inter 29

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Vador connaissait l’art de la guerre.

Mais Martin avait sans doute la finesse d’un prodige avec son bloc de croquis pour que Claude l’empêche de s’exprimer par le dessin.

Je ne sais pas si son art aurait pu les sauver, car je ne sais pas comment ils auraient pu ne pas être séparés compte tenu des circonstances, mais le museler jusqu’au taille crayon a tout bonnement condamné Lily et Martin au mutisme d’une douleur invisible devenue inexpressive.

Je n’ai plus jamais peint après qu’ils ont pris leur envol.

En revanche, j’ai troqué mes pinceaux pour des crayons en hommage à Martin. J’ai couvert leur tombe de dessins colorés jusqu’à sombrer en hiver dans une grave dépression.

— Vous leur faisiez des dessins ?

— Martin disait que cueillir une fleur revenait à lui ôter la vie, à l’isoler de sa famille restée en terre.

Silence.

Je voyais Claude partout.

En train de ternir les allées d’un dortoir.

J’imaginais Claude souiller de nouvelles âmes à travers le bloc de croquis de Martin. Page après page, le feu de ma haine le peignait tout en noir. J’imaginais Martin se venger en gribouillant le visage de son père couché sur le papier canson.

Claude fut jugé pour l’homicide d’Hélène, rien contre Lily et Martin malgré la preuve que constituait le journal du costaud, à condition de savoir lire entre les lignes la douleur d’un enfant. Les avocats de Claude plaidèrent l’acte isolé de démence suite au choc traumatique du soudain suicide de ses deux enfants, couplé au choc post traumatique d’une guerre cinglante dont il avait été l’un des acteurs en Afrique.

Claude fut jugé irresponsable de ses actes.

Le coup de marteau du juge prononça douze ans de soins psychiatriques. Après quoi, il serait libre comme l’air. Libre de sévir à nouveau. Cela m’a bouleversé. J’ai repensé à l’homme qui avait abusé de moi jadis à l’orphelinat, puis j’ai été en colère en imaginant que peut-être Martin aurait encore eu à subir de nouvelles violences si les femmes vêtues de noir avaient fait ce qui était prévu.

J’ai repensé en boucle, à Claude et tous les porcs salissant Lily, Martin et tous ces enfants condamnés à se construire dans la mort silencieuse de l’essence de leur vie.

Je n’ai jamais remonté la pente de ma dépression. Mes premiers fantasmes vengeurs sont apparus. Sur le Darkweb j’ai baguenaudé jusqu’à trouver ce que je voulais. Une foire virtuelle aux enfants. Des petites filles en culottes courtes, jusqu’aux garçons habillés en robe. De là, a germé mon idée d’élevage de porcs jusqu’à naître dans mon abattoir. Je dessinais les porcs pour les capturer dans mon bloc de croquis, puis je gribouillais les copies pour exprimer la colère d’enfants démunis d’expression.

Aurore, j’ai dû vous mentir parce que simuler ma folie était devenu le seul moyen d’empêcher Claude de recommencer une fois sorti. Je ne pouvais pas attendre qu’il finisse d’honorer la décision d’un juge trop clément, puisque d’ici le terme de sa peine mes deux amis Creutzfeldt et Jakob m’auront bientôt fait la peau. Les soins de Claude se terminent dans deux ans, et moi je serai déjà mort, incapable de priver qui que ce soit d’une liberté venimeuse.

— Claude est en soin psychiatrique au même hôpital que vous, n’est-ce pas ? devine Aurore.

Silence.

— Pourriez-vous me faire une faveur ? lui demandé-je.

Je l’entends qui sanglote à l’autre bout du combiné. D’une voix sourde elle me dit : « Oui bien sûr ».

— Je voudrais que vous partagiez l’histoire de Lily et Martin. Au cours de nos séances, je l’ai peut-être un peu romancée mais qu’importe. Diffusez-la autant que vous le pouvez, y compris parmi mes confrères les professeurs des écoles.

— Je vous le promets, Charel.

De l’autre côté de l’appareil, Aurore reste inconsolable.

— Je dois vous laisser maintenant. Claude m'attend pour une dernière partie de cartes. Après il sera l’heure d’éteindre nos lumières.

— Au revoir, Charel.

— Au revoir, ma Dame Soleil.

FIN

NOTA - Le plus beau cadeau que je pourrais recevoir :

Un grand merci d’avoir tenu jusqu’à la fin =) Être lu est une sensation incroyable, même s’il s’agit-là d’un premier jet.

A propos, ce serait incroyablement enrichissant si vous me faisiez part de votre expérience globale sur ce roman. Surement avez-vous déjà laissé des commentaires sur certains chapitres, mais avoir un avis d’ensemble sur l’œuvre (qu’il soit subjectif ou objectif peu importe : sur ce que vous avez aimé, moins aimé, ou axes d’améliorations, conseils divers, brefs tout ce que vous jugerez utile ou qui vous passera par la tête^^) serait le plus beau cadeau que vous pourriez me faire =D

Ah oui j'oublais, et concernant le style/ma plume c’était comment ? inégal ou homogène ? fluide ou pas mal de lourdeurs ? pauvre ou c'est pas mal ? En un mot, est-ce que ça peut suffire pour a terme pourquoi pas espérer publier l'oeuvre .

Voilà. C’était tout ^^

Merci encore à chacun d’entre vous d’avoir été là.

Au plaisir

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