43 - Killian/Debbie

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Killian

Depuis plusieurs minutes, je fixe mes Bauers, sans vraiment m'en approcher, comme s'ils allaient m'exploser à la tronche si j'avais le malheur de poser mes doigts dessus. Du moins pas vraiment eux, mais plutôt les foutus souvenirs qui s'y rattachent. Après avoir raccroché ma place de capitaine, je les ai enfermés dans ce carton, pour ne plus jamais penser à lui. Mon coéquipier. Mon pote. Mon frère. Le connard qui a brisé ma frangine au point de lui ôter la vie. C'est de sa faute si j'hésite à remonter sur la glace aujourd'hui. Ce salopard m'a tout pris. Ma frangine et mon rêve de sortir de la rue. À cause de lui, je ne deviendrai jamais pro.

Mes deux mains sur la tronche, je tente de faire abstraction de ses sales pensées. Ce n'est pas le moment qu'elles viennent s'ancrer en moi, j'ai autre chose à foutre, dont un rencard à honorer.

Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter, putain ?

Hier soir, alors que je bricolais sur une des caisses au garage, une brunette un peu trop sexy a tout fait pour me convaincre de lui montrer comment je me démerdais avec des patins aux pieds. Je ne sais pas quelle mouche m'a piqué, mais j'ai fini par lui répondre oui. Vu la semaine merdique qu'elle a passée et après l'annonce de la mort de Chris, je ne me voyais pas lui dire non. D'autant plus que ce sera sûrement la dernière fois qu'on se verra. À compter de ce soir, je ne serai plus en droit de m'approcher d'elle. Là où je vais, il n'y a pas de place pour les sentiments. Va falloir que je redevienne ce gars, froid, cruel, sans cœur pour leur prouver ce que je vaux. Toute la semaine, je n'ai pas cessé d'y penser. Je suis même descendu à plusieurs reprises dans les bas-quartiers, très tard dans la nuit. J'ai également acheté de la weed, non pas pour la fumer, mais pour pouvoir parler à leurs sbires. Ces cons sont un peu trop bavards. Si leur chef apprend tout ce qu'ils m'ont balancé, à mon avis, ils sont plus que mal.

Mon portable vibre dans ma poche, m'annonçant l'arrivée d'un message. Un sourire débile se plaque sur ma gueule en découvrant l'expéditeur.

Tu passes me prendre à quelle heure, BG ?

Quand elle m'appelle comme ça, j'ai l'impression de lui plaire et ça me fait un drôle de truc dans le bide. Pourtant, il ne vaut mieux pas que j'y songe. Après notre sortie, on ne se verra plus, alors à quoi bon s'arrêter sur cette émotion bizarre.

Dans une demi-heure, ça te va ?

Parfait.

Sa réponse est suivie d'un smiley en forme de coeur de couleur rose avec des étoiles jaunes. Est-ce que pour elle ça signifie quelque chose ? Je rêve un instant que ça puisse être le cas, avant de secouer la tête pour me remettre mes putains d'idées en place. Elle et moi, c'est mort. Et elle n'a plutôt pas intérêt de me prouver qu'elle en pince pour moi, parce que sinon je serai obligé de lui mettre un vent. Et rien que de l'imaginer, ça me fout les boules.

Comme je n'ai qu'une parole, je finis par sortir mes Bauers de leur carton et les balance dans mon sac de sport.

Une demi-heure plus tard, comme convenu, je me gare devant chez les Baldwin. Je sors de ma caisse et me rends jusqu'à la porte. Après avoir frappé, j'attends qu'on vienne m'ouvrir, les mains dans les poches. Les secondes s'écoulent un peu trop lentement. Quand ma patience se fait la malle, je toque une nouvelle fois.

Lorsque le battant s'ouvre enfin, mon cœur prend une drôle d'allure. Ce con s'excite tout seul devant cette jolie brunette au sourire enjôleur. Je la détaille un instant du regard, avant de relever la tête. Ses yeux couleur océan happent aussitôt les miens et je n'arrive plus à m'en détacher.

Putain, je suis dans la merde !

— Salut, me lance-t-elle, rayonnante.

— Salut. J'ai cru que tu ne voulais plus me voir, la taquiné-je.

Au froncement de ses sourcils, je réalise qu'elle ne capte pas vraiment mon allusion.

— J'ai frappé deux fois, lui expliqué-je, en désignant la porte du menton.

Embarrassée, elle plante ses dents dans sa lèvre. Mon regard se braque aussitôt dessus et j'en viens à me demander quel goût elles ont.

Bordel, pourquoi elle fait ça ?

— Disons que j'étais occupée à parler avec mon grand frère.

Je plonge mes yeux dans les siens, pas très certain que ce soit une bonne chose.

— Il est là ? Besoin que je le refoute en place, ce p'tit con ?

— Ouais, il est là et il entend tout ! me lance mon pote.

Aussitôt, je relève la tête vers lui. Un verre de flotte à la main, il affiche un petit sourire. Heureux de voir qu'il ne va pas trop mal, malgré les cernes qui lui bouffent la moitié de la tronche, je demande à travers mon regard la permission à Deb de me laisser entrer. Dos à la porte, elle la pousse un peu pour me laisser assez de passage. J'avance droit sur son frangin et lui tend mon poing pour le saluer.

— Content de voir que Tundermann t'a remis sur pied !

Je suis au courant que son coach devait passer ce matin, Debbie m'en a parlé juste après son entretien avec lui. Elle m'a dit également qu'il était furax d'apprendre que l'un de ses meilleurs joueurs étaient en train de dérailler grave. Je ne connais pas ce type, mais s'il est du même genre de celui que j'avais, Logan a dû sacrément ramassé.

— Ouais. Par contre, je me serais bien passé de sa manière de me réveiller.

— Je t'avais prévenu, mais tu n'en as fait qu'à ta tête, intervient Debbie.

Le son de sa voix m'attire. Quand je me retourne vers elle, elle affiche un doux sourire et mes lèvres lui répondent en retour.

— Attends, Deb, c'est lui ton rencard ?

Quoi ? J'espère qu'elle ne lui a pas sorti une telle connerie. Ouais, bon d'accord, c'est peut-être un rencard. Enfin, j'en sais rien, mais la réaction de mon pote m'inquiète.

Je fais volte-face vers lui, afin de tenter de savoir où je fous les pieds.

— Je ne t'ai jamais dit que j'avais un rencard, grogne la jolie brune.

Logan lève les yeux au ciel en entendant sa frangine se défendre.

Qu'est-ce qu'elle a été lui dire ?

— Tu ne m'as peut-être rien dit, mais je ne suis pas con, tes joues ont parlé pour toi !

Est-ce que ça signifie vraiment ce que je pense ? Putain, si c'est bien le cas, il va falloir que je la recale et ça me fait chier d'avance.

Perdu dans mes pensées, je ne vois pas mon pote s'approcher de moi. Ce n'est qu'au moment où il pose sa main sur mon épaule que je me rends compte qu'il se tient tout près. Quand je relève les yeux dans sa direction, il a pris un air grave que je déteste. Celui d'un grand frère qui n'acceptera pas qu'un gars tourne autour de sa frangine.

— Si tu fais le con avec elle, t'es mort !

— Si t'avais été présent pour elle ces derniers jours, tu ne serais peut-être pas là en train de me menacer !

C'est bas, j'admets. D'ailleurs au vu de ses mâchoires crispées et de son regard meurtrier, je sais que je viens de lui planter une lame là où il est déjà bien trop détruit.

— Je ne déconne pas ! grogne-t-il.

— On est en train d'inverser nos rôles, c'est bien ça ? lui réponds-je avec nonchalance.

Un voile de tristesse recouvre un instant son regard. Putain, je suis le roi des cons ! Lui rappeler ma sœur de cœur alors qu'il vient tout juste de se remettre sur les rails est la pire chose que je pouvais faire.

— Contrairement à toi, je n'irais pas jusqu'à embrasser ma frangine pour te faire chier.

— Pour rappel, Lucy n'est pas vraiment ma sœur.

— Ouais et t'aurais peut-être mieux fait de sortir avec elle !

Ahuri, mes yeux deviennent aussi ronds que des billes. Comment peut-il me sortir une telle connerie ?

— T'es pas sérieux, mec ?

Seul son sourire triste me répond. Je capte alors où il veut en venir, si j'étais sorti avec elle, il aurait continué à la détester et ne serait pas là à douiller comme un malade. Ce qu'il oublie, c'est que derrière sa haine se planquait ses véritables sentiments. Et que, même si je m'étais foutu en couple avec elle, ça n'aurait rien changé à ce qu'il ressent aujourd'hui.

— Ta frangine et moi, on sort à la patinoire, ça te branche de venir avec nous ?

Pris au dépourvu par mon changement de sujet, il me scrute un instant, avant de hausser les épaules.

— Je suis mort, je ferais mieux d'aller pioncer un peu.

— Ok, mais toi et moi, on sort demain. Pas moyen que tu refuses.

J'ai une petite idée de ce qu'on pourrait faire ensemble. Mardi, un gars m'a parlé de courses de bagnoles qui se tiennent le dimanche après-midi. Ça devrait lui plaire. Après tout, il n'est pas si différent de moi. On adore tous les deux avoir les veines brûlées par l'adrénaline Comme beaucoup de footballeurs ou hockeyeurs.

— J'ai pas trop la tronche à faire quoi que ce soit en ce moment.

— J'te laisse pas tomber, Baldwin. Donc, t'as pas le choix. Demain quatorze heures devant chez toi.

D'un simple regard, je le défie de me sortir l'inverse.

— J'te promets que tu vas adorer, ajouté-je pour le convaincre.

— Tu devrais accepter, intervient sa frangine.

À deux contre lui, il ne va pas pouvoir faire grand-chose. Vaincu, il lève les mains, paumes tournées vers le plafond.

— Demain, quatorze heures alors, me lance-t-il avant de rejoindre les escaliers.

À peine a-t-il disparu de ma vue que je sens des lèvres douces se poser sur ma joue. Étonné, je me retourne vers ma petite brunette.

Quoi ? Je viens vraiment d'utiliser « ma » pour parler de la frangine de mon pote ? Je déconne grave là.

Son sourire timide fait faire un drôle de looping à mon cœur.

— Merci.

J'arque un sourcil, pas très certain de capter pourquoi elle me remercie.

— Pour ce que tu fais pour lui.

Souriant, je dépose un baiser sur le sommet de son crâne, avant d'enrouler mes bras autour de ses épaules.

— Toujours envie de me voir patiner ?

Elle hoche simplement la tête.

— Alors, allons-y.

Peu de temps après, je suis en train de chausser mes Bauers. La sensation qui m'envahit est étrange. J'avais presque oublié ce que c'était que de les avoir aux pieds. Debbie est assise à mes côtés en train d'enfiler les patins loués pour l'occasion. Je lui jette un regard sur le côté pendant qu'elle attache ses lacets.

Putain, qu'est-ce qu'elle est belle ! Je vais vraiment avoir du mal à la rayer de ma vie.

— Pourquoi tu me mates encore ? J'ai quelque chose sur la tronche ou quoi ?

— Quoi ? demandé-je surpris qu'elle ait pu me capter.

— T'as cru que je ne te voyais pas ou quoi ?

— En même temps, si tu m'as vu, c'est que tes yeux devaient être posés sur moi.

À la rougeur de ses joues, je sais que je ne me suis pas planté.

— Peut-être un peu.

Totalement grillée, elle n'ose plus affronter mon regard et moi, je me marre comme un con.

Vexée, elle se plante sur ses patins, bras croisés sur la poitrine.

— Pourquoi tu rigoles ?

— Parce que t'es marrante.

Elle me foudroie du regard, avant de se barrer en direction de l'arène. Je mate un instant son petit cul, puis décide de la suivre.

Putain, elle risque de me foutre à ses pieds, avant même que je m'en rende compte. À moins que je sois déjà atteint.

L'odeur de la glace embaume mes narines aussitôt que je passe les portes à double battant. Les yeux fermés, je me laisse envahir par le plaisir que le froid me procure. Ça fait tellement de mois que je n'ai rien ressenti de tel.

— Bon, McKenzie, t'as décidé de dormir debout ou t'as la trouille de patiner ?

Je rouvre aussitôt les paupières, pour venir poser les yeux sur la petite brune qui vient de me faire rire encore une fois.

Elle va me tuer avec son adorable caractère.

— Tu sais que tu parles à un ancien hockeyeur, là ?

— Ben, prouve-moi ce que tu vaux !

Un sourire accroché sur mes lèvres, je monte sur la glace. Le peu de monde qui se trouve ici va me permettre de lui en foutre plein la vue. À peine, les pieds dessus, je m'élance. Je prends rapidement de la vitesse. Mes patins crissent et envoient de la glace autour de moi. J'avais oublié à quel point c'était bon. Je slalome entre les quelques patineurs du dimanche, qui râlent sur mon passage.

Après plusieurs minutes, je rejoins Debbie. Je lui tourne plusieurs fois autour comme si elle était un simple plot. Amusée par mon attitude, elle éclate de rire.

— Arrête, tu me donnes le tournis, s'esclaffe-t-elle.

Je freine brusquement pour m'arrêter à quelques centimètres d'elle.

— T'es dingue !

Face à son intonation, un large sourire me fend la gueule.

— Bon, alors comment je me débrouille ?

Le doigt sur ses lèvres, elle semble entrer dans une profonde réflexion.

— Je pensais qu'un hockeyeur patinait bien mieux que ça !

Attends, elle vient de dire quoi là ? Sérieusement ? Je sais que je ne suis pas à mon meilleur niveau, mais quand même !

— Vraiment ? demandé-je en plongeant un regard intense dans le sien.

Elle hausse les épaules… Et, putain, pourquoi elle joue encore avec ses lèvres, là ? Ça me donne trop envie de poser ma bouche dessus. Dans un léger élan, je réduis l'écart entre nos deux corps sans cesser de fixer l'objet de mes tentations.

— Arrête de faire ça avec tes lèvres !

Mon pouce vient se placer dessus pour les caresser avec délicatesse.

Putain de bordel de merde, à quoi je joue ? Je ne suis pas en droit de faire ça ! Si elle en a autant envie que moi, ce que je vais faire ensuite risque de la foutre à terre. Je dois me barrer avant qu'il ne soit trop tard.

Comme brûlé, je me recule rapidement et quitte la glace tout aussi vite.

Assis dans les vestiaires, je me prends la tête entre les mains. Qu'est-ce que je m'apprêtais à faire, bordel ? Je dois sauver Lucy, pas me laisser prendre au piège par sa meilleure pote.

— À quoi tu joues, McKenzie ?

Je tourne légèrement le crâne dans sa direction. À son regard meurtrier, je sais qu'elle n'a pas du tout apprécié que je me casse sans rien dire.

— J'allais faire une connerie.

Elle hausse un sourcil, médusée.

— De quoi tu parles ?

Je détourne les yeux sur le mur en face de moi.

— T'embrasser... Ça aurait été une connerie.

— J'en avais envie aussi.

Putain, mais pourquoi elle me sort ça ? Je suis déjà bien trop tiraillé entre ce que je ressens et ce que je dois réellement faire, pour qu'elle me balance un truc pareil.

Les yeux de nouveau sur elle, je la fixe, sans vraiment savoir quelle réponse je cherche à déceler dans son regard magique.

— Vraiment, souffle-t-elle en venant s'accroupir devant moi.

Je détourne la tête pour ne pas me laisser tenter. Si je ne me retiens pas, je ne pourrais jamais sauver Lucy et c'est ce qui compte le plus, putain.

Ses deux mains sur mon visage, ma jolie brunette me force à lui faire face. Ses prunelles me laissent clairement capter qu'elle le désirait réellement. Fais chier ! Je ferme les yeux pour ne plus avoir à affronter ce foutu regard qui me rend dingue. J'aurais dû la laisser seule quand toute cette merde est arrivée. Après tout, nous n'étions pas vraiment pote et voilà qu'en une semaine, je me retrouve à lutter contre les battements de mon putain de cœur.

Quand je rouvre mes paupières, j'attrape ses mains pour les retirer de ma tronche. Ce que je suis sur le point de lui dire ne va pas lui plaire, mais je n'ai pas le choix. Je pense encore un instant à ma sœur de cœur, avant d'ouvrir ma bouche.

— On ne peut pas être ensemble.

Un voile de tristesse recouvre son regard, avant qu'elle ne se redresse et recule de quelques pas. Les lèvres pincées, elle continue à me mater. Pas besoin de plus pour capter qu'elle est blessée et je m'en veux. Elle n'avait pas besoin de ça en plus de toute la merde qu'elle vit.

Un lourd silence s'abat entre nous, seulement interrompus par les voix de ceux qui se trouvent sur la glace.

Pour ne plus voir combien je lui ai fait du mal, je baisse la tête et entreprend de délacer mes Bauers. De toute façon, après ce que je viens de lui balancer, je ne crois pas qu'elle ait envie de rester avec moi. Alors, autant refoutre mes Converses.

— Pourquoi ? finit-elle par me demander au bout d'un moment. J'ai cru que je te plaisais, mais visiblement, je me suis trompée.

Elle me plaît, oui. Un peu trop même.

Plutôt que de lui répondre, je secoue la tête. Les raisons, je préfère qu'elle les ignore.

— Fous tes godasses, je te ramène.

Les bras croisés sur la poitrine, elle me mitraille de ses beaux yeux. Visiblement, elle ne va pas me laisser m'en sortir comme ça.

Si elle a décidé de faire sa chieuse, très bien, qu'elle le fasse, ce n'est pas pour autant que je vais me laisser faire.

— T'as pas envie ? Bien, démerde-toi pour rentrer.

Je me lève, fous mon sac sur mon épaule et me barre en direction de la sortie. Dans une autre vie, elle et moi, on aurait pu tenter quelque chose, mais là c'est mort.

— Est-ce que c'est à cause de Logan ? me questionne-t-elle alors que je suis sur le point de pousser la porte. Parce que si c'est le cas, je te jure que je vais le remettre à sa place ! Il n'a pas le droit de se foutre entre nous. Je ne lui ai rien dit, moi, quand il s'est mis en couple avec Lucy !

Je lui adresse un triste sourire et secoue la tête.

— Ça n'a rien à voir.

Sur ces paroles, je la laisse en plan et rejoins ma caisse garée au fond du parking. À peine l'ai-je atteint que je vois celle qui fait battre bizarrement mon cœur débouler à toute allure. Je n'ai pas le temps de la déverrouiller qu'elle m'attrape par le bras et me force à lui faire face. Une drôle de lueur brille dans son regard. Quelque chose me dit qu'elle a réussi à capter mes intentions. Comment ? Je n'en ai aucune idée, surtout que je n'ai jamais abordé mes projets avec elle.

— Où tu vas ?

— J'me casse, c'est tout.

Sa grimace ne me laisse aucun doute. Elle n'apprécie pas du tout mon attitude. Elle m'observe un long moment comme si elle m'étudiait. Son regard pénétrant me fout mal à l'aise. Pour ne pas perdre la face devant elle, j'enfonce mes mains dans les poches de mon fut.

— Si ce n'est pas Logan, alors quoi ?

Pourquoi elle ne me lâche pas avec cette histoire, putain ? Je n'ai aucune envie de lui en parler, parce que si je le fais, je suis presque certain qu'elle va tout faire pour m'en empêcher.

— Ce n'est pas ton problème !

Mon ton mordant la fait reculer d'un pas.

Debbie

Je n'arrive pas à comprendre ce qui lui arrive. Si ce n'est pas à cause de mon frangin, alors c'est quoi ? Qu'est-ce qui l'empêche d'être avec moi ? Est-ce qu'il est déjà en couple ? Est-ce que c'est elle qu'il est allée voir le week-end dernier ?

Peu importe.

Par contre, la façon dont il vient de me parler ne me plaît pas du tout. S'il pense pouvoir s'en sortir à si bon compte, il se goure complètement. L'index pointé en avant, je me rapproche de lui et me mets à tambouriner sa poitrine.

— Tu te plantes, McKenzie ! Dans la mesure où tu viens de me foutre un vent, je pense que c'est mon problème aussi. Donc, j'aimerais bien comprendre pourquoi.

Il lève les yeux au ciel et souffle un long coup.

— Tu sais que t'es chiante quand tu t'y mets !

Ouais, peut-être, mais il ne faut pas qu'il oublie que je travaille au sein du journal et que ce n'est pas en fermant ma gueule que j'obtiens des réponses pour mes articles.

— Je veux juste que tu me dises pourquoi, c'est pas compliqué si ?

— C'est vraiment ce que tu veux ?

Je plante mes iris dans les siennes et opine du chef. À travers ses yeux, je sais que ça lui coûte de m'en dire plus. Sans que je m'y attende, il me repousse pour s'éloigner de moi. Je le suis du regard tandis qu'il fait les cent pas devant moi, sa main posée sur son avant-bras droit. Je sais qu'à cet endroit, en-dessous de son blouson, se planque le tatouage qu'il s'est fait faire en mémoire de sa sœur.

— Oui, c'est vraiment ce que je veux ! lui lancé-je pour qu'il me sorte enfin ce qu'il a sous le crâne.

Il s'arrête net, reste quelques secondes figé, avant de se tourner dans ma direction. Quand ses yeux aussi sombres que la nuit viennent se planter dans les miens, mon pouls s'emballe. Avec lui, c'est toujours ainsi. Je sais qu'il me plaît, même si j'ignore à quel point.

— Je ne peux pas t'embrasser, parce qu'une fois que je t'aurais ramenée, on ne pourra plus se voir.

Quoi ? Pourtant, il a bien proposé à Logan de passer le prendre demain ? Je n'ai pas rêvé, si ? Sidérée, j'écarquille les yeux.

— Tu repars à Boston ?

Les yeux fixés sur ses baskets, il secoue la tête. Je capte rien de chez rien, bordel ! Je réfléchis à toute allure pour trouver le moindre indice qu'il pourrait avoir laissé traîner au cours de la semaine. Je sais qu'il m'a rabâché qu'on retrouverait Lucy et certainement en même temps le connard qui a tué Chris. Il m'a aussi promis que Logan finirait par retrouver le sourire. Comment était-il quand il m'en parlait ? L'étrange lueur dans son regard me revient en mémoire comme un flash. Il semblait résigné. Bordel, oui, c'est ça, c'était de la résignation. Mais, à faire quoi ?

— Ne me dis pas que…

Savoir qu'il est peut-être sur le point de faire une connerie m'empêche de continuer ma phrase.

Il relève la tête et attend, ses yeux plantés dans les miens, que j'achève ma phrase.

— Killian, comment as-tu l'intention de redonner le sourire à mon frangin ?

À nouveau, il me fuit en tournant la tête.

— En la retrouvant.

Ça veut dire quoi ça ? Si les flics et le FBI ne sont pas foutus de mettre la main sur elle, comment, lui, peut-il y parvenir ? La seule solution serait d'infiltrer le gang pour pouvoir s'approcher de Gabson et encore !

Attends, qu'est-ce que je viens de dire ? Non, non, non ! J'espère qu'il ne pense pas à ça ! Si c'est le cas, il a complètement perdu la tête, encore pire que Logan !

Atterrée, je plaque mes mains sur ma bouche et secoue la tête sans relâche.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Ne me dis pas que t'as l'intention d'aller les rejoindre ?

Il hausse les épaules comme s'il s'en fichait royalement.

Putain, mais qu'est-ce qu'il a sous son foutu crâne ?

— Ce ne serait pas si dramatique que ça. Je sais déjà ce qui m'attend là-bas.

Furax, qu'une telle pensée n'ait pu, ne serait-ce, que l'effleurer, j'avance vers lui d'un pas décidé, avant de claquer ma main sur sa joue violemment. Est-ce qu'il a pensé à ce que moi je pourrais ressentir en le perdant lui aussi ?

— Pourquoi t'as fait ça ? demande-t-il en se tenant la joue.

— Pour te remettre les idées en place. T'as pas le droit de faire le con, McKenzie. Je te l'interdis !

Il se mord la joue, tout en me fixant de ce regard que je déteste, car il me montre à chaque fois combien son passé le brise.

— Tu ne comprends pas, Debbie ! Je ne peux pas laisser Lucy entre leurs mains. Je ne veux pas la perdre. La mort de Tess me hante encore beaucoup trop pour que je puisse rester les mains dans les poches, sans rien foutre !

— Et moi ? Tu penses à moi ?

Il pince ses lèvres et glisse une main dans ses cheveux. Il a l'air si vulnérable à cet instant que mon cœur se serre douloureusement. Je ne peux pas le laisser se noyer sous le poids de ses secrets sans réagir. Alors, sans attendre, je franchis la distance qui nous sépare et enroule mes bras autour de sa taille pour l'attirer contre moi. Durant plusieurs secondes, j'attends qu'il fasse quelque chose. Mon cœur bat à vive allure alors que je me demande s'il va me rejeter, rester figé ou accepter ma présence. Ma patience est à son comble quand il prend enfin la décision de glisser une main dans mon dos et de me serrer fort contre lui. Son corps est alors parcouru de spasmes. Il pleure.

— Laisse-moi me racheter, s'te plaît, sanglote-t-il.

Je ne sais pas quoi lui répondre, je ne connais pas son histoire. Cependant, je sais que si j'accepte, il va faire la plus belle erreur de sa vie. On ne sort de ce gang qu'entre quatre planches.

— Mon père m'a dit qu'ils étaient sur une piste sérieuse. Ils vont la retrouver, alors évite de faire des conneries !

Je lui mens éhontément, mais je ne veux pas qu'il aille les rejoindre. Je ne suis pas sûre de pouvoir m'en remettre sinon.

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