Le plan - 8° partie

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La consternation emplit de nouveau l’atmosphère. José, lui, jubilait. Jusqu’alors, ces filles ne l’avaient emporté que par ruse. Même à neuf, ces ingénues ne pouvaient se permettre de combattre quatre à cinq hommes aguerris en terrain découvert. Il savait déjà comment il allait faire payer les survivantes.

— Tu as un plan ? demanda Cassy, à nouveau sur le qui-vive.

L’intéressée se retourna, à la recherche de quelque chose.

— Oui, dit-elle. Puisque personne ne sait se servir d’une épée, on va se faire des boucliers. Détachez les portes de ces meubles. Quatre ou cinq suffiront. Quant à lui… » Elle se tourna vers José. « Bâillonnez-le à nouveau. On s’occupera de lui plus tard.

Sara expliqua comment fabriquer des poignées. Le procédé, extrêmement simple, consistait à clouer quelques bandes de cuir sur chaque battant pour permettre d’y passer un avant-bras. Solidement maintenues, ces portes en chêne de près d’un mètre constituaient de parfaites protections improvisées.

Emma n’en pouvait plus. Elle ne désirait qu’un ailleurs. Quand cela finira-t-il ? La princesse n’arrêtait pas, elle allait les mener à leur perte. Elle chercha le regard des autres servantes. Seule Béa semblait lâcher prise. Allie, Justine et Alina suivaient sans sourciller. Elles paraissaient décidées, prêtes pour de nouvelles conquêtes. Emma les suivit dans leurs préparatifs.

La fille de roi détailla son plan. L’ensemble du stratagème reposait sur la surprise et la protection des boucliers. Elle sortira la première pour tuer l’un d’entre eux. Le temps de réarmer son arc, les brigands fonceront sur elle. Les boucliers s’interposeront en surgissant de l’intérieur. Les autres combattantes se positionneront derrière elle et leur jetteront toutes sortes de projectiles. Pendant que les brigands s’acharneront sur les boucliers, elle en tuera un second. Dès qu’ils se découvriront en tout petit nombre, ils fuiront et l’un d’entre eux pourrait encore être touché. Elle pouvait espérer en abattre ainsi trois ou quatre.

Elle dévisagea ses compagnes un court instant.

— N’oubliez pas, il faut tenir compte de l’effet de surprise dans leur délai de réaction. Vous, les boucliers, vous comptez jusqu’à trois avant de vous interposer. Si vous venez trop tôt, ils s’adapteront. Il ne faut pas.

— Et si nous venons trop tard ? demanda Allie.

— Dans ce cas, je rentre et me place derrière les boucliers, qui protègeront l’entrée. L’objectif reste le même.

José les vit hocher la tête. Il déchanta. La diablesse savait y faire. Si la peur se ressentait encore sur les visages, toutes acceptaient le plan. La dénommée Cassy fut la première à se munir d’un bouclier. Face aux hésitations, la princesse la chargea d’en nommer trois autres. Elle se colla ensuite à la cloison comme pour écouter ce qui se disait de l’autre côté. Lorsqu’elle se retourna, la petite armée était prête. Le regard franc, elle fit signe de se positionner.

José assista au combat. Un grand saut vers l’extérieur, un sautillement pour garder l’équilibre, un tir, un cri de douleur. Des exclamations de surprise. Un vide, un instant, interdit. Des excès de colère. Les porteuses de boucliers, qui surgissent, les autres, qui suivent. L’accrochage ! Les boucliers, les premiers coups. Les projectiles. Des râles, des hurlements, des cris. José n’apercevait que les combattantes. Incroyable, se disait-il, ces femmes agissent comme un seul homme. La peur unit et transcende, aucune ne renâcle. Un second tir. La princesse avait-elle fait mouche ? « Archer ! » cria une servante. Des pas courts, des piétinements saccadés, toutes se replaçaient. À leurs mouvements, il devina la position de l’archer. À trente pas de là, vers les premiers arbres. La princesse n’avait pas prévu sa présence. Un nouveau cri. Les prisonnières qui reculent. D’autres cris. La fille du roi, qui vise vers le bas. Un râle de douleur. « L’archer, là ! » Un tir. Un hurlement. Des cris de rage. Bousculée, la princesse qui chute. Ses compagnes trépignèrent. De sa position assise, un nouveau tir. Elle se releva. Visa encore et tira. Toutes rentrèrent en l’emmenant avec elles.

Aucun regard pour lui, aucun cri de victoire. Les filles tentaient de récupérer. Lucette s’approcha de Cassy. « Ça va » répondit-elle. Allie observa sa blessure. Le genou ensanglanté, la princesse siffla : « Maudit archer ! ». Puis : « On en a quand même eu deux. Un autre s’est sauvé en clopinant. Un quatrième est salement touché au visage. Sans l’archer, nous en aurions eu quatre ! »

Toute à sa colère, elle n’avait pas remarqué la blessure de Cassy. Allie la faisait déjà s’assoir.

Amer, José nota une fois de plus combien sous-estimer l’adversaire se révélait mortel. Face à un troupeau de jeunes filles ignorantes du combat et des armes, ses compagnons ne pouvaient perdre. Et pourtant, ils venaient de se faire botter les fesses avec brio. Fasciné par la princesse, il maudissait l’instant où il l’avait prise pour une demoiselle sans personnalité. Il aurait pu la transformer en sa chose. Le temps, pour les acquéreurs, d’offrir le meilleur prix. Quelle déchéance ! Que lui arrivait-il ?

Les filles s’affairaient sans s’inquiéter de lui. Il préférait les observer en silence. Cassy répétait qu’elle n’avait rien. Une servante et la garce blonde observaient les alentours. D’autres, pensives, massaient leurs muscles douloureux.

— On peut y aller, maintenant ? s’enquit Julia.

La princesse secoua la tête. Son interlocutrice s’impatienta. La blonde montra l’endroit où se trouvait l’archer.

— Combien sont-ils ?

— Les deux hommes valides nous surveillent. Le blessé se soigne un peu plus loin, assis contre un arbre. Celui qu’on a éraflé est parti à la rencontre des autres.

— Ceux qui sont là sont trop abimés, ils n’oseront pas nous attaquer.

— L’archer, si.

Plusieurs s’ajoutèrent à elles.

— Alors, on le bute ! lança Cassy.

— On vous protège avec les boucliers et vous lui tirez dessus, proposa Lucette.

— Il lui suffira de s’éloigner. Et quand nous partirons, il nous suivra. Au moment opportun, il nous visera. Les blessés parmi eux guideront les autres. Nous serons faits.

Quelques-unes trépignèrent. D’autres, le visage abattu, laissèrent leur regard se perdre dans la pénombre. Elles n’en avaient pas terminé.

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