La rencontre des rois - 4° partie

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Accompagné de Thomas, d’Hector et de Markus, Krys apparut au bout de l’allée. Ils discutaient âprement et échangeaient au moyen de gestes amples. Un sujet de conversation que j’aurais aimé connaître. Je lançai : « Regardez, c’est lui, Krys ! » Mes amis se tournèrent vers les nouveaux arrivants.

— Les quatre immortels ! reconnut William.

— Oui. En grande conversation, semble-t-il.

— Hugo les suit.

— Harangue-t-il le groupe ? s’étonna Ingrid.

Comme ils approchaient, j’entendis Hugo interpeller Krys.

— Tu dois te battre à cause de la réputation que t’ont forgée les ménestrels ! Tu dois prouver qui tu es ! Prouve-le maintenant !

— Les jeux sont faits et la compétition terminée, répondit Krys, sans se retourner.

— Nous ferons du hors compétition. Et nous inviterons tout le monde au spectacle.

Le prince ne demandait pas, il ordonnait. Mais Krys venait d’arriver et ne dépendait de quiconque. Peu lui importait de répondre aux désirs d’un grand seigneur.

— Je te conseille de craindre pour ton rang, précisa le chef de la communauté du désert. Imagine que tu perdes…

— Aucun danger !

— Alors on va régler cela autrement. Disons que j’ai perdu ! Est-ce que cela vous convient, mon prince ?

— J’exige une victoire officielle ! Ta réputation surfaite me porte préjudice !

— Préjudice à ton prestige ? le nargua-t-il.

— Réglons ça immédiatement !

Le ton péremptoire du prince décida Krys à se retourner. Il s’était arrêté non loin de nous, sans me remarquer. De ma position basse, je n’attirais guère l’attention. Invisible à leurs yeux, au moins éviterai-je les avances de Hugo. Au regard de la puissance du royaume des Maximiliano, je redoutais la décision de mon père en sa faveur.

La distance d’avec le nord de l’île avait échelonné nos rencontres. Le prince ne me reconnaitrait sans doute pas. J’avais peut-être à peine treize ans lorsque nous nous sommes rencontrés la dernière fois. Pour qu’il ait aujourd’hui des vues sur moi, je devais lui avoir fait forte impression ce jour-là.

Le fait qu’il ne se soit pas mêlé aux autres princes pour me rencontrer n’était pas forcément bon signe. Mon père l’avait sans doute retenu eu égard à sa renommée. À moins qu’Hugo estimât ne pas avoir besoin d’entrer en compétition avec les autres courtisans. Je redoutais cette possibilité.

Krys répondit, d’un ton ferme :

— Dis-toi bien que la réputation dont tu parles en prendra un coup. Je te conseille d’oublier ta requête.

— Ça n’arrivera pas !

Ils se jaugèrent un instant. La conversation fatiguait l’ancien gladiateur. Il proposa :

— Dans ce cas, fait venir ton champion, Duncan. Je me battrai d’abord avec lui. Si, après avoir assisté au combat, tu veux encore te battre, je te donnerai satisfaction.

— Faisons donc cela ! fit Hugo, après avoir approuvé de la tête.

Duncan fit quelques pas et les deux protagonistes prirent leurs marques. Attirés par la promesse d’un combat mémorable, les passants s’étaient agglutinés autour d’eux. La réputation d’Hugo en manière d’escrime n’était plus à faire et celle de Krys s’était répandue en tout lieu peu après la victoire.

Ils se firent face. Duncan dégaina son épée. Krys semblait attendre.

— Prends ton arme ! ordonna l’aide de camp du prince.

— Je n’en ai pas besoin. Je te mettrais à terre avec ou sans arme.

Mes amis ajoutèrent leurs voix à la surprise de la foule. Les exclamations se turent rapidement. Tous voulaient entendre.

— Ça va être trop facile, bats-toi !

— Je vais me battre. Livre le premier coup.

Décontenancé, le regard vide, Duncan s’impatientait.

— Prends une arme !

Thomas tendit une épée à Krys qui la refusa d’un geste de la main.

— Frappe ! ordonna Krys à son adversaire. » Il attendit, puis ajouta : « J’en assume l’entière responsabilité.

L’homme du nord jeta un regard perdu à son prince.

— Tant pis pour toi, hurla-t-il.

Tout en crachant ces mots, il leva son épée au-dessus de sa tête puis la rabattit. Krys attendait, sur le qui-vive. Nous eûmes un mouvement de recul. Au tout dernier moment, alors que la lame aurait dû l’atteindre, il se déplaça si promptement que nous ne parvînmes pas à suivre ses mouvements. J’eus juste le temps, pendant une fraction de seconde, d’apercevoir ses mains posées sur celles de l’officier. Le temps d’après, nous perçûmes un bruit sourd et retrouvâmes celui-ci à terre, la pointe de son épée contre la gorge.

À peine remise de sa stupeur, la foule recula en laissant s’échapper une puissante exclamation. Krys tança son adversaire, jeta l’arme à ses pieds et adressa un regard à Hugo. Ce dernier n’y répondit pas, regarda Duncan, toujours à terre, et laissa l’ancien gladiateur s’éloigner, entouré des siens. Ils nous quittèrent si rapidement que je ne pus les retenir. Je sentis mon cœur se serrer.

Hugo aida Duncan à se relever.

— Quel pleutre. Il a eu de la chance. Il ne veut même pas se battre. Peu importe, c’est mieux comme cela, je n’ai pas à me donner en spectacle en m’opposant à un esclave sans talent.

Alors qu’il s’en retournait, nous nous dévisageâmes.

— Cette vitesse ! s’exclama Robb.

— Quelle précision ! ajouta Roger, je n’ai jamais assisté à une feinte pareille !

— Je vous avais prévenus ! dis-je.

— Il m’impressionne, s’exclama Ingrid. Il m’impressionne vraiment !

— Est-ce vraiment de la chance, comme le dit Hugo ? se demanda Robb.

— En aucun cas, expliquai-je. Il faudra vous habituer au fait qu’Hugo ne soit plus le numéro un ! Comment croyez-vous que nous ayons gagné la guerre ? Réfléchissez à la version à laquelle vous vous apprêtez à donner crédit.

Ne vous laissez pas manipuler par les désirs de gloire de vos parents couronnés, avais-je envie d’ajouter. Intéressez-vous à ce qui s’est réellement passé !

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