Julien Courtrai et Célimène de Chancy

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Juin 1732, à Sainte-Enimie.

La pétillante intendante du château de Chancy est assise sur une table en bois , près de la cuisine, à l'extérieur. L'intendante prépare le repas de midi avec les produits acquis sur le marché. Produits qu'elle a pu acheter grâce à l'argent envoyé par Célimène. L'intendante a même pu racheter des vêtements pour ses filles et fils , mais a pu racheter des habits à Julien, qui peut tenir son rang parmi les familles nobles de Lozère. Ainsi, même s'il n'a pas été reconnu par Étienne, l'Intendante est satisfaite et soulagée. Elle n'a plus à s'en faire pour Julien, qui va bientôt rejoindre Célimène à Paris. La fille aînée d'Étienne lui a promis qu'elle prendrait soin de son jeune frère une fois qu'il viendrait la rejoindre à Paris, aussi l'Intendante sait que son fils est promis à un bel avenir.

Julien Courtrai, quant à lui, est auprès de son père en train de rentrer les brebis au pâturage. Être dans la nature est ce que préfère le jeune homme de quatorze ans, après avoir frôlé la mort il y a deux ans. Il sait qu'il doit la vie à sa soeur aînée, qui l'a sauvé grâce à son don de médium. Il a toujours été fasciné par le don de Célimène et s'est demandé si quelqu'un de sa famille pourrait en avoir hérité. Julien, possédant un goût certain pour la science a consigné les faits et gestes de ses frères et soeurs qui lui permettraient de déterminer s'ils étaient médiums. Il n'a rien pu trouver et a arrêté ses investigations, se concentrant sur l'avenir qu'il attend à Paris.

Julien a reçu plusieurs lettres de Célimène, qui lui confie beaucoup plus de sa vie qu'aux autres membres de leur famille. Il sait ainsi que sa soeur vit un amour secret pour un bel officier du roi nommé Gauthier de Nahis et que ce dernier est piégé dans un mariage consenti par intérêt avec Anne-Lise de Saens, comtesse comme leur famille. Julien désapprouve cet amour. Du haut de ses seize ans, le jeune homme sait que Célimène risque de passer à côté de beaucoup d'autres passions ou histoires. Lui, à seize ans, ne rêve que de batailles, d'aventures, de vie au grand air. Aller à Versailles ne l'enchante guère, mais Julien a le sens de la famille. Il veut rendre fier sa mère et protéger Célimène. Il sent que cette dernière a besoin de lui et est déterminé. Julien a lu l'histoire des De Chancy et se montre fier d'appartenir à cette famille. Ne pouvant hériter du nom de son père, car ce dernier n'est pas marié avec sa mère, Julien a conscience malgré tout d'être différents des jeunes Lozériens qu'il a pour habitude de fréquenter. Même s'il vit dans la nature comme eux, il sait qu'il est destiné à accomplir de plus grandes choses.

Julien a hérité des cheveux blonds de son père Étienne , ainsi que de sa haute stature. Nanti de beaux yeux bleux, comme sa soeur Célimène, le jeune homme a le teint pâle et des cernes qui n'ont pas disparu depuis sa maladie. Il sait qu'il plaît aux jeunes filles de son âge, mais il ne préfère pas se décider et préfère prévoir son avenir. Julien désire faire carrière dans la police du Roi. Il espère, grâce à sa soeur, obtenir un office d'Inspecteur de police et se rêve pourquoi pas, commissaire du Roi.

Il se promet d'étudier les sciences, la biologie, l'anatomie, la façon de mener des enquêtes, pour pouvoir être digne d'une titulature d'inspecteur.

En ce jour de juin 1732, Julien retrouve sa mère, Madame Courtrai , qui prépare le repas. Souriant, il tient une lettre de Célimène à la main:

"Ma soeur est apparemment impatiente de mon arrivée.

L'Intendante sourit finement:

_ Elle a précisé pourquoi ou ne t'a-t-elle rien dit?

Julien réplique en souriant:

_ Vous savez très bien que je suis son confident et qu'elle me dit tout, du coup vous demandez pour pouvoir ensuite répéter à papa ce qu'il se passe.

Madame Courtrai dissimule un sourire:

_ Je te promets de ne pas trahir ta confiance, mais dis-moi, un certain Officier du Roi ne serait-il pas mêlé à tout cela?

Julien réfléchit et réplique:

_ Il y a un peu de Gauthier de Nahis, mais il y a surtout beaucoup de Bérénice de Saint-Honoré. Elle lui cause beaucoup de tort en ce moment.

L' Intendante plisse les lèvres de dégoût et laisse tomber brutalement les légumes qu'elle coupait sur la table.

_ Cette femme...Bérénice...Elle a toujours l'ambition de remplacer la Duchesse de Châteauroux dans le coeur du Roi, n'est-ce pas?

_ Oui, confirme aussitôt Julien. Et elle veut obliger Célimène à vanter ses charmes auprès de notre Roi. Elle connaît le don de ma soeur et veut que celle-ci l'utilise à son avantage.

_ C'est mal connaître Célimène, commente Madame Courtrai, en reprenant sa tâche et en jetant les légumes dans la marmite posée devant elle. Elle ne sait pas que Célimène ne se laissera pas impressionner par ses manigances.

_ Vous avez raison, Mère, mais si j'en crois la lettre, Célimène sera contente lorsque je serai auprès d'elle.

L'Intendante soupire. Elle sait qu'elle va devoir bientôt se séparer de son fils, mais c'est pour son plus grand bien. Frère et soeur vont se soutenir à Versailles et peut-être que Julien pourra convaincre Célimène de renoncer à Gauthier de Nahis? Qui sait...L'intendante sait combien il est difficile de renoncer aux élans du coeur.

Madame Courtrai se rappelle la détresse de ses parents lorsqu'elle leur avait dit qu'elle vivait un amour hors mariage avec le Comte de Chancy. Son père lui avait interdit de revenir chez lui. Lui , un Avocat célèbre ne supportait pas la déchéance de sa fille. Il avait même tenté d'abattre Étienne de Chancy qui venait tout juste de perdre sa femme, mais l'Intendante s'était interposée et le Comte et elle avaient vécu une passion dévorante.

Julien observe sa mère et lui déclare:

_ Ne vous inquiétez pas, Mère. Il ne nous arrivera rien à Célimène et moi.

Julien sourit à sa mère et prend sa main dans la sienne.

Madame Courtrai s'apaise et sourit à son fils.

Julien rentre dans ses appartements et commence à préparer ses affaires. Il finit par relire une lettre que lui a adressé Célimène. Bien sûr il a évité d'en parler à ses parents, mais sa soeur a vraiment besoin de lui et de sa protection. La lettre commence ainsi:

"Mon cher Julien,

Je vous attends avec impatience, car je vous avoue que j'ai eu une peur bleue hier soir, en rentrant de Versailles. Comme vous le savez, mon immeuble est situé près du château et il m'arrive de faire le chemin à pied. Mon serviteur, Laurent, chemine à mes côtés pour me protéger. Il faisait nuit lorsque j'ai entendu un bruit mystérieux venant d'un des buissons près du chemin. Je me suis arrêtée, pour écouter la nuit, mais plus rien. Et puis, j'ai entendu des gémissements, comme ceux d'une vieille femme et j'ai hurlé. Laurent s'est rapproché, m'a aggripé le bras et m'a entraîné jusqu'à notre immeuble. Je tremblais de tous mes membres et Marthe a mis un certain temps à me calmer. Laurent est allé quérir Gauthier, qui est resté auprès de moi la nuit entière.

Je serai pleinement rassurée quand vous serez là. Vous pourrez étudier pour obtenir votre charge d'inspecteur. Je vous en fais le serment.

Votre soeur qui vous attend avec impatience,

Célimène."

Le jeune garçon se sent près à protéger sa soeur et à être son homme-lige envers et contre tous.

À Versailles, Juin 1732.

Célimène se réveille dans la douceur du matin d'été. La lumière envahit sa chambre et la jeune fille s'étire comme une jeune pousse revigorée par la lumière matinale. Puis son regard se pose sur l'homme qui dort dans le lit, à ses côtés. Gauthier de Nahis est resté une fois que Laurent est allé le quérir pour lui demander de protéger Célimène.

Gauthier et Célimène sont amants depuis les premiers jours où Célimène a rejoint Versailles. Célimène a choisi l'officier du Roi et s'est donné à lui, alors qu'elle connaissait sa situation matrimoniale. Gauthier , quant à lui, ne s'est jamais caché de l'inclination qu'il nourrissait pour la jeune médium. Piégé depuis longtemps dans un mariage qui ne lui avait jamais rien apporté, son coeur en hiver avait été réveillé par le sourire de Célimène et la vulnérabilité qu'il lisait dans ses yeux.

Tous deux ont choisi de rester discrets, mais les secrets ne semblent pouvoir être permis à Versailles et Gauthier n'a pu masquer bien longtemps son inclination. Les gentilshommes l'ont moqué car toute comtesse qu'elle soit, la pauvreté de Célimène et son statut d'Amie du Roi n'en font pas une candidate idéale pour remplacer Anne-Lise de Saens , si celle-ci ne se décide à divorcer. Gauthier le sait et passe souvent sa main dans sa belle chevelure châtain, qui lui arrive aux épaules.

Lorsqu'il se réveille aux côtés de Célimène, celle-ci le contemple avec un amour évident qui trouble l'Officier. Il se sent vivant comme jamais et prêt à surmonter tous les obstacles pour être avec Célimène. L'Officier n'est pas un romantique. Il ne pensait pas connaître à nouveau les affres de l'amour, alors qu'Anne-Lise l'avait pris dans ses rêts. Elle lui a fait miroiter qu'elle pourrait l'aider à obtenir la position qu'il souhaite dans l'armée du Roi et il a accepté sa main. Gauthier de Nahis a continué à servir le roi, jusqu'à une visite à Saint-Cyr où ses yeux ont rencontré ceux de Célimène et ou quelque chose s'est réveillé dans son coeur.

Depuis, il s'est juré de servir et de protéger la jeune fille, ce qu'il accomplit chaque jour.

Gauthier s'installe confortablement, adossé au lit, observant Célimène brossant sa chevelure blonde. Un sujet tient à coeur à l'officier qui lui demande:

_ On m'a dit que tu as parlé à Thibalt de Rangueuil. Rien de grave j'espère?

Célimène hausse un sourcil et regarde Gauthier.

_ Non, je lui ai fait une prédiction. J'ai vu quelque chose le concernant et je me devais de lui dire.

Gauthier fixe Célimène surpris. Cette dernière passe la main dans la chevelure de son amant et lui murmure:

_ Allons, en mille ans Thibalt ne parviendrait pas à atteindre le chemin de mon coeur. C'est un duelliste. Il aime les armes, la fureur et le bruit des coups de feu. Il ne m'inspire aucune admiration. Je lui ai juste appris qu'il devait se méfier de sa passion des duels.

Gauthier sourit, rassuré et embrasse Célimène. Puis il lui déclare:

_ Je vais devoir partir trois jours dans la famille d'Anne-Lise la semaine prochaine. Ton frère arrive bientôt, n'est-ce pas?

_ A la fin de cette semaine, lui apprend Célimène.

Gauthier se lève du lit, entièrement nu et sourit:

_ Une bonne nouvelle.

Célimène semble amusée:

_ Tu te remets entièrement à Julien pour ma sécurité? Il n'a que seize ans.

_ Je lui ai écrit, révèle Gauthier.

Célimène tombe des nues , ouvre la bouche puis la referme.

_ Mais quand?

_ Il y a près de deux semaines. Je lui ai expliqué en quoi consisterait son travail, qui est de vous protéger.

Célimène secoue la tête.

_ Vous ne cesserez jamais de me surprendre.

_ Votre bien-être passe avant tout, réplique Gauthier.

Alors que l'officier est parti comme il l'avait dit chez la famille d'Anne-Lise, Célimène sourit alors que Laurent rentre dans sa chambre un matin pour lui annoncer:

"Mademoiselle, votre frère est ici."

Célimène , folle de joie, se lève et va accueillir Julien.

_Julien! Dit-elle, en observant son jeune frère.

Ce dernier a les joues roses du à sa chevauchée, son costume semble un peu froissé, mais il apparaît solide comme un roc.

_ Je suis bien arrivée, Grande Soeur. Je suis ravie d'être affecté à votre protection.

La jeune fille sourit et lui prend les mains dans les siennes.

_ Je suis tellement heureuse d'avoir un peu ma famille auprès de moi.

Julien acquiesce et lui tend un paquet de lettres.

_ On vous a tous écrit! Vous aurez de quoi répondre, à Alois, à père, à Bérengère, tout le monde.

Célimène sourit, heureuse.

_ Je vais m'y mettre dès à présent, mais je vous en prie, venez vous restaurer après ce long voyage.

Julien Courtrai suit donc sa soeur, affamé, impatient d'être rassasié.

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