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— Est-ce que je peux vous offrir une tasse de café, ou un thé peut-être ? propose Hélène.

— Merci madame mais nous n’avons pas beaucoup de temps, annoncent d’emblée et d’une même voix les dames.

— Bonjour, intervient Claude, statique.

Il a les mains posées sur les menues épaules de Martin, elles couvrent jusqu’à tout son torse. Tous deux sont à l’autre bout de la pièce dans un coin à contre-jour.

— Monsieur, salue une des femmes.

— Puis-je vous aider à charger la voiture ? propose Claude en faisant bonne figure.

— C’est gentil, mais ce ne sera pas nécessaire.

— Bonjour jeune homme, intervient la seconde inconnue.

Silence de Martin.

— Es-tu prêt pour… l’aventure ? demande l’autre en se sentant coupable.

Coupable que les services sociaux aient jugés bon, en accord avec Hélène et Claude, de ne pas expliquer aux enfants la situation, afin de ne pas les angoisser durant leurs derniers instants.

— Il est prêt, affirme Claude, tandis que Martin tire fort sur sa manche.

— Parfait. Dans ce cas nous partirons d’ici cinq minutes si c’est bon pour vous.

Sentant son cœur battre anormalement vite pour un départ en vacances, même si Claude appelle ça une initiation, Martin tire son père une seconde fois par la manche pour l’obliger à se pencher vers lui.

— Qu’y a-t-il mon garçon ?

— Finalement, je n’ai plus tellement envie de partir…

Sans lâcher son regard de glace des dames en noir, Vador s’accroupit à la hauteur de Martin pour le rassurer. Claude sait que Martin risque de lui attirer de nouveaux ennuis avec la justice, s’il ne tient pas sa langue. Alors, il lui rappelle une fois pour toutes quelles sont ses responsabilités en lui chuchotant à l’oreille :

« Je sais mon grand, et je n’y peux rien. Souviens-toi que tous les hommes de notre famille ont dû passer par là avant toi, lui mens Vador. Souviens-toi que c’est le seul moyen pour devenir un spartiate et souviens-toi qu'il faut tenir ta langue pour qu'un jour tu puisses revoir ta sœur »

Vador met une petite tape guerrière sur le torse de Martin pour lui donner de la force, mais Martin semble ailleurs. Sous hypnose. Il regarde sa sœur qui a enfilé une nouvelle tenue, elle le scrute depuis le bas des escaliers.

La princesse se demande ce qu’ils peuvent encore bien comploter tous les deux, pour la énième fois. Il y a un temps, elle l’aurait mal pris, mais maintenant qu’elle est grande, et heureuse propriétaire d’un château avec de jolis rêves plein la tête, Lily cache sa frustration. Elle préfère envoyer des ondes positives à son matelot qui bientôt partira en campagne.

Ignorant la présence de Claude, la princesse s’approche lentement de son frère, avant de le tirer par le bras jusqu’au milieu de la pièce, comme si elle le conduisait au bal vers une piste de danse. Sa jolie robe mise en l’honneur de son frère traîne sur le sol, tandis que Martin se laisse tirer comme un pantin désarticulé. Il ne sent plus ses pieds. Il a le cœur rongé, dévasté, comme si ses rêves coulaient au fond de la mer, pourtant il reste fort tel un spartiate.

Lily se positionne face au matelot puis lui saute au cou pour l’étreindre, de toutes ses forces, jusqu’à sentir la chaleur de son frère l’enivrer d’une triste mélancolie.

— Je veux pas que tu partes Martin.

Elle prend sa tête entre ses mains puis lui dépose un bisou sur la joue.

— Mais plus tôt tu seras parti, se reprend-t-elle, plus tôt on se retrouvera.

Martin repense à Leonidas en regardant les dames en noir. Instinctivement, il serre les poings, avant de croiser le regard de son père qui lui inspire une force tranquille.

— Nous allons devoir y aller maintenant, annonce l’une d’elles en regardant l’horloge.

De l’autre côté de la fenêtre, Lily aperçoit l’autre inconnue charger la voiture des affaires de Martin. Ce qui devient insoutenable. Brusquement, elle se retourne et se dirige vers les escaliers pour disparaître.

Hélène et Claude embrassent Martin pour un dernier au revoir puis l’accompagnent jusqu’à ce qu’il monte dans la voiture.

— Martin !

Le matelot se retourne et aperçoit sa sœur à travers le pare-brise. Lily court vers lui, tenant dans ses bras le gros globe poussiéreux et lui fait signe d’ouvrir la portière.

— Tu allais oublier ton monde peuplé de mille Lily, dit-elle en lui déposant un dernier bisou. Et aussi ton sac à dos.

Lentement, la voiture démarre. Martin regarde sa famille s’éloigner et panique, comprenant soudain qu’il se passe quelque chose d’anormal.

— Lily ! hurle-t-il.

Obligeant la voiture à s’arrêter, Martin ouvre brusquement la portière puis court rejoindre sa famille sur le bord du trottoir. Il arrive et s’agrippe à la jambe de son père.

— Pardon, pardon. Maintenant je ne veux plus partir s’il te plaît, implore Martin.

Le costaud lève sa tête et regarde Claude qui lui retourne deux billes sans âme, il se tourne alors vers Hélène même s’il sait qu’à la maison c’est Claude qui commande.

— Maman ?

Hélène fond en larmes tandis qu’une des dames prend maladroitement le bras de son trésor, ce qui la fait bondir de rage : « Ne faites pas mal à mon fils », prévient-elle désespérée.

— S’il te plaît chérie, ne complique pas la situation, dit Claude

Martin ne comprend plus rien, pas plus que sa sœur. Il parvient à dégager son bras puis tente d’attraper la main de Lily mais Claude s’interpose, l’obligeant à reculer alors que dans son dos, Martin sent les dames en noir revenir à la charge. Le costaud s’écarte et leur échappe sous le regard de Lily toujours barrée par son père.

— Laisse-moi passer, laisse-moi passer !! répète-t-elle en larme à Vador, avant de s’effondrer sur le sol comme une poupée de chiffon.

Claude l’attrape la soulève et la porte jusqu’à la maison, tandis qu’elle hurle toute sa détresse.

— Martin !!!

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