inter 23

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Pourquoi ai-je fait cela ?

Je regrette d’ainsi faire grandir Aurore par le mal.

Ce que je connais le mieux.

Je ne suis pas un homme, juste un nuage de pluie acide. Comme si je me croyais l’égal d’un dieu toxique. J’assombris et asphyxie tous ceux que je côtoie. C’est plus fort que moi. J’étouffe les rêves. Pervertis des êtres purs. Autour de moi, je ne sais pas être neutre ou indolore. Où que j’aille, il m’est impossible de vivre sans répandre les graines d’une souffrance, brutale ou insidieuse.

C’est viscéral.

Je tire sur les menottes jusqu’à mettre à sang mes poignets. Je serre mes poings de toutes mes forces, sans parvenir à contenir ma nouvelle erreur.

Elle se trouve à quelques mètres de moi.

— Aurore… regardez-moi s’il vous plaît.

Elle tombe des averses de larmes sur ces dessins diaboliques. Page après page. Aurore découvre tous ces bourreaux en jouissance. Le mal-être qu’elle s’inflige est déjà indélébile. Jour après jour, il noircira son psychisme jusqu’à voler ses rêves si elle continue. Mais Aurore est têtue. Cela fait vingt minutes qu’elle persiste à bercer mon bloc de croquis, à entendre les âpres louanges qui s’évaporent de mes œuvres.

Aurore s’en est trop absorbé maintenant, elle se vide de ses forces.

— Trente-six, dit-elle d’une voix à peine audible. J’ai compté trente-six enfants.

Elle referme l’inventaire du diable.

Silence.

— Vous avez de quoi fumer ? s’informe-t-elle.

— Il doit rester quelques Camel à Alberto.

— Rien de moins catholique ?

— Négatif. Du vin est tout ce que j’ai. Mais si vous oubliez que c’est le sang du Christ, ça devrait faire l’affaire.

— Sans façon, je ne bois pas d’alcool.

— Dommage pour vous, j’ai d’excellents millésimes.

Elle fait une grimace, raturant son joli visage.

— Ne faites pas cette tête pour un pétard.

— Rien à voir, je repensais à tous ces connards.

Elle réouvre soudainement les captures des violences infantiles.

— Qu’est-ce que vous faites ?

— Je vais compter combien il y en a.

— Vingt-trois, refermez ça maintenant.

Elle s’exécute puis m’observe en silence pendant un long moment, avec une attention suspicieuse.

— Pourquoi me regardez-vous comme ça ?

— Que vous leur avez-vous fait Charel ?

Silence.

— Et où-est-ce qu’ils sont ? continue-t-elle.

— Tous au même endroit, et ils ne sont plus très beaux à voir.

— Où ça ? dite-le-moi et je vous promets de ne pas aller voir les flics.

— Non. Faisons plutôt l’inverse. Je vous dis tout uniquement si vous promettez de me dénoncer aux flics.

— Mais pourquoi voulez-vous aller en prison ?

— Tout simplement parce que je le mérite, Aurore. Je vous l’avais dit.

Elle me regarde, sans savoir quoi dire ni quoi faire.

Dans son monde et système de valeurs, il n’existe aucun argument à mon encontre. Alors elle sait que j’ai raison et acquiesce d’un mouvement de tête en guise de promesse.

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