34 - Debbie

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Bon, je voulais réellement finir de poster cette première partie ou tome (je ne sais pas. A chaque fois, j'hésite) avant ma reprise demain. À partir de maintenant, l'histoire sera racontée à quatre voix.

**********************

Lorsque Logan se relève, il n'est plus lui-même. Tout dans son attitude, de ses poings serrés à sa façon de marcher, m'alerte. Il va faire une connerie. Je le sens. C'est viscéral. Il faut que je l'arrête avant qu'il ne soit trop tard.

— Logan ! l'interpellé-je.

Il tourne à peine la tête, mais c'est suffisant pour que je perçoive cette lueur démoniaque dans son regard. Mon corps se recouvre de chair de poule, terrorisée par cet être que je reconnais à peine.

Il avance d'un pas déterminé vers Chris, qu'il tient certainement pour responsable. Ses mains s'ouvrent et se referment avec rapidité.

Il va le tuer !

Je me jette sur lui, l'attrape par son t-shirt, pour le retenir.

— Ne fais pas ça ! le supplié-je, d'une voix tremblante.

Son regard me pénètre, me foudroie, avant qu'il me repousse avec force. Sonnée par son geste, je tombe en arrière. Quand mes fesses touchent le bitume, une violente douleur remonte jusqu'au bas de mon dos.

— Ça va ?

Je lève les yeux pour découvrir qui me parle. Killian me dévisage, inquiet. Je secoue la tête. Non, ça ne va pas, parce qu'on vient de m'enlever ma meilleure amie. Parce que mon corps me fait mal. Et surtout parce que mon frère va tuer son meilleur ami.

Certes, Chris est coupable et mérite qu'on le remette à sa place. Mais là... Là, il va mourir sous nos yeux à tous, si personne ne stoppe mon aîné.

— Arrête-le, s'il te plaît, le supplié-je.

Quand il pose ses yeux sur moi, son regard encore plus ténébreux que d'habitude m'indique qu'il n'en fera rien. Je ferme les paupières pour ne pas voir ce qu'il va se produire. Logan insulte Chris, hurle des mots à peine compréhensibles. Jamais, je n'ai entendu autant de haine et de colère mêlées dans une même voix. Des frissons remontent le long de mon échine alors que des larmes se déversent sur mon visage.

— Je vais l'arrêter. Il méritait de se prendre ces coups, mais ton frère ne deviendra pas un criminel.

En entendant, Killian, à la fois rassurant et déterminé, j'ouvre les yeux. Accroupi devant moi, il porte ses pouces sur mes joues, pour y sécher les traces de mes pleurs.

— Fais-moi confiance.

Avant d'avoir le temps de hocher la tête, il se rue vers mon frère. Alors que je le suis des yeux, mon regard tombe sur mon aîné. Assis à califourchon sur Chris, il lui assène coup sur coup. Reed est assis près d'eux, à moitié sonné semble-t-il. A-t-il tenté d'arrêter son coéquipier pour se retrouver ainsi ? Je n'en ai aucune idée et je m'en fiche. Tout ce qui compte, c'est que cette scène d'horreur cesse.

Killian fait un signe de tête à Reed, qui se relève aussitôt. L'un et l'autre tirent Logan en arrière. Mon frère se débat avec fureur. Il tente de franchir ce mur de muscles créés par ses deux potes.

— Cesse tes conneries, Baldwin ! lui intime Killian. Ce n'est pas en le tuant que tu feras revenir Lucy ! Je pense qu'il a compris. Regarde-le.

— Je veux que ce fils de pute crève ! crache Logan, les traits déformés par la rage.

— Où sont les flics quand on a besoin d'eux ? se demande une voix féminine près de moi.

Je tourne la tête vers Kate. Debout à mes côtés, elles s'arrachent à moitié les cheveux. Voir son meilleur ami dans une telle colère doit lui foutre la trouille. Comme moi, elle ne doit sûrement pas le reconnaître.

Pour toute réponse, je hausse les épaules. Je ne sais pas. Visiblement, plus à leur place, sinon rien de tout ça ne serait arrivé.

Pourquoi ne sont-ils pas là ? Pourquoi n'ont-ils pas arrêté ces salopards ?

J'ai envie de hurler, de m'insurger, d'aller retrouver ces deux policiers et de les frapper pour leur dire à quel point j'ai mal par leur faute, à quel point ils viennent de détruire mon aîné.

Quand mon père va apprendre que ces deux crétins n'étaient pas devant le lycée, comme ils leur avaient été ordonnés, il va devenir fou. Il vaudrait mieux pour eux qu'ils se planquent. De toute façon, leur sort est déjà scellé, ils seront révoqués.

Je reporte les yeux dans la direction où se trouve les trois gars, mon frère semble s'être calmé. Assis sur le bord du trottoir, les bras autour de sa tête, il se balance d'avant en arrière tandis que Reed éloigne Chris de cet endroit.

La souffrance de Logan vient se mêler à la mienne, créant un raz-de-marée émotionnel dévastateur.

Aujourd'hui, nous sommes trois à avoir perdu quelqu'un. Logan vient de perdre la fille dont il est fou amoureux, moi, ma meilleure amie et Killian, celle qu'il considère comme sa sœur. Ces trois personnes ne font qu'une. Lucy n'est plus avec nous. Elle ne partagera plus le lit de mon frère. Je ne les entendrais plus rire ensemble. Je ne les verrai plus s'embrasser. Elle ne sera plus là pour que je la taquine au sujet de Logan, ni pour partager ces interminables discussions lorsqu'il est absent. La douleur me terrasse. Je n'arrive même plus à respirer tant elle est violente, implacable.

Mon frère ne se relèvera pas. Son amour pour elle est trop puissant pour qu'il en soit autrement. Sans elle, il est mort.

Je reporte mon regard sur Killian. Debout, les bras sur sa nuque, il arpente la pelouse, en faisant les cent pas. Lui aussi souffre. Cette disparition doit lui remémorer la mort de sa sœur.

Kate va s'asseoir aux côtés de mon frère, passant un bras autour de ses épaules pour l'attirer contre elle. Telle une mère aimante, elle le berce. Voir Logan si dévasté me brise un peu plus. De nous deux, il a toujours été le plus fort.

Une main se pose sur mon épaule, me faisant sursauter. Je porte mes yeux vers l'intrus. Mon père, derrière moi, me regarde avec désolation. D'un sourire compatissant, il tente de me rassurer.

—On va la retrouver, me promet-il.

Je hoche la tête, un sourire triste sur les lèvres, avant de lui désigner Logan.

—Je m'en occupe.

En le voyant arriver, mon aîné se lève, mais sous le poids de son chagrin, il chancelle. Notre père le retient de justesse avant qu'il ne s'écroule. Mon frère s'accroche à lui, comme à une bouée de sauvetage. Son corps est parcouru de spasmes, ses sanglots sont déchirants..

—Ça va aller. On va rentrer. On récupérera ta voiture plus tard.

Incapable de conduire, tant mes yeux sont brouillés par les larmes, je pars avec eux.

Arrivés à la maison, notre mère se précipite vers nous. Ses yeux humides m'indiquent qu'elle a dû pleurer également. Elle m'enlace dans ses bras avant de se rendre auprès de mon frère.

—Je n'ai pas su la protéger, lui déclare Logan d'une voix emplie de chagrin.

—Tu ne pouvais rien faire.

—Tu ne comprends pas. Je n'aurais jamais dû la laisser un seul instant toute seule. J'aurais dû l'attendre devant les toilettes. J'aurais dû m'inquiéter de ne pas la voir revenir, mais je parlais avec mes potes au lieu de me préoccuper de ce qui lui arrivait.

Il repousse ma mère, avec force, avant d'ajouter :

—Putain ! J'aurais dû comprendre que ce n'était pas normal ! J'aurais pu empêcher tout ça ! Lucy aurait dû partir dans trois jours et vivre une vie normale. Et parce que j'ai préféré parler de cette putain de fête, elle se trouve entre les mains de ce connard !

Furieux, il va abattre son poing contre le mur, puis se laisse glisser au sol. Une pluie torrentielle s'abat sur ses joues. Je me précipite vers lui et l'attire contre moi. Dévasté, il me laisse le prendre dans mes bras, sous le regard chagriné de nos parents. Mes larmes viennent se mêler aux siennes. Pourtant ma douleur n'est rien comparé à la sienne. J'ai perdu ma meilleure amie, ma sœur, mais lui vient de perdre bien plus. Lucy est sa moitié, son âme sœur. Depuis qu'ils sont ensemble, j'en ai pris conscience. Ils sont tout l'un pour l'autre.

Après plusieurs minutes, il me repousse, pour se lever. Il grimpe les escaliers, en trébuchant à plusieurs reprises. Au moment où il gagne sa chambre, un hurlement terrible déchire le silence. Mon père se précipite à l'étage tandis que je me réfugie dans les bras de ma mère.

Je n'ose même pas imaginer ce qu'il a ressenti au moment où il a compris que Lucy ne partagerait plus son lit. Je ne pourrais même pas lui proposer de dormir avec moi comme lorsque nous étions enfant. Peu importe où il se trouvera dans cette maison, tout lui rappellera, qu'aujourd'hui, les portes de l'enfer se sont ouvertes devant nous et que nous avons été contraints de les franchir.

Plus rien ne pourra être comme avant ce jour, où nous venons de perdre notre insouciance.

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