33 - Logan

12 minutes de lecture

Plus que trois jours avant le départ de mon amour à l'autre bout de la Terre. Allongés sur le lit à moitié endormi, mon cœur se serre à plus d'une reprise. Cette fille, que j'ai aimé, puis détesté, avant de l'aimer à nouveau comme un fou, va grave me manquer. Je sais qu'on se retrouvera. On se l'est promis. Elle va suivre le cursus américain par correspondance pour pouvoir finir l'année et être diplômée comme nous tous. Comme prévu, on ira à Columbia à la rentrée. J'ai appelé la Crimson Tide, qui a accepté mon transfert et l'université a accordé une bourse à Lu. Notre séparation ne durera que quelques mois, même si vu comme ça, ça me semble être une foutue éternité. Si ces cons de flics avaient fait leur putain de travail, je ne serais pas là à me morfondre sur mon putain de sort.

Le nez dans ses cheveux, je respire profondément son odeur, pour en graver toutes les notes dans ma mémoire. D'un mouvement plein de douceur, je dégage sa nuque pour la couvrir de bisous. Cette délicieuse peau va terriblement me manquer également.

Lu se réveille doucement, elle m'attire contre elle et m'embrasse avec une infinie tendresse qui me prouve combien elle m'aime. Comment vais-je pouvoir me passer de sa bouche durant tous ces mois ?

Allez, mon gars, t'as le temps d'y penser ! Il reste encore deux matinées.

Ouais, ma conscience a sacrément raison. Il faut que je me reprenne avant de filer le cafard à Lu. Elle n'a pas plus envie que moi de vivre cette séparation. Partir avec un type qui lui est inconnu, ne lui plaît pas du tout. Elle n'arrête pas de me poser des milliers de questions : " Et si cet homme était un sale pervers aussi ? Et si je ne m'entendais pas du tout avec les fils de sa femme et qu'ils décidaient de m'en faire baver ? ". J'essaie de la rassurer à chaque fois, mais je suis conscient que c'est normal qu'elle ait une telle trouille. Dès qu'elle m'en parle, je lui promets que si quelqu'un lui fait quoi que ce soit, il me rendra des comptes dès cet été. On ne touche pas à ma chérie que ce soit ici ou à l'autre bout du monde !

— Salut, belle au bois dormant, bien dormi ?

Son putain de sourire est une attaque à mon cœur. Chaque fois, ce con ne peut pas s'empêcher de battre plus vite.

— Comme un bébé.

— Un magnifique bébé, alors, lui souris-je.

Ses joues prennent cette couleur qui me donne envie de l'attirer sur moi et de faire des choses peu catholiques avec son corps, mais tellement agréable.

Je me fous une nouvelle claque mentale, pour me sortir de ce lit. Si je ne réagis pas, je vais la garder en otage avec moi toute la journée. Ça pourrait être une putain de bonne idée, si j'étais certain qu'elle me dise oui. Le hic, c'est qu'en plus de moi, elle veut profiter de ses potes jusqu'au bout. Qui serais-je pour lui enlever ce droit ? Puis, je crois que McKenzie me tuerait s'il ne la voyait pas avant son départ. Je sais qu'il la considère comme sa frangine. Le dimanche où on est allé chez lui pour lui parler de ce connard qui s'en est pris à Sue, il m'a avoué n'avoir jamais eu de sentiments amoureux pour ma copine. L'apprendre m'a sacrément soulagé. Il m'a ensuite parlé de sa sœur. J'ai fini par capter pour quelles raisons il s'est interposé entre Lu et moi à son arrivée. Et il a bien fait. Sans lui, je serais encore en train de la mettre plus bas que terre et avec l'enfer chez elle, elle n'y aurait pas survécu… Comme sa frangine.

Perdu dans mes pensées, je n'ai même pas vu le moment où Lu s'est levée. Debout devant moi, en sous-vêtement, elle farfouille dans mon placard à la recherche de ses fringues. Attiré par son sublime corps, je me lève et pars la prendre dans mes bras. Elle tient à la main l'un de mes sweats. L'imaginer avec me donne chaud. J'adore quand elle les porte, sûrement mon côté mâle primaire. C'est comme si elle disait à tous qu'elle est à moi.

— Tu veux le mettre ? lui demandé-je en posant mon menton sur son épaule.

Elle tourne la tête pour planter son regard dans le mien.

— Je peux ?

D'un large sourire, je lui donne ma réponse. De toute façon, elle n'a même pas besoin de me demander. Elle peut même me piquer la moitié de mes fringues si ça lui chante lorsqu'elle se barrera en Australie.

— Merci, me dit-elle avant de poser un doux baiser sur mes lèvres.

C'est peu pour un remerciement, j'ai besoin de plus. Beaucoup plus. Je la fais pivoter vers moi et la galoche comme il se doit. Elle s'accroche à mes cheveux pour venir approfondir notre échange. Putain que c'est bon ! Sérieux, on ne peut pas rester là toute la journée à faire ce genre de choses ? Parce que là, vraiment, j'en crève d'envie.

— Ça va me manquer, m'avoue-t-elle totalement essoufflée.

Et moi, donc ?

— Allez, file t'habiller ou je te promets de te garder toute la journée enfermée dans cette chambre.

Elle rit, me donne une petite tape sur l'épaule avant de me repousser pour pouvoir enfiler son jeans et mon sweat préféré.

Quand on arrive au bahut, nos potes sont déjà là. Comme d'hab, quoi. Rien de bien surprenant ! Killian vient serrer Lucy dans ses bras. Je ne vais pas dire que j'apprécie plus, mais je ne dis rien. Ce n'est qu'une très forte amitié entre eux. Du moins, j'essaie de m'en convaincre, même si je grince des dents quand ça commence à s'éterniser un peu trop à mon goût.

— Eh, bébé, je suis en manque de câlin !

Elle se détache aussitôt de son frère de cœur pour venir se blottir contre moi.

— C'est mieux comme ça ? demande-t-elle, la tête posée sur mon torse.

De deux doigts sous le menton, je la lui relève afin que nos yeux puissent se croiser.

— Il manque juste un truc et ce sera parfait.

Elle arque un sourcil, se demandant sûrement ce que je raconte, avant que je vienne l'embrasser à nouveau. Je l'attire un peu plus à moi en posant ma main droite sur sa fesse.

— Sérieux, vous auriez mieux fait de rester sous la couette, lance Deb.

— Si vous nous faîtes des gosses avant le départ de Lu, gardez-moi s'en un, se marre Reed.

— Un beau bébé, Lugan, ça doit être pas mal, renchérit Killian. À votre avis, il sera forcément brun, non ?

— Arrêtez de les faire chier, ils sont trop choux, intervient Kate.

Leur délire me fait marrer contre la bouche de Lu tandis que ses joues s'enflamment à nouveau. Les taquineries de mes potes la rendent encore mal à l'aise. Le pire, c'est que c'est souvent son frère de cœur qui enclenche les hostilités.

Dès que la sonnerie retentit, je l'accompagne jusqu'à sa salle de cours. Savoir que Robinson se trouve avec elle ne me plaît pas du tout. Pourtant, elle m'a assuré que depuis que j'ai mis les choses au clair avant notre départ pour Taos, il n'a plus cherché à l'emmerder. Malgré tout, je ne suis pas rassuré. Je le connais par cœur et ce ne sont pas dans ses foutues habitudes de laisser tomber le morceau aussi facilement. Il cache un truc, mais je n'arrive pas à savoir quoi et ça me fait grave chier. J'ai la trouille qu'il soit en train de lui faire un mauvais plan.

Le reste de la matinée passe à une allure mortellement lente. Je n'écoute même pas les cours tant mon désir d'être avec elle est puissant.

On ne peut pas faire avancer les aiguilles plus vite, sérieux ?

Quand enfin, la dernière sonnerie retentit, je file comme une flèche vers sa salle de cours. Quand j'y arrive, elle est en train de discuter avec son prof. Ce con sourit à ma copine et ça me fout les nerfs en boule. S'il n'était pas aussi vieux, je crois que je lui foncerais dans le lard à ce gros porc !

Dans l'attente, je m'appuie contre le chambranle de la porte pour contempler la fille que j'aime. Putain, qu'est-ce qu'elle est belle avec mon sweat ! Je vais vraiment avoir du mal à attendre qu'on rentre pour la posséder. D'ailleurs, je ne suis pas le seul à le penser, ma queue est tout à fait de mon avis.

Au moment où elle me voit, un large sourire illumine son visage d'ange. Elle salue rapidement son prof et vient me rejoindre.

— T'es là depuis longtemps ? me demande-t-elle en venant chercher mes lèvres.

Je l'attire contre moi, pour lui faire sentir l'effet qu'elle me fait.

— Bien assez pour que j'ai envie de toi.

Elle me laisse la galocher jusqu'à ce que son prof tousse dans notre dos.

— Il y a d'autres endroits pour faire ce genre de choses, les jeunes ! rouspète-t-il.

Mort de rire, nous nous éloignons rapidement main dans la main. Arrivés devant les toilettes, elle me force à m'arrêter. Je hausse un sourcil, surpris par son geste.

— J'ai besoin d'y aller, me dit-elle en désignant la porte.

—Ne traîne pas trop, lui soufflé-je en la plaquant contre mon torse, avant de l'embrasser. Tu me manques déjà.

Tandis que je m'éloigne, je souris comme un con en pensant à la manière dont ce soir je lui ferai crier mon nom. J'ai envie de faire un truc inédit avec elle. Je ne sais pas quoi encore, mais je veux que ce moment soit gravé dans sa mémoire. Peut-être devrais-je l'inviter dans un resto classe et ensuite l'emmener loin de la ville pour lui faire l'amour dans ma caisse ? Ça pourrait être sympa.

Une fois installés à table avec mes potes, j'écoute Kate nous parler de la future fête qu'elle va organiser. Je ne compte pas m'y rendre. Lu viendra tout juste de partir et je ne suis pas sûr d'avoir envie de m'amuser vendredi soir. Je pense plutôt que je vais rester dans mon pieu à me morfondre de son départ.

—Désolé, Kate, ce sera sans moi cette fois. C'est le jour où Lu part.

—Ah oui , c'est vrai. D'ailleurs en parlant d'elle, elle est où ?

—Elle avait besoin de se rendre aux chiottes.

Ma sœur me scrute bizarrement, comme si je venais de sortir la pire débilité du monde.

—Attends, Logan, ça fait déjà dix minutes que tu es là. Lucy n'est pas du genre à se refaire une beauté dans les toilettes.

Quoi ? Déjà dix minutes ? Putain, à cause de cette foutue fête, je n'ai pas vu le temps passer. J'espère que tout va bien pour elle, qu'elle n'a pas fait un malaise ou je ne sais quoi ! Je m'apprête à me lever quand Chris déboule à toute allure dans notre direction.

—Logan ! m'appelle-t-il paniqué. C'est Lucy. Viens vite !

Putain, qu'est-ce qu'il raconte ? À l'idée qu'il ait pu lui arriver un truc, je balise. Il n'a pas intérêt de l'avoir touchée ou je lui explose la tronche. Je bondis sur mes pieds et me place devant lui. Mon sang bouillonne dans mes veines, à la fois paniqué et furax.

—Où est-elle ? lui demandé-je en l'attrapant par le col de son pull des deux mains.

—Je ne voulais pas ça, Logan. J'te jure, je ne voulais pas.

Sa façon de geindre me fout les nerfs en boule ! Il ne peut pas juste répondre à ma putain de question ?

—Où. Est. Lu ? craché-je en appuyant sur chacun des mots.

Il se mord la joue, avant de me répondre sur un ton dans lequel je sens toute l'urgence de la situation :

—Suis-moi, mais magne-toi !

Il s'élance hors de la cafète au pas de course. Au moment où il m'entraîne à l'extérieur du bâtiment, je capte que quelque chose de très mauvais se trame derrière les portes du bahut. Lu ne serait jamais sortie sans moi ou Killian. Putain, qu'est-ce qu'il lui a fait ?

Un putain de fourgon blanc se trouve sur le parking, moteur allumé. Quelqu'un est en train de tirer Lucy vers cette caisse. Elle tente de se débattre, mais celui qui la maintient est bien plus fort qu'elle. Elle ne fera jamais le poids contre lui. En m'approchant, je découvre qui est ce type. Ce visage m'est familier et pour cause, c'est le même que sur le portrait-robot que mon père m'a montré. Je peux à présent poser un nom sur ce visage, Jackson Gabson. Putain, je dois la sortir de là !

—Logan ! hurle-t-elle.

Elle est terrorisée, son pire cauchemar est en train de se produire. Je suis certain que ce gars est à la solde de l'autre psychopathe. Poussé par l'adrénaline qui me brûle les veines, j'accélère ma course. Je courre à en perdre haleine. Mes poumons me brûlent. Je refuse de la perdre. Pas comme ça !

Non, ce salopard ne peut pas remettre la main sur elle ! Il n'en a pas le droit. Lu n'est pas à lui et ne le sera jamais !

Alors que je touche mon but des doigts, l'autre fils de pute la force à monter à l'arrière. Je n'ai que le temps de donner un coup contre la porte qu'il s'élance dans un crissement de pneu. Bien que je n'ai aucune chance face à eux, je continue de courir encore et encore, avec la haine pour seul carburant.

Putain, je n'arriverai jamais à la sauver ! Je le lui avais promis, putain de bordel de merde !

Au moment où cette caisse démoniaque s'engage dans la circulation, le désespoir s'abat sur moi.

Comme si je vivais un rêve en dehors de mon corps, je me retourne très lentement vers mes potes. J'avance vers eux en titubant. Toutes mes forces me quittent. Leurs visages empreints d'une infinie tristesse est la dernière chose que je vois avant de m'effondrer à genoux, les mains à plat sur le sol.

Les cailloux s'impriment sur mes paumes, mais la douleur que je ressens n'est rien comparé à celle qui vient de s'infiltrer dans mon cœur. L'air a disparu en même temps qu'elle. Je suis en train de crever, totalement asphyxié. Un gouffre sans fond s'ouvre sous moi. Il m'aspire. Je n'ai rien pour me retenir. Aucune bouée. Aucune branche. Je me noie et personne ne pourra me sauver.

— Lucyyyyyyy !!

Je hurle à plein poumons. Je hurle à m'en arracher les cordes vocales.

Un corps s'effondre sur moi. Quelqu'un m'enlace fermement dans ses bras. Je n'ai même pas la force de relever la tête pour voir de qui il s'agit. Je sens des larmes se déverser en même temps que les miennes. Je suis vide. Anéanti. Totalement abattu.

—Passe-moi ton portable, entends-je.

La voix me paraît si lointaine, comme sortie d'outre-tombe, que je ne sais pas si c'est celle de Reed ou Killian. Je ne suis même pas foutu de savoir si c'est à moi qu'on adresse la parole.

Des images de Lucy, souriante alors que nous partagions des moments juste elle et moi, défilent devant mes yeux. Ce flot de souvenirs me percute avec la force d'une tornade, terrassant tout sur son passage.

Je n'ai pas été capable de protéger la fille que j'aime.

Ils me l'ont arrachée juste trois jours avant que son père vienne la chercher. Juste trois putains de jours !

—Je suis désolé, Logan. Je ne voulais pas de ça. J'te jure que si j'avais su...

Ces mots énoncés par Chris font gronder une bête féroce au fond de mes entrailles, un monstre assoiffé de sang. Ma vision s'obscurcit lorsqu'il m'aspire pour prendre le contrôle. Il ne voit que l'ennemi à abattre. Sous son impulsion, je me redresse, mon regard rempli de haine en direction de mon ancien pote. La créature a soif de sang... De son sang. Il ne reste plus rien de moi. Elle vient de s'emparer de mon être dans son entièreté. C'est à présent elle qui dirige mes pas et mes pensées. Je vais le tuer !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Tytia75 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0