— Je voudrai qu’on reparle du dessin de la dernière fois, Monsieur Martinez.

— Je pourrais avoir une nouvelle clope ?

— Bien sûr.

Elle déclare sa flamme à une Camel qu’elle colle illico dans mon bec.

— Merci, mon cœur se réchauffe, dis-je en laissant un nuage de fumée noire voiler ce regard intense qu’elle a posé sur moi.

Silence.

— Pourquoi voulez-vous en reparler, Aurore ? Personne ne vous fait jamais de cadeaux ?

— Je ne suis pas ici pour parler de moi.

Elle passe une main dans ses cheveux avant de continuer.

— Quelqu’un d’autre a vu ce dessin Monsieur Martinez ?

— Personne. Seulement la gargouille humaine représentée, pas la petite fille.

Elle examine mon œuvre réalisée avec du charbon et des cendres, qui dévoile un élégant quinquagénaire, éjaculant sous la douche sur son enfant.

— Pourquoi dessinez-vous ces choses abominables ?

— C’est grâce à elles que je me soulage.

— Comment ça ?

— Si vous me passez votre stylo plume, et du papier bien sûr, je peux vous faire un dessin si vous voulez, proposé-je.

— Sans façon, je vais m’en passer.

— Ne faites pas cette tête, Aurore. D’emblée, ne vous ai-je pas demandé, imploré, supplié de m’aider à me faire enfermer car je me savais dérangé et dangereux pour la société ?

Elle déglutit avant de poursuivre.

— Ces dessins, sont-ils des projections mentales ou représentent-ils quelque chose de réel ?

J’espérais qu’elle allait y venir.

— Vous me posez là une question capitale. Bravo Aurore. Vous venez de gagner votre première prime, accompagnée d’une réponse négative quant à la première proposition. Ces choses sont bien réelles. Mais nous vivons tous normalement comme si elles n’existaient pas. Alors je me démène, corps et âme, pour les rendre visibles aux yeux du monde. Je suis un romantique. J’aimerais éveiller les consciences qui vivent à l’ombre des ravages.

— Monsieur Martinez, et si vous me disiez vraiment ce que vous attendiez de moi ?