52 - Lucy

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Depuis que nous avons quitté l'hôpital, nous ne faisons que rouler. J'ai eu beau demander à Logan où il m'emmenait, seul son sourire énigmatique m'a répondu. Bon, je ne vais pas dire que je ne craque pas devant sa fossette qui se creuse, néanmoins j'aurais bien aimé qu'il se montre un peu moins mystérieux. Surtout qu'on s'est promis de ne plus jamais rien se cacher.

Les yeux fixés sur la vitre passager, je regarde le paysage, de plus en plus aride, défiler sous mes yeux. Ici, la nature a repris ses droits. Nous n'avons croisé aucune habitation depuis plusieurs kilomètres. Je ne sais pas du tout où nous sommes, une chose est sûre, c'est que je le suis les yeux fermés, même s'il titille énormément ma curiosité.

— On est bientôt arrivés, m'informe-t-il en pressant ses doigts sur ma cuisse.

Aussitôt, je place ma main sur la sienne. Sa chaleur sur ma peau froide me procure d'agréables picotements sur mon épiderme. Du bout du pouce, je caresse le dos de sa main. Je suis vraiment contente d'être sortie de l'hôpital et de pouvoir être là dans cette bagnole avec lui.

Au moment où le GPS nous indique que notre destination se trouve sur la gauche, je tourne la tête. À une centaine de mètres s'élèvent un ranch au couleur du Nouveau-Mexique. Cet endroit, je le connais. Pourtant, il me faut un très long moment pour réaliser le lieu où il m'a amenée. Nanny. Dès que mon esprit évoque cette femme aux traits doux et au sourire rayonnant, un flot de souvenirs m'envahit. La dernière fois que je l'ai vue, je ne devais pas avoir plus de neuf ans.

— Tu m'as vraiment emmenée chez Nanny ?

Un large sourire se dessine sur ses lèvres pendant qu'il hoche la tête. Nous ne serions pas dans cette voiture, je me jetterais à son cou tant je suis heureuse.

— J'ai eu ton père au téléphone pendant que t'étais à l'hôpital. J'avais complètement oublié l'existence de ta grand-mère jusqu'à ce qu'il m'en parle. Je l'ai ensuite appelée et elle m'a dit qu'elle serait super heureuse de te revoir. Qu'elle n'avait jamais voulu mettre de la distance entre vous, m'explique-t-il alors que nous nous engageons sur son terrain.

Il a à peine le temps de couper le contact que je pose mes mains sur ses joues pour le forcer à me faire face. Folle de joie, je me jette sur sa bouche pour lui prouver ma gratitude. D'abord surpris, il ne réagit pas, puis après quelques secondes de flottement, il glisse sa main sur ma nuque pour me rapprocher de lui et m'embrasser jusqu'à ce qu'un léger gémissement franchisse mes lèvres. À bout de souffle, il pose son front contre le mien et me sourit, de ce genre de sourire qui fait battre mon cœur un peu plus vite.

— Prête ?

Je tourne la tête vers le perron sur lequel se trouve ma grand-mère avant d'acquiescer d'un mouvement du chef.

Quand je quitte la voiture, je ne peux pas m'empêcher d'observer cette femme qui m'a tellement manqué. Elle a pris quelques années, mais son sourire est toujours bienveillant. Je ne sais plus vraiment pour quelles raisons, nous nous sommes perdues de vue. Du moins, à la voir les larmes au bord des cils, je me demande si ce que m'a dit ma mère est vrai. Selon elle, Nanny refusait de me voir, trouvant que j'étais une gamine horrible, bien que je me sois toujours montrée polie et correcte avec elle.

Encore affaiblie, je m'avance tant bien que mal dans sa direction, en titubant à plus d'une reprise. Logan doit s'apercevoir de mon état, puisqu'il accourt jusqu'à moi.

— Encore besoin que je te porte, bébé ?

Il fait référence à ma sortie de l'hôpital où, trop faible pour traverser le parking, il m'a soulevée dans ses bras pour me porter jusqu'à sa voiture.

— Ton bras devrait me suffire.

— Dommage, me taquine-t-il, avant de me le tendre.

Aidée par mon chéri, je franchis les quelques mètres qui me séparent de ma grand-mère. Je n'arrive toujours pas à croire que je sois là, devant elle. Elle m'a tellement manquée durant toutes ces années. Au moment où je ne suis plus qu'à quelques pas d'elle, elle m'ouvre ses bras pour m'inviter à m'y réfugier. Mes larmes se déversent sur mes joues tant je suis ravie, ce moment est l'un des plus beaux de ma vie. Elle m'étreint un long moment, avant de me repousser légèrement pour pouvoir me regarder.

— Laisse-moi te contempler, mon petit poussin.

À ce surnom, Logan ricane dans mon dos, mais je ne laisse pas ce son agréable me perturber.

— Vous en avez de la chance, jeune homme. Regardez comme ma petite-fille est devenue une très jolie jeune fille.

Logan vient se coller dans mon dos et la tête posée sur mon épaule, il lui répond :

— J'en suis conscient, madame.

Nanny lui lance un sourire bienveillant, avant de nous inviter à entrer. Dès que je franchis la porte, une délicieuse odeur m'envahit et réveille des souvenirs d'une époque révolue depuis longtemps. Moi, enfant, courant vers ma grand-mère pour qu'elle me fasse goûter ce qu'elle avait concocté spécialement pour moi. Son regard rempli d'amour, elle me tendait une cuillère que je m'empressais de porter à la bouche. Elle a toujours eu un don pour la cuisine, visiblement, vu ce que je sens, ça n'a pas changé. Si seulement j'avais pu continuer à venir la voir, je suis certaine qu'elle aurait pu me transmettre sa passion, malheureusement ma génitrice en a décidé autrement.

Mes doigts enroulés à ceux de Logan, j'avance dans ce petit salon aux couleurs chaleureuses. Les murs sont peints en ocre et les meubles sont de couleurs vives. On pourrait presque se croire dans une maison mexicaine tant c'est coloré. Des photos sont disposées ici et là. Une d'entre elles attire plus mon attention que les autres. Un jeune homme super mignon tient un bébé dans ses bras. Même si j'ai du mal à remettre les traits sur le visage de mon géniteur, je sais qu'il s'agit de lui. Nous avons les mêmes yeux.

— Ton père te ressemble, confirme Logan mes pensées.

— Oui, énormément, intervient Nanny.

Au moment où je tourne la tête dans sa direction, j'aperçois un voile de tristesse recouvrir un instant son regard. Néanmoins, elle se reprend si vite que je crois avoir rêvé.

— Vous avez faim ? nous questionne-t-elle.

Logan laisse couler son regard sur moi, avant de relever les yeux vers Nanny.

— Toujours, répond-il.

Par contre, même si je sais que son appétit est insatiable, je ne suis pas certaine que sa réponse était vraiment pour ma grand-mère. D'autant plus qu'il n'arrête pas de me regarder avec cette lueur de désir qui me fait frémir à chaque fois.

— Un problème, mademoiselle Baldwin ?

Choquée de l'entendre m'appeler encore par son nom, je plante mes yeux dans les siens pour lui signifier qu'il n'est plus obligé de jouer à ce jeu. Un large sourire sur le visage, il se penche vers mon oreille, avant de me chuchoter :

— Un jour, tu seras madame Baldwin.

Est-ce que c'est bien ce que je pense ? Est-il en train de me dire qu'il veut se marier avec moi dans l'avenir ? Excitée à cette idée, mon cœur se met à bondir dans tous les sens. S'il me le proposait réellement, je lui dirais oui sans aucun doute. Vu comme je l'aime, je ne peux pas m'imaginer vieillir avec un autre que lui.

— Et je te dirais oui, soufflé-je en ancrant mon regard au sien.

Son sourire s'élargit encore plus tandis que ses yeux me transmettent toutes les émotions qui le traversent à cet instant. Amour. Désir. Tendresse. Et j'en passe. D'un coup, il plaque sa bouche sur la mienne. Ce baiser aussi léger qu'une plume me prouve combien il m'aime.

— Les enfants, pourriez-vous m'aider à finir de mettre le couvert ?

L'intervention de Nanny met un terme à notre échange.

Après avoir tout déposé sur la table, nous nous installons. Le repas se déroule de la meilleure des façons, j'en oublie tout le passé que j'ai vécu avec ma mère. Tout le mal que cet enfoiré m'a fait subir durant plus d'un an. Je prends conscience que j'ai vraiment pris la bonne décision en me rendant chez les Baldwin. J'espère juste que durant mon coma, mon père a changé d'avis, parce que je ne quitterai jamais Logan.

— J'aurais dû me battre pour te récupérer. Si j'avais su que ta mère avait dérivé à ce point, je l'aurais certainement fait, se confie ma grand-mère alors que le repas s'achève. Je suis tellement désolée, Lucy. Tout ça...

— Votre repas était vraiment délicieux, l'interrompt Logan.

Son manque de politesse m'étonne. Depuis quand coupe-t-il ainsi la parole aux adultes et à une personne âgée de surcroît ? Sourcils froncés, je me tourne vers lui pour lui signifier à travers mon regard que ce qu'il vient de faire n'est pas très sympa.

— Merci, répond Nanny comme si cela ne la dérangeait pas le moindre du monde d'avoir été interrompue. Et si nous allions voir les chevaux ? Tu les adorais tellement quand tu étais enfant. Tu sais que Thunder est devenu un magnifique étalon.

Surprise, je hausse les sourcils. Je ne me souviens pas du tout de ce Thunder, ni même à quel point j'aimais ces animaux. Ça fait tellement longtemps que je n'en ai pas approchés. Un souvenir fugace me traverse l'esprit. Je me souviens de ma mère en train de me hurler dessus parce que je m'occupais d'un jeune poulain ici même. Est-ce lui Thunder ?

— J'aimerais beaucoup les voir.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Nous passons les deux heures suivantes dans les écuries à nous occuper de ces magnifiques équidés. Il y en a quatre au total. Nanny m'explique qu'il y eut un temps où elle en avait beaucoup plus et qu'elle dirigeait un centre équestre. Quand nous nous côtoyons encore, elle rêvait de me transmettre son entreprise, mais vu que ma vieille en a décidé autrement, elle a été obligée de mettre la clé sous la porte. Logan écoute avec le plus grand des intérêts.

— Je crois qu'à l'époque, Lu aurait adoré prendre votre relève, même si elle hésitait entre la danse et les chevaux. Je me souviens d'un jour où elle m'a dit qu'elle pourrait peut-être faire d'une pierre deux coups en créant une salle de danse ici.

Je me rappelle exactement de ce jour-là, nous étions tous les deux assis dans sa chambre et jouions avec ses chevaux en plastique.

— Il n'est jamais trop tard pour réaliser ses rêves, réplique Nanny, un large sourire sur les lèvres.

— Je crois qu'aujourd'hui, Lu préférait travailler dans l'édition ou du moins dans le milieu livresque.

Un élan d'amour m'enveloppe, il me connaît si bien. Le cœur battant, je vais déposer un doux bisou sur sa joue, heureuse et folle amoureuse.

— Je t'aime, lui déclaré-je.

Un large sourire se dessine sur cette bouche qui me rend marteau, avant qu'il pose ses lèvres sur ma tempe. Il est si tendre.

Sur les coups de dix-sept heures, nous décidons qu'il est temps de rentrer. J'échange une très longue étreinte avec Nanny, en lui promettant de passer la voir aussi souvent que possible. Je la quitte les larmes au bord des cils, à la fois heureuse et émue d'avoir pu passer mon après-midi avec elle.

— Prenez soin d'elle, Logan, sinon je vous promets un retour de bâton. Malgré mon âge, je suis encore en forme pour me battre.

Les poings dressés devant elle, elle fait mime de le menacer. Logan et moi éclatons de rire en même temps. Si une bagarre devait éclater entre eux, je suis certaine que mon copain en ressortirait vainqueur, même s'il faut toujours se méfier de l'eau qui dort. Nanny pourrait avoir plus d'une ressource dans son sac.

— Ne vous inquiétez pas, madame, j'aime trop votre petite-fille pour lui faire le moindre mal, lui répond-il après avoir retrouvé son sérieux.

Le trajet du retour se passe dans une super ambiance. On chante aussi faux l'un que l'autre, je danse sur mon siège. On s'arrête à plus d'une reprise pour s'embrasser à en perdre la tête. Si je n'étais pas encore fatiguée, je crois même qu'on aurait pu aller plus loin sur cette route déserte qui nous ramène chez lui… ou chez nous, je ne sais pas quel est le terme exact.

Quand nous arrivons, Deb se tient déjà sur le perron. Je suppose que le beau gosse assis à ma gauche l'a prévenue de notre retour.

Je suis à peine sortie de la voiture qu'elle se jette sur moi et me serre très fort contre elle, au point de m'étouffer.

— Oh, doucement avec ma copine ! grogne Logan dans son dos.

— Oh, c'est bon, grand frère ! Je ne vais pas la casser ta copine.

— Ouais, ben doucement quand même !

Les entendre se chamailler me fait sourire. C'est tellement bon de les retrouver tous les deux. Jamais, je n'aurais cru que le retour à la vie puisse être aussi agréable.

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