Chapitre 3 : À la gauche du démon

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Il avait la pluie en horreur. C'est pourtant sous la bruine qu'il était allé s'équiper du matériel dont il aurait besoin. Agacé, il se précipita dans le hall pour échapper aux gouttelettes et prit quelques secondes pour inspecter son sac. Après s'être assuré que le contenu était indemne, il se remit en route d'un pas pressé.

Déjà 16h00, elle devait s'impatienter, la ponctualité n'avait jamais été son fort, mais il prenait sur lui lorsqu'il s'agissait de rendez-vous importants.

— Pardon. Excusez moi. Je suis en retard.

Emprunter ce passage lui avait fait gagner un temps précieux, il n'était plus qu'à quelques mètres de sa destination. Il longea le grillage, franchit le portail et entra dans la résidence. Le Springer Anglais, venu l'accueillir affectueusement, se vit ignorer.

"Pas maintenant Spencer !" dit l'homme avant de s'élancer en direction de la salle à manger. Il se saisit d'une clé, habilement dissimulée dans un gant de cuisine et la glissa à l'intérieur de la serrure prévue à cet effet. Immédiatement, le mur apparemment banal du couloir central disparut, laissant place à un escalier menant au sous-sol.

— Je suis vraiment désolé, pardon pour l'attente. Tu sais ce que c'est, tu sors avec une idée bien précise en tête et puis, une chose en entrainant une autre, tu ne sais même plus ce que tu cherchais à l'origine. Il fait sombre ici, tu ne trouves pas ? Voilà, c'est mieux. Rien de tel qu'un éclairage à la bougie, je sais que c'est un peu archaïque, mais ça a son charme, qu'en penses-tu ? Mmm tu n'es pas très bavarde, tu ne l'as jamais été de toute façon mais j'apprécierais tout de même que tu me répondes lorsque je te pose une question.

— Vous allez tout me dire. Ce n'est qu'à ce prix que je considérerai votre offre.

Ma simple présence attestait de ma considération, mais il était hors de question que je laisse Amy me manipuler sans que je n'en retire une petite récompense.

— Mais bien sûr Stevy ! Je sais parfaitement que l'honnêteté est la base de toute relation pérenne, je sais aussi que tu as soif de réponses, mais tu devras patienter, le job ne peut attendre.

— Steve suffira.

Elle se leva, s'étira longuement puis reprit sur un ton que je ne lui connaissais pas, plus sérieux, froid.

— L'homme s'appelle Brandon Collins.

— Collins tu dis ?

— Tu le connais ?

— Son nom me dit quelque chose mais je n'arrive à mettre le doigt dessus.

— C'est un tueur en série, il est responsable de la mort de trois personnes au cours des deux derniers mois.

— Pourquoi lui ? Tu ne me feras pas croire que tu te soucies de la vie des personnes ordinaires. Tu es une sorte de démon justicier ? Ajoutai-je le sourire aux lèvres.

— Non comme tu t'en doutes, je m'en prends à lui pour des raisons personnelles et... Il en a après moi.

Malgré moi, je ris à gorge déployée, si bien qu'il me fallut quelques secondes pour reprendre mes esprits. Amy restait impassible.

— Toi ? Tu fuis un homme ? Je dois dire que je suis déçu. C'est vrai que je me demandais pourquoi tu avais besoin de moi. ne serait-ce pas plus simple de t'en occuper ? Tu n'as qu'à lui faire ce que tu as fait à Boby.

— Tu me tutoies maintenant ? demanda-t-elle, malicieuse à nouveau.

Surpris et gêné, je restai cantonné au sujet initial.

— Pourquoi faire appel à moi ?

— Je ne peux pas le faire moi-même, lui et moi sommes liés par un serment inviolable.

Elle marqua une pause, hésitant à en dire plus. Mon silence lui fit comprendre qu'elle le devait, si elle souhaitait me voir participer à sa dangereuse entreprise.

— Je l'ai rencontré il y a douze ans, totalement par hasard, au détour d'un sentier, comme toi. Il était prêtre, c'était une tradition dans sa famille et il n'a pas vraiment eu le choix. Sa morale a rapidement volé en éclats et il m'a juré fidélité.

— Il t'a promis son âme ?

— En quelques sortes oui, mais je ne peux forcer son départ, ce serait tricher. C'est là que tu interviens.

— Pourquoi t'en veut-il ?

— Il a fini par craindre pour le salut de son âme et s'est donc mis en tête de m'occire. Pour ce faire, il s'est initié à des techniques d'exorcisme, il peut m'atteindre.

— Je vois, j'imagine que le fait qu'il soit devenu un assassin n'a rien à voir avec toi.

— Si, mais je me suis simplement contentée de le libérer.

Son visage prit une mine sombre à nouveau. J'ignorais ce qu'elle pouvait ressentir si tant est qu'elle ressentait quelque chose. Jusqu'ici, je n'a jamais réussi à lire en elle. L'inverse en revanche...

— Tout le monde ne peut pas vivre une vie ordinaire. Ajouta-t-elle

— Comment comptes-tu procéder ?

— Nous agirons aujourd'hui. Il devrait être chez lui pour seize heures, tu devras t'y rendre avant. Tu pénétreras discrètement par une issue quelconque, fenêtre ou cheminée, ça ne devrait pas être trop difficile.

— Un jeu d'enfant, tout le monde sait que je suis un ninja.

— Et un bon ! Tiens, c'est la lame avec laquelle tu prendras sa vie.

Elle me tendit un splendide poignard au manche partiellement doré et à l'acier orné de symboles incompréhensibles.

— Tu viendras aussi ?

— Non, il le saurait. Tu vas devoir te débrouiller, mais la récompense en vaut la peine, je te le promets.

Elle posa soudain ses mains sur mes épaules. La vivacité de son geste me fit sursauter.

— Tu n'as pas à t'en faire, j'ai toute confiance en toi ! dit-elle, plongeant son regard dans le mien. Sans pouvoir l'expliquer, je me sentis apaisé et doté d'une énergie nouvelle, comme si rien ne pouvait m'atteindre.

— Si tu m'as menti, j'irai moi aussi me former à l'exorcisme.

Elle sourit.

dans une ruelle, J'ai rencontré une femme étincelante qui se prétendait démon. Deux jours plus tard, j'ai été chargé par cette même femme d'éliminer un tueur en série exorciste à l'aide d'un poignard mystique. Tout cela ne pouvait que mal finir, il était pourtant hors de question que j'y mette un terme, je me sentais bien !

Il était quatorze heures quand j'arrivai au 13 rue Leroi, face à un immense pavillon. Si grand que les autres demeures faisaient bien pâle figure en comparaison. Seul le portail un peu vieillot dénotait dans la splendeur du tableau. Ça paie bien exorciste, pensai-je tout en essayant de trouver un moyen d'entrer. Les fenêtres étaient closes et la porte verrouillée, ce qui ne me laissait plus qu'une solution. La cheminée, bien sûr... Après m'être assuré de l'absence d'un éventuel guetteur, j'escaladai non sans mal le portail qui, par chance, ne possédait aucune pique. Une gigantesque échelle pliée et maladroitement dissimulée dans le jardin devait me permettre d'accéder au toit. Notre tueur était négligeant. Déjà à bout de souffle, je dépliai l'échelle en m'efforçant de faire le moins de bruit possible, la rue était déserte, c'était l'un des quartiers les moins fréquentés de Goodtown. J'accomplissais mon ascension à vitesse modéré et constante, la pesanteur et moi n'ayant jamais été très amis. Une fois sur le toit, j'analysai la cheminée. Bonne nouvelle, je pouvais m'y glisser au prix de quelques bleus et du sacrifice de mes vêtements. Sans plus attendre, je plongeai dans les ténèbres du conduit, freinant ma chute par à-coups jusqu'à atterrir dans un tas de cendre.

Je n'étais plus présentable, mais le plus dur avait été fait. Il ne me restait plus qu'à attendre l'arrivée du maitre de maison.

— Ouaf ouaf

Je sursautai.

— Un chien ?

Le canidé était alerte, comme l'attestait sa queue qui s'agitait dans tous les sens. Il ne me quittait pas des yeux et il était évident que le moindre geste brusque pouvait amener à un assaut de sa part. Je regardai autour de moi, je me trouvais dans le salon. La pièce était connectée à la cuisine ainsi qu'à un long couloir menant probablement aux chambres ou à la salle de bain. Je fis marche arrière en direction de la cuisine tout en gardant le chien dans mon champ de vision. Je me mouvais avec lenteur, suivi par mon nouvel ami à quatre pattes qui grognait de plus en plus fort. Je franchis le dernier mètre d'un bon, il s'élança en ma direction, mais ne rencontra que la porte en bois. Sonné, il alla se cacher sous le canapé en cuir rouge tremblant comme une feuille.

En jetant un rapide coup d'oeil dans la pièce j'aperçu une petite balle orange, posée à proximité de la gamelle de l'animal. Je m'en saisis, ouvris la fenêtre et attira son propriétaire qui avait déjà oublié le coup de la porte et même qu'il avait affaire à un étranger. Je lançai la balle, le chien accourut et sauta dans l'ouverture, qui disparut aussitôt. Bon débarras.

— Un gant ? Le chien a dû le faire tomber. À peine ramassai-je l'objet qu'un petit son métallique vint à mes oreilles. Qu'est-ce que c'est que ça ?

C'était une clé, cachée à l'intérieur d'un gant. Que pouvait-elle bien ouvrir ? L'horloge affichait quinze heures, il n'était pas exclu que ma cible rentre en avance. J'avais prévu de me cacher quelque part en attendant son arrivée, mais la curiosité l'emporta, je me mis à chercher la serrure affilié à cette clé. quinze heures vingt, elle n'entre dans aucune porte, ni à l'étage, ni au rez-de-chaussée. Quinze heures quarante, pas de coffre ou de récipient compatible. Déçu, j'étais sur le point d'abandonner quand quelque chose attira mon attention. Du scotch, sur le mur d'un blanc quasi-immaculé du couloir. Du scotch blanc, presque imperceptible, mais pas encore assez. Bingo ! La clé s'insèra.

Un grondement se fit entendre, le petit trou dans lequel j'avais glissé la clé s'éloigna. Non, c'est tout une partie du couloir qui disparut, je me trouvais maintenant devant un escalier en colimaçon dont l'issue stimulait mon imagination. J'entamai prudemment ma descente tandis que mes yeux s'habituaient peu à peu à la noirceur du lieu. Après quelques tâtonnement, je finis par trouver un interrupteur. Il aurait mieux valu que cela n'arrive pas.

Son corps dénudé, était lacéré de telle sorte que les cicatrices qui le couvraient, encore sanglantes pour la plupart, laissaient deviner des motifs floraux. Ceux-ci partaient de la base du cou pour prendre fin juste avant les chevilles. La jeune fille était vivante, son pouls était lent et ses yeux ouverts. Probablement droguée, elle n'eut aucune réaction lorsque j'entrai dans la pièce, pas même quand je lui retirai la bande adhésive qui lui couvrait la moitié du visage. Les chaînes qui maintenaient ses bras suspendus, ne céderais pas facilement. Pour la première fois, je pris le temps d'observer la pièce. Elle était humide et poussiéreuse, très peu meublée. Seule une petite table basse placée à gauche de la victime, se distinguait. Elle était visiblement destinée à exhiber les outils du tortionnaire. Peut-être pourrais-je trouver une pin...

— Mister Marshall, quelle bonne surprise !

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