Neavia - 2.1

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Autour de Neavia, il faisait sombre, il n’y avait juste que l’obscurité qui l’enveloppait en l’étreignant de ses griffes froides.

Pourquoi cette plongée dans le noir ? Et où était-elle d’ailleurs ?

Tandis que ces questions fusaient dans sa tête et que l’espace l’entourant était toujours bien ténébreux, Neavia se concentra, car il y avait un point lumineux. Une tache orangée au loin qui attirait son regard.

Mais tout aussi intriguée qu’elle était par cette lumière, Neavia avait une certaine réticence à s’en approcher. Avançant lentement, des bribes de souvenirs remontaient en elle. Des bruits d’armes, des cris, des visages…

Tout cela lui faisait peur.

Elle était effrayée par les sensations, les brides de mémoires qui lui revenaient et plus que tout par ce qu’elle voyait face à elle. Dans les ténèbres, des brasiers s’élevaient en un point en l’éblouissant de leurs lueurs orangées.

Un grand feu se dessinait à présent en face de la jeune chasseresse. Tendant sa main face à l’attraction que jouait ce spectacle coloré, elle la retira bien vite lorsqu’elle ressentit la douleur, la chaleur qui courait jusqu’à ses doigts.

Les lueurs étaient vives, presque dansantes avec les flammèches qui disparaissaient aussi rapidement qu’elles étaient apparues en faisant s’envoler des étincelles dans l’obscurité.

En regardant la base de ce brasier orangée, Neavia vit que le feu semblait courir sur le sol en suivant comme une traînée invisible dans la pénombre environnante. Longeant cette ligne, Alina s’arrêta bien vite quand les flammes dessinèrent un tableau vivant. L’endroit qui y était dépeint était familier et inconnu à la fois. Presque comme si l’esprit même de la jeune femme tentait de la protéger de ce qu’elle cherchait pourtant à comprendre, de ce qu’elle voulait se rappeler.

Elle pouvait voir des ruines, des chasseurs. Entendre des cris et bientôt des célébrations…

Mais alors qu’elle souriait devant cette vision, une petite voix intérieure s’élevait en elle comme pour l’avertir d’un danger, d’une déconvenue face à l’apparente gaieté de la scène. Parmi les chasseurs qu’elle apercevait, il y avait ses amis, Amiş et Kïron. Leur regard était léger et une joie pure balayait leur visage. Cependant leur humeur, leur expression semblaient changer. Se transformer en même temps que le tableau de flammes qui l’avait hypnotisé.

Les cris se muèrent de l’allégresse à la douleur et des explosions se firent ressentir.

Elle se rappelait de cela, elle avait déjà vécu ces événements.

Des détonations furent alors audibles et bientôt elle put sentir la souffrance des chasseurs qui mourraient. Neavia voulait les aider, mais cela lui était impossible et elle apercevait la scène, le massacre sans pouvoir agir. Les larmes coulaient sur ses jours en même temps que son esprit lui remémorait ces événements, ses souvenirs qui se rejouaient face à elle.

Et tandis que sa vision brouillée par ses pleurs l’empêchait de continuer à observer distinctement, la scène s’évanouit en une explosion de flammes rouges.

Ainsi Neavia resta seule face à l’obscurité et à la douleur qui cette fois l’étreignait.

Alors que la jeune femme était à genoux, ce ne fut pas un nouveau tableau qui se dessina au loin. Mais bien la chasseresse qui semblait être amenée, bien malgré elle, en face d’une forme sombre. Un homme qui fut bientôt éclairé par un nouveau feu.

Ce dernier avait un visage empli de colère et de haine. Il tenait une arme dans sa main et tandis que son regard fixait avec intensité celui de Neavia, il la fit contempler le sol.

Il y avait là une autre personne, une silhouette écroulée et les flammes s’écartant lui laissèrent voir les traits d'Amiş, le visage de son ami.

Réagissant, Neavia se leva pour partir le rejoindre, mais cette fois elle fut rejetée en arrière.

Se remettant debout, elle courut, courue, mais au lieu d’avancer elle semblait reculer toujours plus face à la scène. Devant le visage de l’homme qui souriait en actionnant l’arme pour emporter la vie d'Amiş en un flash lumineux. Criant son prénom, Neavia était désespérée.

Elle criait, criait de toutes ses forces face à cette barbare injustice.

Mais alors qu’elle déversait cette fois sa colère de par ses cris, elle perçut une voix qui paraissait l’appeler.

Et c'est lorsqu‘elle sentit une main sur son épaule que l’univers entourant la jeune femme changea.

— Neavia, Neavia ! entendit-elle en se réveillant.

En ouvrant les yeux, elle vit alors le monde « réel ». Réagissant par instinct encore chamboulé par son esprit, Neavia avait dégainé son Tcepeş* avec rapidité et le fil blanc de la lame était arrêté dans la paume d’un homme en faisant couler une légère goutte de sang sur le long du couteau.

—Eh ben, commença-t-il. Tu t’accrochais comme une tique ma parole… dit Druïg en baissant le poignard de Neavia d’un geste de main.

La jeune chasseresse était couchée contre un mur éboulé, un des multiples vestiges perdus dans la multitude des ruines des cités d’antan. Devant elle se tenait son ami qui se relevait et juste derrière un petit feu ou un certain nombre de chasseurs semblaient être agglutinés pour capturer les quelques brides de chaleur qu’il renvoyait.

Observant son ami lui tendre la main. Neavia rangea sa lame et se mit debout, aidé par Druïg.

— Combien de temps ai-je dormi ?

— Pas plus de quelques heures… Enfin, si on appelle ça dormir.

Regardant les rescapés du groupe de chasse, Neavia reprit.

— Si peu sont arrivés à cette cachette.

— Tu as raison, mais on ne peut se laisser aller à la tristesse maintenant. Il nous faut regagner le village. On ne peut attendre les possibles retardataires.

— Je suppose que tu vas nous y conduire ?

— Qui d’autre est en état de le faire ? commença Druïg en se tournant vers le feu et ses occupants. Kïron absent, il faut bien que quelqu’un prenne les rênes et on va dire que parmi les rescapés, je suis le moins abattu. Soufflant, il continua. Nous n’avons plus rien d’un groupe de chasse, nos hommes sont en un triste état et toi…

— Moi ?

— Tu es… à cran, touché par la mort d’Amiş et Kïron.

— Kïron !? répondit-elle en s’emportant, je ne l’ai pas vu périr moi !

— S’il n’est pas là, c’est…

— C'est qu’il n’est pas là, on a tous fui comme on pouvait. Il s'est peut-être échappé dans une autre direction de la même manière qu'un certain nombre de nos camarades.

— Où se faire capturer, dit Druïg pour rattraper son erreur après avoir enterré précipitamment Kïron face à Neavia.

Le groupe de chasse se trouvait encore dans des ruines. L’endroit n’avait pas été choisi par hasard, car c'était là l’un des nombreux points d’arrêts retenus par les chasseurs du clan pour former une sorte « d’avant-poste » dans la terre viable.

L’emplacement consistait en un large espace couvert par des parties supérieures juste au-dessus du sol. Un mur éboulé permettait d’avoir une ouverture sur l’extérieur et la nuit qui avait pris. La pluie s’était invitée à la soirée et les esprits de tous étaient au plus bas après les événements de la journée. La nuit plus que maussade qui allait les accompagner sur le chemin du retour n'arrangeait rien.

— Il faut y aller, on n’a que trop traîné, dit Druïg.

Acquiesçant Neavia récupéra ses affaires sur le sol et faisant passer sa lourde arbalète dans son dos le succéda.

Druïg de sa voix assurée pria les survivants de préparer leurs équipements. L’endroit fut vite vidé tandis que les derniers occupants des lieux éteignaient le feu en versant un seau d’eau dessus.

Neavia qui ouvrit la marche suivit de Druïg et le groupe s’aventura dans les ruines avoisinantes plus à découvert. Au bout d’un bon moment, ils s’arrêtèrent face à un emplacement marqué d’un glyphe clanique. Neavia ajusta sa capuche pour se protéger de la froide pluie alors que deux hommes retirèrent une lourde plaque d’acier bien rouillée du sol en dévoilant un passage jusque-là caché.

Aidant les chasseurs à descendre dans ce tunnel, Neavia et Druïg furent parmi les derniers à entrer dans le sombre corridor tandis qu’un des membres du groupe remit derrière eux la plaque dans un sinistre crissement métallique.

*

Tcepeş : C’est une lame utilisée par les chasseurs des clans. Cette arme est taillée dans les défenses mêmes des griffeurs et permet de façonner une lame au tranchant peu commun. Pour posséder un tel couteau, les chasseurs subissent un rite pour leur passage à la vie adulte qui consiste à tuer leur premier griffeur avant de façonner eux-mêmes leur Tcepeş.

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