Inter 27

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Trois mois plus tard.


A mon procès, Aurore m’a décrit comme « un être manipulateur, se croyant investi dans une quête contre le mal alors qu’il l’incarne », mais en voyant s’afficher le numéro de Sainte-Anne sur son mobile, je savais qu’elle ne pourrait me résister :

« Allez au diable, Charel ! »

— Attendez, ne raccrochez pas…

Silence.

— Charel, je veux que vous cessiez de me harceler maintenant.

Elle ment.

Elle le sait et elle nous en veut pour ça. À moi d’être moi, et à elle de se délecter de m’entendre. Je le sens. À travers le combiné son souffle court me le confie.

— Pour me souhaiter la bienvenue, l’informé-je, ils m’ont enfermé un mois, assis sur une chaise, dans une cellule matelassée, avec une camisole de force et sans lumière.

— A quoi est-ce que vous vous attendiez, Charel ?

— Mais mon traitement est illégal vous devriez vous-en offusquer.

— Vous avez sauvagement assassiné Alberto, votre propre majordome, sous mes yeux.

— Il tenait pour friandises des petites filles, l’interrompe-je. Il les aimait au teint caramel et fragiles. Vous pouvez vérifier. Il faisait ses emplettes sur le Darknet, vous seriez surprise de savoir les choses abjectes que l’on peut y trouver.

— Pourquoi ne pas l’avoir signalé à votre procès, dans ce cas ?

— Je ne devais pas avoir l’air de préméditer mon acte, tout devait passer pour le coup de sang d’un malade mental.

— Mais vous êtes un malade mental, Charel. Qui inventerait une horrible vie de famille pour tester l’empathie d’une personne ? Qui s’aménagerait une cellule chez lui pour se préparer à la prison qu’il réclame sans relâche ? Et qui d’autre irait inventer cette absurde histoire d’abattoir ?

— Je l’ai fait croire au tribunal, devant le juge, à mes avocats et aussi durant l’expertise psychiatrique appuyée par les nombreuses heures d’enregistrements que vous avez fournies au procureur. Mais je ne vous ai jamais menti, Aurore. De toutes nos séances, mes mensonges n’ont porté que sur deux choses. La première : que mon but était non pas d’aller en prison, mais à l’hôpital psychiatrique. Ce qui a engendré la seconde : mentir sur l’adresse de Lily et Martin ainsi que celle de l’abattoir.

— Vous mentez.

— La maladie de Creutzfeldt-Jakob m’éteint à petit feu, Aurore. Je vais mourir. Dans un an, tout au plus, je vous regarderai d’en haut alors croyez-moi, je n’ai plus aucune raison de vous mentir maintenant que je suis enfin là où je voulais être.

— Vous mentez encore, et très grossièrement d’ailleurs. Votre intérieur est d’une telle laideur, Charel. Vous devriez avoir honte du monstre que vous êtes. Pire que vos porcs !

— Vous recommencez à devenir passionnée à mon égard, Aurore.

Je l’entends soupirer, tandis que je m’éclaircie la voix.

— Prenez de quoi noter s’il vous plaît, lui lancé-je.

— Je vous demande pardon ?

— Je vais vous donner les moyens de vérifier tout ce que je vous ai raconté depuis notre première séance : De Lily et Martin à l’abattoir, en passant par les porcs avec la preuve de leur culpabilité, sans oublier celle d’Alberto.

J’entends Aurore prendre de quoi griffonner.

— A compter du moment où je vous aurai donné tous les éléments, poursuivis-je, vous aurez une heure pour me rappeler. Après, il sera trop tard.

— Trop tard pour quoi ?

— Pour vous expliquer pourquoi nous avons dû en arriver là, Aurore.

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