55 - Killian

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Assis sur le canapé des Baldwin, je matte Debbie sans aucune discrétion. Elle est pliée en deux tellement elle se marre à cause de mes conneries. Je préfère largement la voir comme ça que dans l'état où je l'ai trouvée tout à l'heure. Qu'elle soit triste me fait toujours aussi mal. C'est pourquoi je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour lui changer les idées. Déconner sur ce qu'on entend à l'étage semble bien fonctionner. Alors, j'en rajoute plusieurs couches pour qu'elle garde son sourire.

— T'es tellement belle quand tu rigoles.

Je ne sais pas ce qui me prend de lui sortir un truc pareil. Elle a un mec, je les ai vus s'embrasser au bahut dans la semaine. J'ai failli lui exploser la tronche à ce p'tit con quand j'ai compris ce qu'il y avait entre eux. Je me suis retenu de justesse de le faire, parce que Sheryl, ma copine au passage, m'a reluqué d'une drôle de manière quand j'ai serré les poings. D'autant plus qu'elle était en train de me parler de toute autre chose, qui aurait dû me rendre, apparemment, heureux d'après ce qu'elle m'en a dit. Ça m'a tellement marqué que je n'en ai aucun souvenir. En même temps, cette fille, je m'en fous royal. Je tente juste d'oublier ma jolie brunette entre ses bras, mais vu ce que je ressens là, c'est loin d'être gagné.

Le silence s'est abattue dans la pièce depuis que j'ai prononcé ces mots. Debbie me fixe, les joues rougies et ses dents plantées dans sa lèvre. Si elle savait à quel point, j'ai envie de me jeter sur elle, surtout que les bruits provenant de l'étage me donnent des idées pas très catholiques.

Je vais chambrer mon pote pendant des heures pour ça. Putain, ils pourraient se montrer plus discrets. Ouais, bon d'accord, ils ont pas dû capter que quelqu'un était rentré.

— T'es pas mal non plus dans ton genre, finit par lâcher celle qui me rend dingue.

Un sourire en coin s'étire sur mes lèvres tandis que mon regard plonge dans le sien. Je joue à un jeu dangereux, mais là je crève d'envie de me brûler les ailes. Debbie est ma perdition et je suis prêt à plonger dedans les yeux fermés.

— Et c'est quoi mon genre ? demandé-je en me rapprochant d'elle.

— Du genre beau gosse.

Les yeux plissés, elle fixe mes lèvres. Mon cœur bondit dans tous les sens. Et ces putains de gémissements qui ne cessent pas… Soit je me jette sur elle, soit je me barre en courant. Je n'ai pas le temps de me poser la question que je sens sa bouche sur la mienne. Bordel, j'avais zappé à quel point son gloss à la fraise me rendait fou. Et l'odeur de son parfum vient de me cramer les neurones. Je plaque ma main sur sa nuque pour la rapprocher de moi. Sa langue se glisse dans ma bouche tandis qu'elle me fait basculer en arrière en posant sa main sur mon torse. Je me laisse faire et m'allonge sur le dos. Putain, j'adore ce genre de filles qui prennent les devants. Sa poitrine sur la mienne et ses jambes autour de ma taille, elle me galoche comme personne. Je laisse mes mains remonter sous son pull, sa peau chaude me fait frissonner. Bordel, elle est si douce. Si j'étais certain que son frangin ne descende jamais, je lui retirerais cette unique fringue pour voir ce qui se planque en dessous. Ma queue ne demande qu'à en découvrir plus. À côté de Sheryl, cette fille est un véritable volcan. Elle mordille ma lèvre pour me rendre fou. Je grogne contre sa bouche alors qu'elle remue sur ma bite. Si jamais elle arrête maintenant, je suis bon pour perdre la boule.

Merde, c'est exactement ce qu'elle fait ! Elle se relève d'un coup comme si elle venait de se brûler. Je la regarde s'éloigner de moi sans vraiment capter ce qui se passe. Je me plante à mon tour sur mes pieds et la suis jusqu'au frigo. Quand elle tente de l'ouvrir, j'abats ma main dessus. Je déteste qu'on m'allume ainsi et qu'on me laisse en plan. Elle va devoir m'expliquer ce qui lui a pris de me chauffer comme ça, pour se barrer l'instant suivant.

Penché au-dessus d'elle, je laisse mon souffle remonter le long de son cou, avant de lui murmurer :

— Tu n'aimes pas m'embrasser ?

Elle se retourne vers moi et plante son regard azuréen dans le mien, avant de le baisser comme si elle avait honte de ce qu'on a fait. Bordel, j'espère qu'elle ne le regrette pas.

— J'ai déjà un mec.

Comme si je l'ignorais.

— Ben, il n'a pas de bol. Vu la façon dont tu m'as galoché, j'ai pas l'impression qu'il soit foutu de te satisfaire.

Ses joues deviennent rouges écarlates et je sais que j'ai raison.

— Je suis désolée, Killian, je ne sais pas ce qui m'a pris de faire ça.

— Je vais te donner mon avis. Ton premier de la classe est tellement minable que t'as besoin d'un vrai mec et de moi en l'occurrence. T'es pas le genre de filles qu'on emmène au salon de thé.

Son regard s'assombrit juste avant qu'elle ne me repousse méchamment.

— De quoi je me mêle ? me questionne-t-elle en me foudroyant du regard. Caleb est un type bien. Au moins, j'suis sûre que lui ne me mettra pas en danger !

Prends-toi ça dans la gueule, mec !

— Alors, on en revient à ça ? Tu te jettes dans mes bras, me supplies de rester avec toi pour faire tes petites emplettes et m'allumes en essayant des robes ultra-sexy devant moi. Puis, tu me ramènes dans ta baraque sous prétexte qu'on va à la même soirée et me roules une pelle du tonnerre comme si c'était normal. Et tout ça pour quoi ? Pour que tu me balances dans la gueule ma putain d'erreur ?

Une larme roule sur sa joue, mais je n'en ai rien à foutre. Elle m'a trop énervé pour que je garde mon sang-froid. Moi aussi, je souffre de cette putain de situation. On en a tous souffert et on en souffrira encore. Mais, il ne faut pas qu'elle oublie que j'ai perdu ma frangine et que j'avais ce putain de besoin de me racheter.

— Je t'ai dit, je ne sais pas ce qui m'a pris.

— Moi, je vais te dire. T'en as autant envie que moi et si tu sors avec ce type, c'est juste pour oublier qu'entre toi et moi, y a ce truc super fort. Je suis peut-être un connard, mais je suis loin d'être idiot, Debbie.

Je sais que je dépasse les bornes, mais je ressens le besoin de la secouer. Elle ne peut pas faire semblant qu'entre nous, il n'y a rien.

— T'as dit toi-même que nous deux, c'était pas possible, alors pourquoi tu me soûles avec ça, McKenzie ? C'était une erreur, point barre !

Putain, qu'est-ce qu'elle me gonfle avec sa petite crise ! Méchamment gavé, je fonce sur elle. Elle recule, mais je continue à avancer jusqu'à ce qu'elle se retrouve coincée entre le mur et mon torse. Elle tente de me repousser, mais cette fois je reste de marbre.

— C'était pas une erreur ! grogné-je en plantant mes yeux dans les siens.

C'est peut-être une sacrée chieuse, mais mon attitude semble la faire légèrement balisée.

— Dégage, McKenzie !

— Sinon quoi ? Tu vas appeler ton frangin à l'aide ? J'ai comme l'impression qu'il est pas mal occupé là.

— Un coup de genou dans tes bijoux de famille, c'est pas mal non…

Je plaque ma bouche contre la sienne avant même qu'elle achève sa phrase. Sans lui laisser le temps de capter ce qui lui arrive, je mords sa lèvre, afin qu'elle laisse un passage à ma langue. J'attrape sa jambe pour la remonter le long de ma cuisse. Je veux qu'elle comprenne que nous deux ce n'est pas une putain d'erreur. Lorsque je la sens défaillir, je me recule brusquement sans la quitter du regard.

— Redis-moi que c'était une erreur.

— Va te faire foutre, McKenzie !

Quand je crois qu'elle va se barrer, en me laissant en plan au milieu de la cuisine, j'entends les marches des escaliers craquer. Debbie s'arrête pour me lancer un regard rempli de menaces. Si elle pense qu'elle me fout la trouille, elle est loin du compte. J'aimerais bien voir comment elle réagirait si je balançais qu'elle s'est jetée sur moi la première.

Alors qu'elle s'éloigne en direction du salon, je l'attrape par le bras pour la retenir un instant.

— Tu crois qu'il apprécierait si je lui disais que tu t'es jetée sur moi sur le canapé ?

Je la toise tandis qu'elle me défie du regard.

— Je ne lui dirai rien.

Un sourire victorieux étire mes lèvres alors que je lui passe devant. Finalement, c'est moi qui la laisse en plan pour rejoindre mon pote. Le sourire à la con qu'il affiche me prouve qu'il a vraiment dû apprécier ce qu'il y a eu entre lui et ma sœur de cœur. Je m'étais promis de le faire chier avec ce qu'on a entendu, mais au fond de moi, j'ai plus envie de savoir comment elle va.

— Qu'est-ce que t'as fait de ma p'tite sœur ? lui demandé-je.

— Et toi, de la mienne ?

Je souris en repensant à l'état dans lequel je l'ai laissée.

— Elle est partie nous chercher à boire.

— Pourquoi tu souris comme un con ? J'espère que tu n'as pas fait l'idiot avec elle.

L'index sur le torse, je feint d'être choqué par ses propos. Puis, je secoue la tête, comme si j'étais éberlué par ses conneries.

— Bon, alors, Lucy va mieux ?

Une drôle de grimace s'affiche sur sa gueule, me laissant l'impression qu'il cherche à capter ce que j'ai bien pu foutre avec sa frangine. S'il savait, je crois qu'il me flinguerait sur place.

— Elle dort. Elle ne se souvient plus de ce qui l'a autant effrayée, mais elle sait qu'on a jamais eu d'accident de bagnole. Je suis passé à deux doigts de me faire larguer.

— Merde !

— Comme tu dis. J'ai la trouille que lorsque tout lui reviendra, elle me jette comme une merde.

Je pose ma main sur son épaule pour lui prouver mon soutien.

— En cas de problème, tu peux compter sur moi, mec. Tu sais qu'elle m'écoutera.

Et c'est la vérité, malgré ce qui lui est arrivé, notre lien est resté très fort.

Debbie met un terme à notre discussion en ramenant deux canettes dans le salon. Elle m'en plaque une violemment contre le torse en me foudroyant du regard. Elle m'en veut horriblement. Moi pas du tout, je suis même fier de ce que j'ai fait.

— Ça a l'air tendu entre vous ! lance mon pote.

— Ouais, ta frangine m'en veut toujours autant de l'avoir mise en danger.

Je la défie du regard de rajouter quoi que ce soit.

— J'te jure, mec, que si c'était pas ma p'tite sœur, j'te dirai d'aller la sauter. Entre vous deux, c'est vraiment électrique. Mais, là, tu la touches, j't'explose !

— T'inquiète, ce n'est pas prêt d'arriver. Sheryl m'apporte tout ce qu'il faut. Si tu savais ce qu'elle est foutue de faire avec sa bouche.

Je plante mon regard sur Debbie, mes mots semblent avoir frappé fort. Son regard s'est voilé de tristesse. Et elle va me faire croire que nous deux c'est une erreur ? Sheryl et moi, c'est une erreur. Elle et l'autre connard, c'est aussi une erreur. Mais pas nous deux, faut qu'elle arrête ses conneries !

Mon pote explose de rire et vient cogner son poing contre le mien. Il n'a pas capté que je viens de blesser sa frangine. Ou alors, si c'est le cas, il ne relève pas.

— Vu que Lu dort, je peux te dire que je me suis tapé une bonne partie de l'équipe, mais Sheryl ne fait pas partie de mon tableau de chasse. Si elle est comme les autres, je veux bien te croire que tu t'éclates.

— Si je vous gêne, les mecs, je peux me casser !

Dans un même mouvement, on se tourne tous deux vers elle. Elle me fusille du regard une seconde avant de porter sa canette à la bouche, sûrement pour ne pas montrer à quel point notre discussion l'énerve.

— T'es jalouse ou quoi ? la questionne son frangin.

Grillée, elle s'étrangle à moitié. J'ai hâte de voir comment elle va s'en sortir avec cette question.

— Tu déconnes ou quoi, grand frère ? Je ne vois pas de quoi je serais jalouse. Au cas où tu ne serais pas au courant, j'ai déjà un mec.

— Et quel mec ! m'esclaffé-je en pensant à sa petite gueule de con.

— C'est qui ce connard ? demande Logan en se tournant vers moi.

Quelques coups contre la porte ne me laisse pas le temps de lui répondre. Large sourire sur les lèvres, Deb part ouvrir. Avant même d'abaisser la poignée, elle se retourne vers nous.

— Dîtes, les gars, ça ne vous dérange pas que j'ai invité Caleb ?

Quoi ? Elle est sérieuse ? Putain, la conne ! C'est pour ça qu'elle traînait dans la cuisine, elle était en train d'inviter ce connard.

— Sérieusement, Deb ? On va devoir se coltiner ce mec ? grogne son frangin.

Elle hausse les épaules comme si elle se foutait royalement de son avis. Si c'est le cas, pourquoi elle nous a demandé alors ? Fait chier ! Je crois qu'il vaudrait mieux que je me barre, je n'ai aucune envie de me taper sa gueule de fayaud. Je suis certain que si je lui rentre dans le lard, il va se foutre à chialer comme une gonzesse, avant d'aller le rapporter à papa-maman.

— Vaudrait mieux que je rentre, annoncé-je à mon pote alors que l'autre enfoiré vient à peine de franchir la porte d'entrée.

— C'est dommage, Lu aurait été contente que tu bouffes avec nous avant d'aller à la soirée.

Putain, pourquoi il me parle de sa fiancée ? Il sait que je ne refuserai jamais rien à ma sœur de cœur.

Et maintenant, je dois supporter de voir l'autre con avancer vers nous en tenant la fille que je viens de galocher par la taille. Il tend la main vers mon pote qui hésite un instant, avant de la lui serrer. Quand il essaie avec moi, il se mange un mechant vent. S'il croit que je vais le saluer, il peut se foutre le doigt où je pense. Jamais, je ne toucherai sa sale patte.

— J'ai commandé des pizzas, j'espère que tu aimeras, Killian ?

Surpris par la voix de Deb, je me tourne vers elle. Elle est assise sur les genoux de son mec, sa main à lui la caresse tendrement. Je ne sais pas à quoi elle joue, mais elle risque de vite perdre si elle continue. Elle ne me connaît pas encore assez pour savoir combien je peux être mauvais si on me cherche. Je ne suis pas lui et elle pourrait très vite l'apprendre à ses dépens.

— Pourquoi je n'aimerais pas les pizzas ? Est-ce que je t'ai déjà prouvé une seule fois que c'était le cas ?

Ma deuxième question n'est pas innocente. Si l'autre n'est pas aussi bête que je le pense, il devrait relever aussi sec.

— C'est qui ce mec, mon petit canari ?

Mon petit canari ? Sérieux ? Il n'a pas trouvé mieux comme surnom ? Je me tiens le bide tellement je suis explosé de rire.

— Qu'est-ce qui te fait rire, McKenzie ?

Sous le regard meurtrier de Debbie, je hausse les sourcils à plus d'une reprise. Si elle tient vraiment à le savoir, elle risque de ne pas être déçue du voyage.

— T'es sûre que t'as envie de savoir ? Parce que j'suis pas très certain que ça plaise à ton pseudo-gars, si j'te le dis.

Cette fois, c'est lui qui me lance un regard rempli de haine.

— Ça veut dire quoi ça, pseudo-gars ? C'est qui lui, Deb ?

Quand il la repousse pour se lever, j'ai plus qu'à m'asseoir pour profiter du spectacle.

— Il s'est passé quoi entre elle et toi pour que tu la fasses chier comme ça ? me souffle Logan. Je t'avoue que je n'apprécie pas trop ce type, mais là tu tapes fort en sortant que c'est son pseudo-mec.

Je hausse les épaules de manière énigmatique. Ça ne le regarde pas. Ce n'est pas parce qu'on est potes que je vais tout lui balancer.

— Pourquoi tu ne veux pas me dire qui est ce mec ? répète l'autre con.

— Un pote de mon frangin, ça te va comme réponse ?

Et accessoirement, le gars qui la fait gémir en lui roulant des pelles.

— Et y a quoi entre lui et toi ?

Vas-y, mon ange, balance-lui le plus gros bobard que t'as en ta possession !

Mon ange ? Putain, elle me rend vraiment taré si je lui trouve ce genre de surnom. Même Cassie n'y a jamais eu droit. Je glisse ma main dans mes cheveux pour me refoutre les idées en place. Deb n'est pas un ange, c'est plutôt une putain de succube, un démon qui veut ma perte.

— Eh, toi, j'sais plus ton nom, tu peux baisser d'un ton, ma meuf est en train de dormir !

Surpris par l'intonation sèche de Logan, je me reconnecte à ce qui se déroule dans la pièce.

— Donc s'il n'y a rien entre vous, ça ne le fera pas chier si je t'embrasse devant lui ?

Je toussote dans son dos pour attirer son attention. Il passe la tête par-dessus son épaule afin de pouvoir me fixer de ses yeux emplis de colère.

— Tu penses vraiment que je me contente de ce genre de filles ?

— J'sais pas ce qui t'arrive, mais vas-y doucement quand même, si tu ne veux pas te prendre mon poing dans la gueule, me chuchote Logan. Elle reste ma frangine.

Je lui jette un regard en biais et reporte aussitôt mes yeux sur le couple, qui n'en est pas vraiment un. Je me crispe en voyant l'autre penché au-dessus d'elle, furax d'avoir à assister à cette scène. Pour le coup, elle marque un point.

— Ce n'est pas comme ça que t'arriveras à la faire vibrer.

Putain, mais qu'est-ce qui m'a pris de sortir une merde pareille ? Elle va me haïr à présent.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? me questionne l'autre tête à claque.

Ce petit con a fait volte face pour me fixer de ce regard meurtrier qui le caractérise à présent. S'il pense me foutre la trouille, il est loin du compte. Face à lui, je suis une armoire à glace. Je soutiens son regard, un sourire narquois sur les lèvres.

— Il veut juste dire que les filles adorent qu'on les bouscule un peu, lui répond mon pote, avant de se tourner vers moi et d'ajouter : toi, tu me suis. On va aller faire un tour sur la terrasse.

Contraint et forcé, je m'exécute. Je sens que je vais passer un très sale quart d'heure. À peine ai-je franchi la porte-fenêtre qu'il me bouscule méchamment d'un coup d'épaule. S'il croit que son geste va me faire quelque chose, lui aussi se plante. Bien au contraire, ça ne fait qu'attiser la noirceur qui me consume. Je serre les poings, prêt à lui en foutre un dans la tronche s'il va trop loin. Savoir Deb seule avec l'autre me fout bien assez les crocs pour laisser passer la moindre pique de son frangin.

— Vas-y, balance, c'est quoi ton putain de problème avec ma frangine ? Je pensais que t'avais tourné la page depuis quelque temps, mais, à mon avis, j'suis très loin du compte.

— Ça te regarde pas !

— Dans la mesure où t'es mon pote et elle, ma frangine, si ça me regarde.

Mon regard planté dans le sien, je tente de lui faire capter qu'il n'obtiendra rien de moi. On reste plusieurs secondes à se fixer sans qu'aucun de nous deux ne lâche l'affaire.

— Putain, ne me dis pas que t'es en train de lui taper une crise de jalousie.

— Sors pas de conneries, mec ! Faudrait déjà que j'éprouve quelque chose pour elle pour être jaloux !

Putain, si je me fous à mentir à mes potes, je suis dans la merde. Surtout qu'il n'a pas l'air d'être dupe, vu comme il se bidonne.

— Cesse de rire, ducon !

— Cesse de me raconter des conneries, McKenzie. On se connait peut-être pas depuis longtemps, mais je suis foutu de reconnaître un gars jaloux. Je suis très bien placé pour ça.

— Et même si c'était le cas, qu'est-ce que ça change ? En le…

— Ah, vous êtes là !

La voix de Lucy me stoppe net. Logan se rend jusqu'à elle en peu de temps tandis que je me tourne dans sa direction. Je devrais être super content de les voir aussi heureux, sauf que ce n'est pas tout à fait le cas. Parce que, moi, je ne pourrais jamais connaître ce genre de bonheur. Écoeuré par l'injustice de la vie, je décide de rentrer. En passant à hauteur de Logan, je m'arrête.

— N'oublie pas que sans moi, tu ne la serrerais pas dans tes bras.

Lucy relève les yeux dans ma direction. Elle a dû sentir le malaise et peut-être même qu'elle se demande ce que je raconte. Parfois, je peux être un sacré con.

— Ça ne va pas, Killian ? J'ai loupé un truc où quoi ? Parce que Deb est en train de pleurer dans sa chambre. Elle n'a rien voulu me dire.

Et merde !

D'un coup d'œil à mon pote, je lui demande son accord pour aller voir sa frangine. Il acquiesce d'un signe de tête.

— Dernière porte au fond du couloir, me précise-t-il alors que j'ai déjà un pied à l'intérieur.

Arrivé à l'étage, j'hésite un instant à frapper à la porte. Puis, je me lance. Je dois vraiment m'excuser de mon comportement de connard. Logan a raison, je suis jaloux de la savoir avec un autre et cette jalousie m'a bouffé les neurones. Pas très à l'aise, j'enfonce mes mains dans mes poches. J'attends qu'elle me dise d'entrer. Comme au bout de plusieurs secondes je n'obtiens toujours rien, je toque à nouveau et entrebaille la porte.

— Je peux ?

Quand elle voit ma tronche, elle s'assoit sur son lit, genoux repliés contre sa poitrine, bras autour.

— Qu'est-ce que tu veux, McKenzie ? Tu ne crois pas m'avoir fait assez de mal ?

Du revers de la main, elle essuie ses larmes.

— Je sais. Je suis un sacré con, mais laisse-moi entrer pour que je puisse m'excuser.

Elle tourne la tête, mais ne répond pas. Alors, j'en profite pour me glisser dans sa chambre et venir m'asseoir à côté d'elle. Elle se décale volontairement pour mettre autant de distance que possible entre nous. Je déteste quand elle fait ça, j'ai besoin d'elle, tout comme je suis convaincu qu'elle a besoin de moi.

— Je… commencé-je.

— Il m'a larguée, t'es content ?

Même si j'en jubile, je me retiens de bondir au plafond.

— C'était un con, il te méritait pas. Tu trouveras quelqu'un de mieux que lui.

— Toi par exemple ? demande-t-elle, acerbe.

Je tourne la tête vers elle, afin de savoir ce qu'elle pense réellement. Elle se contente de fixer le mur face à nous, sans rien laisser transparaître de ses émotions. Je voudrais tellement savoir si c'est vraiment mort entre nous ou s'il y a encore une chance, même infime.

— J'ai pas dit ça.

Elle reste silencieuse plusieurs secondes, sans m'accorder la moindre attention. Quand elle reprend la parole, mon cœur devient fou.

— T'as raison, Killian. Nous deux, c'est pas une erreur, mais…

Fou de joie qu'elle le reconnaisse, je me jette sur elle et lui roule une pelle mémorable jusqu'à ce que nous manquons d'air tous les deux. Mon front contre le sien, je la regarde avec tendresse. Si elle savait comme je me sens bien ici, tout contre elle. Ma place est là, dans ses bras et nulle part ailleurs. Au vu de son joli sourire, je crois qu'elle ressent la même chose que moi, jusqu'à ce que son beau visage se peigne de gravité.

— On pourrait peut-être essayer d'être ensemble. Comme toi et mon frère, vous êtes potes, si tu passes ici, personne ne saura si c'est pour moi ou lui.

C'est une putain de super bonne idée ! Pourquoi je n'y ai jamais pensé, au mieu de vouloir à tout prix la tenir loin de moi ?

— Ouais, on pourrait essayer et voir où ça nous mène, accepté-je un large sourire sur les lèvres.

***********

La soirée de Kim est géniale ou alors c'est parce que Deb et moi sommes ensemble. Je crois que c'est surtout ça qui la rend aussi extra. Quand j'ai débarqué ici, la première chose que j'ai faite, c'est de mettre un terme à mon pseudo-couple avec Sheryl. Maintenant, je suis libre d'être avec la fille que je kiffe, même si on ne s'embrassera pas en public. Cependant, je peux rester à côté d'elle tant que mes gestes ne dépassent pas ceux que j'ai avec Lucy. C'est dur, mais je suis prêt à payer ce prix pour pouvoir être en couple avec elle.

Sur les coups de minuit, Logan vient me trouver pour me dire que ma sœur de cœur se sent fatiguée. Comme on n'a pris que ma caisse, j'ai plus qu'à jouer au taxi pour ramener leurs fesses chez eux. Ça me fait chier, je vais devoir quitter sa frangine pour la nuit.

— Un problème, beau gosse ? me questionne mon ange.

J'ai décidé de garder ce surnom. Je trouve qui lui convient parfaitement, à elle, ma seule lumière dans ma foutue obscurité.

— Lucy est crevée. Ton frangin voudrait qu'on rentre.

— C'est pour ça que tu tires la tronche ?

— J'aurais aimé passer plus de temps avec toi.

Une lueur espiègle illumine son regard. Je ne sais pas à quoi elle pense, mais vu sa façon de me mater, je crois que ça va bien me plaire.

— Mes vieux ne sont pas là, on pourrait dormir ensemble.

C'est clair que ça me plaît, sauf qu'elle a oublié une donne à son équation. On explique ça comment à son frangin ?

— Et Logan ?

— On pourrait mettre Lucy dans la confidence ? Je pourrais t'inviter à prendre un dernier verre, pendant qu'elle l'entraîne dans leur chambre.

Elle a vraiment de la suite dans les idées, j'adore. Si on n'était pas au milieu d'autant de personnes, je lui prouverais, en l'embrassant, combien elle me plaît.

Quelques minutes plus tard, nous sommes tous les quatre à l'extérieur. Un vent fort souffle. Les filles sont obligées de se battre avec leurs cheveux pour qu'ils ne viennent pas leur cacher la vue. Mes doigts effleurent ceux de Debbie alors que nous nous dirigeons vers ma caisse.

Au moment où elle se trouve dans mon champ de vision, une boule d'angoisse m'enserre la gorge. Gabson se trouve là, adossé à ma bagnole, et il semble nous attendre avec impatience… ou plutôt m'attendre, puisque c'est moi qu'il fixe, une lueur démoniaque dans son putain de regard.

— C'est qui lui ? me questionne mon ange.

Plutôt que de lui répondre, j'intercepte son aîné du regard. Je pense qu'il n'a pas besoin de plus pour capter que c'est la merde. Sans lâcher Lucy, il vient prendre sa frangine par les épaules pour l'entraîner à l'écart. Je les suis un instant des yeux jusqu'à ce qu'ils soient assez loin. Ma sœur de cœur ne cesse de mater ce gars. Quelque chose dans ses yeux me dit que sa mémoire est en train de lui revenir. Faut que je fasse vite, avant qu'il ne soit trop tard.

— Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je en me tournant vers Gabson.

Quand il plonge sa main dans son dos, je crains un instant pour ma vie. Putain, faites qu'il ne sorte pas son flingue ! Je souffle de soulagement en voyant le bout de papier qu'il me tend.

— Ce gars en sait trop sur nous, tu dois le descendre.

Un hurlement perce la nuit au moment où je découvre le nom sur la feuille. Lucy. Mon cœur se serre, non pas en raison de ce cri d'effroi, mais parce que ce que je viens de lire me glace les sangs. Ces salopards veulent que je tue le procureur. Le père de Deb.

Putain, c'est pas possible ! Tout sauf ça !

— Si tu ne le fais, elle y passe ! me menace-t-il en me désignant Debbie du menton.

Putain ! Je suis dans la merde ! Est-ce qu'il sait ce salopard que le gars en question est son père ? Si je le tue, ça reviendra au même que si je la tuais, elle ne s'en relèvera pas. Et mon pote ? Ma sœur ? Bordel, pourquoi lui ?

Je n'y arriverai jamais. Je ne peux pas leur faire ça, pas après ce qu'ils ont vécu. Non, impossible !

Je pose mon regard sur ce connard qui me sourit de manière cruelle. Il sait. Il sait que je n'y arriverai pas, putain ! J'ai l'impression qu'il a une dent contre moi et que c'est pour ça qu'il me fout dans cette merde sans nom.

— T'as trente jours pour le faire, pas un de plus.

Sur ces dernières paroles, il se casse vers sa bécane.

Mon cerveau fonctionne à mille à l'heure pour trouver une putain de solution. La seule que je vois, c'est de me foutre en l'air avant le délai. Ils ne pourront plus rien faire. Au final, c'est peut-être bien ce qu'ils attendent. Un des leurs est mort par notre faute, un des nôtres doit crever pour rétablir l'équilibre. Je refuse que ce soit mon ange et je ne serai jamais foutu de lui faire du mal en retirant la vie à son daron. Ça ne peut être que moi, elle sera blessée, mais elle s'en remettra. Son frangin et Lucy seront là pour l'aider à se relever quand je ne pourrais plus le faire.

Désolé, mon ange, mon choix est fait.

Tess… attends-moi, j'arrive.

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