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— L’analyse est terminée, commandant, informe la biologiste.

— Laissez-moi deviner, réplique-t-il, vue votre mine, j’en conclus que les nouvelles ne sont pas bonnes.

— L’échantillon prélevé confirme nos craintes : la faille à l’origine de l’éruption volcanique est plus profonde que prévue de deux kilomètres sous la croute terrestre.

— L’activité du volcan au détroit des rivières va donc perdurer…

— … et ce de manière indéfinie. Le magma en fusion est en train de fondre les dernières glaces polaires et va bouleverser l’intégralité des écosystèmes, de manière irréversible et brutale. À moins d’un miracle, l’océan arctique devrait complètement disparaitre d’ici 24h et le gaz, extrêmement toxique qui se dégage, aliène déjà le climat de la région. L’oxygène se contamine et empoisonne l’air sur Terre, commandant. Toutes les espèces seront condamnées. La vie va s’éteindre progressivement et …

Soudain, la navette d’observation spatiale Victoria penche violemment sur la droite, forçant la jeune femme à s’interrompre, puis se stabilise avant de retrouver un équilibre précaire.

— Qu’est-ce c’était ?

— Je n’en ai pas la moindre idée.

Instantanément, Martin, commandant en chef, lâche les manettes et se dirige vers la baie vitrée principale.

Une poussière caillouteuse s’amasse à vue d’œil sur la tôle blanche d’Europeous, la station voisine, et l’obscurcit. Son logo est quasiment invisible, alors qu’un tintement aigu siffle maintenant aux oreilles des passagers. Un champ de force d’origine extraterrestre balaye le site dans un assourdissant fracas.

On ne s’entend plus ici.

Le commandant donne de la voix :

— Une pluie de météorites va bientôt s’abattre, hurle-t-il. Nous devons évacuer sans tarder !

Le vaisseau se met brusquement à trembler. Du givre se forme à la surface de la combinaison des astronautes. Le commandant tire l’alarme devant la biologiste qui se liquéfie, pétrifiée par le danger annoncé.

Cette fois, ce n’est pas un exercice d’évacuation. Un trou noir s’est ouvert et va semer le chaos partout dans la galaxie. La voyant dériver en flottant dans l’apesanteur, inerte, à l’opposé de l’issue de secours, Martin agrippe la femme tout en s’accrochant à la barre.

— L’impact est imminent, alerte-t-il en jetant un œil inquiet vers l’écran du sonar, dont le voyant rouge vient de s’allumer.

Derrière les fragments de corps célestes, un astéroïde de type M se dirige droit vers de la Terre. Victoria se trouve en plein sur la trajectoire.

— Nous n’avons plus beaucoup de temps avant que tout ne disparaisse. Tout le monde doit quitter la navette immédiatement pour rejoindre le pont d’air, ordonne le commandant. Hélène, allez dans le sas extravéhiculaire et respectez les consignes d’évacuation.

La biologiste opine du chef, mais reste tétanisée.

— Où est le dernier bourgeon de l’humanité ? demande Martin.

Hélène est au bord au malaise vagal.

— Répondez moi, bon sang !

— Elle a pris part à l’exode des derniers mammifères, commandant.

Frappé par cette terrible nouvelle, Martin torpille en panique le télescope d’un regard. Il s’en saisit, puis s’en détourne violemment. Il s’approche à grandes enjambées de l’observatoire sud et réduit ses yeux en deux fentes perçantes.

Avec sa vision d’aigle supersonique, Martin examine le monde d’hier. D’étranges nuages noir se forment au-dessus du cercle arctique. Inexorablement, ils sont en train de recouvrir la Terre. Ce que Martin voit sous ce manteau de cendres est dévasté : le dernier bourgeon de l’humanité est captif, entre les mains d’Apocalypse le roi des morses.

Ce dernier se dresse de tout son poids sur ses nageoires postérieures, à moitié dissimulées sous le magma en fusion. Et soudain, ouvrant sa béante gueule en grand Apocalypse fait de Lily son quatre heures en une seule bouchée.

Martin écarquille ses yeux voilés par les larmes et la colère. Le bourgeon n’est plus. Le costaud serre les poings, puis se débarrasse de sa combinaison avant d’actionner l’ouverture manuelle de la salle de dépressurisation.

— Qu’est-ce que vous faite commandant ?

Martin ne répond pas, déjà focalisé sur l’opération d’urgence qui l’attend.

— Revenez ! s’écrie la biologiste, ébahie par l’acte suicidaire qu’il s’apprête à commettre.

— Ne vous occupez pas de moi, Hélène. Allez immédiatement dans le sas c’est trop dangereux par ici !

Les portes de la salle de dépressurisation s’ouvrent et se referment derrière Martin. Il s’avance sur la rampe de lancement, puis s’élance. Il court, saute et plonge dans l’espace la tête en avant.

Les bras le long du corps, il atteint rapidement sa vitesse cosmique et traverse le système solaire en laissant une trainée de feu derrière lui. Martin sillonne les astres, bondit de satellite en planète, puis gravite autour de la Terre avant de brandir une lame émeraude.

Le glaive à la main, il traverse l’atmosphère et fonce, héroïque, sur le roi des morses qui ne voit qu’une étoile filer de la voie lactée.

Le ciel s’écarte, la chair se fend et les défenses tombent.

L’armée des morses en est brèche, maintenant défaite. Étripé de la trachée jusqu’au ventre, Apocalypse tombe de tout son long, fendu en deux, le sang bouilli par le pouvoir du glaive

Son estomac se détache et roule sur la plage de galets, libérant ainsi le bourgeon de vie des entrailles du monstre.

Martin range son arme et s’agenouille, une main d’espoir tendue vers Lily. C’est alors qu’elle éclot à nouveau. Une larme dorée coule le long de sa joue, tandis qu’elle bat des cils. Le visage du costaud s’illumine, sous les ravages il l’enlace, mais soudain, l’air s’embrase et les empêche maintenant tous deux de respirer.

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