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Martin réfléchit longuement, puis se décide enfin.

— Celle-ci ! indique-t-il avec son laser jaune hyperpuissant.

— Comme elle est grande, c’est facile, répond Lily. Elle réchauffe les esquimaux du pôle nord.

— Celle-là !

— Elle sert de guide aux Indiens d’Amérique.

— Et celle tout à droite !

— C’est sûrement la protectrice des océans, mais d’ici je la vois pas très bien, se plaint la jeune fille. Elle est trop petite, et en plus, elle brille pas assez. On devrait aller dans notre vaisseau spatial comme ça on verrait encore mieux l’univers.

Il n'en fallait pas plus pour qu'ils bondissent de leur lit et ne démarrent une course en fanfare.

— Fais moins bouquant, tu vas nous faire pincer !

D'abord une, puis deux et trois en silence. Les marches de la mezzanine sont vites avalées pour Martin qui arrive en haut le premier. Mais une fois encore, il temporise pour taper l’oreiller un temps après Lily.

Belle astuce pour s’assurer qu’elle ne boude pas ce soir et qu’ils s’endorment main dans la main sous les étoiles.

— Tu crois que quand on sera grands, j’arriverai la première en haut de l’échelle sans que tu me laisses gagner ?

Martin rit comme une baleine, puis met la main devant sa bouche pour en étouffer les éclats.

— J’espère pas pour moi en tout cas, chuchote-il. Waouh, regarde Lily, une aurore boréale !

Sa sœur tourne la tête.

— Pfff y’a même plus de pile, relève-t-elle en regardant le faible faisceau lumineux vert se réfléchir dans le miroir mural.

Martin éteint la lampe.

— Et tu crois que quand on sera grand Vador sera encore vivant ?

— Je sais pas. Mais quoi qu’il se passe, moi, je serai toujours là, promet-il en lui décrochant la Lune, avant de la lui coller sur le front.

— Mais arrête ! Je vais avoir de la colle partout à cause de toi ! gronde-t-elle en décollant le sticker du bout des doigts. Qu’est-ce que t’en sais, d’abord ?

Lily replace l’autocollant fluorescent dans la galaxie, au-dessus de la constellation de Cassiopée.

— Si ça se trouve quand on sera grands on se causera plus. Toi, tu navigueras dans la brume sur ton bateau, et moi je danserai la valse dans mon château.

— Pourquoi tu dis ça ? demande Martin.

Lily défait la taie d’oreiller, puis enfonce sa tête dedans.

— Parce que je sais que tu aimes bien les petits fantômes. Hou…hou…

Martin explose de rire.

— C’est pas un fantôme ça. C’est le cri du chimpanzé !

Soudain, un bruit leur fait dresser l'oreille. En bas de l’escalier, les marches craquent. Elles signalent le repli des deux astronautes. La peur s’invite à vive allure. Tous deux redescendent sur terre et regagnent discrètement la base, chacun dans son lit.

Le palier grince derrière la porte qui s’ouvre lentement sur la chambre.

Une tête passe l’encadrure et les observe, de longues secondes, dormir chacun sous sa couette. Les pas se rapprochent maintenant. Martin transpire la peur au ventre, mais soulagé qu’ils se dirigent vers lui plutôt que sa sœur, cette fois. En apnée, il n'ose bouger d’un cil. Une main caresse ses cheveux tendrement. Le bonhomme se crispe. Il frémit, puis un baiser glisse dans le creux de son cou.

— Il faut dormir les enfants, babille Hélène, demain une grosse journée nous attend.

Ce n’était qu’une fausse frayeur, mais deux cœurs battent toujours autant la chamade.

— Oui maman, répond Martin a moitié soulagé.

Elle s’en va câliner Lily et l’embrasse fort, puis repart en laissant la porte entrouverte.

— J’ai cru que c’était Vador, chuchote Lily.

Le silence se réinstalle dans la pièce.

— Martin, j’ai une question, se risque-t-elle, contrariée d’être éloignée de son matelot.

— Vas-y, mais je veux dormir après. Moi, je suis fatigué, ment son frère.

— Les grands, ils comprennent pas toujours les enfants, j’ai l’impression. Mais est-ce qu’entre eux ils se disent toujours tout ?

— Bah, non Lily. Pourquoi cette question ?

— Parce que Théo m’a dit l'autre jour qu’il avait dû révéler au maître le secret de son œil au beurre noir, et depuis, il est pas retourné à l’école...

Martin ne répond pas.

Il s’est endormi, pense Lily. Tant pis, de toute façon, elle sait que son frère n'aime pas tellement qu'elle pose trop de questions. Elle ferme les yeux puis finit par s’endormir, tandis que Martin lui n’arrive pas à trouver le sommeil.

Blotti au fond de son lit, il a le regard fixé sur l'embrasure de la porte.

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