Journal d'Alistair, Prince de Casti

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Journal d’Alistair, prince de Casti.

J’ai pris ce matin la route pour Lénides, notre colonie la plus excentrée et isolée pour répondre à une demande d’assistance urgente de Méty, la responsable scientifique. Pour d’autres colonies j’aurai envoyé un expert de l’université des sciences, mais cette planète revêt une importance stratégique.

Note :

Le voyage me permet de tester le nouveau prototype de courrier rapide destiné à la flotte royale. Les performances du HMS Photon sont à la hauteur de mes attentes, toutefois j’ai noté des vibrations anormales et une latence de 3.2 microns dans les commandes. Quelques réglages devraient aussi compenser la faiblesse des réacteurs interstitiels ainsi que leur précision. Ce manque de rigueur va entraîner une déviation de l’ordre de 5 mm et nous fait perdre 27 secondes toutes les 100 années lumières. Une fois les réglages finis, le nouveau modèle sera mis en service dans la flotte Ghost, je n’ai aucune idée du nom que je vais lui donner…

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J’espérais devoir m’atteler à un problème facile à résoudre, le genre qui me permettrait d’échapper quelques jours et me changer les idées. Les premiers signes sont apparus, chaque jour désormais est compté, et le temps qu’il me reste, nous reste devrait je dire, me semble dérisoire.

Le survol de la colonie m’a démontré mon erreur. Un vaisseau- ville sous dôme, écrasée dans la jungle, gisant sur son flanc. Les rapports reçus au sortir de l’interstice font état d’une technologie incroyable, les bâtiments, les rues, tous était modifiable configurable à volonté. De quoi la transformer selon ses désir, nouvelles maisons, rajouter un étage, un parc!

Mon enthousiasme à cependant été rapidement douché à la vue du camp de réfugiés. Des milliers de personnes sans foyer, amassés dans les abris de fortune. Les shamans font de leur mieux pour écarter la jungle, libérer de l’espace pendant que les soldats déploient les préfab’. Hôpital, sanitaires, logements.

Note :

J’ai hâte de revoir Kerem, Ulred et les autres orphelins, ils ont dû tellement grandir... J’ai pris des jouets et quelques peluches, peut-être qu’ils sont un peu grands pour ça en fait. Bah il y aura d’autres enfants qui en auront besoin.

Note 2 :

J’ai emporté les notes de recherches sur la baisse de fécondité, une étude complète et efficace. Malheureusement les tests et essais ne sont pas concluants. Serendi était dans la nurserie l’autre jour, celle que nous avions installée et décorée le jour où on a décidé d’avoir des enfants. Elle pleurait, sa voix à peine audible répétant pourquoi? La blessure de nos fausses couches, de cette absence est encore ouverte, certainement qu’elle ne guérira jamais. J'aurais aimé avoir une réponse… Je peux créer des soleil mais pas la vie. Nous devrions vider la nurserie.

NON ! Ce serait trop dur pour moi, pour elle, pour nous ! Il faut espérer, un jour… nous nommerons notre enfant.

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J’ai mené une recherche approfondie sur la population cachée sous la terre (la ville était enterrée, cachée sous le sol.) de Lénides. Le moins que je puisse en dire c’est qu’elle est singulière. Non que des humanoïdes aux traits animaux soient une nouveauté, mais une telle diversité n’a rien de naturel. Et pour cause ! Mes analyses démontrent qu’ils ont été assemblés à partir de diverses espèces. Des Castis, des animaux et d’autres éléments plus troublants. Si je me base sur les ouvrages découverts, une part Makkadi, les êtres mi araignés, mi humains et 100% mafieux a été utilisée.

J’ai rapidement compris qui en était l’auteur. Son style, cette façon de manipuler les essences d’Ouhn, il ne peut s’agir que de Minerva. Cette folle à encore bafoué les principes alchimiques, mais cette fois, elle est parvenue à créer des chimères. Non, ce sont des gens ! Des victimes de sa mégalomanie. Elle jouait avec leur vie, volant leurs souvenirs, créant des nouveaux à implanter comme si tout ceci n’était qu’un jeu destiné à la divertir.

Une population l’appelant “Reine”, des esclaves conditionnés pour la servir. Que faisait-elle ici ? Comment y est-elle arrivée ? Le vaisseau ville n’est pas le fruit de son labeur. Quelqu’un l’a aidée, un allié puissant. Mais qui ? Des questions auxquelles je dois avoir des réponses. Sa présence ici ne peut être le fruit du hasard. Akilesh a t’il eu vent du plan ? Il faut le savoir. Après tout, c'est un endroit isolé, idéal pour une alchimiste bannie et en fuite.

Note :

Les travaux de Minerva sont terrifiants, suffisamment pour réveiller d'anciennes peurs que je croyais à jamais oubliées. La folie qui l’habite est épouvantable, d’autant plus pour un peuple aussi stable que les Casti. Est-ce le même mécanisme que celui de sa sœur ? La mère d’Aletheia. Est-ce quelque chose qui se transmet ? J’ai ressorti les analyses réalisées sur Aletheia à sa naissance et au cours de sa vie, rien ne semble étrange ou anormal.

J’ai encore en mémoire ce petit corps inerte, le regard de dégoût, de haine pure dans les yeux de sa mère. C’est ce jour-là que j’ai rencontré le mal véritable… dans ce regard. Comment une mère a-t-elle pu vouloir tuer son enfant ? Si jamais il arrivait malheur à Aletheia, je doute de pouvoir le supporter, je dois m’assurer qu’elle ira bien.

**************

L’hôpital est débordé, les réfugiés tombent malades, leur système s’effondre, leurs cellules se désagrègent, comme leur ADN... L’œuvre alchimique liant les chairs étrangères se dissipe. Fièvre, douleur insoutenable et puis la mort, c’est ce qui les attend tous.

J’ai cru que j’allais m’effondrer en traversant le camp devant ces visages hagards, terrifiés. Il y avait cette petite avec une frimousse de lapin, des yeux innocents voilés par la fièvre et la déshydratation. Elle gisait, mourante dans les bras d’une mère au désespoir devant la souffrance insoutenable et la perte de son enfant.

HORS DE QUESTION ! LA PETITE NE VA PAS MOURIR ! JE NE PEUX PAS LES ABANDONNER !

J’ai écrit en gros comme si ça allait me donner ce dont j’ai besoin... Du temps, voilà ce qui me manque. Il ne fait aucun doute que je puisse comprendre et annuler ce compte a rebours mortel, atroce, enclenché par le décès de Minerva. Les deux sœurs, unies dans la folie, ont ce don merveilleux de donner la vie et choisissent de la détruire.

Note :

Je me sens coupable et honteux de ressentir une telle colère. J’ai pensé que nous aurions dû la tuer ou lui effacer la mémoire à l’époque. Je pense que je ne dors pas assez. On a enterré les premiers morts, leur essence ne s’est pas libérée dans l’Ouhn... Même cela, elle le leur refuse !

Note 2 :

Deïrdre a proposé d’aider, de les lier à elle pour les sauver. Je DOIS trouver une solution avant que nous n’ayons d’autre choix.

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J’ai échoué. Je regarde de nouveau la vie meurtrir ma sœur. Elle s’est liée ce matin aux réfugiés, certains étaient trop faibles et sont morts en dépit de son soutien. Comment une enfant, si douce et si menue, peut-elle supporter une telle violence ? Désemparé, j’ai regardé son visage si souriant se tordre de douleur, les larmes envahir ses joues.

Je m’inquiète pour elle, son esprit supportera-t-il de ressentir la souffrance de toute la population du camp de réfugié ? Leurs peurs, leurs douleurs, leurs peines ? Son destin, celui de notre fratrie, est marqué par la souffrance. On ne lui a pas donné de choix, elle a tout accepté. Mais ce qu’elle fait aujourd’hui, c’est son choix. Elle est extraordinaire et je suis fier d’être son frère.

Note :

Ne plus douter, Han Sour à parfaitement préparé notre sœur à son rôle, c’est son porteur d’écume. Il est lié à elle à la vie, à la mort. Ces deux-là, ensemble, rien ne saurait les arrêter. Je dois avoir confiance.

Note 2:

Avant d’entamer le lien, ma sœur m’a rappelé des choses essentielles, alors je les écris ici parce que c’est important. Si tu savais ma sœur adorée comme tu as tort de dire que tu ne sera jamais la Reine de paix, de sagesse que tu aspire à devenir, la guerre ne sera qu’une parenthèse dans ta vie. Je ne dois jamais oublier tes mots : « Tu as le droit d’être en colère, de ressentir de la haine, c’est normal. Mais jamais tu ne dois céder, on doit pardonner et aider, même, et surtout, ceux qui se perdent. Bon Minerva méritait une bonne rouste de la part d’hani ! »

**************

Cela fait des jours que ma sœur maintient en vie les réfugiés, chaque mort la meurtrit un peu plus. Ce matin, son souffle était à peine perceptible, son petit corps pâle et affaibli m’a terrifié. Je me suis connecté à elle via l’Ouhn avec Hani pour la soutenir.

Nos affinités n’ont pas été d’une grande aide mais nous avons pu alimenter sa force vitale. Il faut que j’écrive ce que j’ai vu, entendu, ressenti.

Deïrdre partage ses espoirs, sa force, sa volonté de vivre et finalement son essence vitale dans le but d’accueillir en elle les mourants et l’essence des morts avant qu’elle ne se dissipe. Son chant est une symphonie de création qui vient lutter contre la dissonance mortelle de l’alchimie dévoyée utilisée par Minerva.

J’ai vu comment elle déliait les brins d’ADN, les réparait, chassait l’ombre et la malice en eux. Chaque mort résonne dans les courants de l’Ouhn, comme une dissonance qui frappe comme les lanières d'un fouet, lacérant son esprit. Les hurlements de peur et de douleur de ma petite sœur m’ont brisé le cœur, au point que j’ai failli tout arrêter. Heureusement, Shiawase est arrivé, son chant soutient désormais celui de ma sœur.

Note :

Shiawase à été appelé, la souffrance de sa promise lui est parvenu par-delà le vide spatial. Bien des choses ont été dites sur l’élu, ce mécanisme au sein des Kephâlé est intriguant, inexplicable autrement que par une sorte de volonté, d’esprit de ruche lié à l'espèce. Pourtant, chaque individu est bien distinct. J’ai fait doubler la garde, le Duc Hélios qui espérait épouser ma sœur pourrait vouloir attenter à ses jours.

Pour lui cet « étranger à peine plus évolué qu’une bête » va souiller la lignée. Quel gros faisan ! Déjà c’est ridicule, les mères Casti interviennent sur l’ADN de leurs enfants pour éliminer les maladies, les troubles et conserver les meilleurs éléments. Et puis quoi ? C’est la fourrure ? La queue ? Je déteste les xénophobes, c’est la preuve d’un esprit limité.

**************

Deirdre et Shiawase ont permis de sauver la population, il n'y a eu qu’une poignée de pertes. J’ai pu reconstituer les corps des morts et Deirdre a guidé leur essence dans les réceptacles. Il faudra suivre tout ça mais je pense que ça va aller.

L’expédition menée par Méty est revenue. Malheureusement Minerva a réussi à fuir, feignant sa mort avec un clone. Plus inquiétant, elle est soutenue depuis Casti, sûrement par le faisan Hélios ! Mais aussi par des marchands d'esclaves de la frange. Il faut la retrouver et mettre un terme à ses exactions !

Il s’en est fallu de peu que Méty rejoigne le nombre de ses victimes, un assassin était venu la « secourir », avant même qu’elle ne soit en danger. Quelqu’un aurait les mêmes capacités que mère ?

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