Neavia - 1.3

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Neavia et Kïron redoublèrent ainsi d’ardeur et continuèrent leur marche. Passant de bâtiment en bâtiment, sautant de crevasse en crevasse et restant à l’affût de chaque trace. De chaque indice qu’avait pu laisser le griffeur sur son chemin s’il s’était aventuré dans les hauteurs. Ils firent cela pendant un long moment, dans un silence des plus austères et rigoureux. Et ce, jusqu’à ce que Neavia réfléchissant toujours à la vision de la ville et de ses nombreux engins prenne la parole.

— Ce monstre d’acier, ce train, il emmène des hommes au nord ?

— C’est leur guerre sans fin avec les autres citadins du nord qui demande constamment plus de vie. Non contents de ravager et détruire, ils se battent et s’entretuent… D’ailleurs, as-tu entendu l’appareil de leurs prospecteurs ?

— Évidemment, il a fait trembler le bâtiment où j’étais. Pourquoi cette question ? Ils t’inquiètent ?

— Ces hommes ne sont là que pour voler et prendre tout ce qu’ils trouvent. Tout ce qui pourrait nous être profitable. J’aurais préféré ne pas les savoir dans les parages durant notre chasse. Traquer un griffeur est déjà dangereux en soi alors ajouter ces francs-tireurs dans cette traque augmente les risques bien inutilement.

— Il faut souhaiter qu’ils n’interfèrent pas…

— Si seulement espérer suffisait, reste sur tes gardes tout de même, tu pourrais bien recourir à ton arbalète sur ces gens plutôt que sur le monstre que nous poursuivons.

Et sur ces mots tous deux continuèrent à avancer, les sens toujours plus en éveil. La lumière s’était faite de plus en plus présente au fur et à mesure de la chasse. La sombre aube avait fait place à la lueur tamisée du distant soleil qui perçait avec difficulté les opaques nuages du ciel. Cet astre brillant était bien avare en ce mois et Neavia avait pu sentir la lassitude de son esprit en réaction.

Heureusement ou malheureusement, elle avait connu ce climat la majeure partie de sa vie et elle s'y était faite avec le temps. Elle s'y était résolue.

Arrivant au bout de leur bâtiment, Kïron fit signe à Neavia de s’arrêter. Ils restèrent ainsi immobiles, essayant de percevoir le moindre bruit. Tandis que la pression commençait enfin à monter en elle, Neavia ne manqua pas la seconde indication qui l’avertir de s’accroupir.

Ce faisant, la jeune femme se rapprocha de la manière la plus silencieuse possible de Kïron tandis qu'il s’était avancé vers le mur et de sa faille qui le scarifiait.

Prenant place de part et d’autre de l’ouverture, les deux chasseurs se regardèrent en s'emparant de leurs armes. Neavia, s’équipant de la sienne, chargée, scruta son camarade.

Ce dernier fit signe de la tête et tous deux empruntèrent l’un après l’autre dans la cour passage.

L’orifice fit chuter Neavia sur un promontoire situé juste en dessous de leur étage. Se réceptionnant comme elle le pouvait avec ses mains prises, elle pointa son arme dans la même direction que celle de Kïron.

Tous deux avaient sauté vers l’inconnue et maintenant, il avait devant eux un petit tas de gravats et autres éboulis. Mais surtout deux hommes couchés et cachés derrière cette « protection ». Contrairement aux deux arrivants, ils étaient plutôt détendus et l’un d'eux souriait face à eux.

Tandis que Neavia et Kïron abaissaient leurs arbalètes, le personnage au visage découvert et auparavant enjoué leur fit signe de s’approcher en appliquant son doigt sur sa bouche pour les informer de surtout rester silencieux.

Ils prirent place de part et d’autre des deux premiers occupants du petit couvert. Neavia se coucha contre le tas d’éboulis, son arme toujours entre ses mains.

Impulsif comme toujours Kïron… chuchota Druïg, l’homme qui leur avait souri.

Vous vous êtes tous mis d’accord pour me tomber dessus aujourd’hui !?

Échangeant un regard complice avec Neavia, Druïg reprit.

Tu sais bien qu’il faut parfois tourmenter même les meilleurs

C’est ça, continue de te moquer de moi.

Quel grognon, aujourd’hui, que lui as-tu donc fait Neavia ?

Ho, rien… pour une fois. Il a dû se lever du mauvais pied.

Ça doit être ça.

Je suis encore là, fit Kïron pour stopper ses deux amis presque hilares avant que le quatrième même du groupe ne les rappelle tous à l’ordre en se raclant la gorge.

Se retournant vers ce dernier, Kïron fut le premier à lui parler.

Qu'y a-t-il Amiş, tu as senti quelque chose ?

En plus de vos esprits enfantins et querelleurs, oui.

Ha ! l’animal est donc présent, dit Druïg.

Et les autres chasseurs ?

Prêt et alerte selon leurs pensées, répondit Amiş à Kïron.

Amiş était née avec des pouvoirs bien étranges. Selon la Keşic Moïra, il était un Magïuş*. Un béni parmi les hommes de la tribu. L’un de ceux choisis pour porter les dons offerts par Céresse, par la mère Nature. Neavia était bien sûr dubitative quant à cesdites capacités, mais il fallait avouer qu’Amiş se trompait rarement en ce qui concernait ses présages et à ses sens. Des facultés bien plus aiguisées que les meilleurs chasseurs que comptait le clan.

Le piège est donc tendu et prêt ?

On dirait bien, Kïron.

Alors, arrêtons de bavasser et allons voir, conclut Amiş.

Les quatre chasseurs, aux différences autant marquées qu'invisibles, firent dépasser discrètement leur tête de leur couvert pour observer le lieu qui était devant eux. Les chasseurs du clan avaient choisi l’emplacement de leur piège avec attention. Ainsi à bonne hauteur, Neavia avec une vision dégagée sur la zone en contrebas.

L’endroit était une sorte de grande fosse emplie de verdure. Une immense place qui était encerclée par toute une volée de bâtiments en ruine aux tailles diverses. De sa position, Neavia essaya de distinguer le moindre mouvement, la moindre trace de passage, mais mise à part la végétation bougeant sous l’effet du vent, elle n’aperçut rien.

Tout du moins, rien au départ, car en observant plus attentivement les édifices qui composaient les alentours de la place, elle distingua des formes. Plissant les yeux, elle comprit qu’il devait s’agir des autres chasseurs répartis dans les ruines.

Comme en un écho avec ce qu’elle voyait, Kïron émit une sorte de bruit animal. Un chant d’oiseaux qui résonna dans les lieux. Ce dernier ne resta pas seul bien longtemps, et ce même bruit fut repris quelques fois à travers les ruines aux quatre coins des hauts bâtiments.

Chacun devait être prêt et il ne restait plus que le griffeur qui savait se faire attendre. Les hommes et femmes du groupe se tenaient immobiles un bon moment à l’affût de la créature qui apparut enfin.

Elle était une imposante bête quadrupède qui devait dépasser chacun des chasseurs d’une ou deux têtes. Un puissant animal a la peau grisâtre tendant vers le noir. Ses membres étaient vigoureux et musclés. Ses pattes avant, comme son nom pouvait l’indiquer, étaient munies de longues griffes acérées et sa face, elle, garnit de crocs et de deux yeux d’ébène vifs qui bougeaient en tous sens pour chercher la moindre menace.

Ces créatures, ces monstres, ne se séparaient que rarement de leur harde et les chasseurs non contents de cette aubaine avaient conduit la bête exactement à l’emplacement voulu. Kïron, qui émit à nouveau ses imitations d’oiseaux, fit se lever l’animal sur ses deux puissantes pattes arrière.

Ainsi debout, la  était reposé de tout son poids sur ses grands membres. Dressé et alerte.

Mais elle le fut trop tardivement, elle perçut la menace lorsque le danger était déjà présent. Une forme s’éleva dans la ruine opposée à Neavia, un chasseur apparaissait, lui aussi, envoya de toutes ses forces son javelot sur la créature. Une redoutable arme acérée qui devait stopper le monstre et ne pas lui laisser le temps de se rendre compte du traquenard dans lequel il avait plongé. La position en hauteur et avantageuse de l’homme permit ainsi au projectile de fondre avec force sur la bête.

Le griffeur essaya de réagir bien entendu cependant, le javelot l’avait déjà atteint à l’une de ses pattes arrière, la clouant par la même occasion dans la terre meuble. Son membre entravé le maintenait au sol et ses hurlements se muèrent en un râle puissant, la bête se résolut à tirer comme elle pouvait pour se libérer. À extraire sur la lance qui s’était fichée dans le terrain. Sa force seul lui permit de le faire, mais blessant horriblement.

Les chasseurs aux quatre coins des ruines ne s’étaient pas fait prier pour agir une foi que l’arme avait été lancée sur sa cible. Certains posèrent de longues cordes pour rejoindre la fosse tandis que d’autres comme Neavia décochèrent leurs traits meurtriers en direction du monstre avant de descendre à leur tour.

*

Un Magïuş : Le peuple libre, les clans appellent Magïuş les personnes douées de pouvoirs surnaturels. Ceux qui reçoivent ces présents de la mère Nature. C'est l'équivalent des arcanistes Impériaux bien que leur philosophie et utilisation diffère grandement.

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