Adieu Anglia !...

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Samedi 29 Août 1970 

La veille au soir, nous avions monté notre campement à la hâte et ce matin, après le petit déjeuner, nous nous employons à consolider notre installation…
A midi nous rejoignons Domenica à Wetzwil d’où nous partons aussitôt, la suivant sur une petite route de montagne, jusqu’à une adorable auberge où nous allons déjeuner. Elle nous fait découvrir la viande des Grisons que nous trouvons fort savoureuse. Autour de la table notre conversation est, cette fois, animée par ce qui tient à nos activités professionnelles respectives. Domenica nous parle avec passion de son métier d’institutrice spécialisée et nous, de Saint Martin dont elle connaît les résidents puisqu’elle y a effectué un stage d’une année et demi au cours des années « 67-68 ».
Il se dégage de tout ça un parfum de rentrée d’autant que nous vivons là, nos toutes dernières journées des vacances d’Eté…
Suite à cet agréable moment passé à l’auberge, nous allons à Zurich pour visiter la ville et faire quelques emplettes … Au moment de la collation, Roselyne invite toute la compagnie dans un salon de thé très chic où nous dégustons des glaces délicieuses. Vers 18H, Dominica prend congé de notre petit groupe… embrassades émues… on se promet de se revoir prochainement en France…

Nous rejoignons notre campement au bord du lac. Il commence à pleuvoir… la présence de Domenica avait dû occulter la grisaille de ce jour … Nous dînons au chalet du camp puis rejoignons nos tentes à 9H30. Nous nous couchons tous aussitôt, rompus de fatigue …
La pluie clapote vivement sur la toile … l’humidité envahit l’atmosphère … on se serre les uns contre les autres car il fait vraiment frisquet …

 

 
Dimanche 30 Août :

Réveil sous la pluie qui tombe en cataracte,  c’est l’inondation jusque sous notre tente…
Heureusement, pour se réchauffer, le petit déjeuner est copieux mais l’humeur est variable, et nous ne sommes pas très loquace…
Démonter le campement et plier les tentes sous la pluie battante, ne nous permet pas de retrouver le sourire, les jurons ponctuant la manœuvre. Il faudra vite faire sécher tout notre équipement à notre arrivée …
Oui, c’est bien ainsi, sous ces auspices chagrins, qu’a commencé cette derniere journée de notre expédition … 

Il est 9H25 exactement,  quand nous quittons le camping  du bord du lac zurichois …  (Dans son carnet de bord,  Anne-Marie a noté  84840 km au compteur de la Simca 1000)...
La pluie cesse de tomber juste avant que nous arrivions à Bâle.
Nous nous arrêtons dans cette ville où il était prévu que nous rendions visite aux parents de notre patron. (G.D. directeur du  centre Saint Martin est Suisse bâlois) Nous sommes fort bien reçus par ce vénérable couple qui nous offre la collation. Ils sont heureux d’ouïr nos aventures grecques… 

A Midi, nous repartons, le soleil est réapparu.
Quelques minutes plus tard, nous passons la frontière et rentrons en France  (Simca 1000 : 84942 km )...

J’ai la gorge serrée … Ce voyage et notre aventure qui tirent à leur fin … l’éloignement de Dominica … ou bien une curieuse prémonition ?... En tous cas, nous filons vers la Normandie … Les kilomètres s’enchaînent…
Passé Vesoul, des vibrations sporadiques se font ressentir dans la transmission qui court sous le  plancher de la voiture ; ça dure peu de temps mais ça revient régulièrement ; je commence à m’inquiéter … je réalise aussi que nous n’avons pas fait la vidange moteur comme prévu,  sinon fait l’appoint en huile avant de partir le matin même, de Zurich .. Et puis aujourd’hui, dimanche on va avoir du mal à trouver la station permettant d’effectuer cette opération d’entretien…
Poursuivant notre route sur la N19, nous passons Langres … A la radio, Jo Dassin chante "l’Amérique , l’Amérique !  Oui je la veux et je l’aurai ... l’Amérique !...» …
Les vibrations sont de plus en plus fréquentes et se font ressentir jusque dans le levier de vitesses qui vibre par à coups…

 

16H … Humes… petite montée en milieu de bourg… la voiture s’immobilise … c’est la panne … Tentative pour redémarrer, sollicitation du démarreur…. rien …  pire,  on n’entend même pas le démarreur fonctionner…  tout semble bloqué …  Je ne dis rien mais ne me fais pas d’illusion. Cette fois, c’est la méga panne …
Des voitures sont à l’arrêt derrière nous. On se fait injurier. Daniel vient au devant de moi …  À mon expression, il comprend que cette fois, on est bien "en carafe"…  Nous poussons la voiture plus loin et la garons sur le bas côté, redonnant le passage à ceux que nous obstruions …
On lève le capot … ça sent l’huile mais rien ne fume…. Tous nouveaux essais tentés pour démarrer sont vains  … le moteur est « serré »…  nase… C’est fini,, nous n’irons pas plus loin avec l’Anglia…
Il y a un café tout proche. Nous nous y rendons, prenant rafraîchissement et surtout nous  renseignant pour trouver un garage. Les cafetiers sont très gentils et contactent pour nous nous un mécano du coin qui, s’étant déplacé, confirme que le moteur de l’Anglia est "out" … ( C'est la fin Août aussi...)

Conseil de guerre ...  Il faut pourtant rentrer en Normandie. Une partie de notre groupe peut le faire par la route, les autres doivent prendre le train. Une chance, Langres n’est qu’à 6 km où nous avons la gare, sur la ligne Paris Bâle …
Et l’Anglia ?... Elle ne peut être réparée dans l’immédiat. De toute manière, la casse moteur va coûter cher … un échange standard est envisageable… mais cette voiture est vieille, en vaut-elle la peine ?… Je réalise que cela tiendra du pansement sur une jambe de bois … la décision est vite prise. On laisse l’Anglia, bonne pour la casse … Dans un premier temps, le garagiste du coin ne veut pas récupérer la voiture. Avec Daniel, nous allons à Langres, d’abord prendre des billets de train pour nous, les 3 occupants de l’Anglia, puis quérir un ferrailleur. Nous obtenons bien les billets retour mais de ferrailleur, nous nous n’en trouvons pas et ne pouvons perdre notre temps à courir la contrée pour en dénicher un … Finalement le garagiste de Humes accepte de nous reprendre l’Anglia contre son prix en poids ferraille estimé à 50 F.   On ne tergiverse pas, l’affaire est vite conclue… au moins, ça paye en partie notre billet retour …
Sans perdre un instant, nous déchargeons l’Anglia. Par chance on parvient à fixer la galerie sur le pavillon de la Simca 1000 qui se retrouve, à son tour, chargée comme une bourrique.   Photos souvenirs :

 

Emmanuel prévient nos patrons à Saint Martin pour leur dire que nous arriverons certainement tous, qu’en milieu de nuit …

17H45, nous récupérons nos bagages personnels,  Daniel nous conduit, Maguy, Emmanuel et moi à la gare de Langres.  Notre train pour Paris est à 18H15 …Une demi heure plus tard nous sommes installés dans un compartiment … Nous restons un long moment silencieux… puis on se sourit, pour enfin éclater de rire… J’ai quand même comme un nœud, là, sur l’estomac… J’aurai tellement voulu aller au bout de ce voyage avec l’Anglia … Eh bien non, ça ne sera pas, la  petite Ford nous a lâché à 380 km du but, après avoir effectué un périple de presque 9000 km en à peine un mois… Nous avons relevé sur son compteur 149108,6 km …

Repartis à 18H40 de Humes, à bord de la Simca 1000, nos trois amis, Daniel, Anne-Marie et Roselyne poursuivent le chemin jusqu’en Normandie
- 20H30, il passent à Troyes (85316 km)  puis Sens, un peu plus d’une heure plus tard ( 85385 km), remontent sur Paris. Passant par le sud de la capitale, ils arrivent à Saint Martin à 1H20 du matin  ( 85636 km) 

De notre côté nous arrivons un peu avant 22H à Paris, gare de l’Est. Nous prenons un taxi pour aller à la gare Saint Lazare. Environ, une heure plus tard, nous avons un train à destination de Gisors où nous arrivons à minuit et quart … 


Lundi 31 Août 1970 :


1H40, Daniel vient nous récupérer à la Gare de Gisors … Il est tout  juste 2H du matin quand nous passons le portail du Centre Saint Martin …
 

Epilogue : Nous ne tardons pas à aller nous coucher … la tête pleine des images d’un voyage au long cours agrémenté de merveilleuses découvertes, de surprises en tous genres, constituant une formidable aventure humaine où, comme vous l’avez pu lire, la drôlerie de l’existence, n’était nullement absente, reléguant cette fabuleuse épopée au compte des souvenirs inoubliables…  
Et là-bas, sur un terrain vague du plateau du Morvan, une petite voiture grise est parquée définitivement au milieu d’autres épaves… Je l’avais baptisé «  Bellinda »… ça, je crois bien que je ne vous l’avais pas dit …    

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