Chapitre 12 :

19 minutes de lecture

Des bruits d’explosion, des secousses à en réveiller les plus endormis. Des sifflements de bombes prêtes à retomber au sol. Iris crut d’abord à un rêve. Mais quand elle se réveilla en sursauts, et qu’elle entendit toujours les mêmes sons, elle comprit.

Le cahot.

Une attaque.

Une attaque dans le désert ? N’étaient-ils justement pas là pour ne pas les vivre ? Ce n’était pas normal. Pourquoi l’ennemi attaquerait-il dans le désert ? Dans le désert… C'était beaucoup trop bizarre. Le désert était vaste, loin, allongé. Comment avaient-ils pu trouver les bâtiments ? Iris sauta de son lit. La jeune fille était parfaitement réveillée, et ils ne devaient pas traîner. Si une bombe explosait sur leur bâtiment, ils seraient morts. Tous morts. La porte de sa chambre s’ouvrit laissant apparaître Kendra en pleurs.

Qu’est-ce qu’il… Qu’est-ce qu’il se passe ? hoqueta-t-elle.

Iris ne savait pas quoi lui répondre et perdait du temps en cherchant ses mots. Que pouvait-elle lui dire ? « Il faut que tu te dépêches sinon on va tous mourir » ? Sûrement pas. Cela ne la rassurait pas. Mais dans ce moment-là, rien ne pouvait rassurer. Iris se contenta de donner un ordre rapide et clair :

Fais tes valises. Dépêche-toi ! Il faut partir avant qu’il ne nous arrive malheur.

Kendra repartit, titubant. Tout allait très vite dans la tête d’Iris. Affaires, vêtements, bagages, valises. Elle prit le plus possible et entassait le plus possible. La jeune fille enfila une veste, prit les valises à la main et rentra dans la chambre de Kendra. La petite fille… Avait juste ouvert sa valise. Rien d’autre.

Kendra ! gronda Iris.

Je n’y arrive pas !

La petite fille pleurnicha. Iris, un peu agacée entassa des affaires dans l’unique valise qu’elle possédait. Puis, elle la prit avec ses autres valises.

Enfile une veste et suis-moi ! cria Iris pour qu’elle puisse l’entende malgré les bruits qui se faisaient de plus en plus fort.

La petite, sous le choc, obéit sans rien dire. Iris ne trouvait rien à redire de toute façon. Elles devaient s’activer, et plus vite que cela. Si elles ne voulaient pas mourir. La surdouée tenait les rênes, elle ne devait pas lâcher, et sauver tout le monde. Elle tambourina à la porte de Maryline, l’aîné des filles sortit de sa torpeur quand Iris ouvrit la porte pour la secouer fortement tout en lui hurlant de faire sa valise. Il n’y avait pas de temps à perdre. Avec Sandra, ce fut facile. La deuxième plus jeune avait déjà fait ses valises, mais contemplait par la fenêtre ce qui se passait. Sans rien pouvoir voir. Quand les filles furent regroupées, Iris s’apprêta à aller dans le couloir des garçons. La jeune fille se cogna contre Samuel en courant. Elle tomba sur les fesses avant de lever les yeux. Il avait eu l’intelligence de rassembler tous les garçons lui aussi ! Iris aurait bien voulu lui sauter au cou pour le remercier, et lui faire toute un éloge, mais le temps les pressait. Elle le ferait plus tard, leurs vies étaient en jeu, et elle ne pouvait pas tenter de les risquer juste pour le complimenter. Ils devaient réfléchir vite et bien. Heureusement qu’ils avaient le cerveau pour. Mais même une personne qui n’était pas surdouée saurait ce qu’il fallait faire. Partir d’ici. Nouvelle secousse de plus. Beaucoup plus violente qui fit tomber les adolescents.

On ne doit pas rester ici ! C’est dangereux. Il faut absolument partir ! cria Iris pour se faire entendre malgré les bruits de plus en plus fort.

La jeune fille se releva tout en prenant soit de ne pas retomber à cause d’une nouvelle secousse. Iris était celle qui avait le moins d’équilibre. Le cerveau elle l’avait, mais le physique un peu moins. Elle attrapa le bras de Samuel pour se tenir tout en attendant que les autres se relèvent. Le garçon ricana en la voyant se tenir telle une petite fille qui ne voulait pas perdre sa maman. Iris le fusilla du regard et prit les autres valises. Sûre de pouvoir rester en équilibre, elle lâcha son étreinte sur le bras de Samuel.

Bon… Partons et vite !

Alors qu’ils allaient descendre l’escalier, M. Past leur barra le passage.

Qu’est-ce que vous foutez ? Bon sang !

On ne peut pas rester ici ! Imaginez qu’un missile s’écrase sur le bâtiment. On est tous mort ! Nous on tient à notre vie. Voulez-vous vraiment avoir nos morts et la vôtre sur la conscience ? Alors on part d’ici vite fait, et puis c’est tout, déclara sèchement Iris.

Iris se contrefichait de savoir ce que pensait M. Past. Qu’il le veuille ou non, il allait sortir de l’établissement. Sain et sauf. Nicolas grogna et sortit des clés de sa poche.

Vous m’écoutez, au doigt et à l’œil ! Vous allez sagement vous regrouper dans le hall sans aucun bruit pendant ce temps je vais rapidement regrouper les autres adultes avec moi. Exécution !

Iris n’aimait pas obéir aux ordres de M. Past, mais c’était le seul moyen rapide de sortir d’ici. Une nouvelle secousse les prit par surprise. La jeune fille s’étala sur les marches sur ventre, emportée par sa valise et celle de Kendra. Samuel l’aida à se relever et prit la valise de Kendra pour alléger son amie.

Tu ferais mieux te prendre mon bras, je ne tombe pas moi. Et je ne te dis pas cela pour rire, murmura-t-il.

Même si elle avait l’impression d’être idiote, la jeune fille obéit. Hors de question de tomber une nouvelle fois, même si elle ressemblait à une petite fille totalement terrorisée et inquiète. En vérité, elle n’était pas terrorisée, elle était juste inquiète. Le groupe d’adolescents attendit un moment avant de voir tous les adultes sortir en courant avec leur valise. M. Past fut le premier à atteindre la porte, de toute manière, s’était lui qui avait la clé. Quand il l’ouvrit, il fit signe à tout le monde de partir. Ils sortirent précipitamment. Iris regardait tout le monde quand soudain, elle s’immobilisa.

Iris. Iris ça va ? questionna Maryline.

Tout le monde se tourna vers elle, en quête d’une réponse. La jeune fille se tourna vers M. Past.

Elle n’était pas avec vous ? Où est-elle ? Répondez !

Il lui répondit par un geste de la main comme pour dire « on s’en fiche ! ». La surdouée se figea. Elle venait de comprendre… Il avait compris. Il avait compris qu’elle n’était pas des leurs. Qu’elle était une infiltrée sans vraiment savoir au compte de qui. Mais Iris ne voulait pas qu’il arrive malheur à Amanda. Pas à elle. Il y eut une nouvelle secousse, et les bruits devenaient vraiment de plus en plus fort. L’adolescente se rattrapa in extremis de tomber. Et détala vers le bâtiment.

Iris ! Iris revient ! Mais que fais-tu ? s’époumona Samuel.

Ne me rejoignez pas, haleta la jeune fille d’une voix forte. Il faut la sauver. Elle doit être vivante.

Amanda ne pouvait pas mourir. Elle ne devait pas mourir. Même si Iris ne savait pas le sort qui lui était réservé. M. Past avait visiblement compris qu’elle n’était pas ce qu’elle prétendait être. Sa couverture était envolée. Et cela lui faisait peur. Alors qu’elle était rentrée dans la bâtisse, un nouveau tremblement survint. Iris tomba encore une fois. Elle serra les dents, énervée. Elle devait… Vraiment apprendre à maîtriser son équilibre. Cela devenait pratiquement vital. La jeune fille courut jusqu’à l’infirmerie. La jeune femme n’y était pas. Elle décida d’aller dans le quartier interdit, celui des adultes. Nouvelle secousse qui dura, elle se tint à la rambarde de l’escalier pour avancer difficilement. Chaque seconde était comptée. Chaque seconde. Arrivée à l’étage, elle se précipita dans le bon couloir, ce n’était pas compliqué. Iris avait une très bonne mémoire. Elle fut surprise de voir la chambre de la femme ouverte, mais elle n’était pas à l’intérieur. Pourtant, la chambre était vide. Iris cogna son poing contre le mur. La doctoresse infiltrée de l’association ne pouvait pas être partie. Elle l’avait vue avant de se coucher. Iris se ressaisit. Que pouvait-elle faire ? Elle était dans leur camp, elle essayait de trouver les réponses aux questions qu’ils se posaient tous. La réponse du compte rendu de M. Past. La réponse des conseillers. C’était cela qu’elle cherchait. Iris ne perdit pas de temps. Se rattrapant de justesse à cause d’une nouvelle secousse, elle courut le plus rapidement possible. Un mal de tête apparut violemment. C’était à cause du bruit. Mais elle avait raison. Amanda était bien dans le bureau de M. Past, et elle venait tout juste d’en sortir. Un papier à la main, elle le tenait fermement. Son visage était fermé, et elle semblait… Stressée, en colère et totalement désorientée. Et il y avait de quoi.

Iris ! Mais que fais-tu là ? Tu dois partir. On doit partir, le bâtiment va s’écrouler d’un moment à l'autre.

Je te cherchais justement. Mais tu dois sortir et t’échapper. Past a compris que tu n’étais pas des leurs. Il a compris que tu étais une sorte d’infiltrée. Je ne sais pas comment il a fait, mais il a compris. Tu dois t’échapper sinon ils vont t’arrêter, et tu ne dois pas être arrêtée. Tu dois rester prudente et ne pas te laisser attraper. Tu dois rejoindre l’association avant d’être prise, suivie ou placée sous surveillance. Et on doit partir IMMÉDIATEMENT ! déclama Iris.

Calme-toi, et partons d’ici ! Déjà, je te donne la feuille. S’ils m’interrogent, ils n’auront pas de preuves.

Amanda plia la feuille et la tendit à Iris qui la prit, la replia et la rangea dans la poche de son jean. Elles descendirent l’escalier difficilement à cause des secousses qui commençaient de plus en plus à fissurer les murs. Alors qu’elles étaient en bas, le sol commença à tomber. Le sol commençait déjà par tomber vers l’entrée du bâtiment. La sortie n’était plus utilisable, et c’était bien embêtant. Iris eut l’intelligence de penser directement à la cours de récréation. Prenant la main d’Amanda, elle l’entraîna vers la récréation, la tirant de force. Un moment s’écoula pour que la plus âgée comprenne. Elles étaient proches. Mais la dernière secousse fut si forte que la plus jeune ne put se retenir de chuter. Son équilibre lui faisait cruellement défaut. Le sol s’écroula lui aussi emportant les deux filles, Iris fronça les sourcils quand elle vit qu’en dessous du sol des conduits était placés un peu partout. Iris n’eut pas le temps de comprendre quand elle se mit à tomber dans un conduit. Elle ferma les yeux.

À ce moment-là, personne n’aurait cru qu’elles soient encore en vie. Encore moins les deux principales intéressées. Les bruits avaient cessé, plus aucun missile, plus aucune attaque. Ils étaient partis. Et ils les croyaient morts. Ils les croyaient mortes. Mais elles ne l’étaient pas. Quand Iris se réveilla, elle fut prise d’une violente migraine. Elle sentit un liquide couler le long de ses bras, de ses jambes et sur son visage. Sûrement du sang. Que s’était-il passé ? Elle se souvenait juste de s’être laissée emporter dans le sol, sous les débris. Puis plus rien. Mais la jeune fille le savait, elle avait de la chance d’être encore en vie. C’était un exploit, un miracle. Elle en était pleinement consciente. Mais pour l’instant, la jeune fille ne pouvait pas se réjouir de la fleur que venait de lui faire le destin. Elle devait sortir d’ici, sinon elle mourrait d’épuisement et de sécheresse. Ils ne viendraient pas la chercher, le temps qu’ils envoient des gens enlever la bâtisse effondrée, elle serait morte depuis longtemps.

Quand elle voulut se redresser, elle se cogna la tête. Iris se mordit la lèvre inférieure et resta à quatre pattes. Elle tâta pour voir si Amanda n’était pas à ses côtés. Elle ne sentait que la terre sous sa paume. Elle avait dû être séparée de la doctoresse pendant l’éboulement. Iris souhaitait qu’elle aille bien. La jeune surdouée sortit son téléphone de sa poche et l’alluma pour éclairer. Un tunnel avait l’air de s’être formé. Quelle chance ! Même si elle ne savait pas où elle allait, la jeune fille avança à quatre pattes, essayant de maintenir la lumière de son téléphone portable devant elle. La fin du tunnel débouchera-t-elle sur une sortie ? La jeune fille l’espérait. C’était… Un piètre espoir pourtant suffisant. Même si elle ne voulait pas se faire de faux espoirs. La surdouée ne savait pas pendant combien de temps elle avait perdu connaissance. Mais pas très longtemps, espérait-elle. Alors qu’elle continuait sur son chemin, elle manqua de tomber dans le vide. Elle ne voyait pas d'issue. C’était un cul-de-sac. Il n’y avait pas de suite, juste, une impasse de terre et du vide juste avant elle. La jeune fille tâta le vide, cela paraissait profond. Elle avait beau s’avancer au maximum sans tomber, elle ne sentait rien. Ensuite, quand elle remontait son bras, le long de la paroi, elle sentit du fer froid. Du fer froid. Iris l’examina avec ses mains. Une échelle. C’était une échelle. Pourquoi était-elle là ? Et où menait-elle ? La dernière de ses questions allait trouver sa réponse. Iris, jugeant qu’elle n’avait plus rien à perdre s’accrocha à l’échelle et descendit.

La jeune fille restait très prudente même si les marches étaient à la même distance les unes des autres. La jeune fille avait glissé son téléphone dans la poche arrière de son jean. Elle descendait donc dans le noir, à l’aveugle. Ses mains moites glissaient sur l’échelle, mais la jeune fille s’accrocha bien. Lorsqu’elle posa les pieds au sol, elle resta un moment accrochée comme si elle allait finir par tomber. Puis, elle lâcha l’échelle et passa sa main sur le mur. Ce n’était plus de la terre et de la roche. Plus de l’acier. Mais qu’avaient-ils fait sous l’établissement ? La jeune fille passa sa main gauche sur un interrupteur, allumant la pièce souterraine. La lumière apparut d’un coup, éblouissant Iris. La jeune fille se cacha le visage, ses yeux mirent un moment à s’adapter à la lumière. La surdouée s’avança dans la pièce souterraine. Il y avait un long escalier qui montait, et derrière Iris, trois autres échelles accrochées au mur. Avec la lumière, Iris put remarquer qu’elles étaient identiques à celle d’où elle venait. C’étaient toutes des issues. Mais pourquoi cela avait-il été créé ? Ils ne pouvaient pas prévoir une attaque car ils ne pensaient pas qu’ils se feraient attaquer. Donc pourquoi ? Une silhouette s’approcha du couloir du milieu. C’était Amanda, elle était encore en vie ! Iris était tellement soulagée. L’infiltrée était vivante. Même si elle était amochée, elle était là. Son visage était strié de sang et elle avait de multiples coupures au bras. Elle lui fit un faible sourire.

Comment vas-tu ? Es-tu blessée ? Tu as des coupures au bras et du sang partout sur le visage ! Comment as-tu réussi à t’enfuir ? Où sommes-nous ? Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? assena Iris.

La jeune femme leva la main pour qu’elle arrête un moment de parler. Ensuite elle se massa la tempe, visiblement, sa tête la faisait souffrir. Pas étonnant, vu la chute qu’elles avaient faite. Iris s’impatienta mais ne dit rien. Elle ne voulait pas la mettre en rogne, pas maintenant. Mais elle insistait dans son regard, pour qu’elle réponde aux questions. L’infiltrée leva les yeux vers la surdouée et soupira.

Je ne sais pas pourquoi c’est fait comme cela. Je vais mener mon enquête avec l’association. Cela n’a pas été créé au hasard. J’en suis persuadée (elle marqua une pause). Je ne sortirai pas avec toi. Cela mène sûrement vers un endroit de l’établissement. Past m’a repérée, je ne peux pas me montrer devant lui. Il m’arrêterait. J’attendrai que vous soyez partis.

La vision d’Iris s’embruma. Jamais la jeune fille n’aurait cru pleurer pour une étrangère. Mais ce n’était pas n’importe qui. C’était Amanda Chasme. La femme qui veillait sur eux dans l’établissement alors que Nicolas Past faisait pression sur eux. La femme qui les protégeait. Iris ne savait pas où ils allaient aller maintenant que le bâtiment était détruit, mais elle devait rester avec eux !

Mais… Qu’est-ce que l’on va faire sans toi ?

La jeune femme s’avança et posa une main sur une épaule de la jeune fille pour la rassurer. Mais Iris ne l’était pas.

Ne t’en fais pas. Vous serez sûrement rapatriés dans un seul des autres bâtiments, vous ne serez pas séparés. Et il y a des agents de l’association dans tous les bâtiments. Ils ne prendront pas contact avec toi, mais il y en aura maximum cinq. Moi, j’enquêterai sur les activités de l’État concernant les mineurs, à l’abri, avec l’association. Je te promets que l’on trouvera les raisons de votre venue.

Et il faut arrêter cette guerre. Elle dure depuis trop longtemps, articula difficilement Iris.

Cette phrase, Iris y pensait depuis des années. Et elle devenait de plus en plus réelle depuis que l’Opartisk était entrée en guerre elle aussi. Si les chefs des États ne se ressaisissaient pas, ils allaient droit dans le mur. Le monde allait droit dans le mur, en plein dans le chaos. Et aucun des chefs n’avait la présence d’esprit d'arrêter tout cela. C'était vraiment idiot. Ils étaient vraiment des idiots au pouvoir. Iris regarda Amanda, qui la suppliait du regard de s’en aller.

Fais attention à toi.

Iris tourna les talons et grimpa l’escalier sous le regard protecteur de l’infiltré. Un jour, elles se retrouveraient. La jeune fille retrouva l’air frais, l’extérieur, le ciel, le vent. Le vent faisait claquer ses cheveux contre sa figure emportant aussi des grains de sable. Quand elle se retourna, elle vit le bâtiment effondré. Totalement effondré. Les débris de murs et d’objets étaient méconnaissables. La seule chose que l’on pouvait repérer sans problème, c’était le missile qui avait tout détruit. Le sang d’Iris se glaça dans ses veines. C’était effroyablement atroce. Comment les adultes trouvaient-ils la force de faire cela ? C’était inhumain. La jeune fille se rendit compte que le jour commençait à apparaître petit à petit. La jeune fille espérait qu’ils ne soient pas partis sans elle ! Après avoir lâché des yeux la porte de l’issue souterraine, elle se dirigea vers l’autre côté. Elle distingua au loin un véhicule. Un bus à en juger par sa hauteur et sa longueur. Une petite foule était rassemblée autour, en train de monter dedans. Les portes allaient bientôt se refermer, ils ne restaient plus que trois personnes dont un qui regardait les deux autres monter. Sûrement M. Past.

Attendez ! Attendez-moi ! s’époumona la jeune fille en se mettant à courir.

Iris avait crié assez fort pour qu’ils l’entendent. Les deux jeunes qui allaient entrer se retournèrent. M. Past aussi se retourna. La jeune fille n’était plus très loin et la silhouette la plus grande des deux élèves alla à sa rencontre. Samuel. Le jeune homme la prit dans ses bras pendant que la petite silhouette venait lentement les rejoindre. Iris, un peu gênée lui rendit quand même son étreinte.

Elle n’est pas morte, mais fais comme si elle l’était, murmura Iris à l’oreille du jeune homme.

Samuel l’avait comprise, elle le voyait à son regard. Il s’écarta d’elle, les joues en feu, se demandant un peu ce qu’il lui avait pris. Il n’avait pas réfléchi… C’était venu spontanément. Puis, il monta sa main sur l’épaule de son amie et la regarda dans les yeux.

Ne nous fais plus une telle frayeur ! On t’a cru morte. Je ne sais pas comment tu as réussi à sortir contrairement au Dr. Chasme, mais c’est un vrai miracle. Ne nous fais plus jamais cela !

Une emprise vient s’exercer autour de la taille de la plus intelligente des surdouées. C’était Kendra.

Samuel a raison ! Tu ne recommences plus. On te veut en vie nous !

Bientôt, le car se vida et le reste des surdoués vint serrer Iris dans ses bras, heureux de ce miracle. Nicolas Past regardait la scène, sans expression. Bien évidemment, cela ne dura pas longtemps. Il fallait qu’il agisse. Il s’approcha du groupe et écarta les enfants qui l’empêchaient d’être face à Iris. La jeune fille lui lança un regard assassin et serra les poings. Elle n’était visiblement pas heureuse de le revoir, et lui aussi. Au moins, c’était cordial. Il voulut lui mettre une baffe, mais la jeune fille arrêta son geste sans aucun problème. Aucun des deux n’avait le dessus sur l’autre. La seule chose qu’ils savaient faire entre eux, c’était se taper jusqu’à se blesser. Ils se détestaient tellement. Ils se détestaient depuis le début. Lui, le surveillant adulte, totalement fou de pouvoir tout contrôler et docile face aux conseillers et elle, surdouée mineure, ne voulant pas se laisser faire et voulant découvrir la vérité sur leur venue.

Si j’étais vous, je n’y penserais même pas, répliqua Iris d’un ton glacial avant de laisser tomber la main du surveillant.

Ce dernier fronça les sourcils et l'a prise par le t-shirt pour la regarder de plus près, la haine qu’il ressentait se retranscrit sur son visage.

Et moi, je te dis encore une fois, ne fais pas l’idiote si tu veux avoir la vie sauve. Ne t’occupe pas des affaires qui ne sont pas les tiennes. Reste à l’écart. Et n’essaya pas de résoudre ce que tu essayes de résoudre. N’essaye pas de répondre aux questions que vous vous posez tous. Oubliez-les, cela vaut mieux pour tout le monde.

Malgré le fait qu’elle n’avait pas les pieds sur le sol et qu’elle était suspendue dans l’air. Iris ne pouvait pas le laisser dire cela. Elle devait revendiquer ce qu’elle pensait, car les adultes hors de l’association se trompaient sur tout. Cette guerre ne mènera à rien. Alors pourquoi continuer ? La jeune fille reprit sa confiance et le regarda droit dans les yeux, le défiant, lui assurant que quoi qu’il dirait, elle n’obéirait pas.

Je ne vous ferai jamais confiance. Ni à vous, ni aux gens qui travaillent dans les bâtiments, ni aux conseillers. Surtout aux conseillers. Vous nous cachez quelque chose, je le sais. Et un jour, je vous jure que je le découvrirais. Vous ne pouvez pas m’en empêcher, ni continuer à mentir à la population. Vous et les adultes dirigeants, vous avez faux sur toute la ligne. Cette guerre ne mènera à rien. Je ne comprends pas comment elle peut perdurer et comment ils ont pu accepter d’entrer en guerre. C’était une grave erreur irréparable. I-rré-pa-ra-ble !

M. Past la lâcha. Iris se rattrapa et ne tomba pas. Samuel l’avait aussi un peu aidée. Le surveillant les dévisagea tous les uns après les autres. Le groupe était vraiment soudé maintenant.

Où allons-nous vivre maintenant ? voulut savoir Iris en prenant soin de ne pas croiser le regard de son interlocuteur.

Le bus va vous conduire à un des bâtiments. Je ne vous dirai pas lequel pour éviter un mouvement d’euphorie ou de déception ou je ne sais quoi d’autre. Mais vous ne serez pas séparé. Sauf dans les ailes, mais les ailes se retrouvent toutes dans la récréation, la cafétéria ou dans les couloirs. Il y aura des adolescents et des enfants normaux avec vous. Vous vous ennuierez dans des cours trop simples pour vous, mais dans votre tranche d’âge normal. Et vous serez entouré de jeunes normaux.

Iris fut piquée à vif de cette remarque. « Normaux ». Il venait délibérément de dire qu’ils n’étaient pas des êtres normaux. Or, ce n’était pas vrai. Iris avait souvent entendu ce genre de remarque. Elle en entendait toujours, mais cela faisait un moment que cela n’était pas réapparu. Et elle n’aimait pas cela, elle avait beaucoup souffert de cela, et du regard des gens. Ils étaient normaux. Ce n’était pas parce qu’ils étaient surdoués qu’ils n’étaient pas normaux. Ils avaient… Juste un cerveau plus puissant que la moyenne. Un quotient intellectuel plus élevé, une réflexion sûrement plus poussée. Iris prenait cette remarque en pleine face comme une insulte. Ils étaient différents, mais normaux. Les autres semblaient un peu surpris et choqués par ses propos. Iris, elle, ne l’était pas. Elle avait tellement l’habitude que cela ne l’étonnait même plus. Non, elle n’était pas surprise, elle était en colère. Très en colère. Ses yeux lançaient des éclairs en direction de Past. Elle pointa un doigt sur lui. Son geste était brusque, menaçant et rempli de colère.

Fermez votre bouche avant que d’autres imbécillités n'en sorte ! Cela vous rendra sûrement moins bête !

L’homme haussa les sourcils, ne comprenant pas la raison de sa colère. Pour une fois, il n’avait pas dit cela pour l’énerver. Peut-être qu’il avait fait quelque remarque pour l’embêter, mais c’était dans ses habitudes. Il n'y pensait même plus. Il s'était contenté de répondre à la question. Il ne pouvait pas comprendre ce que venait de ressentir Iris à cause de son discours sur le fait qu’ils ne soient pas normaux. Samuel et Maryline la regardèrent. Eux aussi étaient en colère, ils comprenaient pourquoi Iris l’était, mais ils ne voulaient pas la laisser exploser contrairement à elle. Iris était une grande gueule. Eux, ne l’étaient pas. Iris avait le don naturel de vouloir tout dire. Certaines fois, elle réussissait à les réduire au silence, à se taire, à ne pas dire ce qu’elle pouvait regretter de dire. Mais quelquefois, elle n’y arrivait pas. Car cela l’énervait beaucoup trop pour qu’elle puisse se taire.

Ne faites pas comme si vous ne l’avez pas cherché ! Normaux… Vous avez dit que nous allions nous retrouver avec des gens normaux. Mais je ne sais pas si vous l’avez compris, nous sommes normaux ! Nous sommes des humains ! Ce n’est pas parce que l’on est surdoué que l’on n’est pas normaux. On est différent c’est tout. Différent (elle accentua chaque syllabe du mot). Nous sommes des êtres humains différents par nos capacités intellectuelles qui sont justes plus développées que les autres. Et de toute façon, qu’importe, les gens devraient s'en ficher, et accepter, c’est tout. Nous sommes différents mais normaux ! Tout le monde devrait accepter les gens normaux.

M. Past en resta bouche bée, comme si, pour la première fois, il avait compris que ce n’était pas facile pour eux. Mais il n’abandonnerait pas à se faire obéir. Il ne se laissait pas faire. Il avait beau laisser Iris parler, c’était lui qui tenait les rênes. Lui et seulement lui. Le jour était loin d’être totalement levé, mais ils devaient s’activer. Ils ne devaient pas arriver trop tard.

Un jour, quand on vous expliquera, vous comprendrez pourquoi je dis cela, mais pour le moment, ce ne sont pas vos affaires. Bon… On va vous conduire à un nouveau bâtiment. Je vous surveillerai plus particulièrement. Les élèves seront obligés de rester dans leurs chambres pendant que l’on vous fera visiter les lieux. Puis vous suivrez des cours dès l’après-midi. Même si certains ont fini leur étude obligatoire, vous suivrez avec ceux de votre âge. Sauf pour les plus jeunes qui ont sauté des classes, vous serez à votre niveau, avec des gens plus âgés que vous. Maintenant, montez tous dans ce bus, on y va !

La bande d’adolescents se regarda, et ils finirent par obéir et montèrent dans le véhicule qui devait les emmener dans leur nouveau logis.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Starry Sky ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0