Alek - 2.1

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À la clarté fluctuante de la lampe à pétrole qui siégeait sur sa table, Alek prenait connaissance de l’espace qui l’entourait. La nuit n’était tombée que depuis quelques heures, mais il sentait déjà la vie nocturne s'emparer de la ville. Prendre possession de ses innombrables rues à mesure que les citoyens aux horizons divers ralliaient les débits de boissons de la cité nation. Ils ouvraient leurs portes les uns après les autres. Le magister se trouvait d'ailleurs assis à l’une des tables que comprenait l’établissement où lui et Amicia s’étaient arrêtés.

« Le chat noir » était un bistrot des niveaux inférieurs de la ville, plus précisément les dix derniers, ce qui en faisait une institution hautement fréquentée à ces heures tardives. Le bâtiment avait des proportions plus qu'importantes pour un commerce de ce quartier plutôt populaire. Une sorte de petite troupe avait investi l’estrade au fond de la salle, leurs instruments et crincrins répandaient leur chanson amateur et pourtant divertissante. Les rires et discussions fusaient en tous sens dans la pièce principale.

Elle se voyait remplie de tables, le comptoir lui était à l’opposé de l'entrée et la tribune des musiciens, si tant est que ce titre leur soit accordé, occupait le coin le plus dégagé des lieux. Le premier étage laissait ensuite place à deux autres, moins importants. Des mezanines ou un espace de vide partait du centre du rez-de-chaussée et s'étendait jusqu'au plafond du bâtiment. Cet espace permettait aux clients des niveaux supérieurs d'observer les artistes et nouveaux venus. L'endroit ressemblait à une ruche où le précieux nectar jaune qu'était la bière coulait en abondance.

Une odeur d’alcool et de nourriture tenait l'établissement et parmi ces effluves premiers on y devinait toutefois quelques notes clandestines. Celles de senteurs tenaces qui s'invitaient en ce moment festif. Comme celle du charbon ou du pétrole que les ouvriers ramenaient sur eux après leurs éreintantes rotations. Les groupes de nuit avaient prit le relais dans les usines et les employés du jour venaient vivre un instant de plaisir avant de retourner dormir dans leur chez eux, moins cosy et certainement moins grands.

Alek qui observait la foule de la salle principale passait de travailleur en travailleur, de visage en visage. Leur unique indice avait mené à ce lieu. Après avoir inspecté le quartier, rien n’avait sauté aux yeux des magisters qui s’étaient alors rabattus sur le chat noir pour trouver quelques traces ou potentielles sources d’informations. Mais dans le public divers, nul étranger, nul suspect. Seulement des ouvriers des usines de la famille des Devràn qui possédaient le secteur entier et ses habitants en accord avec leur titre.

La visite qu’avait faite Alek avec Amicia dans les rues durant la journée n’avait rien donné. Même la faction locale demeurait absente. Les deux arcanistes avaient bien sûr revêtu de longs manteaux de civil pour cacher leur identité, le manque d’hommes de main devait provenir d’une fuite d’information, voire de toute autre chose. Cela laissait Alek pensif. Pourquoi n’avaient-ils rien trouvé ? Pourquoi la pègre qui tenait le quartier s’était-elle retirée ?

Ordinairement chaque secteur appartenait à une famille noble. Mais à des niveaux si bas, c’était les factions qui dirigeaient. Seulement pas un membre de la bande de criminels local n’osait montrer le bout de son nez.

Alek continuait d’observer depuis sa table excentrée, il sentit un courant froid dans sa nuque

— Je n’aime vraiment pas ça, fit Amicia dans sa tête.

— De quoi ?

— Le quartier est trop calme, ce satané bistrot est trop paisible. Pourtant la dernière descente de la milice et de la garde remonte à loin.

— Pour ce qui est de la garde des mois, répondit Alek. Concernant de la milice, je ne sais pas, quelques semaines ?

— Alors pourquoi la faction n’est-elle pas présente dans les rues, surtout la nuit ?

— Bonne question que je me posais à l’instant figure toi. Si je ne dis pas de conneries, la faction du quartier appartient à Léto de Wriss aussi appelé « Taille-pierre ».

— Laisse-moi deviner, il officie dans le recel de gemmes précieuses ?

— Tout juste.

— Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour que les dames de la haute aient leurs bijoux ? Tu m’as l’air bien informé, pourquoi la milice de ta famille n’a pas débarrassé la zone de ce charmant Taille-pierre ?

— On préfère au mal un visage connu. Et puis à part les occupations habituelles des factions, Taille-pierre fait uniquement dans le recel de gemmes précieuses.

— Donc pas d’armes ou d’humains.

— A priori, alors que fait il ?

— Soit ils font profil bas, soit ils ont été renversés.

— Aucune de ces possibilités, je dirais quelque chose d’autre.

— Bon restons à l'affût alors, on ne sait jamais…

Tandis qu’il sentait l’esprit d’Amicia le quitter, Alek se mit à se concentrer. Il se focalisa sur la foule de clients qui prenait d’assaut l’établissement. Il laissa libre cours à ses pouvoirs d’arcaniste. Il pouvait sentir chaque ouvrier, chaque humain présent. Il se canalisait… Il se concentrait, mais la tâche était ardue. Chaque pensée se voyait si forte, chaque sensation si intense qu'il pouvait se perdre dans ce flux. Il n’interagissait pas, on lui avait appris à se maîtriser. Il se laissa aller, abandonna son esprit dans la vague qui l’entourait.

Il n’était plus en soi dans son corps, plus exactement. Il se projetait dans un espace dont nombre d’humains n’avaient pas idée. Cet espace était une sorte d’infini nuage violet dans lequel chaque sentiment, chaque vie étaient un point lumineux. Alek furetait, cherchait toujours plus sans vraiment de but précis.

Mais alors qu'il sondait les occupants du bistrot, il décela un sujet d’intérêt dans ce vaste nuage. Une chose qu’il avait déjà aperçue, qu’il connaissait. Amicia.

Elle s’était approchée du gérant de l'établissement. Il pouvait le sentir à ses pensées désordonnées et rapides. Elle devait avoir vu quelque chose d’important pour être active à ce point. Tandis qu’il essayait d’accompagner sa partenaire, Alek percevait sa concentration baissée, quelque chose le gênait.

Il revint à lui petit à petit, toujours assis sur son siège de bois.

La première sensation qui lui vint était celle d’un liquide, d’un breuvage tombant sur son pantalon. Il regarda et observa son verre d’alcool qui avait chuter rouler jusqu’au bord de la table. Son contenu avait ruisselé et s'écoulait goutte après goutte sur les vêtements du magister.

Un coup secouea la table, puis un autre. Alek se tourna dès lors vers l’homme qui était à l'origine de tout cela.

— Ha, enfin tu m’entends. Tu es trop ivre ou trop stupide pour me parler ? T’es qui ? Un étranger, un pion de la garde ? Allez, réponds-moi.

— Pourquoi le ferais-je ? Vous venez de renverser un alcool aussi mauvais que cher. Mais bon je l’ai payé et je ne suis pas là à vous demander qui vous êtes malgré ça ?

Le visage colérique de la personne changea du tout au tout et se mélangeait à de l’incompréhension à présent.

— Putin, fit-il en donnant un énième coup qui fit tomber le verre. T’es louche et je veux savoir ce que tu fais dans notre quartier !

Alek regarda le verre brisé au sol avant de fixer à nouveau l’arrivant dans les yeux.

— Notre quartier ? Enfin un individu de la faction, pourtant je ne vois ni tatouage ni traces de pensée allant dans le sens d’un homme de main. Tu es une recrue ou simplement un guetteur.

La personne qui voulait répondre était figée, non pas métaphoriquement, mais réellement pétrifiée par les pouvoirs d’Alek.

— Bon, je serais bien resté, mais on dirait que ma camarade a trouvé quelque chose alors attends sagement ici, dit le magister en se levant.

Il passa sa main sur le cou de l’homme auparavant agressif et le fit s'asseoir en entendant un gémissement quand il l’installa. Au moment où il perdait connaissance, il fut juste assez fort pour articuler un dernier mot :

— Sale sorcier… mutant…

Et l’homme s’endormit bien malgré lui affichant un rictus de colère.

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