inter 9

2 minutes de lecture

— Vous vous croyez plus malin que moi ?

— Absolument mais pourquoi diantre soulignez-vous cela, Aurore ?

— Parce que vous évitez toujours de parler de vous et il est temps que ça change maintenant.

— Je n’ai pas envie de vous perturber.

— Monsieur Martinez, je suis une professionnelle.

— Qui vient de sortir de l’école et vous m’êtes encore un peu jeune.

— Je suis plus âgée que vous.

— Je ne parle pas du temps, mais de votre expérience de vie.

Silence.

Elle ouvre sa bouche sans qu’un son en sorte, puis réplique finalement.

— Vous ne savez absolument rien de moi.

— Ce n’était pas un reproche Aurore.

— Vous me faite perdre mon temps.

— Pourquoi, vous ne voulez pas grandir avec moi ?

— Monsieur Martinez, arrêtez d’agir comme si vous saviez…

— Avant de devenir psychologue vous étiez journaliste, l’interromps-je, diplômée en science politique par ailleurs.

— Ben voyons… c’est pratique, internet !

Je fixe attentivement ses avant-bras, tout en énonçant une par une et lentement ces lettres et ces chiffres qui m’obsèdent depuis des mois : « W…E… …2…3…3… …P…A »

— Qu’est-ce que vous êtes en train de faire, Charel ?

— C’est bien la plaque d’immatriculation de votre auto, n’est-ce pas ?

Ses poils se dressent en un battement de cil.

— Une Mini Cooper, verte, avec une bande blanche. Votre beau-frère a fait partie de la Macronie, vous avez refusé d’entrer dans cette caste pour endosser un gilet jaune. Par une fois, vous avez donné la vie. Vous êtes mère célibataire et avez voulu vous reconvertir depuis ce jour où…

— Arrêtez ça tout de suite, Monsieur Martinez.

— Je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise.

Je mens comme un arracheur de dent.

— J’espérais juste que vous me feriez confiance quand je dis que vous êtes jeune, poursuis-je.

— Quand allez-vous finir par me parler de vous ?

— Un peu de patience, je vous trouve beaucoup trop passionnée à mon égard. Vous devriez prendre garde Aurore.

Malgré le mal qu’elle se donne, un léger sourire apparaît sur son visage.

— Sachez seulement que je ne vous ai pas choisie par hasard. Je vais faire de vous une reine, attirer la lumière et vous faire redevenir journaliste. Car cette casquette de psy ne vous va pas tellement bien, avoue-je quand soudain on frappe à la porte.

— Plus qu’une minute !

Alberto, le majordome que j’ai embauché spécialement pour jouer mon gardien de cellule, referme la porte et nous regarde à travers le hublot. Son képi kaki et sa moustache rebiquent autant l’un que l’autre tandis qu’Aurore rassemble déjà ses affaires.

Elle se lève, ignorant ma dernière réplique, puis me chuchote avant de partir :

« La prochaine fois, Monsieur Martinez, je voudrais que vous me parliez spontanément de vous comme si la vie de Lily et Martin en dépendait ».

Aurore vient de m’éteindre. Je m’efforce de rester impassible tandis que de toutes mes forces je serre les poings.

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