Chapitre 8 :

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Iris se souvenait du jour où elle s’était ouverte la tête. C’était un jour de printemps, le vent tiède soufflait légèrement. Elle était âgée de sept ans accompagnée de Kilian et Fred. C’était en jouant à l’école. Pendant la récréation, avec ses deux amis de l’époque. La jeune fille courait à vive allure pour ne pas se faire toucher. Elle avait trébuché sur un pavé et était tombée sur un poteau un peu pointu qui permettait de faire tenir le grillage. Il y avait du sang partout. Elle pleurait, car, elle avait mal. Elle avait eu des points de suture et seule, la professeure était avec elle puisque ses parents étaient trop occupés au travail pour venir. Elle avait eu mal, les points de suture se voyaient au début, puis ses cheveux les cachaient.

Quand Iris ouvrit les yeux, elle fut prise d’une immense douleur aiguë à la tête. Puis les événements lui revinrent lentement en mémoire. La découverte des dossiers, son expédition… Et Nicolas, et leur petite bagarre qui n’en était pas vraiment une. Puis sa tête. La jeune fille fit un grand effort pour ne pas penser à la douleur de sa tête, mais elle s’inquiéta. L’avait-il fouillé ? Avait-il pris les papiers ? Elle vérifia ses poches et découvrit avec soulagement que les papiers s’y trouvaient toujours. Au moins, sa blessure n’était pas causée en vain même si elle aurait préféré l’éviter. La jeune fille se releva, s’appuyant sur les mains, elle avait déjà vu cette pièce. Vitrine avec des flacons, deux fenêtres, plusieurs lits. On l’avait conduite à l’infirmerie. Pas étonnant, elle s’était évanouie. Le Dr. Chasme apparut, elle s’approcha jusqu’à son lit de blessée.

— Comment vas-tu ? Tu as reçu un sacré choc sur la tête.

Iris ne répondit pas. Ce n’était pas à cause de la première règle d’or même si elle la respectait quand même. Mais la jeune fille était juste trop abasourdie pour réagir et parler. Encore moins à un adulte. La doctoresse soupira et s’assit sur le lit d’à côté et continua de fixer la surdouée.

— Tu peux me parler tu sais, tu peux me faire confiance.

Menteuse… Mensonge ! Baliverne ! Iris le savait. Les adultes de cet établissement et des autres dans le désert n’étaient pas dignes de confiance. Ils étaient de mèche avec l’État pour quelque chose. Quelque chose qu’ils cachaient au peuple et aux enfants. Et elle devait le découvrir. Mais peut-être que le découvrir voulait dire qu’elle devait faire semblant d'avoir confiance en eux… Leur dire qu’elle les croyait, alors qu'en fait non et ce serait une ruse pour trier le vrai du faux. Iris était prête à le faire avec Dr. Chasme, mais pas avec Nicolas.

— J’ai juste mal à la tête, grommela la jeune fille.

La doctoresse se leva. Iris savait ce qu’elle allait faire. Comme la plupart des personnes, elle allait lui chercher du paracétamol ou autres cachets pour arrêter la douleur. Tout ce que la jeune fille détestait.

— Ne prenez pas la peine de prendre des cachets pour moi, je ne les prendrais pas. Je préfère souffrir que de faire comme si je n’aie rien en dissipant la douleur, déclara-t-elle. Je me suis évanouie…

— Tu es restée endormie longtemps. Les plus petits sont en cours en ce moment. Tes deux acolytes sont à la bibliothèque, je crois. Je ne sais pas si tu peux sortir mais, je vais leur donner de tes nouvelles. Ils sont sûrement inquiets de ton état.

La doctoresse Chasme n’objecta pas même si elle semblait agacée. Elle ne repartit pas, elle savait très bien qu’Iris ne lui dirait pas les raisons par lesquels elle était allée pénétrer dans la salle et qu’elle avait pris les dossiers. Mais elle resta dans la salle, en retrait quand M. Past débarqua, la poussa pour passer. La jeune femme tomba contre le lit. Nicolas était toujours furieux contre Iris. Il s’approcha si près de la jeune fille qu’elle entendît le cœur de l’homme battre très rapidement.

— Alors, toi je te préviens immédiatement ! Je ne sais pas ce que tu faisais dans cette salle, et je ne veux pas le savoir. Tout ce que je sais ,s’est que blessée ou non, mal de tête ou non, cours ou non, tu auras le droit à une punition exemplaire ! Personne n’aura encore l’idée de traîner dans les salles le soir, hurla-t-il.

Iris n’en était pas étonnée. C’était logique et elle s’était préparée à recevoir une punition. La jeune fille ressentait une certaine fierté même s’il n’y avait pas de quoi être fier d’être puni. Ici, elle s’en fichait pas mal de l’être. Le principal, c’était d’avoir les dossiers. Les adultes étaient tellement stupides qu’ils ne lui avaient rien demandé. Ils ne l’avaient pas fouillée. Ils n’avaient rien faire comme si, elle était allée dans cette salle pour rien. La jeune fille ne put s’empêcher de penser qu’ils étaient extrêmement idiots. Si quelqu’un s’introduisait dans une salle par effraction, c’est que cette personne cherchait quelque chose qu’elle n’avait pas le droit de posséder et de lire. Mais apparemment ce n’était pas venu dans leur esprit. Leur intelligence leur faisait défaut. C'était tant mieux pour elle.

— Dites-moi ma punition, je la ferais, défia-t-elle.

Nicolas fronça les sourcils et serra les poings. Il n’aimait pas être défié, c’était comme saper son autorité. Et il aimait croire qu’ici, il était le maître de l’établissement et que tout le monde devait lui obéir au doigt et à l’œil. Il aimait que l’on reconnaisse qu’ici, c’était lui le chef, lui le roi, lui qui décidait tout sans l’avis de personne. Lui qui avait le pouvoir. Le surveillant était mis à rude épreuve depuis le début avec Iris. Elle le défiait et elle ne se laissait pas faire. Il détestait cela, car il trouvait cela immature et idiot. Mais à l’inverse, il aimait un peu, car cela l’occupait et lui permettait de ne pas s’ennuyer et de ne pas servir qu’à surveiller des gamins très intelligents. Il éloigna son visage de celle de la jeune fille et toussota pour s’éclaircir la gorge avant de parler.

— Je ne te dirais pas ce qu’est la punition. Tu me rejoindras juste dans la cour après le dîner. Oh, et j’oubliai, nous allons prévenir tes parents, tu recevras sûrement un coup de téléphone de leur part via mon téléphone.

Puis, il partit. Génial… Il ne manquait plus que ses parents s'en mêlent et Iris savait déjà le discours qu’ils allaient tenir à l’autre bout du fil. La jeune fille voulait s’en aller de l’infirmerie. Dès qu’elle posa ses pieds sur le sol, sa douleur à la tête s’intensifia. Elle s’appuya contre le lit tout en massant sa tête. Très mauvaise idée, cela lui faisait encore plus mal.

— Tu ne veux vraiment pas un cachet pour apaiser la douleur ?

— Hors de question, je n’en veux pas.

Amanda lui donna des béquilles. Sans cet objet, Iris n’aurait même pas pu atteindre la porte de l’infirmerie. Pour la première depuis qu’elle était internée ici, elle remercia un adulte. La jeune fille nota de ne plus jamais faire cela, ce n’était pas bon. Iris s’habitua vite aux béquilles et retrouva petit à petit son énergie malgré son mal de tête. Après un moment, elle put pousser la porte de la bibliothèque. Maryline et Samuel s’y trouvaient bien. Dès qu’ils entendirent la porte s’ouvrir, ils levèrent la tête de leur bouquin. Ils fixèrent furtivement la jeune fille. Samuel se précipita pour lui tenir la porte et Maryline lui écarta une chaise. Iris les remercia.

— J’en étais sûr que c’était une mauvaise idée ton plan, déclara Maryline quand Samuel eut fermé la porte.

— Tu es blessé à la tête mais tu as des béquilles, chercher l’erreur, commenta le garçon.

Iris sourit pendant que Maryline lança un regard à Samuel pour lui dire « ce n’est pas drôle, elle est blessée ! ».

— J’ai tellement mal à la tête que je ne peux plus rester sur mes jambes, mais je vais m’en remettre très vite, affirma la blessée. Ma punition, c’est après manger.

— Et ben, il ne t’a pas raté Monsieur je-fais-le-dur-à-cuivre, commenta Samuel. On était inquiets, les plus jeunes encore plus. On a eu du mal à les convaincre d’aller en cours. De toute façon, ils y seraient allés quand même à cause de Nicolas. Ils n’ont pas compris pourquoi tu étais blessée et pourquoi tu y étais allée. Seuls, moi et Maryline savaient. Vivement qu’ils sachent enfin ! Mais si ta punition est après manger, alors on va t’attendre, il faut que tu sois là, c’est important.

— En fait qu’avez-vous fait ce matin en cours ?

— C’est super-bizarre, informa Maryline. Le prof nous a donné des emplacements et des tactiques de batailles et il nous a demandé d’en créer une capable de la contrer, et de la modifier pour en faire une tactique de combat parfaite. Et c’est quoi ta punition ?

— Je ne sais pas ce qu’est la punition. Il l’a juste qualifié d’exemplaire. Je ne sais pas comment cela va se passer.

— Cela pourrait mal tourner aussi, trancha Maryline.

— Ne sois pas pessimiste, même s’il y a de quoi. Iris est blessée et pour rien.

La concernée haussa les sourcils et le transperça du regard.

— Comment cela pour rien ! s’exclama-t-elle.

La jeune fille sortit de sa poche les feuilles des dossiers d’elle et ses deux amis. Les deux autres se regardèrent, une étincelle de joie dans le regard.

— Tu as trouvé tous les dossiers ? questionna la jeune fille au teint blanc.

Iris hocha la tête de haute en bas. La fierté l’habita pendant un moment. Mais la jeune fille redescendit vite. Certes, elle avait trouvé les dossiers, mais elle n’avait pas encore la réponse à ces questions. C’était pour cela qu’elle voulait récupérer les dossiers. Elle ne devait pas l’oublier.

— Lis-les ! Il faut les comparer, la pressa Samuel.


Nom : Lop

Prénom : Samuel

Sexe : Masculin

Âge : dix-sept ans.

Taille : 1 mètre 85

Poids : 74 kilogrammes.

Quotient intellectuel : 155


Iris fit une pause un moment, elle jeta un regard vers Samuel qui paraissait gêné que toutes ses informations sur lui soient dévoilées et connues par des inconnues. Mais la jeune fille reprit.


Le plus vieux. Surdoué mais pas le plus intelligent de tous les surdoués. Réfléchi et mature.


C’était… Étrange. La suite des dossiers fut les scanners de son cerveau et de sa tête. Il n’y avait aucune comparaison, c’était pourquoi ils ne comprirent pas. Iris passa à l’autre feuille.


Nom : Kavania

Prénom : Maryline

Sexe : Féminin

Âge : dix-sept ans

Taille : 1 mètre 70

Poids : 60 kilos.

Quotient intellectuel : 139

La moins intelligente des surdoués. La plus athlétisme. La deuxième plus en retrait avec tous les autres.


Comme dans le dossier de Samuel. Il y avait plusieurs scanners de son cerveau. Mais ce n’était pas identique. Un endroit qui avait été coloré pour qu’on le remarque plus que les autres étaient différents de celui de Samuel. Les trois adolescents restèrent étonnés.

— Lis le tien ! réclama Samuel à l’adresse d’Iris.

Iris allait enfin découvrir la suite de ce qu’elle n’avait pas fini de lire le soir dernier.


Nom : Smarta

Prénom : Iris

Sexe : Féminin

Âges : seize ans.

Talle : 1 mètre 50.

Poids : 42 kilogrammes.

Quotient intellectuel : 165. (le plus haut)

La plus intelligente de tous les intelligents. Elle sait quand parler. Elle ne se laisse pas faire.


Les photos de son cerveau étaient aussi différentes. Enfin, la partie qu’ils voulaient voir était différente. Mais quelque chose échappait à Iris. Comme avait-il réussi à définir son caractère et ceux de Samuel et Maryline ? C’était étrange. La jeune fille regarda autour d’elle avant de voir quelque chose de suspecte coincée entre la porte et le mur. La jeune fille déplaça une table pour pouvoir monter dessus et prendre l’objet.

— Mais Iris ! Que fais-tu ? s’exclama Maryline.

La jeune fille ne le répondit pas immédiatement. Elle voulait confirmer ses doutes. Elle remarqua vite que cet objet était une caméra. Il les observait. La jeune fille arracha la caméra et la montra aux deux autres.

— Nom de… laissa échapper Samuel en s’arrêtant là, il nous observe. Il nous observe et après il marque notre comportement dans les dossiers. Maintenant, il doit savoir que tu les as volés, il doit savoir que tu les as.

— Eh bien justement, je vais lui parler !

Iris laissa tomber la caméra et l’écrasa avec son pied en plusieurs coups. Ensuite, elle se stabilisa sur ses jambes, et sans ses béquilles et ignorant la douleur de sa tête, elle partit comme une furie à la recherche de Nicolas. Elle allait déjà être punie, donc aller se disputer avec le surveillant n’était pas un problème. La jeune fille le trouva, dans la cour, une tasse de café à la main.

— Mlle. Smarta, en avance à ce que je vois, cela ne m’étonne pas, commenta-t-il. Content de voir que tu es sur pied et plus avec tes béquilles.

— Je ne suis pas là pour la punition. Vous avez dit après manger et je viendrai après manger ! Je viens pour cela.

Elle lui raconta qu’elle avait détruit une caméra. Nicolas la regarda d’abord surpris, puis avec un petit sourire moqueur.

— Vous n’avez pas le droit de placer des caméras partout ! s’écria Iris.

— J’ai parfaitement le droit car l’État a accepté que l’on en place pour vous surveiller.

— Arrêter votre bla-bla ! L’État se fiche complètement de notre sécurité. Vous n’avez pas le droit.

Le jeune homme ricana. Parfois, à cause de son attitude d’adulte, Iris en oubliait presque qu’il n’avait pas encore trente ans. Il s’approcha de la jeune fille et posa une main sur une de ses épaules. Elle aurait voulu la retirer mais elle n’y arriva pas. Elle se contenta de le fixer avec haine.

— Quoi que tu fasses, même si tu enlèves toutes les caméras, tu seras toujours observée. En tout cas… Si j'étais toi, je ne m’amuserais pas à défier les adultes possédants de l’autorité, les punitions peuvent devenir de plus en plus sévères. L’État ne vérifie pas si l’on applique bien ses méthodes de punition, donc pour traduire : je décide des punitions que je veux pour n’importe quelle personne. Donc, je peux déjà faire bien pire que la pire des punitions sur le bout de papier de l’État. Et je serai ravie de faire le test sur toi.

La jeune fille se dégagea de l’emprise du jeune homme. Le fusillant du regard. Puis, elle posa un doigt menaçant devant lui. Nicolas ne prit pas peur. Face à une adolescente, même surdouée, il n’avait pas de quoi.

— Un jour, je vous promets que je découvrirais vos petits secrets, j’ai deux ans, et je m’en servirais pour les percer.

La jeune fille lui lança un dernier regard assassin, et elle se retourna pour partir. Arriver dans sa chambre, elle la fouilla de fond en comble. Elle arracha trois caméras. Apparemment, elle était très surveillée. Iris était folle de rage. Elle n’aimait pas être espionnée. La jeune fille tapa avec ses pieds de toutes ses forces contre les caméras et elle les envoya violemment contre le mur.

— Quelle violence ! commenta une voix derrière elle.

Iris se retourna, c’était Samuel. Le garçon était rentré dans la chambre sans toquer à la porte. Il avait refermé la porte et restait là, les mains dans les poches.

— Il y en a sans doute partout, ajouta Iris.

— Quand tu es partie, on a fait un petit tour de certaines salles. Il y avait une caméra dans la chambre de Maryline, deux dans la mienne. Il y en a quatre à la cafétéria et dans notre salle de cours. On les a toutes explosées. Il y en avait dans toutes les salles sauf les salles de bains et les toilettes, on est allés dans les chambres des autres pour les enlever. Ils ne mettront pas beaucoup de temps à s’en remettre. Ce n’est pas grand-chose.

— Fantastique.

— En tout cas, content que tu n’aies plus besoin de béquilles pour marcher.

Iris avait toujours mal à la tête, mais ses jambes étaient solides. Elle pouvait tenir debout. La porte s’ouvrit violemment. Les deux adolescents crurent d’abord que c’était Nicolas, mais ce fut la petite Kendra qui fit son apparition. La fillette courra jusqu’à Iris pour enlacer sa taille.

— Iris ! s’écria-t-elle. Comment vas-tu ? Que s’est-il passé ?

— Je vais bien, dit-elle en ne l’informant pas de son mal de tête puis en passant une main dans les cheveux de la petite fille.

Les jumeaux, Sandra et Lilian débarquèrent dans la salle. Samuel leur expliqua juste que Nicolas avait blessé Iris et qu’il allait la punir après manger. Les quatre autres étaient furieux et ne comprenaient pas les motivations de M. Past. Ils ne comprenaient pas non plus pourquoi Iris s’était introduite en pleine nuit dans une salle. Les deux adolescents leur donnèrent rendez-vous dans la chambre d’Iris après sa punition pour tout leur expliquer. Les autres auraient voulu savoir tout de suite, mais ils remarquèrent bien que leurs aînés ne leur diraient rien. Pendant le repas, Iris guettait le moment où Nicolas partait de sa table. Quand il partit enfin, la jeune fille se prépara, elle ne voulait pas arriver avant lui. Les autres la regardèrent se lever et poser son plateau à l’endroit où il fallait après le repas.

— Bon, bonne chance, Madame Je-fais-des-choses-complètements-insensées-sans-penser-au-conséquence, souhaita Samuel avec un ton de reproche.

Iris n’y prêta pas attention. Elle avait l’habitude de Samuel et ses surnoms. Le fait qu’il y rajoute des reproches avec ne l’affectait aucunement. Et elle n’avait aucune raison pour l’être. La jeune fille rassura ses amis comme elle le pouvait, même si elle n’était elle-même pas sûre dans l’état d’où elle allait en sortir. Que voulait-il dire par punition exemplaire ? La jeune surdouée sortit de la cafétéria sous le regard des autres. Puis, elle retrouva Nicolas dans la récréation, il l’attendait, regardant sa montre et l’aiguille des secondes bougées.

— En retard, nota-t-il.

— Faux. Vous m’avez dit après le repas. J’ai fini mon repas, donc je suis venue ici. Je n’ai même pas attendu que les autres aient fini. J’ai juste attendu que vous partez de la cafétéria.

Nicolas ne rajouta rien. Il n’avait rien à dire. Pourtant, il la regarda, mi-étonné, mi-furieux. Iris n’y prêta pas attention. La jeune fille voulait juste faire sa punition puis partir rejoindre ses amis pour leur expliquer pourquoi elle avait été punie. Mais quelque chose lui disait, que la punition allait durer un moment. M. Past les fit rentrer dans la bâtisse. Quel était l’intérêt de les faire sortir dehors pour après réentrer ? Aucun. Si Iris n’avait autant voulu ne pas lui parler, elle lui aurait déjà fait la remarque. Sauf qu’elle restait muette, elle le devait. Pour elle. La jeune fille aurait bien voulu savoir ce qu’il avait préparé comme punition pour elle. Ils pénétrèrent dans une autre salle du rez-de-chaussée. Toujours si froide. Iris commençait à penser qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour acheter des chauffages. C’était tellement désolant. Elle aurait bien fait une remarque sarcastique, mais elle s’en délesta. Cette salle-là était bien éclairée. Il y avait toujours une table et un siège. Et à la place d’un lit de consultation comme l’autre salle, ce fut un tapis roulant. Un tapis roulant ? Plus Iris découvrait des pièces de cet endroit, plus tout cela devenait abracadabrantesque. Sous leur raison officielle de faire venir les enfants dans le désert, il y avait plusieurs autres raisons cachées que les chefs aux placés ne voulaient pas révéler au peuple, Iris en était certaine. Elle s’en doutait déjà depuis le début, mais maintenant tout ce qu’elle avait vécu en très peu de jours lui avait confirmé ce qu’elle pensait. Les questions brûlaient les lèvres de la surdouée, mais elle ne s’autorisa pas à en poser pour autant. Ce n’était pas bon. Elle ne devait pas lui adresser la parole. Iris l’avait déjà fait trop souvent. Que comptait-il faire ? Apparemment, le surveillant attendit qu’elle lui pose la question. Sauf qu’Iris ne voulait pas la poser. Se serait brisée encore une fois sa première règle d’or. Et elle devait la respecter. Même si elle l’avait brisé avec la Dr. Chasme, Iris ne voulait vraiment pas en faire de même pour l’insupportable M. Past, même si elle l’avait fait quelquefois.

— Bien… Apparemment tu as décidé de te fier aux silences et de devenir muette. En tout cas, avec les adultes à ce que je vois et j’entends. C’est ton choix, mais tu as tort. On ne veut que le bien. Votre bien à tous et à tout les Opartiskains.

Mensonge ! Ce mot se répétait à l’infini dans la tête d’Iris. Elle ne pouvait pas leur faire confiance. Elle ne pouvait et ne devait pas. La jeune fille devait se méfier de tous les adultes en dehors de ses parents et de ceux de ses amis, sauf si c’étaient des haut placés ou des marionnettes – comme Nicolas – de l’État. Plus elle se disait cela, plus la surdouée était déterminée à sortir d’ici, sortir Cassandra et Kilian de leur bâtiment. Découvrir pourquoi la guerre a éclaté dans l’espoir qu’elle se termine enfin. Cela faisait des siècles qu’elle durait, elle devait se finir. Pour le bien de l’humanité.

— Donc c’est simple. Voici ta punition : pendant trois heures sans t’arrêter, tu vas courir sur ce tapis roulant. Sans boire, sans te plaindre et sans t’arrêter sinon je te ferai continuer de force.

Cela… C’était dit. Iris s’en était doutée un peu, mais trois heures no-stop. C’était de la torture. La jeune fille ne mit pas longtemps à comprendre que c’était encore un test. Il allait encore l’analyser. Et mettre les données dans un dossier qu’il allait recréer. Pensant naïvement qu’il les avait perdus et qu’il ne les retrouverait jamais. Pendant trois heures, elle courra donc sur ce fichu tapis roulant. La jeune fille courut lentement, elle ne voulait pas être totalement lessivée au bout de trois heures. Bien évidemment, elle était quand même épuisée au bout de ses trois heures à courir. Quand M. Past lui annonça que les trois heures étaient passées, la jeune fille s’arrêta progressivement. Quand elle s’arrêta totalement, elle crue que ses jambes allaient céder sous son propre poids. Nicolas nota des informations sur une feuille. Pendant ce temps-là, Iris pensa dans sa tête qu’il ne fasse pas le rapport entre la disparition des fichiers et son intrusion dans la salle. Le surveillant l’autorisa enfin de partir. La jeune fille ne s’y fit pas prier. Sans un mot elle partit de la salle. Elle remonta rapidement dans le couloir de sa chambre. Samuel se trouvait devant sa chambre, la jeune fille comprit que les autres étaient dans sa chambre.

— Tu en as mis du temps…

— Trois heures sur un tapis roulant à courir, se plaignit-elle.

Le garçon ne rajouta rien d’autre et ouvrit la porte. Quand ils rentrèrent, les autres levèrent la tête. Apparemment, ils l’attendaient depuis un moment. La jeune fille n’avait pas prévu que cela allait durer trois heures. Qui l’aurait prévue de toute manière ? Personne. La surdouée leur raconta comment s'était passé la punition. Puis les trois aînés leur racontèrent tous. Leurs suppositions, leurs doutes, l’expédition d’Iris. À chaque nouvelle information, les plus petits semblaient de plus en plus surpris. La petite Kendra en perdait même son sourire.

Mais qu’attendent-ils de nous ? questionna Lilian.

— Je n’en sais rien, justement, il faut le découvrir. Le fait de nous protéger des bombes n’est pas la seule raison de notre venue. J’en suis convaincue. Et nous devons la trouver.

— Il y en a peut-être plus d’une, suggéra Sandra.

— Oui, tu n’as peut-être pas tort. Iris, as-tu seulement récupéré les dossiers de toi, moi et Maryline ?

La jeune fille retrouva les autres dossiers. M. Past y avait noté des informations sur leur comportement et leur habitude. Que les jumeaux se rejoignaient la nuit, que Kendra dormait toujours avec un ours en pluche marron, ou encore que Sandra et Lilian passaient la plupart du temps ensemble même hors des cours. Leur quotient intellectuel était aussi marqué, leurs points faibles et leurs points forts aussi. Les adultes ne laissaient rien au hasard. Mais ils ne pouvaient pas y avoir que cela. Iris comprit alors qu’il devait sûrement avoir des fichiers électroniques sur eux. Après avoir bavardé pendant un moment, tout le monde s’apprêta à quitter la chambre d’Iris. La jeune fille allait enfin pouvoir se retrouver seule. Avant que tout le monde sorte de sa chambre, elle discuta brièvement avec Samuel sur une éventuelle méthode de recherche pour débuter vraiment l’enquête. Mais lorsqu’elle ouvrit la porte, elle se retrouva face à un visage familier : Nicolas Past. L’homme les regardait, un sourire triomphant avec une nuance de supériorité dans son regard. Cette fois, Iris savait ce qui allait se passer. Elle allait être punie pour la deuxième fois, mais elle ne serait pas la seule.

— Alors comme cela on fait des petites cachotteries ? Je vous promets que bientôt, je saurais de quoi vous parlez. Attendez-vous à une journée éprouvante demain. Maintenant… RENTREZ DANS VOS CHAMBRES !

Le surveillant de l’établissement regarda les autres rentrer dans leur chambre. Iris les regarda elle aussi, tenant fermement la porte entre ses mains. Dans son esprit, mille et une possibilités de punition émergeaient. Elle pouvait déjà oublier les tapis roulants. Elle l’avait fait. Peut-être des interrogatoires séparés ? La jeune fille abandonna à deviner la quelconque punition qu’elle allait devoir faire face demain. Puis, M. Past se tourna vers elle.

— Bon… Jeune fille. Tu m’énerves irrémédiablement depuis ton arrivée. Je ne peux plus tolérer cela ! Demain, je te passerai tes parents et j’espère bien qu’ils vont te recadrer comme il faut ! Si jamais, tu ne te calmes pas, tes punitions seront encore plus longues, encore plus épuisantes et encore plus cruelles que celles d’hier soir.

— Lâchez-moi un peu ! D’abord, c’est moi qui voulais leur parler, s’il faut punir quelqu’un s’est moi. Faites-le, mais ne punissez pas les autres.

Ce n’était pas vraiment vrai. C’était elle, Maryline et Samuel qui voulaient parler et qui avait organisé cela. Mais la jeune fille ne voulait pas que les petits en payent la conséquence, même s’il fallait qu’elle prenne toutes, ce n’était pas grave. Sauf que M. Past ne semblait pas la croire totalement.

— Vous serez tous punis, mais étant donné que tu m’irrites depuis déjà ton arrivée, et que tu as déjà été puni une fois, ta sanction en sera plus lourde que les autres.

La jeune fille le regarda s’en aller. La porte de la chambre voisine s’ouvrit.

— N’essaye pas de tout prendre. Tu en prends déjà assez, ce n’est pas que de ta faute. Ne t’efforce pas de protéger tout le monde. Tu n’y arriveras pas tout le temps. Et essaye d’être plus discrète. Sinon, je ne sais pas dans quel état pitoyable tu vas te retrouver dès un an. Tu ne passes pas autant de temps que les plus jeunes, mais tu as quand même deux ans à passer ici. Si tu continues sur ce rythme-là, d’ici deux ans, tu seras en miettes. Moi et Samuel, nous pourrions nous le permettre, mais tu ne peux pas, déclara Maryline avant de refermer sa porte.

Elle avait sûrement raison. Mais Iris ne voulait pas l’écouter. La jeune fille referma sa porte et s’allongea sur son lit. Elle se devait de donner du fil à retordre aux adultes. La surdouée ne pouvait pas les laisser faire aussi facilement. Ce n’était pas elle de les laisser faire, et elle le savait. Ses parents allaient la disputer par téléphone, les imaginer se fâcher contre eux la chagrinait, mais elle ne pouvait pas faire autrement. Ce n’était pas eux qui étaient coincés dans cet endroit et entourés d’adultes indignes de confiances et de respect. Était-ce comme cela pour Kilian et Cassandra ? La jeune fille aurait aimé les retrouver, s’assurer qu’ils allaient bien. Mais elle ne pouvait pas.

La jeune fille éteignit la lumière et se glissa sous sa couette. Les adultes ne connaissaient rien par rapport à leur manigance, et elle espérait qu’ils ne l’apprendront pas de sitôt. Mais pour l’instant, elle devait mettre toutes ces questions et ses réflexions en veille, après une longue journée éprouvante, elle devait dormir. Car demain n’allait pas être une journée aussi reposante, au contraire. Elle semblait s’annoncer encore plus éprouvante qu’aujourd’hui.

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