51 - Logan

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À peine réveillé, je bondis hors de mon lit, surexcité face à la journée qui m'attend. Aujourd'hui est un grand jour. Ce soir, je ne dormirai pas seul, mon amour sera là, allongée sous ma couette, lovée dans mes bras. Six jours que j'attends ce moment où notre enfer refermera ses portes pour de bon, où je pourrais enfin respirer sans avoir à retenir mon souffle. Où aimer ne me sera plus aussi douloureux. Où on pourra reprendre notre vie comme avant ou presque.

Tandis que je farfouille dans mon armoire pour trouver des fringues, un large sourire se plaque sur ma gueule. Jamais, je ne me suis senti aussi heureux qu'à cet instant, hormis, peut-être, le jour où mon coœur a cru exploser de joie en l'entendant me dire ces trois mots magiques. Les mêmes que je lui répète chaque jour en boucle depuis qu'elle se trouve dans cet endroit trop aseptisé.

Jeans noir et t-shirt manches longues bleu électrique en main, je file à la salle de bain me préparer. Alors que je traverse le couloir, j'entends Deb fredonner en bas. Qu'elle soit de bonne humeur me fait super plaisir. Il faut dire que depuis qu'elle sait la vérité au sujet de McKenzie, elle tire une tronche de trois kilomètres. Lui n'est pas mieux, d'ailleurs. Tous les deux souffrent beaucoup et je ne peux rien faire pour les aider. Ça me fait chier pour eux. Ils auraient pu former un beau couple, je crois, si la vie avait été moins chienne avec nous. En tout cas, j'aurais préféré qu'elle sorte avec mon pote plutôt que de voir son assistant flirter tous les jours avec elle. Ce gars, je ne l'apprécie pas beaucoup, McKenzie encore moins, ce que je capte tout à fait. Derrière ses airs de premier de la classe, j'ai l'impression qu'il cache des trucs pas nets et ça me déplaît vraiment. Pour le moment, je ne pense pas qu'ils soient ensemble, alors je laisse faire, mais je surveille quand même d'un œil. Je ne voudrais pas qu'il fasse du mal à ma frangine. On a bien assez souffert de toute cette merde.

Dès que je suis prêt, je descends rejoindre ma famille. Deb finit d'accrocher des ballons de toutes les couleurs sur les murs. Une large banderole avec un bienvenue traverse déjà le salon. Devant cette nouvelle déco, je ne peux m'empêcher de sourire. Elle voulait que la baraque soit un lieu accueillant pour Lu, elle n'a pas raté son coup, même si je ne suis pas certain que ça plaise à ma copine.

Quand je m'approche d'elle, Deb descend de sa chaise et vient me rejoindre.

— T'en penses quoi ? me questionne-t-elle, en s'accrochant à mon bras.

— C'est très... coloré !

Face à ma taquinerie, elle ne peut s'empêcher de bouder, les bras croisés sur la poitrine. Amusé, j'ébouriffe ses cheveux pour la faire râler, tout en éclatant de rire.

— Logan, merde ! rouspète-t-elle en rattachant ses longs cheveux bruns.

Je lui lance un sourire goguenard par-dessus mon épaule, avant d'aller saluer mes parents que j'entends dans la cuisine. Après avoir posé un bisou sur la joue de ma mère et donné un coup viril dans l'épaule de mon vieux, je choppe une gaufre dans l'assiette sur la table.

— On a deux, trois choses à faire, avant d'aller signer les bons de sortie, me fait savoir le daron.

D'un signe de tête, je l'informe que j'ai capté le message et que ça ne me pose aucun souci. Au contraire, je vais pouvoir passer un peu de temps seul avec elle avant que tout le monde débarque.

— Pas de souci, mais si vous pouviez éviter de trop traîner, ça m'arrangerait bien. La grand-mère de Lu nous attend pour le déjeuner.

— On devrait être là sur les coups de onze heures trente, ça te va ?

La grand-mère de Lu vit à une heure d'Albuquerque, s'ils sont là à l'heure dite, on devrait y être sur les coups de midi trente.

— Ouais, c'est parfait !

Après avoir engouffré la gaufre et avalé un jus d'orange, je remonte chercher ma veste aux couleurs du bahut et mes clés de bagnole. Quand je redescends, mon cœur bat vite. Dans moins d'un quart d'heure, je serai au côté de la fille de mes rêves.

Qu'est-ce que j'ai hâte que ce foutu cauchemar s'achève !

Une fois à l'hôpital, malgré mon impatience, je traverse le long couloir jusqu'à la chambre de Lu d'un pas tranquille. Depuis quatre jours, elle a changé d'étage et se trouve désormais en pédiatrie. De jeunes gamins sont assis à même le sol dans une vaste pièce sur ma droite. Un clown tente de leur faire supporter un peu mieux les raisons pour lesquelles ils se trouvent enfermés ici. Un sourire triste se dessine sur mes lèvres en voyant cette petite fille qui ne doit pas avoir plus de quatre ou cinq piges. Son visage tiré me prouve qu'elle est épuisée, pourtant elle tente de sourire comme si tout allait bien. Pourquoi la vie est-elle aussi injuste ? Ce service ne devrait exister pour aucun môme. Qu'ils aient dix-sept ou quatre ans ne changent rien à mon opinion.

Quand j'arrive, je découvre Lu assise dans ce vieux fauteuil, un des seuls meubles de la pièce, la liseuse que je lui ai offerte à la main. Depuis que ses yeux arrivent à faire la bonne mise au point, elle tue le temps en bouquinant. Je suis heureux de voir qu'ils n'ont pas réussi à la détruire totalement. Bon, en vrai, elle ne se souvient de rien de ce qu'elle a enduré. Avec l'accord de l'équipe médicale, j'ai inventé une excuse minable pour expliquer la raison de son coma. Un sale accident de bagnole. Je n'en suis pas fier du tout, mais je n'avais pas le choix. Je n'ai pas le droit d'interférer sur sa mémoire, ordre du psy. De toute façon, je ne vois pas comment j'aurais pu lui expliquer qu'elle avait été kidnappée, séquestrée, battue et violée. J'aurais forcément perdu mes moyens si je lui en avais parlé et ça n'aurait pas été beau à voir. Même pas sûr que j'aurais pu rester ensuite dans la même pièce que moi.

Le jour où elle se souviendra, elle risque de m'en vouloir à mort , mais on n'en est pas là et j'ai le temps de m'y préparer.

Y a intérêt que ce soit dans le plus longtemps possible. Je refuse de la perdre à nouveau.

Appuyé contre le chambranle de la porte, bras et jambes croisés avec nonchalance, je l'observe ou plutôt je la contemple. Depuis qu'elle est dans ce service, elle a repris des couleurs et même si elle ne s'est pas totalement remplumée, ses joues sont beaucoup moins creusées que le premier jour où je l'ai revue, allongée dans ce lit trop moche du service de réanimation. Je souris avec tendresse en voyant qu'elle a enfilé le sweat que je lui ai apporté dans la semaine. Un des miens. J'adore quand elle porte mes fringues, même si j'ai un arrière-goût amer dans la bouche. Ce jour-là aussi, elle portait mon sweat. Pour éviter de replonger en arrière, je m'avance vers elle. Elle est tellement absorbée par sa lecture, visiblement mille fois plus intéressante que moi, qu'elle ne me voit même pas arriver. Sans un mot pour ne pas interrompre cet instant magique, je me place dans le dos du fauteuil et balaie ses cheveux afin de dégager son cou. Au moment où mes lèvres se posent sur sa peau aussi douce que de la soie, elle sursaute.

— Tu m'as fait peur ! me lance-t-elle en se tournant vers moi.

Son large sourire et la lueur pleine d'amour qui brille dans ses yeux me prouvent qu'elle ne m'en veut pas.

— Ça va ? lui demandé-je en contournant le fauteuil pour m'accroupir devant elle.

Elle pose sa liseuse sur ses genoux tandis que je replace une mèche derrière ses oreilles. Ses yeux m'hypnotisent à l'instant où ils s'ancrent aux miens. Il pourrait y avoir une troisième guerre mondiale qu'à cet instant je m'en foutrais royalement. Il n'y a qu'elle qui compte et ses sublimes émeraudes. Elle et le léger sourire qui étire sa bouche. Elle et ses lèvres qui m'attire beaucoup trop. Je crève d'envie d'être enfin dans notre chambre pour lui prouver par des milliers de baisers combien elle m'a manqué. En attendant, je me redresse en enroulant mes doigts autour de son poignet et l'attire jusqu'au lit sur lequel je m'assois. Alors qu'elle est debout entre mes jambes, je laisse glisser mes mains sur ses courbes que je dois réapprivoiser. Un frisson me parcourt les reins quand ses doigts froids se posent sur mes joues. Elle relève mon visage et son regard vient se poser sur mes lèvres. Je dois me faire violence pour repousser le désir ardent qui me consume. Pourtant quand sa bouche se pose sur la mienne, je crois crever tellement c'est bon. Jamais, je ne me lasserai d'elle et encore moins de ce qu'elle me fait ressentir quand elle pose ses lèvres sur les miennes avec cette infinie douceur. Quand elle approfondit notre baiser en laissant sa langue venir à la rencontre de la mienne, je pose mes deux mains sur ses fesses pour l'approcher un peu plus de moi. Lutter contre mon envie d'elle devient de plus en plus dur et je me retrouve très vite à l'étroit dans mon jeans. Elle doit le sentir, puisqu'elle sourit contre ma bouche et s'éloigne légèrement de moi.

— Je ne crois pas que ce soit le bon moment, monsieur le tombeur.

À ses mots un large sourire me fend la gueule, amusé de l'entendre m'appelait ainsi.

— Elle a raison, surtout que je n'ai pas envie d'assister à ce genre de scène.

Surpris par la voix de ma frangine, je tourne la tête dans sa direction. Elle nous regarde, sourcils froncés, comme si nous étions des sales gosses pris en flagrant délit et elle la mère sur le point de nous gronder.

— Qu'est-ce que tu fous là ? grogné-je, pas très content de la voir débarquer à l'improviste.

— Tu ne croyais tout de même pas que t'allais être le seul à profiter de Lucy. Surtout que je ne vais pas la voir avant…

D'un doigt sur la bouche, je lui ordonne de se la fermer. Putain, si elle en rajoute encore, elle va griller ma surprise.

Pas dupe pour un sou, le regard de Lu passe de sa meilleure pote à moi à plusieurs reprises, avant de porter son choix définitif sur moi. Elle a compris que quelque chose se jouait entre Deb et moi et je suis certain qu'elle va me demander d'éclairer ses lumières.

— C'est quoi le problème ?

Bingo ! Je la connais si bien.

— Je ne peux rien te dire, c'est une surprise.

Ses yeux légèrement plissés, elle semble sonder mon âme pour obtenir un peu plus de réponse. Comme je n'ai pas envie d'en dévoiler plus, je reste impassible au possible.

— Ça devrait te plaire, ajouté-je avant de l'embrasser avec douceur.

— Vous êtes vraiment trop mimi tous les deux, mais comme j'ai dit, j'aimerais bien moi aussi profiter de ma meilleure amie. Alors, si tu pouvais la lâcher un peu, ça m'arrangerait bien !

Lèvres contre lèvres, nous sourions tous les deux en entendant Deb grogner. Si elle pense pouvoir nous séparer, elle peut toujours courir. Rien ne peut se mettre entre nous sans notre accord. Pourtant, je prends une sacrée douche froide quand je sens mon amour s'éloigner de moi, sans un mot.

J'ai sûrement dû parler trop vite. Reprenons. Rien ne peut se foutre entre nous, sauf ma frangine.

— Tu n'as pas l'exclusivité, grand frère !

Hargneux, je jette un regard noir sur Deb.

Sans se départir de son sourire victorieux, elle serre Lu dans ses bras. Si c'était un gars, je crois que je serais jaloux de cette proximité. Là, ce n'est pas le cas, alors je souffle un bon coup et m'allonge sur le dos, les bras croisés sous la tête, en attendant que ma copine décide de revenir vers moi. De toute façon, tôt ou tard, elle le fera, j'en suis convaincu. Sa place est dans mes bras, pas dans ceux de ma sœur, encore moins ailleurs.

Depuis plusieurs minutes, j'écoute d'une oreille distraite ma frangine raconter les derniers potins du bahut. Lu semble pendue à ses lèvres, comme si tout cela révélait d'une réelle importance. Pourtant, elle n'a jamais apprécié ce genre de conneries. Est-ce qu'elle le fait pour se raccrocher à la réalité ? Aucune idée. En tout cas, ça commence à me gonfler de la voir si loin de moi. Lassé de cette foutue situation où je suis en train de me faire voler l'amour de ma vie par ma frangine, je me lève et vient me placer dans son dos. Mon torse tout contre elle, j'enroule mes bras autour de sa taille. Malgré notre proximité, elle continue de discuter avec Deb comme si je n'existais pas. Pour lui rappeler un peu plus ma présence, je dégage sa nuque et pose mes lèvres dans son cou. À mon contact, je la sens frissonner.

— Sérieux, Logan, tu ne peux pas la lâcher un peu ? gronde Deb.

Je lève les yeux vers elle, un large sourire sur la gueule.

— Jamais !

Puis, je me penche un peu vers Lu, afin de pouvoir murmurer pour elle seule.

— Je suis trop dingue de toi pour te lâcher une seule seconde.

Elle se retourne aussitôt afin de me faire face, pose ses lèvres sur les miennes, avant de souffler tout contre ma bouche :

— Moi aussi, je suis folle de toi.

Ses joues prennent cette couleur qui me rend dingue tandis que mon pouls s'emballe. Depuis son réveil, je lui ai déclaré chaque jour mes sentiments pour elle, mais c'est la première fois qu'elle m'avoue les siens en retour. Tant pis pour ma frangine, là, je suis trop perché sur mon nuage pour laisser passer sans réagir. Ma bouche s'abat sur la sienne et je la galoche jusqu'à la sentir défaillir entre mes bras.

— Ça devient vraiment gênant là ! grogne ma frangine.

Elle pourra dire ce qu'elle voudra, je m'en tape. Je suis trop heureux pour qu'elle puisse m'atteindre.

Sur les coups de onze heure trente, mes vieux débarquent dans la chambre. Les papiers sont signés et enfin, Lu peut quitter cet endroit. Enfin, nous allons pouvoir à nouveau vivre. Enfin, je vais pouvoir l'aimer sans retenir ma respiration à chaque seconde.

Aujourd'hui, je suis le gars le plus chanceux de l'univers et je vais le prouver chaque jour à la fille de mes rêves, en commençant par l'emmener chez sa grand-mère. Cette femme qui a beaucoup compté dans son enfance, mais qu'elle n'a pas pu revoir depuis des années à cause de sa daronne.

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