Conte d'un Amour Ethéré

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Sur le littoral de la petite île bretonne, le Prince Zéphyr se sentait seul et tempêtait. Il frappait les flots, déchainait la houle, soulevait sa barbe d’écume à grand fracas pour l’envoyer s’écraser contre les rochers. L’océan, dont il aimait tant la beauté vive et les éclats argentés, ne trouvait grâce à ses yeux qu’aussi tourmenté et excédé qu’il l’était lui-même.

Il crut, un moment, se faire un ami du goéland posé avec négligence au bout du ponton. Mais l’oiseau le toisa de ses yeux de jais en faisant frissonner ses plumes d’un air dédaigneux. Il n’avait que faire des états d’âme du Prince. Il osa même lui tourner le dos et s’envoler vers une bouée cardinale qui se dandinait au gré des courants.

Profondément triste, Zéphyr rugit tout autour de la petite maison de pêcheur, mais elle aussi se moqua de son tapage. Abattu, il frappa sans force contre une vitre salie et mal isolée et trouva un interstice où il put se faufiler.

Á l’intérieur, le silence peuplait chaque recoin, et le feu, aussi doux qu’un chaton, faisait luire ses tisons sans l’ombre d’un murmure. Quelquefois pourtant, comme on sursaute dans son sommeil, le félin émettait un feulement tendre qui brisait l’obscurité et la quiétude des lieux. Les lueurs tigrées, légèrement carminées, en profitaient alors pour caresser sans pudeur le corps à demi dévêtu du jeune homme qui gisait sur une méridienne.

Le sommeil est un amour perdu... Les mots du poète virevoltaient dans l’esprit de Zéphyr tandis qu’il frôlait les lèvres pourprées du bel alangui. Ourlées, charnues, elles pouvaient par élégance, il en était sûr, prendre la forme d’un cœur sous le poids de certaines syllabes. Que n’aurait-il donné pour connaître le goût de sa bouche, la douceur de sa langue.

Par touches légères, Il offrit à son prince quelques notes iodées pour parfumer ses cheveux sombres, joua un instant avec le reflet irisé qui dansait sur la courbe de ses cils et s’approcha jusqu’à sentir son souffle et caresser, avec une infinie délicatesse, la peau révélée par sa chemise entrouverte.

Lui, qui ne connaissait que l’infini et la solitude, voulu pour la toute première fois que quelqu’un le remarqua.

Nyx, le chat de la maison, vibrisses frémissantes, entra dans la pièce et lui jeta un regard d’avertissement. Puis, ne voyant aucune agressivité de sa part, bailla, passa une patte négligente sur son oreille droite puis se coula sur le coussin moelleux qui trônait près de la cheminée.

Le jeune homme s’agita un peu puis posa une main élégante sous sa joue, avant de reprendre le cours de son voyage onirique. Zéphyr ébloui se perdit dans la contemplation de sa poitrine qui se soulevait en rythme. Le monde devenait espoir, le temps d’un souffle.

Mais lentement, la réalité exigea de reprendre sa place tandis que la nuit s’effaçait. Les premières couleurs de l’aube griffèrent bientôt le ciel et incitèrent Zéphyr à chaque lueur supplémentaire à recouvrer sa liberté.

Pourtant, Il ne pouvait se résoudre à le quitter et à rejoindre son néant. Alors, volute teintée de regrets, il lui offrit sa vie tandis qu’il prenait une profonde inspiration pour sortir de sa torpeur.

Étrangement et pour la première fois depuis bien longtemps, le jeune homme se sentit plein de courage et grisé par une folle envie de liberté...

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