19 - Lucy

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Assise sur le rebord de la fenêtre, je lis pour la millième fois le mot que Logan avait laissé dans mon sac samedi soir. J'ai beau me dire que je le déteste toujours, je ne parviens plus à lui en vouloir autant qu'avant. Surtout que son attitude a totalement changé depuis que je vis chez les Baldwin. Il se montre prévenant, attentif à la moindre de mes réactions et même protecteur.

Ça me fait penser à ce qu'il s'est passé lundi, après ce week-end d'horreur. Quand il m'a proposé de m'emmener au lycée, j'ai accepté sans même réfléchir. Je n'avais pas envie d'y aller avec Deb. Et pour cause, je lui parle à peine depuis qu'elle a tout raconté à son frère et ses parents.

Une fois arrivés devant l'établissement, j'ai cru que Logan allait me laisser en plan pour attendre ses amis. Il n'en a rien fait, au contraire. Il m'a accompagné jusqu'en salle de biologie, s'est assis sur la place libre à côté de la mienne et a attendu le prof en essayant de me faire rire. Lorsque Chris a débarqué dans la salle, une drôle d'expression sur son visage, Logan a posé sa main sur la mienne, comme pour me faire la promesse que plus personne ne s'en prendrait à moi.

Au moment où Chris s'approche de ma paillasse, je ne peux m'empêcher d'avoir un mouvement de recul. S'il venait à m'humilier encore une fois, je ne suis pas certaine de pouvoir l'encaisser. Pas après ça. Pas après ce que le psychopathe qui sert de mari à ma mère m'a fait subir.

Chris me regarde un long moment, l'air totalement répugné, avant de porter son attention sur son meilleur ami.

— Qu'est-ce que tu branles avec elle ?

— Rien qui ne te concerne !

Robinson fronce les sourcils, visiblement perplexe.

— Attends, t'es sérieux ? Ne me dis pas que c'est elle, ton petit secret ?

Mes yeux se portent tour à tour sur les deux mecs, complètement larguée. Moi, secret ? C'est quoi ce délire ?

Logan raffermit sa prise autour de mes doigts, si fort que j'émets une légère grimace, neanmoins je ne dis rien. À cause de moi, il commence à perdre patience devant son pote. J'ai peur que ça finisse mal, je n'ai pas envie d'être la cause de leur dispute.

— Franchement, ce n'est pas parce qu'elle est un peu mieux sapée, qu'elle n'en reste pas moins qu'une pute. Si tu crois l'inverse, tu te…

Chris n'a pas le temps de terminer sa phrase.

Toute la classe s'est tue au moment où le frère de Deb s'est jeté sur son meilleur ami. Acculé au mur, ce dernier n'a plus aucune échappatoire. Logan le surplombe de toute sa hauteur, une main agrippant le haut de son t-shirt. Avec la trouille au ventre qu'ils puissent se battre par ma faute, je cherche de l'aide dans le regard des autres élèves. Mais, ils restent là, sans intervenir, comme subjugués par ce qui déroule sous leurs yeux.

— Tu l'insultes une nouvelle fois et je te jure que même ta mère ne te reconnaîtra pas !

— T'es tombé sur la tête, mec ! lui lance Chris avant de se dégager.

Quelques coups frappés à la porte de la chambre me tirent de mes pensées.

— Oui, réponds-je.

Je camoufle le mot dans le bouquin que je tiens entre les mains, avant de tourner la tête pour découvrir mon visiteur. En apercevant la tête de Logan dans l'embrasure de la porte, un petit sourire naît sur mes lèvres et mon cœur manque un battement. Son regard azur me sonde, comme s'il cherchait à savoir si je suis occupée ou non.

— Je te dérange ? me questionne-t-il, en désignant mon livre d'un signe de tête.

— Non, c'est bon. Vas-y, entre.

Il s'avance de quelques pas seulement, avant de jouer nerveusement avec ses mains. Si je ne le connaissais pas, je pourrais croire qu'il est timide, là, je pense plutôt qu'il hésite à me demander quelque chose. Comme il garde le silence, je finis par lui demander si tout va bien.

— Ouais… En fait, je me… je me…

Il glisse sa main dans ses cheveux et moi je suis incapable de retenir un petit ricanement. Logan Alexander Baldwin, le capitaine de l'équipe de foot du lycée, qui bégaie devant moi, on aura tout vu.

— Tu te fous de moi, là, non ? s'inquiète-t-il.

Les lèvres pincées, j'essaie de garder mon sérieux alors que je secoue la tête. Cependant, la petite grimace qu'il affiche ne m'aide pas du tout et je finis par exploser de rire.

— Je te promets que si tu continues, je ne réponds plus de rien !

Sa menace m'arrête net. Le connaissant, il est capable du pire. Je n'ai pas envie de finir sous la douche toute habillée.

— Promis, j'arrête.

— Mouais, je préfère ça.

Il affiche un sourire de vainqueur qui me fait frissonner délicieusement. Alors qu'un silence s'abat entre nous, son regard happe le mien. Il n'y a plus rien qui compte si ce n'est ce bleu azuréen qui me fait face. J'ai envie de m'y perdre, de m'y noyer, mais en même temps j'ai la trouille d'y laisser des plumes. Alors, je secoue la tête pour me remettre les idées en place. Devant ce mec plus que canon, se laisser tenter serait des plus faciles, néanmoins si je ne retiens pas mes sentiments, j'ai bien peur de couler à nouveau. Ma confiance en lui s'est bien trop effritée pour que je me le permette.

— Tu voulais quelque chose de particulier ? demandé-je, afin de briser ce silence bien trop agréable.

Logan secoue la tête, comme si lui aussi tentait, par ce simple geste, de revenir à la réalité.

— Ouais... J'ai fini l'entraînement plus tôt et je me suis dit que, si tu voulais, je pouvais peut-être t'accompagner à la librairie.

La librairie en question est celle dans laquelle je vais bosser ce soir pour la première fois. Un rêve pour moi qui suis amoureuse de la littérature. J'ai hâte d'y être, même si j'ai un peu la frousse de ne pas être à la hauteur. Une chose est certaine, c'est une occasion en or, sur laquelle je n'ai pas craché quand madame Baldwin m'en a parlé. Avec un peu de chance, ma patronne acceptera que je lise un peu entre deux clients. L'espoir fait vivre, non ?

— Je suis désolée, mais Killian s'est déjà proposé et j'ai accepté.

La déception assombri aussitôt son regard.

— Peut-être demain, ajouté-je, afin de lui rendre son sourire.

— Demain, il y a le match. Je ne pourrais pas.

C'est vrai, j'avais complètement oublié. J'aurais dû m'en souvenir, surtout qu'on m'a dit que la boutique fermerait à dix-sept heures et non pas dix-neuf pour que tout le monde puisse assister à la finale.

— C'était une mauvaise idée, au final. Je ne sais même pas pourquoi je t'ai demandé.

Je le regarde s'éloigner, la tête basse. Mon refus semble vraiment le chagriner. Le voir ainsi me fait mal, bien plus que je n'aurais pu l'imaginer.

— Logan !

— Ouais ? me demande-t-il en se tournant dans ma direction.

— Tu pourrais peut-être venir me chercher ? demandé-je avant de me mordiller la lèvre.

Son regard brille de mille feux, tant il semble ravi par cette idée.

— Dix-neuf heures, c'est bien ça ?

Je hoche la tête, sans cesser mon petit manège avec mes dents.

— D'accord, j'y serai… Et arrête de faire ça avec ta lèvre, ça me donne envie de t'embrasser.

Quoi ? Il a vraiment dit ça ? Non, mais, il n'est pas sérieux ?

Atterrée, je ne vois même pas le moment où il quitte la chambre. Ce n'est que quelques minutes plus tard que j'émerge de ce drôle d'état dans lequel il m'a plongée. Sans même m'en rendre compte, je porte mes doigts sur ma bouche en imaginant la sienne collée dessus. Mon cœur devient dingue comme si cette idée l'enchantait plus que tout. Je ferme les yeux pour cesser d'y penser. Je suis censée le détester, pas rêver qu'il m'embrasse. Je ne sais pas quel est son nouveau jeu, cependant ça me rend barge.

Avant de perdre les pédales, je préfère descendre pour attendre Killian. Alors que je parviens au milieu des escaliers, j'entends la porte d'entrée claquer. Ce n'est qu'une fois en bas, en apercevant Deb seule, que je comprends que Logan est sorti. Je reste plusieurs secondes à observer mon ancienne amie, qui mate une série dont j'ignore le nom. Même les acteurs me sont inconnus, ce qui me donne l'impression d'avoir été coupé du monde durant plus d'une année.

Je ne sais pas si elle sent ma présence dans son dos ou si elle est poussée par une très forte intuition, toutefois elle finit par se tourner vers moi. Un triste sourire s'affiche sur ses lèvres tandis que son regard, lui, me dévoile qu'elle est désolée. Je sais que ce qu'elle a fait était pour mon bien, mais, je n'y peux rien, je n'arrive pas à ne pas lui en vouloir.

Pourtant, en y réfléchissant bien, j'aurais agi de la même manière. Peut-être, même, aurais-je tout dit à mon père dès le début afin de la protéger. En plus, si elle n'avait rien, je ne serais certainement pas ici. Sans elle, sans son appel à Killian, je serais sûrement morte à présent. Je devrais tenter de faire un pas vers elle, on pourrait essayer de recoller les morceaux, juste voir où ça nous mène.

C'est quand même étrange que lorsque je m'entends bien avec l'un des Baldwin, je sois en guerre avec l'autre.

— Je crois que j'aurais fait la même chose que toi, finis-je par lâcher.

— Ça veut dire que tu ne m'en veux plus ?

Je hausse les épaules. Je ne sais pas. Je ne sais plus. J'ai juste envie d'enterrer la hache de guerre, parce qu'elle me manque, même si je ne m'en étais pas vraiment rendue compte jusque-là.

Folle de joie, elle bondit hors du canapé pour se ruer vers moi. Telle une furie, elle se jette dans mes bras et me serre à m'en couper le souffle.

— Oh, doucement ! lui ordonné-je, histoire ne pas mourir asphyxiée.

— Désolée, mais tu m'as tellement manquée, Lu ! Mon frère a été sympa au moins avec toi ?

Elle me décolle afin de scruter ma réaction.

Je fronce les sourcils, pas très certaine de comprendre pour quelles raisons elle me parle de lui.

— Comme je savais que tu allais me faire la tronche, je lui ai fait jurer de se montrer cool avec toi, m'annonce-t-elle.

Alors, ce n'était que ça, une foutue promesse ? Et dire que je l'ai cru quand il m'a dit vouloir m'embrasser. Comment ai-je pu être aussi sotte ? J'aurais dû me douter que ce n'était qu'un jeu. Je l'imagine déjà en train de se marrer avec ses potes à l'instant où il comprendra qu'il n'a plus besoin de jouer la comédie. Je n'aurais jamais dû lui dire de venir me chercher. Comment je vais m'en sortir sans perdre la face devant lui ? Je le hais !

— Ça va ? T'es toute blanche.

— Je pensais que Logan était redevenu le gars que j'ai toujours connu, mais en fait, il n'a pas changé. Il t'a juste promis.

— Lucy, tu sais que tu as toujours été ma meilleure amie et je ne veux pas que tu te vexes, mais je t'ai déjà dit de l'oublier. Ce n'est pas un gars sérieux. Killian est quelqu'un de bien. Pourquoi tu ne sors pas avec lui ?

Avec Killian ? Sérieusement ? J'écarquille les yeux tant je suis atterrée par ce que j'entends.

—Et toi ? Pourquoi tu ne sors pas avec Logan ?

—Tu te fous de moi ? C'est mon frère ! Je ne donne pas dans l'inceste, désolée de te décevoir.

Sa touche d'humour aurait dû me faire sourire, mais impossible. Je suis bien trop en colère après Logan.

—Je ne sors pas avec Killian, car je le considère comme mon frère. C'est mon meilleur ami, Deb. On a traversé tous les deux des choses difficiles et on se comprend. Il n'y aura jamais rien entre nous, mets-toi bien ça dans le crâne !

D'ailleurs, en parlant du loup, quelqu'un toque à la porte et je suis certaine que c'est lui.

Sauvé par le gong !

Connaissant Deb, elle aurait sûrement cherché à me faire changer d'avis sur lui. Même s'il est beau gosse, il ne le sera jamais autant que son Logan..

— Je dois y aller, informé-je Deb.

Je pose une bise sur sa joue avant de filer ouvrir à mon frère de cœur.

Une vingtaine de minutes plus tard, nous entrons tous les deux dans la librairie en question. Au moment où j'en franchis la porte, l'odeur des livres embaume mes narines. Je vais vraiment adorer ce nouveau job !

— Lucy, c'est bien ça ?

En me tournant en direction de cette voix, je découvre une petite femme dont les longs cheveux roux sont retenus dans un chignon lâche. Le sourire de sympathie qu'elle m'adresse me met en confiance. Cette femme semble vraiment chaleureuse. Je hoche la tête tandis qu'elle s'avance vers moi, main tendue pour me saluer.

— Karol m'a dit beaucoup de bien sur toi. Je suis certaine que tu vas te plaire ici.

Mon sourire semble suffisant pour lui répondre, puisque, à son tour, elle m'en adresse un. Puis, elle me fait faire le tour du propriétaire, tout en m'indiquant les différentes tâches qui me seront allouées. Dès qu'elle en a terminé, je rejoins la place qui sera la mienne, c'est-à-dire derrière le comptoir.

Killian me tient compagnie jusqu'à l'arrivée du premier client, un vieil homme, aux cheveux grisonnants.

— Je passe te prendre à dix-neuf heures ? me questionne-t-il.

Je pourrais lui dire oui, afin que Logan comprenne que jouer avec moi était une très mauvaise idée.. Je pourrais aussi lui dire ce que je viens d'apprendre au sujet du frère de Deb. Mais, au lieu de ça, c'est un non qui franchit mes lèvres.

— J'ai dit à Logan de venir.

Son regard prend un air taquin. Il n'a pas besoin d'exprimer ses pensées, je sais déjà ce qui se trame sous son crâne.

— Ne dis rien ! lui asséné-je d'une voix sans appel.

Il pouffe, avant de hocher la tête.

— Pas de souci. On en reparlera demain, p'tite sœur.

Sur ce, il pose un léger baiser sur le sommet de ma tête, avant de me laisser seule.

Les deux heures passent à une allure vertigineuse. Les clients se succèdent sans me laisser une seule minute de répit. Je ne vais pas m'en plaindre, bien au contraire. Surtout que tout comme moi, ce sont des amoureux de la littérature. Plus d'un me partage son avis sur sa dernière lecture. Ma pile à lire va vite gonfler à cette allure. J'ai hâte de toucher mon premier salaire pour pouvoir la diminuer un chouïa.

Ce n'est qu'une dizaine de minutes avant la fermeture de la boutique que je peux enfin m'asseoir.

Je commence à compter ma caisse, lorsqu'un client fait retentir la petite sonnette au-dessus de la porte. À l'effluve de son parfum, qui vient me chatouiller agréablement les narines en passant devant le comptoir, je n'ai pas besoin de relever la tête pour savoir qu'il s'agit de Logan.

Je le laisse déambuler entre les rayonnages, avant de me décider à le traiter comme un client lambda et d'aller lui proposer mon aide. Je l'ai à peine rejoint qu'il se tourne vers moi, un large sourire sur les lèvres.

Quel bâtard ! S'il croit qu'il va pouvoir m'avoir avec sa belle gueule, il se plante en beauté !

— Tu as besoin d'aide ?

— Ouais, je cherche un bouquin particulier pour une fille spéciale à mes yeux.

C'est bien ce que je disais, un vrai enfoiré ! Il voulait m'embrasser alors qu'il a déjà une copine. Je suis certaine que c'est cette cheerleader qui n'arrête pas de le coller au lycée. C'est clair qu'à côté de cette blonde aux dimensions parfaites, je ne fais pas le poids.

Pourquoi je pense à tout ça, moi ? Qu'est-ce que ça peut me faire s'il a déjà quelqu'un ? Après tout, il fait bien ce qu'il veut. Pourtant, à cet instant, je n'ai qu'une envie, lui arracher le sourire qui ne l'a pas lâché depuis mon arrivée.

— Quel genre ? demandé-je sur un ton mordant.

Une légère grimace tend ses traits. C'est bref, mais suffisant pour voir que je l'ai déstabilisé.

— La romance, je crois.

Super ! Le même genre que moi. Pffff. Je n'imaginais même pas cette cruche en train de bouquiner.

— Tu trouveras ton bonheur à droite.

Sans perdre de temps, je file vers le comptoir. Du moins, j'essaie, parce que j'ai à peine fait cinq pas qu'il me rappelle. Je me retourne, les bras croisés sur la poitrine afin de lui montrer mon impatience. J'ai encore la caisse à finir de compter, moi !

— Quoi ?

— Je sais que t'aimes bien ce genre là aussi, donc je me demandais si tu n'avais pas un titre à me conseiller.

Et puis quoi de plus ? Il croit vraiment que je vais l'aider après tout ce qu'il m'a fait ?

— Non, pas vraiment.

— Lu, s'il te plaît.

Son ton suppliant me met presque hors de moi.

— Prends lui le premier qui te tombe sous la main.

Ma répartie semble faire mouche, puisqu'il se mordille la lèvre, en affichant un drôle de regard.

— Et si elle l'a déjà lu ?

Il pense que je suis voyante ou quoi ?

— La maison accepte les retours, donc tu n'auras qu'à revenir. Par contre, il te reste moins de cinq minutes.

Il opine du chef, avant de se diriger vers les rayonnages dédiés au genre en question tandis que, pour ma part, je retourne m'asseoir derrière le comptoir.

Je suis sur le point de finir de compter la monnaie, lorsqu'il revient et pose le livre de son choix. Au moment où j'en regarde le titre, un sale souvenir remonte à la surface. C'est celui qu'il m'a volé en début d'année, un de mes préférés.

— Très bon choix ! lancé-je amer alors que j'encaisse sa carte bancaire.

Ses lèvres se relèvent dans un sourire, que je pourrais apprécier si je n'étais pas aussi en colère après lui.

— C'est pour toi, m'annonce-t-il en le poussant dans ma direction.

Il se fout de moi ou quoi ? Non, parce qu'à part ça, je ne vois pas à quoi il joue !

Furieuse, je fais le tour du comptoir, le bouquin entre les mains. Arrivée à sa hauteur, je le lui plaque violemment contre le torse.

— Offre-le à qui tu veux, mais avec moi, ça ne prend pas !

— Quoi ? De quoi tu parles ?

Allez, vas-y, maintenant tu vas me faire croire que tu ne comprends rien de ce que je te raconte !

Quel bon comédien ! Moi, par contre, je suis vraiment la reine des idiotes et dire qu'il connaît à présent une bonne partie de ma vie. Je le vois déjà se servir de mes plus sombres secrets pour me détruire, pire qu'avant.

— Je m'en vais, crié-je pour que ma patronne m'entende de son bureau.

Sans attendre sa réponse, je file à l'extérieur. La ruelle est déserte à cette heure-ci, ce qui n'est pas étonnant, vu le froid qui règne ce soir. Heureusement que les Baldwin m'ont offert une doudoune. Elle est plus qu'appréciable par ce temps abject.

Bon, maintenant, je vais devoir retrouver mon chemin, parce qu'à vrai dire, je n'ai pas trop le sens de l'orientation.

— Lucy, attends ! entends-je Logan m'appeler.

Je ne me retourne pas, je n'ai aucune envie de me confronter à lui maintenant.

— Merde, Lu, tu vas m'attendre, ouais ?

Au son de sa voix, je sais qu'il s'est énormément rapproché. Je finis par m'arrêter pour lui faire face. De toute façon, si je ne le fais pas, il finira par me rattraper.

Les bras croisés sur la poitrine, je lui exprime ma colère, d'abord à travers mon regard, avant de lui lancer :

— C'est bon, Logan, tu n'es plus obligé de jouer ! Deb m'a tout dit, alors cesse de faire semblant.

Touché-coulé !

Il recule d'un pas, visiblement décontenancé par cette vérité. S'il s'attendait à ce que je ne réagisse pas à sa manipulation, il s'est planté sur toute la ligne.

Son teint perd au moins un ton alors qu'il me scrute attentivement. On dirait qu'il cherche à savoir si je déconne ou non.

— Tu penses que je joue, j'ai bien entendu ?

Je lui confirme ma pensée d'un hochement du chef. Diverses expressions se dessinent sur son visage alors que sa tête bouge d'avant en arrière, puis de gauche à droite. Il paraît vraiment sonné.

— Je ne sais pas ce que ma frangine a été te balancer, mais si je lui ai fait cette putain de promesse, c'est seulement, parce que j'en avais envie ! Je ne joue pas, Lucy. Pas depuis que j'ai pris conscience de certains trucs.

Il laisse passer un ange durant lequel il plante son regard dans mes prunelles, comme s'il cherchait à me convaincre de cette vérité. Comme j'affiche une moue sceptique, il glisse sa main sur sa nuque et baisse un instant ses yeux.

— Si je faisais semblant, tu crois que j'aurais mis une beigne à l'autre connard, au risque de me faire exclure de la finale ? Tu crois que je me serais pris la tête avec Chris pour te défendre ? Tu crois que j'aurais dépensé du fric pour te racheter ce bouquin ?

Je ne sais pas quoi lui répondre. Au fond de moi, je sais qu'il ne l'aurait jamais fait, mais ça pourrait faire partie de son plan. Je suis totalement larguée.

— Je ne sais pas.

Ma réponse paraît vraiment le chagriner, puisqu'un voile de tristesse vient recouvrir son regard.

— Ouais, je vois, émet-il d'une voix triste avant de se retourner.

Je le suis des yeux tandis qu'il s'éloigne de moi, la tête rentrée dans les épaules.

Au moment où il bifurque pour jeter le livre dans une poubelle, je réalise qu'il l'avait vraiment acheté pour moi.

Et si Deb s'était plantée ? Si Logan avait changé à nouveau ? Suis-je prête à prendre le risque de le perdre une fois de plus ?

— Logan !

Il continue comme si de rien était, même si je suis certaine qu'il m'a entendu.

— Logan, attends, s'il te plaît !

Cette fois, il revient sur ses pas et je m'en sens soulagée.

— Pourquoi je devrais t'attendre, Lu ? Donne-moi une seule bonne raison.

Mes neurones viennent de s'éteindre, si bien que je n'arrive pas à trouver la moindre excuse, aussi bidon soit-elle.

— Parce que… Parce que…

Allez, Lu, si tu ne veux pas qu'il parte, dis-lui quelque chose, même n'importe quoi !

— Parce que j'ai dit à Killian que tu me ramènerais.

— Ok, je vois ! Donc t'es prête à monter dans ma caisse juste pour… Pour quelles raisons, au fait ? Qui te dit que je ne vais pas te ramener auprès de mes potes et qu'on ne va pas se foutre de ta gueule ensuite ? Désolé, Lu, mais je ne suis pas taxi. Alors, trouve mieux comme excuse, sinon tu te démerdes. Et rien à foutre, si ton mec ne peut pas venir te chercher !

Je l'ai bien cherché celle-là !

Fautive, je baisse les yeux vers mes mains, que je triture nerveusement. Quand je les relève, je constate que Logan s'est rapproché dangereusement de moi. Sa proximité me rend mal à l'aise. Je ne sais pas ce qu'il cherche exactement, néanmoins il me déstabilise. Je tente un pas en arrière, histoire de m'éloigner juste un peu, mais il m'attrape par le poignet pour me ramener contre lui. Son torse ressemble à du marbre tant il est dur. À ce simple contact, une nuée de papillons prend son envol au sein de mon estomac. Je rêve un instant de ses lèvres contre les miennes. Est-ce que ses baisers sont les mêmes que celui de Kilian ? Est-ce différent lorsqu'on embrasse quelqu'un pour qui notre cœur bat un peu plus fort ? Parce que je dois l'admettre, c'est ce qu'il se passe sous ma poitrine.

Nos regards se cherchent et lorsqu'ils se trouvent, ils ne parviennent plus à se quitter. Logan enroule délicatement une de mes mèches autour de son index. Je me sens totalement perdue face à sa réaction, mais aussi devant mes sentiments. Je devrais le haïr, pourtant depuis qu'il a pris soin de moi, je n'y arrive plus vraiment. C'est comme si cette dernière année n'avait jamais existé. Comme si on reprenait là où nous nous étions arrêtés le jour où ma vie a basculé.

— Je ne joue pas, Lucy, murmure-t-il.

Sa bouche est si proche de la mienne, que son souffle la caresse délicieusement. Je reste dans l'attente de son baiser, qui ne viendra peut-être jamais.

— J'ai envie de t'embrasser, me déclare-t-il.

Un petit sourire s'esquisse sur mes lèvres. Je ne sais pas s'il prend ça pour un feu vert, cependant, l'instant suivant, il pose sa bouche contre la mienne. Un feu d'artifice explose dans chacune de mes cellules. C'est un milliard de fois mieux que ce que j'ai ressenti avec Killian. C'est doux, beau, tendre. Euphorisant même. Jamais, je ne me suis sentie aussi vivante qu'à cet instant.

Quand il se recule pour m'observer, j'ai l'impression que la température extérieure vient de chuter de dix degrés. Ses yeux me sondent plusieurs secondes avant qu'il ne s'éloigne pour de bon cette fois.

— Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je n'aurais pas dû faire ça. T'as assez d'emmerde comme ça, je ne voulais pas t'en rajouter.

Je ne comprends rien. J'en avais envie aussi, alors c'est quoi le problème ?

— Tu veux toujours que je te ramène ?

Pourquoi cette question ? Regrette-t-il vraiment ce qu'il vient de se passer entre nous ?

— Ben, oui, quelle question !

— Cool.

**********

Hey !

Je parle rarement avec mes lecteurs sur cette plateforme, pour la bonne raison que Scribay m'efface le moindre mot que je tape directement sur le site. Mais, là, j'ai besoin de le faire car j'ai un doute sur la construction de mon chapitre. J'aimerais savoir si je dois ou non le couper après l'arrivée de Killian.

Sinon j'espère que vous avez apprécié ce petit rapprochement entre mes deux L.

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