Prélude - 1.2

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— Tu t’amuses à effrayer Bastian en feignant la présence d’un mutant. Mais en as-tu déjà seulement croisé un, le balafré ? Je ne te le souhaite pas, tu sais, commença Jeremiah en déverrouillant la porte. J’ai été désigné pour diriger un groupe de « volontaires » il y a quelques années de ça. Nous devions détruire un nid de griffeurs dans les ruines non loin. Bien sûr, ces vicieuses créatures nous attendaient. Leur meute nous a attaqués en cours de route et nombreux sont ceux qui y ont perdu la vie. Alors Johan, essaye de ne pas te moquer des choses que tu ne connais pas, termina le vieil homme en prenant la lumière de l’intéressé d’un geste rapide et empli d’animosité.

— Ronchon l’ancien, chuchota Johan à Bastian avant d’emboîter le pas a Jeremiah qui s’éloignait dans un nouveau couloir.

La lampe à pétrole révélait les alentours d’une faible clarté lancinante. Le porion et son halo orangé balayaient les sombres passages de la tour en laissant bientôt les deux autres membres de la troupe dans une pénombre opaque. Les deux hommes en question l’imitèrent et embrassèrent leurs propres petits éclairages accrochés sur leurs torses. Tournant l’arrivée de combustible, Johan craqua une de ses allumettes contre le mur et enflamma la mèche de tissu à l’intérieur de son appareil. Il referma ensuite le corps de verre de cette dernière, il tendit le frêle bout de bois à Bastian qui fit de même. Ainsi guidés par leurs lueurs orangées, les deux ouvriers continuèrent leur ronde derrière le supérieur du groupe.

Les trois hommes s’enfoncèrent dès lors toujours plus dans le dédale d’escaliers qui menait aux niveaux inférieurs de la tour. Le porion et Johan s’arrêtaient de temps à autre pour inspecter les conduits et chercher toute trace de fuite potentielle. Après avoir dévalé une nouvelle volée de marche, la patrouille s’aventura dans les corridors des premiers étages du bâtiment. Les baies vitrées de cette partie de la structure donnaient sur le sol proche et atténuaient ainsi la sensation d’enfermement de Bastian qui progressait avec son sentiment de malaise amoindri. Il n’était pas claustrophobe, mais les hautes pièces sombres et les couloirs longs et interminables avaient de quoi faire tourner la tête à plus d’un la nuit venue.

Les quelques flammèches orangées des autres tours de forage non loin éclairaient les allées dans lesquelles la patrouille avançait. À chaque rejet de combustible brûlé, la forme des carreaux se transcrivait sur le mur couvert de tuyaux opposés. Ainsi que les visages fatigués des hommes qui les arpentaient.

Jusque-là rien d’anormal n’avait été observé, cependant les travailleurs du dernier quart de la journée avaient informé de possibles fuites dans les conduites de l’installation. Une fois ces dernières trouvées, les ouvriers pourraient tous trois rentrer à leur quartier. Redoublant d’efforts, les trois individus continuaient donc leur avancée dans les étages inférieurs de la tour en pressant la foulée. Bientôt le vacarme des machines, du vent et des pas fut rejoint par un bruit qui alerta la patrouille. Un son sourd qui remontait à l’intérieur des conduites. Les trois hommes, comme attirés par cette nouveauté, progressèrent dans sa direction.

Au détour d’un couloir, ils tombèrent alors sur l’une des fameuses fuites. L’un des tuyaux présentait une petite rupture d’où la vapeur chaude s’échappait en continu. Le bruit de coups semblait résonner avec force de cette ouverture.

— Allez, Johan, fais ce pour quoi on te paye et mets-toi au boulot, fit le porion en pointant du doigt le conduit meurtri.

L’homme qui s’était alors agenouillé sur le sol de grilles d’aciers du couloir y avait posé son lourd sac de cuir. Il sortit un à un ses outils. Tissus, pinces et colliers de serrage se multipliaient et Johan commença son office. Malgré son mauvais caractère, l’individu avait quand même des qualités et son habileté quant aux travaux sur les canalisations représentait un atout non négligeable pour l’équipe de la tour de forage.

Tandis que Johan calfeutrait l’ouverture du tube de vapeur sous le regard du jeune Bastian, le porion, lui, s’était porté plus en avant. Son halo de lumière se sépara du groupe de plus en plus jusqu’à son arrêt final.

Le balafré qui avait fini son œuvre rangea son matériel aidé par Bastian et les deux hommes ne tardèrent pas à ensuite rejoindre Jeremiah. Quand ils retrouvèrent Jeremiah, ce dernier était genoux au sol observant quelques traces sur les grilles qui composaient l’allée. L’éclairage orangé de sa lampe courait le long des sillons qui défiguraient l'acier.

— Vous voyez ça, commença-t-il en désignant les stries et griffures. Ce n’est pas le fait d’une personne et ce n’était pas là lors de mon précédent passage.

— Ha, on a donc à faire à un invité clandestin, déduisit ironiquement Johan, on va peut-être pouvoir apercevoir notre premier mutant. Hein Bastian, fit-il en donnant un coup de coude au jeune du groupe.

— J’espère que non, répondit l'intéressé d’un air bien moins enjoué que son camarade.

— Il faudrait en être sûr en tout cas, suivons ces traces, finit le porion en entraînant la patrouille derrière lui. 

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