Deuxième leçon

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Le lendemain, quand je vais en cours, je sens encore plus de regards que d'habitude sur moi.

Kyle arrive rapidement et semble... Fâché.

— Pas maqué, hein ? il grogne en tapant mon torse. C'est quoi cette histoire, mec ? Pourquoi t'es venu hier soir ?

— Quoi ? Parce que j'en avais envie. Je suis de mauvaise humeur, alors explique ou fous-moi la paix, je grogne.

— Pourquoi, ton amoureux traîne trop avec ses potes aux gros seins ? il ricane en désignant Thomas du menton, en pleine conversation avec le groupe d'amies de Tiphaine.

Je souffle et comprends mieux ce qui se passe. Elle a fait plus vite que je pensais, cette nana est efficace. Je m'approche pour voir de quoi ils parlent.

Je ne comprends pas tout ce qu'ils disent mais ils n'ont pas l'air de parler de moi et ils sont tous calmes. Thomas est proche de Tiphaine, face aux autres filles. L'une d'elle, celle qui mâche encore son chewing-gum comme une vache, me remarque et me scrute de haut en bas, sans rien dire aux autres.

Finalement j'approche avec naturel, me fichant d'être le bienvenu ou pas.

— Salut.

Thomas se tourne et m'offre un sourire gentil, moins timide. Les autres m'observent juste, avant de toutes se mettre à me saluer comme des greluches. Je peux pas rester de marbre et lui souris aussi malgré moi.

— On peut parler ?

Il hoche la tête et fait un signe de main aux filles avant de marcher un peu à mes côtés jusqu'au banc d'hier, celui à côté de la verdure. Il s'assoit en arrivant.

— Ça va ? Je demande avec une pointe d'inquiétude.

— Ça va. Je gère, il fait le fier en tapant sur son torse, puis se mordille la joue. C'est super dur. Tous ces regards, il soupire en baissant les yeux. Je peux même pas faire marche arrière, c'est, ça me flatte. D'être observé, c'est plutôt cool mais, mais c'est pas pour les bonnes raisons. Personne ne m'envie ou ne me respecte, c'est juste... Juste pour de la merde, il souffle.

— De la merde ? Je m'assois à côté de lui. C'est de la merde d'être homo ?

Il hausse les épaules en riant un peu.

— J'ai pensé à toi, hier. Un mec bizarre m'a parlé sur l'application. C'était amusant. Je t'entendais d'ici me réprimander, alors j'ai juste fait le con. Il était con, de toute manière, je plisse légèrement les yeux.

— T'as fait le con comment ?

— J'sais pas. J'ai pas fait comme d'habitude. Les gens sans photo, c'est toujours l'emmerde. Je sais pas pourquoi j'ai répondu, à la base. J'ai hésité. Je pensais plus l'faire. J'ai juste, je sais pas, j'aurais pas répondu comme ça sinon. Je peux pas l'expliquer, il rit encore et ses yeux se soulèvent avec ses joues.

— Je comprends pas. T'as voulu lui répondre parce que tu savais que ça m'énerverait ? Je demande avec un air de réprimande.

— Non, non. J'étais juste, juste pas sérieux. Je l'ai pas pris sérieusement. Je savais que tu t'énerverais mais c'était pas, non, il sourit en rougissant et se relève. Tu vas mieux ?

— Mieux ?

— Tes amis m'ont dit que tu n'étais pas bien hier, au déjeuner, ses doigts se referment sur la sangle de son sac.

— Non. Ça va. Je vais bien. Un peu vexé que t'aies dit que mon faux profil était glauque. Mais ça va.

Il sourit tout à coup beaucoup plus et ses joues deviennent à nouveau rosées.

— Il faudra que tu t'améliores. J'ai eu un doute dès ton salut. Enfin, à un moment, je n'y croyais plus. Je me suis dit que je m'étais fait des idées. J'aurais dû me fier à ma première impression, j'aurais évité de me ridiculiser ! il rit encore plus et une fossette se creuse dans sa joue. Tu m'as eu.

— Et c'est mal ! Thomas, arrête d'aller sur ce site ! Je le gronde d'un ton paternel, souriant toutefois en le voyant si joyeux. Il acquiesce et apporte sa main à sa tête pour faire comme un salut militaire.

— Il faudra que je t'apprenne à t'améliorer, pour piéger les gens. Je t'ai vu sourire comme un idiot devant mon téléphone. Et tu l'as fait le jour-même. Deux grosses erreurs, iil réprimande à son tour, le doigt me sermonnant.

— Parce que tu sais piéger les gens toi ? T'es en train de dire que t'es pas si innocent que t'en as l'air et que je dois me méfier ? Je me penche sur lui, le scrutant des yeux.

— Peut-être.

J'attends un instant avant de rire. Il m'étonne. Il me surprend. J'aime ça.

— Bon ! Je dis d'un coup en me levant. Allez, il est temps de te donner ta deuxième leçon.

— Quelle est-elle ? il dit en commençant à marcher vers l'établissement.

— Draguer. Drague-moi.

Il lève un sourcil au ciel.

— En quoi ça va m'aider à être, à m'affirmer ?

— Parce qu'après tu le feras avec un inconnu.

— Alors, quoi ? Comment on te drague, au juste ? Il faut parler de sexe ou être niais ? il sourit, le regard fixé sur la porte qui s'approche de nous.

— C'est à toi de le découvrir, je réponds sur le même ton. Il a cru que ça serait facile ? Je vais t'apprendre la persévérance...

— Dans quel but je dois le faire ?

— Parce que c'est moi qui te le dis et que tu m'as choisi pour t'initier à l'homosexualité. Et l'homosexualité, c'est pas dire coucou sur un site de rencontre. Tu verras qu'on drague pas un gay de la même façon qu'on drague une fille petite et réservée.

— Je dois découvrir seul comment on drague un gay ? il dit un peu plus bas en passant la porte. Il me la tient en souriant et les regards sont braqués sur nous.

— Je t'autorise à le découvrir avec moi pour t'éviter de te ridiculiser seulement avec un inconnu, je souris. Il hoche la tête et remonte son sac sur son épaule.

— Courage, petit.

Je lui envoie un clin d'œil, embrasse encore sa joue, et je pars en cours. J'entends des murmures sur mon passage et lorsque je me retourne pour voir Thomas au loin, il baisse la tête et tout le monde le regarde.

Après trois heures, je sors enfin des salles de classes, lassé.

Je cherche tout de suite mon protégé, un peu tendu et inquiet. Je le trouve à côté de ce que j'imagine être son casier, il échange des cahiers, écouteurs dans les oreilles.

Je m'approche et une fois derrière lui, je passe la tête sur son épaule pour me faire remarquer.

Je le sens sursauter un peu puis se coller à mon torse. J'entends sa musique d'où je suis, il ne l'a pas retiré de ses oreilles. Je tire le câble avec mes dents.

— Coldplay... Bonne musique, je murmure. Je sens un petit frisson et ça me fait sourire.

— Tu la connais ? il demande en zippant la fermeture de son sac devant lui.

— Bien sûr. J'adore ce groupe, je me recule un peu. Il hoche la tête et referme la porte verte du casier.

— Ça va ? Je lui demande en cherchant dans ses yeux.

— Ça va.

— Comment ? À quel point ? Tu veux que je reste un peu avec toi ? J'hésite.

— Non, non ça ira. Je vais rentrer manger chez moi je crois, de toute façon. Ça va, toi ? il fronce un peu les sourcils et s'éloigne d'un pas de plus.

— Oui. Bien sûr. Pourquoi ça irait pas ? Je réponds un peu sarcastiquement.

Ouais, pourquoi ça irait pas. C'est pas comme si je m'inquiétais vraiment. Je me demandais c'est tout. Il a baissé les yeux sur mon ton et je vois son cou rougi. Lorsqu'il les relève, il semble essayer de me sourire.

— Bon. Je vais y aller, alors. Bon appétit. Souhaite-moi bon courage pour traverser la bande de tigres affamés, il rougit un peu plus sous sa dernière phrase et remet encore son sac sur son épaule.

— Ouais. Bon courage, je dis en me reculant pour le voir partir avant de reprendre. Oh. Si... Si t'as un problème. Ou n'importe quoi... T'sais. T'as mon pseudo sur ton appli pourrie. Si jamais.

Il se retourne et me sourit de toutes ses dents. Sa putain de fossette toute mignonne se creuse et il revient en courant vers moi. Il pose sa main sur mon épaule, ses lèvres sur ma joue et me chuchote que c'était déjà prévu avant de se tourner à nouveau pour partir, d'un pas beaucoup plus décidé que le matin-même.

C'est quand j'ai mal aux articulations que je me rends compte que je souris comme un con. Saleté de gamin.

Il a quitté mon champ de vision il y a un moment déjà quand je me décide à marcher pour la cafétéria, avec Lydia qui m'a rejoint à mes côtés. Elle ne dit pas un mot, sûrement encore concentrée sur son cours de littérature, et moi je préfère rien dire non plus, j'ai l'impression que je passerais pour un con avec un ton mielleux.

On s'installe à une table proche de la vitre, comme d'habitude, et on mange dans un silence entrecoupé de conversations, principalement entretenues par Harry.

Je suis crevé, je m'étale sur la table, et le repas passe hyper lentement. J'ai l'impression qu'il manque un truc. Ou que j'ai oublié de faire quelque chose.

Kyle et Harry finissent par se lever, suivis par Lydia qui m'adresse un regard et un sourire. Elle se demande ce que j'ai, sûrement.

L'après-midi passe lentement, jusqu'à ce que j'aperçoive une petite tête brune. Mon sourire revient aussitôt et je veux pas chercher à comprendre pourquoi. Je cours vers lui et passe mon bras autour de ses épaules.

— Ça va ?

Ses yeux reviennent lentement jusqu'à mon visage.

— Je vais bien. Merci, et toi ? il souffle doucement avant de pencher un peu la tête sur le côté pour toucher ma main sur son épaule de sa joue. Bien mangé ?

— Ouais. Top. Comme un repas de cantine, je me marre. L(es plats sont aussi dégueux que dans les films). Bon, cette deuxième leçon !

— Je ne fais pas bien ? Ça va prendre du temps, celle-là, il hésite.

— Qu'elle prenne autant de temps qu'il faut, je souffle, amusé. Il semble reprendre du poil de la bête et sourit avec ses dents en acquiesçant.

— Tu voulais quelque chose d'autre ? il demande en désignant mon bras toujours sur lui.

— Euh. Non. Rien, je le retire.

C'est comme si je m'étais brûlé. Depuis quand je suis tactile, moi ? Il semble voir mon malaise puisqu'il reprend, d'un air rassurant.

— Tu pouvais rester comme ça.

— Ouais. Ouais. Tu, t'as encore cours là ? T'as quoi ? Ça se passe bien tes cours ?

T'es sérieux Will ? T'as quoi ? ça se passe bien ? tu veux pas aussi lui demander s'il fait bien caca ? T'es son père ? Et tu te parles à toi-même ? Putain le con.

Pourtant, le gamin semble cette fois ravi que je lui demande ça.

— J'ai sport tout à l'heure, et là j'ai maths ! Et ensuite le week-end. Ça va, ça se passe plutôt bien. Ils ont un peu moins l'occasion de m'observer en maths, la prof tolère pas trop. Et sport... Ben, on verra... C'est surtout, tu sais. Les vestiaires, il se trémousse d'une jambe sur l'autre, le regard sur ses mains.

— Oh. Ouais. Les vestiaires. C'est la première fois depuis qu'ils savent... Je comprends. Je sais pas comment l'aider... Essaie d'agir normalement. Si on t'emmerde, dis-le-moi. Direct.

Il hoche la tête et pose ses yeux verts un peu hésitant sur moi, puis il expire. Longtemps. Comme s'il voulait se donner du courage pour affronter le reste du monde, dans moins de dix minutes désormais. Il papillonne ensuite des yeux et parvient à afficher un petit sourire. Des filles passent derrière moi en gloussant et je sens leur regard sur nous jusqu'à ce qu'elles passent l'une des portes à battant.

— Ok. Alors, ouais, bon cours. Et t'inquiète ils s'en foutent en général. La plupart des gens vivent très bien ce genre de truc, contrairement à ce qu'on lit dans les journaux. Ok ? (Je pose encore une main maladroite sur son épaule - depuis quand je suis maladroit ? - et je la serre doucement avant de me reculer pour partir). Tu me raconteras. Tu verras, ça ira nickel, je lui fais un dernier sourire et un signe d'encouragement et tourne les talons.

J'ai une boule dans l'estomac, comme si je venais de bouffer un rocher.

On était que quelques-uns dans le couloir et je peux l'entendre marcher jusqu'à l'escalier, puis s'y engouffrer. Je souffle et reprends mon chemin jusqu'à mon cours de biologie. Concentre-toi, la bio c'est ce qu'il y a de plus cool.

Lorsque la prof nous fait entrer, on peut voir les paillasses sont occupées par des pipettes et des plaques, et un titre au tableau : ''Test Elisa''. J'adore les travaux pratiques.

Une heure plus tard, on finit tous d'écrire notre compte rendu et de colorier nos schémas. Je finis la dernière touche de bleu pour le troisième puits de la plaque lorsque la cloche retentit dans le lycée.

Je finis tôt aujourd'hui, aussi j'en profite pour aller à la piscine et me faire un peu de natation. Y a rien de mieux pour le corps et le cœur.

Une fois fini, je passe voir Kyle pour un coup rapide, et je rentre chez moi.

À peine arrivé, je reçois une notification sur mon téléphone. Je me réjouis d'abord avant de lever les yeux au ciel. Je m'exaspère tout seul.

C'est Kyle. Kyle qui me demande si je voudrais pas revenir, parce qu'il en veut encore.

Je me marre, ce mec est dingue. J'hésite à y aller, pis je finis par me dire que je suis crevé et je pense au gosse. Pourquoi ? Ouais, parce qu'il m'a pas donné de nouvelles de sa gym. Je regarde l'appli juste au cas où. Pas de notif. Je vais attendre. Je réponds vite à Kyle que ce sera pas pour ce soir.

Quelques secondes après, je reçois un smiley énervé de mon cher ami, suivi d'un autre message qui me demande où on se retrouve pour ce soir.

Je lui réponds qu'on se voit directement au bar, ça sera plus simple. Même si je sais qu'il espère surtout me voir avant pour coucher avec moi. Il est un peu plus demandeur ces temps. Il est chiant.

Plusieurs minutes plus tard, j'entends à nouveau mon téléphone sonner, d'abord normalement, puis avec un bruit de boîte aux lettres.

Lorsque je l'attrape, je vois une notification de Gayd'r.

Mister Tom : Cœuràcorps ?

Je souris comme un con à mon écran. Il m'a écrit.

Coeuràcorps : Oui ?

Mister Tom : Je vais bien ;)

Coeuràcorps : Merci.

Pourquoi je le remercie ? Tant mieux pour lui s'il va bien !

Mister Tom : À lundi

Coeuràcorps : À lundi.

C'est tout... D'où je suis déçu ? Je soupire et commence à me préparer pour ce soir.

J'entends ma mère rentrer de l'autre côté du mur lorsque je choisis mes fringues et elle me demande comment était ma journée.

Je réponds avec le même air nonchalant que d'habitude, et je finis de choisir. Je prends ma douche, me prépare, pique une frite dans le plat de maman et pars pour la fête.

Une fois là-bas, Harry me tape l'épaule, c'est le seul déjà présent.

— Bien ? T'as pris à boire déjà ? Je demande en regardant autour de moi.

Le Terrier est un des seuls bars LGBTfriendly qui est pas prise de tête avec des mecs trop lourds. J'aime cet endroit intime.

Harry répond positivement et fait un signe au barman pour qu'il m'amène la même chose. Le bar est déjà pas mal rempli, principalement des gens verres à la main en petits groupes. Sur la petite scène en fond, sous l'alcôve un groupe joue une musique tranquille et pas trop bruyante. Idéal pour une bonne ambiance tout en s'entendant parler.

Le barman, Michael d'après son badge, m'apporte mon verre avec un sourire. Il est pas mal, lui aussi. Du genre presque aussi grand que moi, avec des yeux vifs. Mais j'ai déjà essayé, et il est impossible. Ce genre de mecs inaccessibles. Je me marre en tapant mon verre contre celui de Harry avant de boire. J'ai pas le temps d'enlever ma boisson de ma bouche que Lydia se précipite sur nous, tout sourire. Elle adore sortir, elle sautille presque de joie.

— J'en connais une qui va pas se souvenir de sa fin de soirée... Je me marre.

Lydia est incontrôlable parfois. Elle me tire puérilement la langue et attrape mon verre pour boire directement dedans. Je ris encore, quelle gamine !

— Va te chercher ton verre, t'as plus de fric à dépenser que moi !

L'ambiance est calme, on se marre, de plus en plus fort avec l'alcool qui coule dans nos veines. Je me repose à moitié sur Harry en hoquetant parfois, riant à la moindre blague pas drôle. Je me sens euphorique.

Lydia est partie danser devant la scène depuis longtemps. On l'observe tous discrètement se déhancher pour être sûrs que tout va bien, sauf peut-être pour Harry. Il fixe son corps bouger depuis sacrément longtemps. Kyle est là aussi, il est arrivé plus tard. Pour une fois, il fait pas trop la gueule.

Je propose un jeu de boisson, et on se lance à coup de shots. Notre blonde nous rejoint vite, elle qui adore ces jeux. On finit tous raide morts.

Je suis sur mon téléphone à essayer de le déverrouiller comme je peux, et je me connecte sur l'appli en riant comme un con. Sur le moment, je vous promets que ça avait l'air super drôle.

Coeuràcorps : Hereeeeefyyy !

Je plisse les yeux plusieurs fois pour regarder si le message est parti, et je vois même que mon interlocuteur l'a reçu. J'attends un moment, les yeux fixés. Aucune réponse.

Cœuràcorps : réponds.

Cœuràcorps : réponds.

Cœuràcorps : réponds.

Cœuràcorps : réponds.

Cœuràcorps : réponds.

De nouveau, les messages sont reçus mais il n'a pas l'air de les avoir vu.

Cœursàcorps : t'es nuuuuul tu m'a brisseeee le coeur ! Salis b !

Je pose l'engin sur le bar et me retourne une seconde. Il sonne juste à ce moment, toujours avec le petit bruit de boîte aux lettres.

Mister Tom : Oui ?

— Oh, Je fixe le téléphone comme si c'était le Graal. A ce moment, c'est le Graal.

Cœuràcorps : oh t'es la... Tu faisais quoi v tu me trompais ?

Mister Tom : Il y a des invités chez moi, on est encore à table, j'avais pas vu tes messages

Cœuràcorps : c'est qui tes invités ? c'est tard fait dormir la nuit xheri !

Une brune me bouscule en attirant une autre fille à elle alors que j'essaye de lire son message.

Mister Tom : Des amis

Cœuràcorps : y a des filles petites et eeservees ?

Il met un moment à répondre. J'ai le temps de commander une autre boisson, de la boire cul sec et de me lever pour crier à la santé de tout le monde, jovial.

Le facteur passe à nouveau.

Mister Tom : Une, de 10 ans

Coeuràcorps : t'aimes les gamines ?

Cette fois, j'ai à peine fini d'écrire que le message arrive. Enfin, je crois.

Mister Tom : Quoi ? Non !

Je me marre. Ouais, ouais.

Cœuràcorps : tes copains ont tous 10 ans ? C'et pas comme xa que tu vas trouver un mec fort...

Mister Tom : D'accord

Mister Tom : Tu voulais quelque chose, Will ?

Cœuràcorps : m'appelle pas Will je suis pas Will ici.

Cœuràcorps : je voulais juste savoir ce que tu faisai c'est tout. T'as qu'à te traîner à draguer pour la leçon c'est bon

Après ça, je n'ai plus aucune réponse. Il me saoule.

— Je rentre, je grogne, de mauvaise humeur, en me levant.

Le barman me jette un coup d'œil un peu déçu, je consommais beaucoup, faut dire. Kyle est en train de danser collé à un gars de l'autre côté des danseurs et Harry parle aux filles qui m'ont bousculées tout à l'heure. Seule Lydia met une main sur mon coude pour me retenir. J'embrasse sa joue rapidement.

— Pas de bêtise ce soir, princesse, et je m'éloigne.

Dès que je passe la porte du bar, le bruit s'arrête et mes oreilles cessent de bourdonner. Un bruit bizarre retentit à mes côtés alors que je marche en direction de chez moi.

Je tourne la tête pour regarder en fronçant les sourcils, et je suis en train de me dire que si c'est un kidnappeur je suis dans la merde parce que j'ai plus mes réflexes.

Finalement, ce n'est que lorsque je suis à la porte de mon immeuble bien une demi-heure plus tard que je comprends. Je sors mon téléphone de ma poche arrière et le déverrouille. Des lettres sont inscrites sur l'écran.

Mister Tom : Si tu veux, c'est pas facile par le téléphone, avec toi, surtout ce soir je crois aha. Tu vas bien ?

— Oh, je dis à voix haute en montant les marches. Je dis quoi ?

Cœuràcorps : ouais peut être, moi je trouve facile. Je vais bien, drague t'en fais pas ca va très bien mais 10 ans c'est jeune km mèe

Le message arrive rapidement, je suis en train de chercher les clefs. Il est déjà plus d'une heure.

Mister Tom : Oh, je croyais que tu parlais de te draguer toi, j'avais pas compris. À plus tard alors !

Cœuràcorps : ouais faudra que tu t'y mette avec moi u jojr.

Il va me laisser. Fait chier.

Mister Tom : Oui

Cœuràcorps : quand tu veux

Mister Tom : Tu es tout seul ? Je viens de monter dans ma chambre on a fini

Cœuràcorps : ouai je bien d'arriver chez moi

Mister Tom : D'accord

Cœuràcorps : d'accord...

Mister Tom : Tu es sûr que ça va ?

Cœuràcorps : ouais bien sur. Un peu bi tête qu tourne

Mister Tom : Tu t'es couché ?

Cœuràcorps : non je me bars avec vêtements. Veulent pa s'enlever. T'habites oh ?

Mister Tom : Vers Green Park

Cœuràcorps : moi aussi. De quel côté ?

Mister Tom : St James

Cœuràcorps : chouette quartier... Suis à chapel street... Je peux être près de chez toi dans 10 min

Mister Tom : Quoi, maintenant ?

Cœuràcorps : j'arrive toute façon J'arrive pa me déshabiller

Mister Tom : Je t'ai dit qu'il y avait des invités...

Mister Tom : T'es en chemin ? Je t'attends en bas

Cœuràcorps : t'as dit que t'étais monte que c'était fini. Oui je sors.

Merde, j'ai oublié de prendre une veste. Tant pis.

Mister Tom : Ils sont là pour tout le week-end

Cœuràcorps : sympa tu pourras faire pleins d'orgies.

J'ai froid.

Mister Tom : Je t'attends

Je vais un peu plus vite et je me mets finalement à trottiner.

Cœuràcorps : ou sur st James v

Mister Tom : Le plus haut building, centre de la rue

Cœuràcorps : ah. Ok, je devrais pas le rater.

Je cours encore un peu et effectivement j'arrive vers un bâtiment qui surpasse les autres. Et j'aperçois sa silhouette en bas, qui m'est devenue familière à force de la chercher partout au lycée. Putain, je dis n'importe quoi. Je m'approche doucement, et mon sourire s'agrandit quand les mètres s'amenuisent.

Je m'arrête d'un coup. Putain, qu'est-ce que je fous là ? Et deux secondes après j'oublie. Je me rapproche encore et je finis par distinguer un mec à côté de lui, dans l'ombre, assis sur les marches alors que Thomas est debout. C'est l'inconnu, qui a l'air d'avoir mon âge, qui me voit en premier. Il fait un signe à mon brun et grimpe les quelques marches jusqu'à disparaître par la grande porte de l'immeuble.

Thomas s'approche à son tour et me sourit.

— Hey, je fais un signe de main en restant à trois mètres. C'est qui lui ? Il a pas l'air d'avoir 10 ans.

Le brun comble la distance entre nous et sourit encore gentiment.

— C'est le frère de celle dont je t'ai parlé. Hey. Tu as fait vite, il me fixe, je dois être essoufflé.

— Ah. Ouais. Peut-être. Tu m'as pas dit qu'y avait un frère, je m'approche un peu.

J'ai plus froid, maintenant que j'ai couru. Il hausse les épaules et sourit encore.

— Alors... Ouais t'es avec tes potes...

Je dis n'importe quoi et je tiens pas hyper droit. Aucune crédibilité.

— Il y a seulement leur père et leur mère, il frôle mon avant-bras et se retourne pour aller s'asseoir sur les marches.

Je frissonne. Une vraie nana. Il a les mains chaudes contrairement à ma peau glacée. Je le suis.

— Je pensais pas qu'on vivait si près.

— Moi non plus. Tu es de l'autre côté des parcs, c'est ça ? Il rassemble ses jambes près de son corps pour se tenir chaud.

— T'as f-, (quand j'essaie d'enlever ma veste pour lui passer, je me souviens que je suis en t-shirt. Ridicule). Ouais, c'est ça. Vers Belgrave, tu vois ? (Il acquiesce). Alors c'était bien les vestiaires ? Enfin pas genre, c'est nul comme phrase. Je mets ma tête entre mes mains. Ça tourne...

Il pose sa main sur mon épaule et penche la tête vers moi.

— Tu veux rentrer boire quelque chose ?

— Je- je vais pas... En fait, ouais, je dis finalement, un peu plus extraverti grâce à la boisson.

— Tu sens l'alcool à des kilomètres, je crois, il rit. Il faudra que j'aille voir si les fleurs d'Hyde Park se sont pas flétries demain, il rigole en m'aidant à me lever.

— N'importe quoi ! Je ris comme un con. J'ai pas bu tant que ça, je titube un peu sur lui.

— Je crois que si.

Il ouvre la grande porte. J'entre dans le bâtiment, un peu impressionné par le lieu. Il me tient le poignet, j'avais remarqué, et je marche à sa suite dans le hall.

— Tu feras attention à pas faire trop de bruit, d'accord ?

— Hein ? Ouais, ok. Pas trop de bruit.

Je regarde sa main bizarrement, mais je suis trop fatigué pour réfléchir et je souris stupidement.

— Tu as trouvé facilement, alors ? Tu étais avec tes amis ? il demande en appelant l'ascenseur qui indique qu'il redescend. Il a relâché mon poignet en s'arrêtant pour l'attendre.

— Oui. Enfin je suis rentré et ressorti. Mais ouais j'étais dehors avec mes potes, ceux que tu connais.

Je regarde mon bras avec un air vague.

— D'accord.

Un petit son indique que notre moyen de locomotion est arrivé, les portes s'ouvrent et il s'y engouffre. Je le suis de près, un peu perdu.

— C'est ce tee-shirt et ce pantalon que t'as pas réussi à enlever ? il se moque un peu, adossé aux vitres de l'ascenseur.

— Ouais. Tu veux m'aider ? Je demande avec un sourire en coin.

— C'est pour ça que tu es venu ?

— Je suis venu parce que j'avais envie de te voir. Ça fait des heures qu'on s'est pas vus.

— C'est vrai. Ça te fait pas trop bizarre ? il demande en désignant le sol.

L'ascenseur est en train de monter et ça m'a fait l'habituel remous dans l'estomac lorsqu'il a amorcé son voyage.

— Si, je me tiens un peu à la barre.

— On est arrivés maintenant.

Effectivement, l'ascenseur s'ouvre, directement sur un appartement.

— T'as une propriété par étage ? Je te savais pas friqué. Je dis à voix basse.

Il hoche la tête et sort, je le suis. Il y a un escalier à notre gauche, deux portes à droite et le salon devant. Des voix proviennent de la droite.

Je dis rien, je veux pas me faire remarquer, et je veux pas voir ces gens de toute façon. J'essaie d'être le plus discret possible compte tenu de mon mètre quatre-vingt-dix et de mes gestes ralentis. Thomas se dirige pourtant vers la droite et entre dans une cuisine. Sa cuisine, je veux dire.

— Qu'est-ce que tu veux ? il demande d'une voix plus basse que dehors. À côté, les rires fusent.

— Je sais pas. Pourquoi on est là déjà ? Je demande en posant mes mains sur le comptoir de marbre derrière moi.

— Tu te sentais pas bien. Tu voulais boire... Non ? il hésite en refermant le frigo, avant de se retourner pour me regarder.

— Oh. Ah ouais. De l'eau, ça va.

Thomas me regarde encore quelques secondes qui me paraissent une éternité et attrape un verre en hauteur avant de le remplir et de me le tendre.

Je lui fais un santé silencieux par habitude de la soirée et je bois mon verre d'eau, me rendant compte à quel point j'en avais besoin quand enfin le liquide passe mes lèvres. Celles de mon brun se sont un peu remontées en me voyant faire.

Quand j'ai fini la dernière goutte, je pose le verre sur le comptoir et m'essuie la bouche.

— Merci, je murmure en fermant les yeux, sentant la Terre tourner encore.

— Alors, que veux-tu faire maintenant ? il demande en attrapant mon verre.

Il se tourne à demi et commence à le laver dans l'évier.

— Dormir... Suis fatigué, je dis en baillant, me frottant les yeux. Je me tourne aussi et pose ma tête sur la sienne nonchalamment, derrière lui.

— Et tu veux dormir ici ?

— Ouais.

Il hoche un peu la tête et ça fait bouger la mienne. L'eau s'éteint et il essaye de faire un pas de côté, je bouge avec lui.

— Je ne sais pas où tu pourras dormir.

Thomas s'éloigne définitivement et s'essuie les mains dans un torchon orange.

— T'as peur que je dorme avec toi ? Je suis trop claqué pour te sauter dessus tu sais, je ris légèrement.

— Non, c'est que Méphisto dort déjà avec moi. Il faut que j'aille regarder s'il y a un matelas gonflable.

— Méphisto. Ouais, ok. Je vais rentrer.

Ma bonne humeur s'est envolée, je me dirige déjà vers la porte.

— Quoi ? Mais tu voulais rester !

— Ouais, pas avec ton petit-copain. Je voulais rester pour te voir, c'est tout, je bougonne.

Mais qu'est-ce qui me prend ? D'où tu fais ta jalouse Will ? Merde.

Thomas lève un sourcil. Il reprend mon poignet et me tire hors de la cuisine.

— Allez, suis-moi, il dit en commençant déjà à nous faire grimper les escaliers.

Je soupire et baisse la tête. Heureusement que je peux foutre mon comportement puéril sur le compte de l'alcool...

— Tu veux dormir avec moi, alors ? il demande plusieurs secondes plus tard.

Il s'est engouffré dans un placard et y cherche quelque chose à hauteur des yeux. Sûrement le fameux matelas.

— Pas avec ton mec. Je l'ai peut-être mis sur mon faux profil mais en vrai les plans à trois c'est pas du tout mon truc.

— Pas du tout ? il lance en rigolant.

— Vraiment pas. Je l'ai fait une fois et c'était horrible. Plus jamais.

— Pourquoi ?

Un petit son triomphant résonne dans la minuscule pièce et je le vois tirer sur un truc en plastique quand je reprends la parole. J'arrive derrière lui et l'aide avec facilité.

— C'était un fantasme. Et y a des fantasmes qui doivent vraiment le rester. En plus c'était le bordel après ça, le couple avec qui j'étais s'est presque séparé parce qu'ils se faisaient plus confiance. Thomas acquiesce et enjambe les valises au sol.

— Et c'est qui tes invités alors ?

— Méphisto, Julia et ses parents. Des amis de la famille, il dit en traînant son matelas derrière lui.

— Tu l'aimes beaucoup ce gars. Il est pas mal. C'est pour lui que tu veux apprendre ?

— Non, non pas du tout, il rit et pose sa main sur la poignée. Tu le trouves pas mal ? il m'interroge, et sa main s'abaisse.

La porte s'ouvre sur une chambre avec un grand matelas au centre, le pont de Brooklyn en tenture au-dessus de la tête de lit. Je siffle, impressionné.

— Ouais, je dis en m'avançant dans la pièce pour voir un peu mieux. Cette chambre fait la taille de mon appart. Elle est étonnamment vide et maintenant que j'écoute mieux, j'entends une voix rauque et une autre fluette dans la pièce d'à côté.

— Tu aimes ?

— C'est beau. C'est... Grand. Joliment décoré. Ça te va bien, c'est épuré.

J'utilise des mots savants quand je suis bourré, putain. Épuré. Thomas sourit à côté de moi et s'avance pour étaler le matelas.

— Je vais chercher le gonfleur, il m'avertit en s'échappant.

Je le regarde partir et m'assois sur son lit. Il revient quelques minutes plus tard, accompagné d'un gars, grand, très brun, large d'épaules. Méphisto.

Thomas s'accroupit tout de suite et place le gonfleur dans le trou du matelas flasque.

Je le regarde faire puis reporte mes yeux sur le bronzé, à côté. Je les plisse, le jaugeant du regard, mes mains dans mes poches. Il a des cheveux pas vraiment courts, en bataille, ça lui va super bien. Une boucle d'oreille noire d'un côté, des habits près du corps et justement, son corps... Un corps large, mais fin, mais musclé. Je le fixe, il le voit mais ne dit rien.

Je détourne finalement mes yeux de l'apollon pour les refixer sur ma petite chose. Il est en train d'appuyer sur la pédale pour gonfler le matelas avec concentration. Adorable.

Je me dis que son Méphisto doit être exactement son genre, puisqu'il recherche un mec fort.

— Aide-moi, phélès, finit par grogner Thomas en tournant un regard mignon au grand brun.

— Je peux t'aider aussi. Je peux faire ça, j'interviens en tentant de rester bien droit pour montrer mon sérieux. Thomas se laisse tomber sur ses fesses et me fait signe de venir le faire à sa place.

Je commence à pomper, relevant et rebaissant le levier en regardant l'air entrer dans le matelas et le gonfler. Mais qu'est-ce que je fous là.

— C'est le tien, phélès, tu sais, intervient Thomas en fanfaronnant. J'entends le matelas du lit s'abaisser sous le poids de Méphisto.

— Je crois que je m'en doutais, il rit en croisant les jambes, les mains le soutenant derrière lui.

Et là, cette voix. J'ai jamais entendu ça. C'est rauque, rauque comme s'il avait fumé toute sa vie. Rauque et sexy.

Je relève les yeux, en mode prédateur cette fois. Je penche la tête légèrement, me demandant ce qu'il insinue et si on est du même bord. Thomas semble le remarquer en se relevant et je sens qu'il est déstabilisé quelques secondes.

— Tu, tu ne veux plus dormir avec moi ? il me demande en baissant les yeux.

J'ai l'impression de me réveiller et tourne la tête vers lui.

— Si. Bien sûr. Carrément.

Je lui souris tendrement. Tendrement ?!

— C'est pas grave, si, si tu veux pas. On peut... On peut s'arranger autrement, il attrape quelque chose dans la penderie ouverte et sort de la chambre.

— Eh.. Je grogne en le suivant en titubant un peu. (Je le coince dans le couloir et je mets mes bras de chaque côté des siens, contre le mur). Je veux dormir avec toi. Je me serais cassé sinon, tu te souviens ?

— Oui, oui. J'allais juste me changer.

— Ok. T'aurais... Euh, un t-shirt pour moi ? C'est juste... Tu vois. Il pue le mien.

— Tu peux demander à Méphisto, il en a sûrement un à ta taille.

— Ok. Ouais. (Je retourne dans la chambre). Eh mec. T'aurais pas un t-shirt pour moi ? Juste pour la nuit. Je te le lave après.

Le grand brun est couché sur le lit de Thomas, les chevilles croisées. Il me désigne un sac au sol.

— Regarde dans ma valise. Tom me le rendras la prochaine fois, à part si tu le laves et que tu reviens le voir dans le week-end, un petit sourire apparaît sur son visage et laisse voir sa canine blanche sous ses lèvres.

— Ouais. Je verrai. J'habite pas loin alors je viendrai te le rendre avant que tu partes si t'as besoin.

Je me penche et cherche un vêtement tout simple. Une fois trouvé je quitte la pièce et cherche une salle de bain. Je croise Thomas en chemin et il m'indique une porte avant de disparaître à son tour dans sa chambre.

Je me dépêtre de nouveau avec mes fringues, j'ai décidément peut-être un peu trop bu. En fait, puisque je me trouve dans la salle de bain d'un gosse que j'ai rencontré y a trois jours, la question se pose même pas. Tant que je vomis pas, ça va.

Finalement, après une lutte acharnée, j'ai enfilé le t-shirt - et à l'endroit, s'il vous plaît - et enlevé mon pantalon. Je retourne dans l'immense chambre de ma petite chose et je le trouve en pleine discussion avec son pote. Thomas est couché sur le ventre, tout proche, cambré, avec un short court et un long tee-shirt. Il ne me voit pas et les yeux de l'autre ont l'air ancrés dans les siens alors qu'il acquiesce.

Je ressens une nouvelle petite -toute, toute petite- bouffée de jalousie et me pose nonchalamment sur le lit à côté de lui, sur le dos. Forcément, je mate aussi ses fesses. Il a de ces fesses.

Il tourne tout de suite la tête vers moi.

— Bien. Comment on fait, pour les lits ?

— On est chez toi. Comme tu veux. Mais le tien est confortable...

— On pourrait presque tenir à trois, finalement. Maintenant qu'on a gonflé l'autre matelas... réfléchit Méphisto.

— On peut essayer à trois, si vous voulez. Tant qu'il y a pas Julia en plus, sourit gaiement mon brun.

— Fais gaffe, Will. Ce petit dort au milieu et prend toute la place !

Méphisto rit de sa voix grave et ses yeux s'illuminent lorsqu'il chatouille son ami. Mon ami.

Je les regarde faire sans rien dire et je remarque même pas que je souris en le voyant gigoter. Si je le touche comme ça aussi, je vais passer pour un putain de pervers. Tiens, on dirait que j'ai encore une conscience... J'acquiesce à la proposition.

— Ton lit est énorme, ça devrait le faire, je souris en baillant.

Je me glisse sous les draps et immédiatement je me sens dans un état de confort génial. Rien à voir avec mes draps rêches ou mon matelas à ressorts. J'entends un baiser claquer et la couverture s'ouvre à nouveau : les deux autres y sont entrés. Je me sens encore jaloux. Bordel, c'était quoi ça ? Ils s'embrassent ou quoi ? Je glisse un bras nonchalant sous la hanche de mon gamin, couché dos à moi, et le tire comme si de rien était. Seul le bruit des draps perturbe le silence, jusqu'à ce que les deux me pètent les oreilles en criant.

— Bonne nuit Julia !

C'était super fort, putain. Je grogne contre le dos de Thomas et referme mes yeux en enfonçant mon nez entre sa peau et son coussin.

— Il va être de mauvais poil demain, lorsqu'elle va arriver en hurlant, murmure à moitié Thomas, le sourire perceptible dans sa voix.

Un rire grave lui répond et j'entends les draps bouger du côté de Méphisto, ce qui me fait rapprocher encore le petit. À moi, j'ai envie de grogner comme un loup devant sa carcasse. Un chuchotement s'élève.

— Tu sais, si c'était pour être collé comme ça, il y avait aussi le petit lit, Thomas gigote pour se laisser de l'espace en disant ça.

— Dors, je grommelle sans le lâcher.

Il arrive à se tourner un peu dans mon bras et finit ventre contre le matelas. Il soupire et ne bouge plus. Mon nez se retrouve du coup contre son cou, et je le renifle un peu avant de fermer définitivement les yeux. Le silence règne et lorsque je m'endors, j'imagine que tout le monde le fait aussi.

Quand je me réveille le lendemain, j'ai envie de tuer du petit humain. Mes bras se resserrent d'un coup contre le truc devant moi alors qu'une voix suraiguë hurle dans la chambre. Je vais mourir.

À côté, les gars grognent un peu mais finissent par rire. Un poids atterrit sur le lit et se jette de l'autre côté en criant.

— Naaaaaan, je me lamente en enfonçant derechef mon nez dans l'oreiller alors qu'un mal de crâne lancinant me broie de l'intérieur.

— Je crois qu'il le mérite, j'entends dire Thomas tout proche de moi et lorsque j'ouvre un oeil, je vois à l'autre bout, collé à Méphisto, une tignasse blonde.

— Que ce truc s'en aille, ça crie trop fort, pitié...

— Il fallait pas tant boire.

De l'autre côté, le grand brun attrape sa sœur et la jette sur le matelas à nos pieds avec une facilité déconcertante.

— Il nous attaque, Thomas ! Je crie en me cachant sous la couverture.

Tout le monde rit alors dans la pièce, sauf moi. Après quelques temps, le petit se tortille contre moi.

— Je vais aller te chercher un comprimé, lâche-moi va.

— Mh, je grogne en détachant mes doigts, un à la fois, pour rabattre mes bras contre mon torse. La chaleur me quitte immédiatement et le lit grince avant que la porte ne se ferme.

— On va manger ? s'écrie la voix enjouée de Julia qui a recommencé à sauter partout.

Caché dans ma couverture, j'entends le dernier homme se relever et des bruits de vêtements quelques secondes après.

— Donnez-lui de la ritaline et calmez-la... Je supplie en m'asseyant, me frottant les yeux, mes cheveux dans un sale état. (Lorsque j'ouvre les yeux, un verre est présenté sous mon nez et un cachet effervescent y fond). ‘Ci... Je grogne en le prenant d'un coup.

— Bien dormi, à part ça ? s'enquiert Thomas en s'éloignant.

— Comme un bébé.

— Bien, parce que tu en étais un, de bébé, il rit face à sa penderie, le nez en l'air.

— Quoi ? C'est n'importe quoi, je dors virilement ! Ah, ma tête...

— C'est sûr, t'as été viril toute la soirée, il attrape finalement un pull gris ample et l'enfile. Il est toujours avec son short rayé bouffant noir et gris en dessous. Tu peux remettre tes habits d'hier ?

— Oh. Ouais. Ils sont où ? (Je les cherche des yeux et trouve un tas par terre. J'enfile mon pantalon). J'ai fait quoi hier ? Pourquoi je suis là en fait ? Je demande assez naturellement parce qu'en vrai j'ai l'habitude de pas trop me souvenir. C'est assez flou. Thomas est toujours dos à moi.

— On a couché ensemble. Tu sais, ta condition. C'est fait !

— Quoi ? N'importe quoi, je me marre. Chéri, si on avait couché ensemble, tu pourrais pas dandiner du cul comme ça, je fais un sourire en coin.

Qu'il est naïf. Il se tourne vers moi et roule des yeux.

— Je dandine pas. Tu pourrais être gentil, un peu. Ingrat, va. (Il ouvre le bouchon du lit gonflable pour laisser échapper l'air). Alors quoi, tu te souviens pas ? T'as voulu venir, t'es venu, t'as bu de l'eau, t'as dormi ici.

— Qu'est-ce qui s'est passé pour que non seulement tu bégaies plus mais en plus tu me parles sur un ton si confiant ? Je plisse les yeux. Il rougit aussitôt.

— Je bégayais déjà plus, au lycée, il marmonne. Je vais descendre manger. Tu viens, si tu veux. Mes parents seront pas levés.

— Un peu moins, mais ça t'arrivait encore. Et t'étais tout timide... C'est d'être chez toi qui te rend comme ça ? Est-ce que t'es comme Jekyll et Hyde mais en version lieu ? Est-ce que quand tu seras à l'école tu baisseras de nouveau les yeux quand tu me parleras ? Je demande en le suivant dans les escaliers. Il ne répond pas et se dirige vers la porte de la salle d'hier, la cuisine.

Je continue à déblatérer et me poser toutes ces questions à voix haute jusqu'à ce qu'il s'arrête devant le frigo et que je bute contre lui.

Il soupire et en sort une bouteille de lait. Tout de suite, les deux autres entrent à leur tour, changés.

— Oh, ouais, ton t-shirt, Mé... Mépho... Je vais te le rendre.

— Je ferai tourner la machine après, phélès, complète Thomas en s'asseyant à côté de lui sur une chaise de bar qui entoure la table de marbre.

— C'est pas pressé, il lui sourit. On va vite se revoir, il envoie un clin d'oeil à Thomas et Julia.

— Ouais. Je vais te le rendre quand même, j'habite pas loin, je supporterai un t-shirt sale dix minutes...

Je m'assois avec eux. Ça me fait bizarre d'être dans un endroit si grand avec du monde que je connais pas. Je suis l'intrus, pour une fois.

— Alors, personne ne va s'inquiéter chez toi, Will ? dit poliment le grand brun en beurrant une biscotte.

— Non, ma mère a l'habitude que je découche, je hausse les épaules. (Julia regarde son frère avec de grands yeux puis attrape une grosse cuillerée de Nutella). Et vous ? Vous venez d'où alors ? Et comment vous connaissez le petit ?

Méphisto hausse un sourcil et je vois mon brun penché sur ses céréales.

— Édimbourg. On habitait ici, avant. On s'est connus à l'école, répond son pote avant de faire craquer sa biscotte entre ses dents.

— Oh. Ouais. Ça doit pas être facile, ça fait une trotte.

— On parle souvent. Très souvent. Et on se voit pas mal, aussi. On y arrive ! Julia applaudit à côté, le pouce plein de chocolat aux noisettes.

— Ouais, je vois. C'est cool Edimbourg ? T'y es depuis quand ? Je me fais une tartine.

— Deux ans et demi, il avale sa bouchée et je vois sa jambe bouger pour aller à la rencontre de celle de Thomas qui relève alors les yeux sur lui.

Je plisse de nouveau les yeux et en oublie de mâcher, avant de reprendre en me raclant la gorge.

— Et t'as une copine ?

Méphisto lance un grand sourire à Thomas et celui-ci le recopie, hypocrite, avant de lui tirer la langue joyeusement. Le grand se retourne ensuite vers moi et secoue la tête. J'essaie de comprendre leur petit jeu et je serre un peu les lèvres, agacé par tant de complicité.

— Un mec ?

— Nope, il fait claquer le 'p' de sa bouche qui s'arrondit. Personne.

— Ok. Cool, je marmonne en reprenant ma tartine.

Thomas lève un sourcil interrogateur vers moi. Je le regarde de la même façon avec un nouveau coup d'œil sur Méphisto. Le téléphone du petit brun vibre sur la table, je l'avais même pas remarqué. Je lance un regard suspicieux.

— C'est quoi ?

— Mon téléphone, il l'attrape et le déverrouille d'un geste habile.

— Sans blague, je grommelle. Il me prend pour un con. Je tends la tête vers son écran pour voir.

Il tapote très rapidement sur le clavier, j'ai presque pas le temps de voir ses pouces s'arrêter sur certaines lettres.

Il envoie juste un SMS à quelqu'un. Ça me va. Pas l'appli. J'allais faire un commentaire là dessus avant de me rappeler que malgré toutes les insinuations, peut-être que son pote sait pas, peut-être qu'il lui a pas fait un vrai coming-out. Alors je dis rien et reprends ma tartine, perdu dans mes pensées.

— C'était Kris ? interroge Méphisto lorsqu'il repose son téléphone face contre marbre sur la table. Mon petit hoche la tête et reprend une cuillère de céréales. Tout se passe bien avec lui ? il acquiesce de nouveau.

— C'est qui ? J'attaque.

À moi.

Ils ne semblent pas m'écouter puisqu'aucun répond. Lorsque j'ouvre la bouche à nouveau pour répéter, on entend tous un bruit dans le salon. Thomas tourne un regard paniqué à son pote, les yeux grands ouverts.

— Elle est déjà levée ? Comment c'est possible ? il chuchote prestement.

— Ouais, je crois que je vais y aller là, je me lève d'un coup, peu confiant.

— Phélès ?

Le susnommé sort aussitôt de la pièce. On entend sa voix rauque s'éloigner peu à peu, un second bruit de pas avec lui. J'essaie de comprendre mais personne a l'air d'avoir envie de m'expliquer, aussi je vais directement vers la porte d'ascenseur. Thomas me suit, Julia est restée dans la cuisine.

— Tu n'as rien oublié ?

— Nan, j'ai mon téléphone, c'est bon. Merci pour m'avoir laissé rester, j'entre dans l'ascenseur.

— Tu n'as pas besoin de ma carte pour descendre, seulement pour monter, il dit rapidement. (Je n'avais même pas remarqué qu'il lui en avait fallu une, hier soir. J'appuie). J'espère que tu as passé une bonne soirée quand même. (Les portes commencent déjà à se fermer). Alors, euh, à lundi... il a fini sa phrase la porte close, un sentiment étrange dans la voix. L'ascenseur s'active aussitôt.

Je rentre rapidement chez moi, frappé par l'air frais. C'est quelle heure bordel ? Mon portable a plus de batterie... Fait chier. Quand j'arrive ma mère dort encore. Neuf heures. Putain. Je me recouche direct.

Je me suis finalement levé à midi en sentant la bonne odeur de bouffe.

— Tes médicaments ! Me rappelle ma mère.

Ouais ouais, je risque pas de les oublier. Je soupire. Je mange en les prenant et vais voir Harry dans la journée. On se fait une partie de hockey sur play et je pars vers cinq heures à la natation. Je nage encore, beaucoup, et je rentre dans la soirée. Allez, Will. Après-demain c'est lundi.

Je regarde mon téléphone, qui affiche 18h57 et aucun message. Je boude, bouffe et me couche.

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