Alexandre

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Je m'appelle Alexandre. Connaître mon nom est inutile. Tout comme ce que je vais vous raconter. Mais bon, ma psy m'a fortement conseillé de coucher sur un papier ma vie et mes ressentis. Elle est sympa, elle m'aide beaucoup alors je ne veux pas la décevoir. Je ne sais pas comment ma vie a pu déraper autant. Ah mince j'ai fait une répétition. Bof tant pis, après tout c'est mon histoire je fais ce que je veux. Bon ben faut bien commencer à un moment, donc c'est parti je me lance. Je vous préviens elle va pas avoir une fin heureuse loin de là.

Je suis né dans une petite ville dans le nord de la France. Ça sert à rien de dire le nom, on s'en tape. Mon père nous a abandonnés à la naissance ma mère et moi. Il était pas alcoolique, ni drogué, et il était pas si jeune pour avoir un gosse. Vous me direz c'était pas une grande perte, à quoi ça sert de regretter quelqu'un qu'on n'a jamais connu ? Mais c'est pas pour ça que j'ai passé une mauvaise jeunesse, loin de là. Je vivais seul avec ma mère dans une petite maison avec un petit jardin. Elle n'a jamais eu d'autre enfants vu qu'il s'était barré. Elle a jamais refait sa vie non plus. Elle avait un petit boulot de secrétaire à la mairie. C'était pas trop mal payé et elle a toujours réussi à subvenir à nos besoins. J'ai jamais manqué de rien.

A part l'abandon de mon père, j'ai eu une enfance normale, tranquille. Ma mère était un peu protectrice avec moi mais qui pourrait aller lui reprocher ça ? J'avais des amis à l'école, je jouais aux jeux vidéo et j'aimais le nutella. Une enfance tranquille je vous dis. Après est venue l'adolescence. Bon ben j'étais un ado comme un autre, quelques boutons sur la figure, et une envie d'être rebelle. Mais j'ai jamais fait souffrir ma mère, je me suis jamais retrouvé au commissariat. Je draguais quelques nanas, j'avais des potes. Je demandais la permission pour aller à des soirées. Ah oui, j'ai fumé un ou deux joints, mais bon vous me direz normal quoi.
Après le bac, j'ai fait des études dans l'informatique. Je suis devenu informaticien (nan sans blague ??) dans une petite boîte privée qui payait bien. J'ai loué un appart et je suis rentré dans le monde du travail.

C'est à ce moment que je l'ai rencontrée. Mon meilleur pote avait organisé une soirée chez lui. Y'avait beaucoup de monde mais dès que je l'ai vue, j'ai su que c'était avec elle que je voulais faire ma vie. Elle était si belle, je l'ai draguée pendant la soirée et elle a accepté de me passer son numéro. Le lendemain je l'ai appelée, elle a décroché, et on s'est vu. On aurait dit un gamin qui allait baiser pour la première fois. Sauf que c'était pas la première fois. On s'est revu plusieurs fois et elle a fini par tomber amoureuse elle aussi. On s'est mis ensemble. Ça a été les plus belles années de ma vie. Quelques temps plus tard, peut-être six mois plus tard ou même un an je sais plus trop, on a acheté une petite maison dans un petit village. On se plaisait bien, c'était calme et agréable. Entre temps, je l'avais présentée à ma mère et à mes amis. Elles s'entendaient très bien entre elles. Elle était là belle-fille que toute mère souhaitait pour son fils. En même temps, elle était belle et intelligente.

Un an plus tard, tout a basculé. Ça a été la descente aux enfers. Son vrai visage s'est révélé, elle a fait tomber le masque. Derrière ses manières et sa beauté, il y avait un cœur noir et froid qui battait. Je suis devenu son souffre-douleur. Rien n'était assez bien pour elle. J'étais pas assez bien pour elle. Ça a commencé par des petites phrases anodines du genre « T'as toujours pas fait à manger ? Pourtant tu finis plus tôt que moi ! » C'est vrai je finissais plus tôt le boulot qu'elle et j'entrais toujours avant elle à la maison. J'avais pour habitude de faire à manger tous les soirs. Elle était contente, elle rentrait après sa journée de boulot et elle n'avait rien à faire.
C'est allé de pire en pire au fur et à mesure. Je préparais le dîner trop tard, c'était pas assez bon, ou bien trop froid. Elle passait derrière moi et me collait une petite claque derrière la tête, ou elle me mettait un doigt entre les côtes. Lorsqu'elle lisait le week-end, il ne fallait pas que je fasse de bruit. C'était son moment à elle. Elle m'a balancé son livre plus d'une fois à la gueule soit disant parce que j'avais fait trop de bruit en lavant la vaisselle. Elle ne foutait plus rien. J'avais un énorme œil au beurre noir et je devais inventé un prétexte au boulot, je disais que j'étais tombé des escaliers ou d'autre choses comme ça. Le lendemain par contre, elle était redevenue gentille, elle me disait qu'il fallait que je la pardonne, le boulot la rendait trop nerveuse. Alors on faisait l'amour et tout rentrait dans l'ordre. Jusqu'à la prochaine fois.

En l'espace de trois mois, elle m'avait éloigné de mes potes, en disant qu'ils étaient trop cons pour elle, qu'ils n'avaient aucune intelligence.
Les rares fois où je voyais ma mère, elle ne me quittait pas d'une semelle et elle jouait au couple merveilleux devant ma mère. Je l'aimais alors je croyais que c'était vrai. Une fois qu'elle était partie, elle reprenait sa véritable attitude. Elle trouvait d'autres choses à me reprocher, me disant que je baisais mal, qu'elle était trop bien pour moi mais qu'elle restait parce qu'elle avait pitié de moi. Mais en même temps, elle me disait que je la dégoûtais. Le lendemain, on se réconcilie sur l'oreiller et tout était pardonné et oublié.
Un soir, elle m'avait planté sa fourchette dans la main sous prétexte que je lui avais passé le sel trop brusquement et en lui parlant mal. Elle se croyait féministe. Ça pissait le sang.
Un autre soir, elle m'a enfermé dehors, parce que je ne lui avais pas passé la télécommande de la télé assez vite. Je devais la supplier à genoux, front contre le sol pour qu'elle m'ouvre. Je recevais aussi des coups de poing. Sur la tête, les côtes, le ventre. Où elle le voulait. Si je bronchais, j'avais le droit à un coup de pied.

Je faisais tout dans la maison. Je passais le balai, lavais le sol, faisais le ménage, préparais le déjeuner... Elle, elle travaillait trop pour faire ça. Et puis « les hommes doivent aussi participer aux tâches ménagères ». Ça a duré trois ans. Trois ans où chaque soir, je savais pas dans quel état d'esprit elle était. Joyeuse et aimante ou folle et haineuse. Mais je l'aimais et je me disais que je pouvais bien supporter ses sautes d'humeur, dans un couple tout n'était pas rose. De toute manière je ne pouvais pas comparer, je n'avais plus de contacts. Il fallait que je rentre tous les soirs à la même heure. Si j'avais quelques minutes de retard, j'étais bon pour être engueulé et rabaissé, humilié. Elle avait beaucoup d'imagination pour ça. Elle aimait me traiter « d'esclave » ou bien elle m'appelait « son soumis ». Quand je ne travaillais pas, je ne devais pas quitter la maison, où elle me menaçait de changer les serrures et de me laisser crever dehors.

Un jour, tout s'arrêta. Je faisais à manger comme d'habitude pour le déjeuner. J'étais en train de couper des carottes. Elle gueula que je mettais trop de temps et elle est venue voir. Elle se mit derrière moi et en me regardant faire. Elle me frappa le derrière de la tête. « Putain mais tout ce temps pour couper trois carottes ? T'es bon à rien, même ça tu sais pas faire. Aller magne ton cul ou je te le fais magner moi. » Elle adorait jouer avec une baguette qu'elle avait acheté. Elle me frappait le bras, les jambes, le dos et je devais à chaque fois m'excuser. Ou alors il fallait que je me prosterne pour lui faire des excuses. Là, j'ai eu droit à un coup sur le bras. Elle y mettait toute sa force à chaque fois. « T'es vraiment bon à rien, mais qu'est-ce que j'ai pas fait comme connerie à accepter de me mettre avec toi. En plus, t'es dégueulasse, heureusement que j'ai pitié de toi. Tu devrais être content que je sois resté avec toi. Les autres nanas se seraient barrées en un rien de temps.» Une tape sur l'arrière du crâne. Ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Je tenais le couteau dans ma main. Je m'arrêtai. « Mais qu'est-ce que tu fous encore ? Tu crois que je vais bouffer dans quinze jours ? Continues et tu mangeras pas. »
Je me retournai et enfonçai la lame du couteau dans son corps. Toute la lame. Je peux vous dire que ça fait une drôle d'impression de planter quelqu'un. J'ai vu son regard qui semblait dire qu'elle me tuerait. J'avais lâché le couteau et je reculai. Elle finit par s'écrouler au sol. Morte. Ce fut un tel soulagement, que je faillis pleurer. J'étais libre enfin. Bien entendu, j'ai finis par appeler la police. On m'a dit qu'elle était morte sur le coup, elle avait même pas souffert.

C'est comme ça que je me retrouve à écrire ma vie sur du papier dans une cellule de prison. On peut penser que j'ai fait le bon choix ou non, mais je l'ai fais quand même. Même si je suis en prison, je me sens libre. Je n'ai plus aucun souci.
Alors oui, vous pouvez vous dire que j'étais une lavette, une tapette, un faux-homme ou un homme soumis. Pourtant de l'extérieur, personne ne peut me qualifier ainsi.
Je l'aimais malgré tout ce qu'elle m'infligeait. Je l'aimais et je pensais pouvoir tout supporter au nom de cet amour. Vous pouvez penser que j'aurais dû en parler, que de nos jours on nous écoute. Je ne sais pas si c'était de la honte que je ressentais ou pas. Peut-être que pour moi, tout était normal. Je n'ai connu que cette vie. Aujourd'hui, je me rends compte que c'était pas normal mais je ne le savais pas à l'époque.

Voilà, vous connaissez ma vie. Alors, est-ce qu'elle est à la hauteur de vos attentes ? Sordide, triste. Êtes-vous déçus ?
En vrai je m'en fous complètement, c'est ma vie et je la prends comme elle est, je vous emmerde (désolé à ma psy pour cette phrase, ça lui aurait pas plu).
Je m'appelle Alexandre et c'est mon histoire.

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