

Des chutes, froides comme la mort et qui grondent aussi fort que la joie de la vie. Les ardeurs, si magnétiques qu'elles retiennent nos technologies et ses gouttes qui les démembrent avant qu'ils ne touchent le sol, oui, ces chutes sont éblouissantes.

Pourtant, les analyses ont dit et Takezo a vu dans les yeux, qu'elles ne protègent que du sable et de la boue. Il regarda jusque l'au-delà, pour demander son aide au dieu traître.
Il fut seul dans le salon de la geisha cette fois. Une petite boîte avec un ruban l'attendait sur la nappe. Lorsqu'il l'ouvrit, il vit une représentation de la même scène, qui se répétait à l'infini. Musashi était fasciné par cette bizarrerie. Hésitant à toucher du doigt son petit lui, ceux qui étaient au-dessus et en dessous de lui, en revanche n'hésitèrent guère longtemps. Comme il fut logique, que Nïten s'oppose à cette main géante en armure. Elle faisait un bon côté de la pièce et elle fit l'autre, lorsque Musashi la retourna grâce à une clé sur ce gros doigt. Il planta ensuite son épée pour clouter le poignet au parquet. Il exerça ensuite précautionneusement son talent au sabre de bois, à l'intérieur de la main, jusqu'à ce que les doigts ne s'agitent plus.
Il retourna ensuite à la boîte, suivant la marée de la curiosité. Les événements étaient différents à mesure qu'on enfonçait son regard, dans la boîte. Une fois, il avait écrasé le petit. Sur un autre plan, le petit et le grand tentaient de converser. Intrigué, Takezo ne remarqua point que la porte dans son dos s'était poussée et il n'eut pas l'ouïe assez fine, pour percevoir le chien noir s'étant glissé dans la lueur magistrale du soleil. Il se retourna, au moment opportun pour la bête. Le samouraï se laissa aller à observer le toutou avec des yeux humains et des symboles d'or, incrustés à même sa chair. Celui-ci s'attaqua au visage de Musashi et lorsque Fujiwara s'éveilla près de la chute, les plaies de son visage se cicatrisaient.
Il se banda l'œil d'où le sang s'écoulait encore. Capricieux cet Anubis ; morceau par morceau, frissonna Musashi en reprenant conscience. Ce fut de là, qu'il guida la chute du vaisseau et que les humains de la tour occidentale, purent survivre à l'atterrissage. Lorsqu'il retourna au bord de la forêt bois-de-ronce aux abords du village bûcher, il imposa la pose de ligne de tir et dessina sur un rouleau, qu'il fit passer parmi les soldats, déjà morts. Il leur montra, à quel point les compères des monstres qu'ils avaient abattus, regardaient goulument vers le haut. Le bruit des chutes ne vient pas des mouches mes amis, leur avait-il dit.
La morsure d'Anubis avait réveillé quelque chose chez Nïten. Il retira le zinc, le fer, la silice, les courants électriques et tous les éléments, dans le sol et la roche qui l'entouraient. Pour tous, ce ne fut qu'un amas de poussière qui s'éleva du sol et se rassembla dans les mains de Musashi. Pour lui, la soucoupe transparente qui s'assembla dans ses mains était aussi logique qu'une théorie du tout, aussi beau que la magie. Sakuchi observait les derniers samouraïs, qui remontaient au-delà des sentiers, en mitraillant des nanomissiles à foison. Son regard se tourna vers son seigneur. L'ellipse que le seigneur avait en main traça l'espoir de la quatrième main. Il eut bien fait de laisser renaître son feu, lorsqu'il vit que l'objet jeté en l'air par Musashi. L'arme chimique s'éparpilla et une carapace sans couleur se diffusa dans les nuages. Une combinaison couvrit leur atmosphère, séparant le camp des revenants et les ennemis. Lorsqu'il revint vers la cité néo-nippone Takezo eut un invité, pour le moins peu commun, qui venait à sa rencontre en sifflotant.

" Comment es-tu donc entré ici ? Me comprends-tu ?
Un individu très intelligent, un genre de lutin, mais il était bien aussi beau qu'un elfe des vieilles légendes, malgré les trous dans son nez et le côté démesuré de ses oreilles et de ses sourcils. Ses gants indiquaient que ses doigts étaient différents. L'être jaunâtre prit une petite flûte, dont l'emplacement des notes ressemblait à un vrai casse tête chinois. Il joua une petite mélodie joyeuse et lorsque ce fut fini, étrangement, ce fut le petit être qui interrogea le samurai.
" La bonne journée. Qui êtes-vous et quand êtes-vous arrivé ici ?
- Hé bien ! Nous sommes des humains, nous sommes arrivés il y a très peu de temps. Pourquoi cela ? Vous, qu'êtes-vous ?
- Sadhemass. Je suis un représentant des scribes, de la famille Moupio. On me nomme parfois le préféré des arbres. Nous devons être au courant de tout ce qui se passe sur cette planète, qui ait de près ou de loin un lien avec la vie. Êtes-vous pacifistes Youman? Communiquez-vous avec les I.S ou certains huit pieds, d'une quelconque façon ?
- Nous pouvons être pacifistes, dit Nïten plein d'espoir. Comment fais-tu pour parler ma langue ainsi ? Tu ne viens pourtant pas de la Terre.
- Terre ? Est-ce votre point d'origine, ou le nom de vos ancêtres ?
- L'endroit d'où nous venons, oui.
- Il est étrange de voir les yeux de l'Aldalam humain. Ce sont de vieilles légendes oubliées, auxquelles plus aucun aldam ne croyait. Je connais une magie qui me permet d'utiliser tes mots. Mais ici la langue est l'Aldam et il faudra bien vous y faire. Obis stabok "
Le samouraï hésita sur ce qu'il devait comprendre.
" Quel est ton nom ? Reprit le scribe bavard.
- Nïten.
- Comment êtes-vous entré ?
- Je connais la magie cosmique moi aussi.
- Combien de peuples recense-t-on sur cette planète scribe ?
- Je pourrais vous en citer six, si l'on ne compte pas les huit pieds. Mais votre arrivée ainsi qu'une explosion solaire qui vient de survenir, nous force à réviser tous nos comptes. Je souhaiterais rentrer dans votre demeure, guide yuman.
- Je crains de ne pas pouvoir satisfaire ta requête Sadhemass. Tout du moins, pour le moment, tant que je suis derrière cette barrière, je ne peux laisser entrer personne.
- Pourtant, tu es celui qui a lancé ce sort.
- Comment peux-tu donc le savoir ?
- Tu es lié à lui. Je le vois. Peu importe, je reviendrai plus tard. Fais attention au peuple qui vit en bas. Ils ont été banni par des forces mystiques, il y a bien longtemps et cela pour une bonne raison. Sur ce, je vous souhaite une longue vie et retourne de ce pas, répandre ces nouvelles au monde. "
Takezo suivit le petit être avec Mahévé. Le Moupio parti sur un oiseau. Un pélican, la carrure tout du moins, car son allure noble de faucon et sa parure orangé et blanche sur une queue comme celle des paons, faisait vite oublier sa bedaine disgracieuse. Sa façon de s'orienter était nouvelle. Le scribe vivait dans une ville entre deux montagnes, bâtie dans la pierre, entre les eaux de deux cascades. Des murs d'eau épais protégeaient le lieu des regards du monde. Il n'aurait plus affaire au petit scribe.
Aux abords du Japon rescapé, les arbres centenaires gardaient les habitants du dôme bleu des regards des fauves, chassant toutes les viandes qui se seraient un peu trop éloignées de leur terrier. On avait trouvé un léopard orangé d'un bon six mètres, quelques jours auparavant, parmi les arbres d'émeraude. Leurs feuilles reflétant le couchant, faisait luire le nid de Musashi en pleine nuit.

Sources d'énergie qui inspirent le respect aux humains. Dons de la mère nature, que l'homme se doit de protéger, autant qu'elle assure sa propre survie. La couleur de vos feuilles et l'aspect de votre écorce, ont fait de vous l'arbre au milieu du soleil couchant, sur le nouveau drapeau de la nation immortelle.

Les images d'un futur sanglant harcelaient de plus en plus Takezo. Les mots des trois mains au sujet de l'armement, plurent beaucoup aux oreilles du leader des revenants à ce moment. Il prit conscience qu'il devait maîtriser le second œil au plus vite et un projet allait grandement l'y aider. C'est ce qu'il se dit et cela fonctionna lorsqu'il fit rebâtir sa tour de la justice. Que chaque étage soit représentatif d'une vertu du samurai. Qu'on construise sept fois sept étages. En un rien, la maison de Musashi avait maintenant tout du bâtiment administratif. Il résidait à l'étage, au-dessus de ceux réservés à l'établissement des lois, à l'application, aux changements et aux cas compliqués de celle-ci. La justice pour les animaux, la justice pour les êtres civilisés, la justice pour les barbares, quelle que soit l'époque ou les souvenirs de leur première vie. Il ne s'agissait nullement d'un symbole illusoire ou arrogant, mais d'un rappel à l'ordre pour l'harmonie, rien d'autre. Le symbole des trois cygnes aux ailes qui s'entremêlent, peint sur la façade du bâtiment, leur permettrait de ne pas oublier leur histoire. De ne jamais se lasser du souvenir de ce moment, où leur nation était immortelle. Nïten n'avait même pas vu l'influence du forgeron Enki, au moment de la construction.
Un jardin entourait la tour de la justice. Ce qui fut autrefois infiniment petit, avait la taille d'animaux domestiques. Désormais, c'est ce qui était invisible à l'œil sur Terre, qui devint le monde mystérieux des insectes. Heureusement, que nous avons encore nos chiens, méditait Musashi.
L'arrivée d'Ozi dans le camp des humains fut un tournant à l'histoire aldamte, jusque dans l'architecture même du territoire. Les ponts qui reliaient les plateformes de pierre entre elles par exemple avaient un petit secret, comme beaucoup des recoins de la cité néo-nippone et de ces villages annexes ; cachant d'habiles machineries, là pour arrêter un ennemi en cas d'invasion. Certains murs, qui à première vue se contentaient d'abriter des maisons, pouvaient se resserrer cruellement jusqu'à faire disparaître la ruelle qu'ils délimitaient l'instant d'avant.
Dans les yeux de Shinmen, le moindre atome brillait de toute sa complexité. Les flux d'énergies et les forces qui se percutaient autour de lui étaient tangibles, tout autant qu'il lui était possible de manipuler l'aura d'un être. Les insectes et toutes les bêtes sauvages, furent du côté de Musashi, prêt à rejoindre sa bataille, lorsqu'il sut où regarder avec les yeux de légende.
En fixant les lettres des satellites, Musashi décrypta leur âge et les forces qui l'animaient. Ils étaient bien jeune, comparés à la planète et si l'on détournait ces bijoux qu'on avait placés là, la face de la vie des Hommes aurait un tout autre teint.

Neki était loin de tout ça, lorsque Musashi la retrouva sous un coucher de soleil. Un arc-en-ciel avait élu domicile en permanence, près de chutes de vapeurs, dans une forêt au sud, éclairant les perles d'eau de toutes ses couleurs. La végétation était dense à ses côtés et le bassin à ses pieds, si clair et si profond. Entouré de pierres blanches, une atmosphère de calme et de paix envahissait ce lieu. On aurait dit que quiconque qui y poserait le pied, aurait perçu une autre forme de sagesse. Si toutefois, il n'eut pas su qu'elle fut le lieu où on entreposait les androïdes et les cerbères d'aciers, parmi d'autres matériaux militaires entre autres. C'était que Fujiwara était quelque peu paranoïaque, depuis qu'il avait vu Abinneki venir à lui avec son enfant. Un petiot qui devra assumer, d'avoir beaucoup à porter sur ses épaules. Il ressemblait à sa mère, mais lorsque le bébé attrapa nerveusement le nez de Musashi, le sabreur se reconnut.

Il nota sur son carnet :

"Ici, près des chutes d'Agayahta je n'ai plus besoin du bonheur, car je n'y trouve que zen.

Cette terre émerveille, cette terre est belle.

Cette terre est belle, cette terre est saine.
Parler d'une notion de beauté, qui elle-même est vaine.

Sur cette terre, si j'ouvre mon cœur j'entends la vie, chantant la vie qu'elle mène."

Il était temps de retourner près de la menace, Sakuchi et les mains et donc tous ses corps armés, faisaient appel à lui. Ces choses étaient apparues peu après que le bouclier bleu eut été mis en place, pour maintenir les restes de leur chère terre. Ces ennemis avaient-ils pris cela pour une attitude provocatrice ? Leurs yeux enfoncés et leurs iris d'amphibien, ne montraient pas ce qui trottait dans la tête de ces êtres. C'étaient d'autres mots, d'autres mœurs, que Takezo ne pouvait pas saisir.
Il ne leur laisserait tout de même aucune chance, de dépasser ses lignes silencieuses d'hommes en armure.

Un nuage particulièrement haut pénétra et se déplaça, étrangement, dans la voute bleutée. À une vitesse phénoménale, il alla étendre ses bras au-dessus de l'horloge tournante, qui surplombait de la ville néo féodale. Une belle raie manta en coton blanc, qui se diffusa dans l'air, à mesure qu'elle s'approchait de Nïten. Face aux bataillons de Musashi, ce fut le crâne de la raie qui s'ouvrit en premier, pour attirer l'attention de tous les humains.

La forme nuage n'avait désormais plus ce nom dans l'esprit des revenants. Une silhouette féminine, poussée par ce nuage perturbateur, se dévoila à contre-jour. Une visière épaisse, protégeait usuellement les yeux des soldats, contre les chocs occasionnels. Mais à cause de l'angle et la force de la lumière l'apparition resta une ombre sans couleur, aussi compacte que la roche. Une lueur violacée traçait une ligne au-dessus des nuages et cachait les yeux de celle qui avait passée le bouclier; un artefact, là pour heurter les regards qui la fixaient trop longtemps. Musashi fut le premier pour qui cette illusion se dissipa. Il ne voyait plus la raie manta, l'apparition était proche. Une ligne de six iris, l'os nasal et le cartilage d'un long nez, s'écartèrent de l'ombre. Elle était grande. Sa chevelure en chair, donnait à sa tête un volume plus important que celle d'un humain moyen. Ses oreilles sont retournées vers l'intérieur. Deux petites bosses sur son front, lui donnent de petites antennes. Elle a la peau bleutée mais en rien le teint cireux.
" Viens à moi, humain au destin, ou roi pitoyable. Tes ennemis sont proches et ton second fils, ton avenir, est en danger.
Sakuchi et les trois mains voulurent barrer la route à la femme des nuages, mais leurs mains autant que leurs lames, passèrent au travers d'une nuée d'étoiles, d'un essaim d'étincelles qui flotta calmement jusqu'à Musashi.
L'apparition frappa trois fois sur le poitrail de Nïten et le froid de celle-ci le surpris encore plus, que de sentir son corps astral s'échapper. Son corps charnel qui s'écroula sur place.

"Neki, Otsu, Neki, Otsu, Neki...
En qui j'ose tout sentir, rose rouge sans qui,
je m'enlise. Aux psaumes remplis de mots doux, mon génie.
Qu'une envie, que je dépose tout, pour celle qui m'ôte tout, ma Neki."

" Ils voient en ton enfant la bête de leur prophétie, entendit-il à son oreille. "
Nïten survola les déserts qui bordaient les terres de son peuple, les ombres qu'ils allaient combattre ; rampants sur le sol, zigzaguant de tous côtés derrière la carapace, Des roches couvertes d'un pigment blanc taillées sur le dos et dans leur main. Des milliers de vaguelettes noires, enragées, empressées de livrer bataille courraient pour se rabattre sur le dôme. Musashi s'était transporté plus haut sur une tourelle. D'où il était, il les voyait arriver en flot incessant. Fondant littéralement vers les forces de l'armée humaine. Puis, la carapace bleue commença doucement à s'ouvrir, fragments après fragment. La poussière se soulevait, centimètre par centimètre. Tirées par les hommes, avec des canons de longue portée, les premières balles fusèrent pour déchirer les murets de poussière et les porcs-épics boueux.

Des pierres, ils n'avaient que des pierres pour mener batailles face à des milliers d'humains armés de canons. Ils seraient le test de nouveaux concepts d'arc. Ils devraient aussi passés une barrière d'épéistes accomplis, qui ne pouvaient plus mourir. Ils avaient aussi brisé la protection de Nïten, par deux fois semblerait-il.

L'apparition était revenue avec lui près de ses troupes. Lorsque le corps en armure se releva, elle avait la main tendue et réclamait son masque, qu'il offrit sans rechigner. Du nom de Juana, elle jura que tous les masques seraient bénis et le demanda à un certain Shoem en prononçant : " Shoem ho ". Elle versa ensuite une huile sur le symbole des cygnes et éparpilla des pétales au-dessus des soldats de la nation immortelle.
Les alliés sur le champ de bataille et dans les lignes arrière, s'étonnèrent de ce changement soudain en leur personne. Ils se tournèrent vers la femme d'une autre espèce, qui souffla dans ce qui ressemblait à un didgeridoo, pour Nïten.
L'alliée inattendue amena des renforts qui permirent aux flans de tenir leur position, bien plus longtemps et d'éviter le pire. Elle était derrière l'épaule de la brute, une expression de pierre sur le visage. Face aux hordes de Kogras qui revenaient, les démons que les masques des samouraïs représentaient, prenaient vie et venaient habiter leur armure.
Les troupes de Juana, semblables à elle, vêtues de tissus rouges et de peintures de guerre, dévalaient les parois rocheuses, sur le dos de lézard à crinière. Leur gorge s'ouvrait pour dévoiler leur dent et faire entendre leur cri. De fines lames entre lesquelles des tuyaux solides tournaient, étaient attachées aux épaules des cavaliers, par un tressage de corde. Un canon par lequel ils tiraient des flammes turquoise, sur l'ombre et la boue, qui jaillissaient de toutes parts pour tenter de les désarçonner. Juana avoua alors à Musashi :
" Ils disent que le bébé arrêta d'abord de saigner et qu'ensuite, il ne pleurera plus. Puis, maudit, il ne vieillira plus.
- Un bébé ? Jotaro vient à peine de naître, comment peut-il devoir quoi que ce soit ?
- Que se passera-t-il, lorsque les mains noires atteindront le bout de ta barrière ?
- Cela voudra dire que je devrai tous les affronter, jusqu'à ce qu'il me tue.
- Tu penses comme un soldat.
- Quel est le problème avec ça ?
- C'est brave, dit-elle en tendant la main vers le champ de bataille."
Les boucliers magnétiques des armures avaient maintenu les premières ombres à distance, mais le poids dû au nombre d'ennemis qui s'entassaient, rendit cette technologie obsolète. Sur les sentiers qui descendaient à côté des chutes, les lances rustiques et les épées s'entrechoquaient, des roches et des projectiles tranchants, faisaient tomber des corps dans les fonds du nuage assassin. Leurs bataillons n'ont pas d'ordre rangés. Ils sont perpétuellement ou en siphon autour des zones d'agitations ou, en train de charger pour pénétrer des murs. Ou alors, ils reculent et avancent comme des vagues, en balançant des rochers attachées par des lianes, ou certain de leurs congénères, pour que leur mouvement de masse est un impact plus grand.
Neki se trouvait adossait sur une colonne de pierre dans la tour de justice, les yeux rivés sur son mari à cet instant. La proximité entre l'être des nuages et son roi la troublait et l'agaçait presque. Il allait peut-être mourir bientôt, mais il portait plus d'intérêts aux mots de cette baguette visqueuse, qu'à venir retrouver la mère de ses enfants, cet ingrat. Qu'il se hâte, il a pour devoir d'aller à la guerre.

De son côté, Takezo se demandait, si Mahévé pouvait retrouver le djinn qu'il avait dû affronter, un peu avant que l'ami Beethoven ne pose un pied dans son pays, lorsqu'ils furent sur Terre. Peut-être que l'attirer ici à la vue de tous, dissuaderait les deux peuples de combattre.
Il alla prendre la main de Neki et refusa d'honorer sa femme cette fois-ci, le malotru.
La secousse qui suivit ramena Nïten à la réalité qui l'environnait. Les canons chargeaient, la poussière s'élevait pour le sang qui coulait. C'en était fini des prémices de la bataille, les kogras ; comme ils l'hurlaient eux-mêmes, avaient grimpé sur les barrages humains. Face à l'horreur et à la barbarie des ennemis, le seigneur des revenants se volatilisa du regard de miss Doyeitha pour lui épargner le spectacle. Il rejoignit ses guerriers, pour sabrer de l'envahisseur.
Le terrain était bien trop à leur désavantage. Il ordonna la charge des amazones qu'Anubis avait ramené à la vie à l'arrière, les vikings et les premiers hommes, sur les côtés, tout en bas des sentiers. Ils ne savaient pas parler, ils ne connaissent pas le confort, mais les premiers hommes étaient assez résistant pour faire reculer l'ennemi.

Il était temps d'en finir. Musashi leva trois doigts au ciel, signe qu'il fallait sortir les canons à neutrons. Une puissance de tir pouvant monter jusqu'à dix exposants dix joules. Certes, il n'y eut pas besoin d'aller jusque-là en vue de la situation et du nombre d'armes disponibles. Mais ces canons furent bel et bien ce qui permit à cette bataille de respirer. Depuis les îlots suspendus, on mitrailla les nuages à y laisser des trous. On nettoya jusqu'au plus près des humains, renforçant les premières lignes pour marquer un pas en arrière concret, pour le kogra. Il en resta des membres calcinés et des fragments d'os dans une flaque qui avait noirci le sable du désert. Ils se relevèrent plus nombreux de cet océan d'eau croupie, mais ils ne furent pas stupides au point de gaspiller toute leur force sous les canons de la mort.
Le favori d'Anubis sauva les remparts qui protégeaient les citoyens, les sentiers, gardiens de la pérennité de la nation immortelle.
Jusqu'à ce qu'une fosse se creuse soudainement et qu'une bête immonde s'en extirpe, pour ravager les barrières, juste devant les portes de la cité, où Abinneki attendait son époux. Grossièrement, une tique, dont le corps aurait eu mille pattes qui se seraient confondues avec mille lames. Un masque dissimulait son ventre. Une pièce de bois épaisse couverte de cette même poudre blanche, où l'on avait ajouté une peinture à la cendre, sans doute pour effrayer les humains avec cette image de sourire diabolique. Un voile noire, un paillasson pour ceux qui pinaillaient couvrait coquettement ses côtes. Les couleurs et les motifs parallèles de la chenille et des yeux couverts de cicatrices, ressemblaient à des plaies qui conservaient constamment un acide phosphorescent. En y regardant de plus près, ses marques dans le faciès de la lettre avaient l'aspect d'une lettre. Son ventre bien trop gourmand, protégé par une fourrure jaune fauve, Sakuchi alla s'en occuper. Épaulé d'un commando et des trois mains qu'il avait d'ailleurs lui-même sélectionnés, pour leur aptitude à la bataille. Une aptitude prouvée lorsqu'ils étaient allés espionner en territoire kogra.
Ce fut peut-être ce genre de bête, que le scribe avait nommé un huit-pied. S'il y avait des êtres de cette taille sur cette planète, la conquête ne passerait peut-être plus aussi facilement dans la tête de l'humanité. L'esclave de l'ennemi goba une rangée de canons aériens et goûta au canon de la tour de la justice, par la même occasion.
L'apparition des nuages murmurait à l'oreille de Nïten sans qu'il sache comment, ou qu'il puisse la voir de nouveau. "C'est loin d'être assez roi pathétique. Ce que tu affrontes est plus puissant que ce que tu as vu jusque-là. Il s'agit de Trumpin, la main droite du dieu Eoas. Celui que tu cherches pourra t'aider. L'entité terrestre a bel et bien été transportée ici. Néanmoins, tu dois passer par quelqu'un pour le voir. Quelqu'un qui n'est pas du genre à apprécier qu'on le réveille.

" Je dois tenter.
- Alors soit prêt, je t'emmène voir Lan. "

Encore une fois, Nïten sentit son esprit se détacher de son corps, à la différence qu'il vit son enveloppe charnelle devenir pierre, sans qu'il ne puisse rien y faire. L'espace d'une minute, ce fut le chaos sur le champ de bataille. Les troupes s'étaient mélangées et les corps des kogras et des samouraïs que Fujiwara réanima encore, s'empilaient et se faisaient maintenant piétiner devant les sentiers.
L'esprit de Nïten suivit l'apparition devenue volatile, son visage et son corps, se dessinant dans les mouvements d'un nuage de brume. Elle le menait dans une grotte aux stalactites dorées. Elle l'arrêta et ce fut la grotte qui bougea. L'entrée recula et le fond s'avança jusqu'à frôler le nez de Musashi. Dans son dos, une tête ronde à la forme d'un ocarina sommeillait, le corps enseveli sous la roche et le limon. Il y avait une ardeur et un taux de sel dans l'atmosphère de cet antre qu'un corps physique n'aurait pas supportée.

Ce fut l'apparition qui réveilla l'animal, devant lequel elle avait emmené Musashi. Le dieu et le roi des revenants s'observèrent patiemment.
" Tu n'as plus le temps Musashi. Ils ont trouvé ton fils."

Juana le traîna par le bras dans un nuage de vapeur noire et Musashi fut de retour, les pieds dans ses vrais problèmes. Cette espèce de phacochère à corps de primate était littéralement en train de chasser son peuple. Paradoxalement, ceux pour qui l'esprit se laissait le plus facilement aller à la paréidolie penchant pour les formes du visage humain, se retrouvaient à être associés aux plus effrayants.
Musashi ne sut pas ce qu'il dut dire à ses troupes. Il alla au-devant de tous et encerclés par les chaires boueuses, il déversa sa colère. Il ouvrit un chemin aux siens, qui se glissèrent sous l'amas de brume, au devant des sentiers. Mais qu'importe à quel point il put être patriote, ou attacher à la survie de son espèce, il devait retourner auprès de son fils. L'obstacle qui le séparait de sa demeure ne pouvait être évité, ni physiquement, ni moralement. La vague de samouraï que Shinmen réanima sous ses pas plaqua au sol Trumpin, mais le souffle putride fit de nouveau reculer la masse d'armures. Qui plus est, la poussière qui se souleva, remit le désordre dans les rangs des guerriers néonippons. Une secousse renvoya Nïten débouler une pente et s'empêtrer dans une marrée d'ennemis. Un pas en arrière considérable d'où l'armure de Musashi ressortit noircie, mais entre tous les fauves qui l'encerclaient, Musashi put voir la lumière.

Un vieillard géant verdâtre en armure noire qui vient écraser la carapace d'un monstre avec ses poings, ça en surprend et en impressionne plus d'un. Ça fait même peur aux kogras et à Sakuchi sur le côté. Malheureusement, l'heure n'était pas du tout dédiée au spectacle, mais bel et bien à la survie. Le djinn Baldeer affrontait Trumpin.

Musashi en avait assez vu, ces ennemis ne le vaincraient jamais. Il était temps de mettre fin à toute cette mascarade. Il allait faire appel aux yeux pour une dernière fois de la journée.
Le ciel s'enlumina. Le corps de Nïten brilla tant qu'il ne fut plus perceptible à l'œil nu. Un halo grandit depuis sa poitrine et s'empara de tout le dôme et de la majeure partie des sables. Une magie qui effleura l'horizon perdu, sous les vapeurs insondables, un feu éphémère, mais gigantesque, qui domina la boue ; en échange d'une seconde de l'esprit de tous ces fidèles, Shinmen éradiqua les kogras qui hurlaient encore d'envie de guerroyer.

La nuit s'abattit ensuite et la couleur pêche, habituelle au-dessus des nuages, s'échappa devant le noir et les éclairs qui la dévorèrent sans cesse. En effet, pendant la période qui suivit cet usage de Mahévé, on put croire que le bouclier de Musashi se fracturait chaque nuit.
La seconde de silence fut un soulagement si soudain pour l'esprit humain, qu'elle fut suffisante à nourrir la sincérité des cris de la victoire.
On débarrassa le corps de Trumpin. Fascinée par la structure en sel de celui-ci, la communauté scientifique exigea l'ouverture du musée de la faune et de l'histoire néo-nippone dans les années à venir : le corps de Trumpin, inodore et trop solide pour l'érosion ou le marteau de l'homme, fut exposé à l'entrée du bâtiment.
Musashi retourna auprès de Neki et ne la quitta plus. Jusqu'à ce que viennent, comme trop souvent, les tambourinements d'un soldat sur sa porte.

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