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— Lily, non ! hurle Hélène à pleins poumons, en voyant se profiler un terrible drame.

Dans le dos de Lily, sous la grisaille, une puissante Mercedes fonce à vive allure. Son conducteur a l’esprit ailleurs alors qu’il dépasse un bus, salivant sur une des nombreuses affiches publicitaires dévoilant les formes d’égéries Chanel toutes en courbes. Soudain, l’homme perçoit un hurlement. Le cri le rattrape et le remet sur les rails, mais ce n’est qu’au dernier instant qu’il aperçoit le danger survenir. D’un geste brusque, il donne un coup de volant vigoureux et pile, dans un crissement de pneus tonitruant. Instinctivement Hélène ferme les yeux. La voiture dérape, évite la princesse de justesse, et continue de glisser sur l’asphalte jusqu’à percuter de plein fouet une benne à ordures, sur le bord de la route.

Le vacarme provoqué sort Hélène de son immobilisme. Elle émerge en priant le seigneur, puis traverse la route à son tour. En furie, elle rattrape sa gamine sur le parking de la patinoire et, arrivée à sa hauteur, l’empoigne par le col avant que la gifle vole avec de sèches réprimandes :

— Mais t’es folle ou quoi ? Tu veux te faire tuer ? Ça suffit maintenant. Tu vas arrêter de faire tes caprices d’enfants gâtés. Et je te conseille de changer tout de suite ce comportement odieux que tu montres ces jours-ci. Tu m’entends ?

Lily n’a même pas conscience de l’accident qu’elle vient de provoquer. Sans croiser son regard, elle enfonce la tête dans le ventre de sa mère pour disparaitre, demeurant inconsolable.

Le cœur attendri, Hélène referme les yeux, sans parvenir à refreiner son besoin maternel d’enrober sa prunelle de ses bras. Aussitôt, à cette étreinte, une vague d’émotion la submerge. Elle culpabilise d’avoir levé la main sur son bébé pour la première fois.

— Mon poussin, je te demande pardon. Pardon, je suis désolée, s’excuse-t-elle en pleurs tout en la serrant très fort. Maman est fatiguée ces jours-ci. Je sais que t’aurais voulu que ton frère vienne, mais tu dois grandir maintenant.

Lily renifle sans rien dire.

— Ton frère ne pourra pas toujours être agrippé à toi sans arrêt, prévient Hélène en lui caressant maintenant la joue. Parfois vous serez séparés, mais ce sera pour mieux vous retrouver plus tard, ne l’oublie jamais ma puce.

— Mais moi je veux pas qu’il reste avec Vador, réplique sa fille, d’une voix à peine audible, encore toute tremblante.

— Qui ça, de quoi tu parles ma chérie ?

En cet instant précis la réponse de Lily est incompréhensible. Jamais elle n’a entendu ce nom sortir de la bouche de ses trésors ni de son mari. Hélène ne fait pas directement le rapprochement avec la saga Star Wars et est loin de s’imaginer que ses enfants surnomment Claude de la sorte, lorsqu’ils sont ensemble.

Face au mutisme de Lily, Hélène n’insiste pas.

Soudain, se dresse devant elles un homme en costume noir, avec des chaussures parfaitement cirées. Vue son attitude, aucun doute, il s’agit du chauffard de la Mercedes.

— Vous pouvez me dire quel genre de mère vous êtes, pour laisser votre rejeton traverser la route, toute seule, sans regarder ?

Hélène se redresse puis se met devant sa fille sans la lâcher du bras.

— On va faire un constat madame et si vous n’êtes pas d’accord, on va appeler les flics, crache l’homme excédé.

— Très bien, appelons-les tout de suite, fustige Hélène. Vu les traces de pneus laissées sur la route, ils se feront un malin plaisir de déterminer à quelle vitesse vous rouliez. Connard, vous avez failli tuer ma fille !

Puis apercevant le téléphone tactile dépassant de sa poche, elle surenchérit :

— J’imagine que vous ne regardiez même pas la route. Vous feriez mieux de remonter dans votre bagnole et de vous racheter une conduite au lieu de jouer les kamikazes !

Le chauffard ouvre la bouche sans qu’un son n’en sorte puis la referme. Il tourne les talons, met un coup de pied dans une canette de soda un peu plus loin qui jonche le sol. Elle salit son bas de pantalon.

— C’est pas vrai, s’énerve-t-il. Il manquait plus que ça !

Il jure de plus belle puis s’en va constater les dégâts sur sa berline flambant neuve.

— Pardon maman…

— Tout n’est pas ta faute ma chérie, ne t’inquiète pas. Ce monsieur malveillant est un danger public.

Soudain, Hélène se prend un coup de massue en constatant qu’il est déjà neuf heures. Elle retrousse ses manches et déclare :

— Allez, maintenant on y va ma chérie. Toutes les deux on a une compétition à gagner !

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