Sixth, Fire Warrior

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Rejoindre le système solaire Berghoff depuis Bellanor VII demandait deux jours à un vaisseau interstellaire normal, mais grâce au supercalculateur Razorback et le système de micro-saut hyperspatial du Black-Bird, cela ne prendrait qu’une journée. Fifty expliquait ce phénomène à Sharks lorsqu’enfin, il tiqua sur le mot immortel.

_ Le Black-Bird effectue des sauts plus courts car ils sont moins soumis à des erreurs de trajectoire. A chaque sortie de l’hyperespace, le supercalculateur corrige rapidement les variations et nous repartons dans l’heure. En fin de compte, nous faisons plus de saut pour la même distance mais nous allons plus vit… Vous avez dit immortel ?! Genre, il ne peut pas mourir ?

_ C’est ce que stipule son dossier, mais j’ai du mal à y croire. Nous allons sur la planète Gesundes pour vérifier. Vous avez été plutôt lent à réagir.

_ C’est que je n’écoutais qu’à moitié. Mais, Immortel, quoi ! Incroyable !

_ Le dossier précise qu’il a survécu à l’accident qui a coûté la vie à sa femme. Au cours d’une de ses premières missions, il a eu le cœur transpercé par une multitude de balle. Lors d’un entraînement à un art martial qu’il est en train de créer, il s’est fait brûler au quatrième degré et dernièrement, il s’est jeté du haut de la tour de commandement de sa caserne. S’il n’est pas immortel, son pouvoir de guérison est suffisamment puissant pour l’intégrer parmi nous.

_ C’est le moins que l’on puisse dire. Ah ! Capitaine, nous recevons une communication de la planète Terre. Il s’agit de la fréquence hyper-spatiale du Sommet.

_ La haute autorité… Ouvrez le canal vidéo.

Un vieil homme en costume de cérémonie apparut sur un écran. Son visage buriné et bardé de cicatrice trahissait une longue carrière de combattant mais son regard était tellement vif qu’il semblait avoir vingt ans.

_ Air-Lines, je vous salue.

_ Nous vous saluons, Fédérateur Fauless, nous sommes à vos ordres.

Une fois l’étiquette respectée, le vieil homme, chef politique suprême de la Fédération, perdit trois centimètre à l’écran. Il semblait plus détendu mais également extrêmement fatigué.

_ Sharks, je viens de passer une heure éprouvante à écouter l’Amiral Sessenta se plaindre de votre comportement. Selon lui, vous avez été impoli, irrespectueux, et en plus, vous lui laissez les petites corvées, comme faire parler l’espion. Apparemment, celui-ci n’a toujours pas avoué.

_ Fédérateur, je suis désolé que mon comportement vous porte préjudice. Dois-je faire revenir le Black-Bird à son port d’attache afin de présenter des excuses à l’Amiral ?

Fauless esquissa le même genre de sourire que Sharks. Tellement rapide que l’on pouvait douter qu’il ait vraiment barré son visage.

_ Cela étant dit, votre mission ne consiste pas à vous arrêter pour un malheureux espion. Vous avez mieux à faire. « Via Aeris » doit être opérationnel le plus vite possible. Ne vous préoccupez pas des caprices d’une hiérarchie vieillissante et geignarde.

Fifty eut un moment de doute. Le leader de toute l’humanité venait-il vraiment de sous-entendre qu’un chef d’armée était moins important qu’eux ? « Via Aeris » était certes un projet ambitieux mais son créateur ne s’attendait pas à ce que le Fédérateur lui donne autant d’importance.

_ C’était mon intention, Fédérateur. Comme prévu, nous nous dirigeons vers la planète Gesundes pour récupérer le major Sixth de l’armée des Fire Warriors.

_ Hmm ! Vous parlez du fameux « immortel ». Vous croyez vraiment qu’il vous sera utile ? Les rapports arrivant de Gesundes spécifient qu’il a été mis aux arrêts.

_ Je suis au courant, j’ai reçu une copie du rapport. Apparemment, il a déserté son régiment pour s’infiltrer dans celui qui partait sur Gesundes. Il n’a pas expliqué pourquoi et personne là-bas n’a vraiment le temps de s’occuper de son interrogatoire. Le mutant qu’ils traquent leur donne trop de mal.

_ Si nos Fire Warriors ont du mal avec un seul mutant, c’est l’occasion pour vous de briller, Sharks. Je donne l’ordre aux Air-Lines de ne pas quitter Gesundes tant que vous n’aurez pas réglé la question. Les Fire Warriors seront informés que vous prenez la direction des opérations. Messieurs, je compte sur vous.

Fauless fit un petit signe de la tête en guise d’au revoir et coupa la communication. Fifty, qui jusque-là s’était tus, questionna Sharks.

_ C’est… quoi… le problème sur Gesundes ?

_ Déjà, Gesundes elle-même est un problème. Une gigantesque bulle de magma dérivant dans l’espace sur une orbite irrégulière à la périphérie extérieure de Berghoff à cause des éruptions permanentes. La température avoisine en surface les deux cents degrés Celsius, un humain sans protection ne tient pas une demi-heure…

_ Ok. Des conditions épouvantables, pas la peine de détailler. Le coupa Fifty.

_ Et c’est sur ce paradis terrestre que s’est réfugié le « pyromaniac ». Finit Sharks.

Le pyromaniac, Kai Redust, était une célébrité dans son genre. Mutant parmi les plus puissants répertoriés officiellement, il générait spontanément étincelle, flamme et chaleur et était capable de contrôler par la pensée ces trois mêmes éléments, que ce soit lui qui les ait produits ou pas. L’aura dont il était constamment entouré était tellement chaude qu’elle faisait fondre les balles et déviait les lasers.

_ Une célébrité des mutants, un immortel et les Fire Warriors. Sacré cocktail, si je peux me permettre mon capitaine.

_ Vous n’aimez pas les Fire Warriors, sous-lieutenant ?

_ Non ! C’est juste que leur politique de complot les rend assez antipathique.

_ Que voulez-vous dire ? Ils ne semblent être que des pompiers militaires, non ?

Sharks faisait délibérément parler son pilote. Il testait ses connaissances par rapport à un sujet qui sortait du domaine de connaissances des Aquanautes.

_ Ah ! Vous n’êtes pas au courant des rumeurs ? S’amusa Fifty. Il faut que vous sachiez que les Fire Warriors se sont spécialisé dans les connaissances mystiques et qu’ils cachent au sein de leur caserne tout ce qu’ils peuvent trouver dans le genre. Ce sont de vrais experts de la conspiration. Et on ne sait même pas sur quelle planète se trouve leur QG.

Maintenant qu’il avait obtenu ce qu’il voulait, le Capitaine décida d’affranchir son interlocuteur.

_ En fait, c’est leur travail principal non officiel. Et s’il y a des rumeurs aussi proches de la vérité, c’est qu’ils le font mal. D’après les informations que m’a données le Fédérateur, leur caste des archivistes recueille, classe, archive et cache toutes prophéties et événements surnaturels que l’humanité rencontre au cours de son expansion dans la galaxie.

_ Mais pourquoi faire ça ? Pourquoi cachent-t-ils la vérité ?

_ Parce que toutes les religions démarrent avec des prophéties ou des événements surnaturels. La Fédération a réussi difficilement à se débarrasser du virus des croyances et elle ne tient pas à ce qu’un gourou vaguement charismatique ne vienne emporter à nouveau l’humanité dans un déluge de croisades et d’obscurantisme. En conclusion, les Fire Warriors empêchent la naissance de nouveaux groupuscules religieux en attendant que nous rencontrions de « vrais dieux » ou que chaque phénomène ait été expliqué scientifiquement. A ce moment-là, ils ouvriront en grand les portes de leurs bibliothèques.

Après avoir vu à l’œuvre la force presque surnaturelle de Sharks et sa défiance ouvertement hostile envers la hiérarchie, Fifty prenait une troisième claque morale en découvrant la mission des Fire Warriors. Il comprit tout seul que le feu n’était pas l’ennemi de cette armée, comme le laissait supposer leurs tenues ignifugées, mais bel et bien un allié de poids quand il s’agissait d’effacer des traces. Cela expliquait pourquoi les incendies fleurissaient là où intervenaient les Fire Warriors. Ils ne venaient pas pour combattre le feu, c’était eux qui l’apportaient.

_ Je suis complètement abasourdi là.

_ Vous avez une journée pour vous remettre. Je serai dans mes quartiers si vous avez besoin d’aide.

Sharks sortit rapidement du cockpit pour se diriger vers ses appartements. Lorsqu’il atteignit ceux-ci, il ressentit la puissance de l’accélération hyper-spatiale. Fifty avait mis trente-quatre secondes pour digérer l’information puis dix-sept secondes pour finir de préparer le premier saut. Sharks sortit le dossier du pilote et nota sur la feuille intitulée « Via Aeris : évaluation du commandant n°2 » que Fifty intégrait rapidement les nouvelles changeants radicalement sa façon d’entrevoir la Fédération.

Une journée plus tard, Gesundes était en vue dans les hublots du Black-Bird. La planète rouge et dorée se tordait dans l’espace en un ballet grotesque secoué d’éruption volcanique. Fifty regardait ce spectacle avec intérêt. Sharks, qui semblait toujours sortir de sa chambre avec le souffle court, la regardait avec dédain.

_ Normalement, les planètes qui ont moins d’un milliard d’année sont inhabitables. D’une part, à cause de la chaleur, d’une autre part, parce qu’il n’y a pas assez d’oxygène dans tout ce gaz carbonique.

_ Mais Gesundes possède une atmosphère respirable, non ? C’est bien pour cela que nous avons une mission scientifique implantée là ? Découvrir pourquoi cette planète en perpétuelle éruption possède une atmosphère adaptée à l’humanité.

_ Sans doute pour une raison que les Fire Warriors ont archivée il y a deux mois. La mission a été retirée à cette période. Peu après, Kai Redust s’installait sur place. Assez discuté. Entamez les manœuvres d’approches.

Le commandant du détachement Fire Warriors sur Gesundes vit atterrir le Black-Bird le cœur plein d’espoir. Depuis un mois qu’il était sur cet enfer, il avait vu sa motivation, sa masse corporelle, ses chances de carrière et ses effectifs fondre à vue d’œil face à un mutant hors normes. Alors, quand la radio avait annoncé que le pilote du projet Via Aeris demandait l’autorisation de les rejoindre, son cœur avait fait une pause d’une seconde. Si les rumeurs qui couraient parmi le haut commandement étaient seulement à moitié vraies, c’était réellement un commando de l’enfer qui arrivait pour lui prêter main-forte. D’ailleurs, leur vaisseau semblait, lui aussi, sortir tout droit de l’enfer. A mesure qu’il s’approchait du sol rougeoyant, le Black-Bird s’assombrissait jusqu’à devenir d’un noir anthracite. Sa carrosserie, également, subissait d’importantes modifications car elle était en train de se hérisser de pointes rougissantes destinées à évacuer la chaleur ambiante.

Bien entendu, lorsque le Colonel Furno ne vit que deux soldats vêtus de combinaisons protectrices descendre du gigantesque vaisseau, l'espoir se changea instantanément en déception.

_ Deux personnes ?! Vous n’êtes que deux soldats ?! Que comptez-vous faire avec un tel effectif ? Lui demander gentiment de se rendre ?!

Fifty releva l’ironie pour montrer à Sharks que lui aussi pouvait braver l’autorité.

_ C’est plutôt une bonne idée, Colonel Furno. Vous l’avez déjà fait brevetée ou je peux l’utiliser sans payer de droits d’auteurs ?

La face cramoisie du Colonel s’empourpra encore plus, mais avant qu’il ait pu dire quoi que ce soit, Sharks coupa court à cet échange d’amabilité.

_ Ça suffit, sous-lieutenant ! Nous ne sommes pas là pour ça ! Colonel Furno, nous ne sommes pas non plus venus pour régler votre problème de mutant. Nous sommes ici pour vous débarrasser du major Sixth.

_ Ne me dîtes pas que cet espèce d’illuminé a été choisi pour intégrer vos rangs ? Ce serait trop drôle ! Le soldat qui n’est pas capable d’obéir à un ordre va intégrer la meilleure armée de la Fédération ? Je peux mourir tranquille, j’ai tout entendu.

Sharks fronça les sourcils, la tension dans l’air monta d’un cran et de petites étincelles crépitèrent dans l’espace entre les deux hommes. Son regard plongeait directement dans celui du Colonel.

_ C’est exactement ça, Colonel Furno. Vous y trouvez quelque chose à redire ?

Furno avala sa salive qui avait un étrange arrière-gout de peur. Paniqué, il chercha pendant cinq bonnes secondes une raison valable.

_ O… Oui ! Le major Sixth est aux arrêts.

Sharks détourna son regard pour regarder la colline chauffée au rouge derrière le colonel.

_ Et bien le major Sixth ne l’est plus, Colonel. Amenez-le-moi au plus vite… Et tant que vous y serez, apportez-moi une carte de la région également. J’aimerai savoir où s’est retranché le pyromaniac.

Furno ne discuta même pas. Il était trop content de s’échapper hors de la portée du regard obscur de Sharks. Il partit en trottinant, bien que fortement gêné par la combinaison de protection thermique qu’il portait. Fifty s’approcha de Sharks pour que les autres Fire Warriors n’entendent pas ce qu’il lui disait.

_ Vous avez menti au Colonel, le Fédérateur nous a expressément ordonné de régler le problème. Vous ne pensez pas que vous êtes limite, question tact ? Chuchota-t-il sans trop d’espoir.

_ C’était totalement mon intention, sous-lieutenant, et par la même occasion, je vais tester le major.

_ Cela ne fait pas partie de nos ordres de mission, capitaine ! Tant que nous ne sommes pas opérationnels, nous ne devrions pas nous amuser à pousser à bout des cadres d’armées… rivales!

_ MES ordres de mission sont très clairs à ce sujet, nous devons remuer les armées endormies de la Fédération. Nous sommes un électrochoc dans la hiérarchie, destiné à séparer le bon grain de l’ivraie. Et pour que tout soit clair entre nous, je considère que tant qu’un seul Air-Lines sera en état d’agir, nous serons toujours opérationnels.

Encore une fois, la philosophie étrange de Sharks décontenança Fifty. Pourtant, il continua à s’accrocher à son idée.

_ Mais ce mutant tient un régiment entier en échec depuis deux mois ! Que voulez-vous que nous fassions à trois ? Si c’est pour bizuter le petit nouveau…

_ C’est moi que vous appelez petit ? Dit une voix derrière Fifty, le faisant se retourner immédiatement.

Le major Sixth était un personnage plus que robuste. Un mètre quatre-ving-dix-neuf pour cent quinze kilos, les cheveux noirs et le teint basané de quelqu’un qui a trop souvent côtoyé le feu, ainsi qu’une mine renfrogné, il était normal qu’il soit surpris de recevoir le qualificatif « petit ». Sixth aurait pu impressionner quantité de soldat par sa seule présence physique mais il en fallait plus pour Sharks. Le Fire Warrior tendit un rouleau de papier de grande taille au Capitaine.

_ Le Colonel Furno m’a dit de vous remettre ça et de me placer sous vos ordres.

Sharks prit le rouleau sans le regarder et le passa à Fifty. Il toisait Sixth comme s’il le passait aux rayons X.

_ Merci, Major. Est-il vrai que vous éprouvez quelques difficultés à mourir ?

Le visage de Sixth se tordit sous l’effort pour deviner où voulait en venir Sharks. Le major préféra répondre avec sincérité.

_ En effet, Capitaine, on peut appeler ça des difficultés. Apparemment, je ne PEUX pas mourir.

_ Nous verrons cela en temps utiles. Une dernière question avant de regarder cette carte, pouvez-vous me donner une explication courte de pourquoi vous avez risqué le peloton d’exécution en désertant votre escouade pour venir sur cette planète infernale ?

Nouvelle torsion du visage, plus accentuée que la première.

_ Je… Dirais qu’il fallait que je vienne, c’était comme un appel. Ça me prenait aux tripes alors… j’ai fait ce qu’il fallait. Quant au peloton, vous admettrez que je ne risquais pas grand-chose, non ?

_ Rien n’est jamais totalement immortel, Major, il suffit de se donner le temps pour s’en rendre compte. C’était un risque inconsidéré. N’avez-vous pas pensé que c’était le mutant qui vous appelait ?

_ Je suis même persuadé que c’est exactement ça, Capitaine. Il n’y a... rien d’autre sur cette planète à part lui mais mon instinct me dit que ce n’est pas pour me faire du mal qu’il m’a appelé.

Fifty intervint. Il trouvait le caractère débonnaire de ce géant passablement irritant.

_ Sauf qu’il pourrait vouloir vous voler vos capacités à ne pas mourir, vous torturer pendant une éternité ou que sais-je encore. Vous êtes un peu fêlé, mon gars, on ne se jette pas la tête la première dans la gueule du loup.

Sixth hocha la tête sur le côté pour regarder l’homme aux lunettes de soleil.

_ C’était mon choix et j’en aurai assumé les conséquences, sous-lieutenant.

_ Bien ! Alors, on va aller à la rencontre de ce Kaï Redust. Coupa Sharks. On en saura un petit peu plus après. Regardons cette carte.

Sixth déroula la carte après l’avoir délicatement arraché des mains de Fifty et la posa sur la table de briefing. Il expliqua où se trouvait Kaï et la signification des lignes en bleu sur la carte.

_ Ce sont des lignes de failles du magma refroidi. Considérez-les comme les limites de continents en formation. Les chiffres avec des flèches sont des pressions s’exerçant sur les failles. Cette marque, c’est Kaï Redust.

Sharks réprima un petit rire, les deux autres le regardèrent surpris. Sharks pointa la carte sur la marque du mutant.

_ Observez bien la carte et dîtes-moi ce que nous pourrions faire.

Fifty et Sixth reportèrent leur regard sur la carte. La marque se trouvait sur une convergence de lignes de failles. Fifty le remarqua à voix haute mais ne voyait pas en quoi c’était un avantage stratégique. Sixth, le visage barré par l’effort, se risqua à formuler une hypothèse.

_ Capitaine Sharks, vous espérez que les forces telluriques constituent un danger pour le pyromaniac ?

_ Précisez, Major. Insista Sharks en esquissant son sourire si rapide.

_ Je pense que vous voulez faire sauter les lignes de failles car leur convergence se trouve dans une zone de pression négative cernée par des pressions positives. Je pense que vous espérez qu’une telle action fasse se retourner sur Redust tout le magma refroidi, l’enterrant définitivement sous des millions de tonnes de roche et de lave… Mais ce n’est qu’une théorie.

_ Pas mal, Major. A ceci près que je balancerai également une tête NN de taille 3 sur ce cercueil de roche pour être définitivement sûr.

_ Un missile Non-Nucléaire capable de raser un pays pour tuer un seul mutant ? S’indigna Fifty. C’est un peu extrême comme solution !

_ Relisez le dossier, Fifty. Le NN est le seul armement à leur disposition que les Fire Warriors n’ont pas tenté. Sans doute parce qu’il est trop gros pour être envisageable mais nous, nous sommes payé pour envisager des solutions pour ce genre de cas. Rappelez-vous bien ceci : Quand les autres abandonnent, NOUS intervenons.

_ Soit, Capitaine. Acquiesça Fifty avec désinvolture. Je vais demander aux Fire Warriors de charger leur missile NN3 sur le Black-Bird, d’évacuer la région et on modifie le relief depuis la stratosphère.

_ Mais… Commença Sixth.

_ Ne vous inquiétez pas, major. Le plan sera un petit peu plus compliqué. Fifty, tâchez d’écouter sans m’interrompre.

Le ton de Sharks, bien que cassant comme à son habitude, avait quelque chose de plus impératif. Fifty comprit instantanément qu’il allait entendre un plan complètement fou et qu’il allait devoir obtempérer sans discuter. Il prit le parti d’obéir.

_ A vos ordres, capitaine.

_ Comme vous l’avez dit, vous chargerez le missile, ferez évacuer et décollerez. Mais le major et moi-même, nous irons à la rencontre du mutant. Je veux savoir en quoi lui et le major sont liés. Il sera sans doute prêt à nous parler. Lorsque je vous donnerai l’ordre, vous bombarderez les lignes de failles pour provoquer l’effondrement. Nous, nous courrons dans cette direction pour sauter dans le sas de mon Roller-Blade en vol stationnaire que vous piloterez à distance grâce aux systèmes télécommandés. Tandis que nous nous envolerons, vous lâcherez le NN. Des questions, sous-lieutenant ?

_ Pas de question, Capitaine, mais si je peux me permettre, synchroniser deux vols, DONT un de précision en stationnaire et deux bombardements différés, DONT un qui demande, lui aussi, beaucoup de précisions, je ne pourrai pas vraiment me soucier de votre sécurité.

_ Pour ma part, je ne peux pas mourir ! Répondit Sixth. A la rigueur, ça me ferait mal. Très mal. Mais vous pouvez lâcher la bombe, j’y survivrai. Et je trouve que le plan du Capitaine est tellement direct, bourrin, et sans détour qu’il est sûr de réussir.

_ Merci pour le vote de confiance. Quant à moi, n’ayez crainte, même si je suis mortel, je ne serai plus sur place lorsque vous lâcherez le missile. Allez ! Les Fire Warriors vont mettre du temps à évacuer et je suis pressé.

En une seule petite heure, les Fire Warriors avaient pliés bagages, ne laissant sur Gesundes qu’une trace infime de leur passage. A la surface, ne restait que Sharks, Sixth et Kaï Redust et ils n’allaient pas tarder à se rencontrer. Les deux soldats progressaient à marche rapide vers la position présumée du mutant. Fifty, quant à lui, maugréait tout en pilotant le Black-Bird. D’une main distraite, il télécommandait également le Roller-Blade qu’il envoya volontairement contre une anfractuosité de la roche.

_ Oups ! Ça va faire une rayure.

_ N’abimez pas ma machine, Fifty. Transmit le communicateur de Sharks. Ou c’est votre visage que j’abimerai en rentrant.

Il y avait quelque chose dans la voix de Sharks qui disait qu’il le ferait vraiment alors Fifty se concentra sur sa conduite.

Au détour d’un canyon, Kaï Redust apparut à Sharks et Sixth. Il se tenait tranquillement au centre d’un vallon. Un coup d’œil rapide sur son bracelet-ordinateur appris à Sharks que c’était la position EXACTE de la jonction des lignes de failles. Le mutant était calme et avait l’air vaguement amusé. Physiquement, il ne différait pas de Sharks en matière de poids et de taille, mais sa peau laiteuse, ses taches de rousseur, ses cheveux en pétard roux et ses haillons écarlates en faisaient une entité totalement différente du Capitaine. Le mutant porta son regard vers Sixth tandis que les soldats descendaient la pente gravillonneuse.

_ Et bien !! Lança-t-il dans leur direction. On peut dire que tu as pris ton temps ! Est-ce que tu sais depuis combien de temps je t’attends ?

L’incompréhension se lut sur le visage de Sixth. Il manqua de s’affaler par terre. Le mutant continua à l’interpeler.

_ Oui ! Je sais ! On ne se connait pas ! Mais nous avons un ami commun. Tu dois t'en rappeler ? Un grand MAIGRE avec un foulard bleu. On peut dire qu’il n’a que la peau sur les OS.

Sixth sembla avoir une révélation mais l’instant d’après, son visage était devenu impassible. L’archiviste qui était en lui avait repris le dessus dès qu’il avait compris de quoi il s’agissait. Pour le Fire Warrior, il était impossible d’expliquer à Sharks, un inconnu, ce qui constituait son plus grand secret. De toute manière, Kaï Redust détourna la conversation.

_ Et voici le petit chouchou du Fédérateur Fauless : le Capitaine Sharks, Commandant du Projet Via Aeris, détenteur du titre de « tueur le plus rapide en duel officiel ». C’est mon jour de chance ! Un Immortel et une célébrité le même jour.

Sharks dégaina son épée et la pointa droit sur le visage du mutant.

_ Tu sembles être au courant d’un peu trop de choses à mon goût, pyromaniac.

_ Ne vous énervez pas, Capitaine. Lança Kaï Redust d’un ton trop calme, comme s’il ne se sentait pas en danger. Je me contente de meubler, le temps que Fifty soit positionné dans la stratosphère de Gesundes.

Sharks avança soudain d’un pas. La pointe de sa lame s’arrêta à deux millimètres de l’œil droit de sa cible. Celle-ci ne cilla même pas.

_ Restez calme. Je n’interfèrerai pas dans votre plan. Pour vous, il est anormal que j’en sache autant à votre sujet, mais vous découvrirez bientôt pourquoi. Je peux vous le jurer. Mon rôle consistait simplement à prendre contact avec le Major et lui dire : « Nous ne vous avons pas perdu de vue, vous êtes sur la bonne voie ». Ce qui, maintenant, est fait. Donc, je peux m’asseoir et attendre tranquillement que le sous-lieutenant lance ses missiles. Je vous promets que je me laisserai ensevelir sous la roche et je ne tenterai pas d’échapper au missile NN.

Sharks hésita une seconde. Ce que venait de dire Kaï était tellement proche de son plan que ça semblait irréel. Un coup d’œil sur Sixth lui montra que celui-ci était tout aussi décontenancé. Bien que la situation soit inédite, Shark choisit de se fier à son instinct qui l’avait sauvé si souvent par le passé.

_ Fifty ! Feu ! Sixth ! On y va.

_ A vos ordres, Capitaine !

Le Black-Bird tira simultanément quatre-vingts missiles en direction des lignes de failles tout autour des trois hommes. Sharks et Sixth courraient dans une direction qui allait être épargné par les impacts mais qui serait déstabilisée et se renverserait sur elle-même très vite. Ils avaient à peine trente secondes pour parcourir quatre cent mètres de terrain accidenté. Kaï les invectiva de sa position.

_ Allez ! Dépêchez-vous ! Les missiles seront bientôt là !

En effet, à peine avait-il fini sa phrase que les premières explosions se faisaient sentir. Le mutant força sa voix jusqu’à ce que celle-ci emplisse l’air.

_ Une dernière chose, Sixth ! Je trouve ta Fire Dance géniale ! Continue sur cette voie, tu vas devenir quelqu’un de vraiment intéressant !!!!

Les pressions s’exerçant sur le magma de Gesundes, libérées par les explosions, modifiaient visiblement le paysage. Kaï se faisait rapidement cerner par des murailles de roches hautes de plusieurs centaines de mètres qui lui obscurcissaient le ciel. Seul le côté où couraient Sharks et Sixth montait plus lentement mais ils étaient encore loin du bord de la falaise. Le pyromaniac observait leurs mouvements avec appréhension en se demandant s’ils allaient y arriver. Sharks, qui allait légèrement plus vite que Sixth, atteint le bord de la plaque de roche avant que celle-ci ne soit presque à la verticale et se retourna pour tendre la main au major. Il eut le temps d’apercevoir Kaï se retrouver ensevelit sous des millions de tonnes de roche comme le prévoyait le plan. Cependant, il manquait à Sixth une dizaine de mètre à parcourir à la verticale pour atteindre le point de basculement où se tenait Sharks.

_ Dépêchez-vous, Sixth ! Le Roller-Blade est juste là et la roche ne vous attendra pas éternellement !

_ Sautez, Capitaine ! Je ne pourrais pas…

Une explosion soudaine sous les pieds de Sixth le projeta vers Sharks à la vitesse d’un bouchon de champagne. Le capitaine l’attrapa par le bras et profitant de cette soudaine poussée, l’envoya directement dans le sas ouvert du petit vaisseau. Puis, en reprenant appui sur ses pieds, il prit le même chemin.

_ Fifty ! Faîtes dégager le Roller-Blade et lancez le NN !

Télécommandé par Fifty, le vaisseau personnel de Sharks s’ébranla rapidement et quitta l’atmosphère fiévreuse de Gesundes tandis que le flash de l’explosion du missile emplissait la région. Assis contre une paroi d’acier dans le sas d’entrée, Sharks regardait Sixth reprendre son souffle difficilement. Le Fire Warrior le remarqua.

_ Sauf votre respect, Capitaine, vous êtes complètement cintré. Envisager une telle stratégie n’est pas du domaine d’un soldat lambda… Mais c’était cool !

_ Ravi que ça vous ait plu, major, mais c’est mon travail après tout. Envisager les stratégies les plus folles, les mettre en œuvres, et surtout le plus important, réussir. Maintenant, Redust a mentionné trois choses qui me font dresser tous les poils du corps et je veux que vous m’en parliez. Vous allez tout me dire sur votre « ami commun », pourquoi il semblait tout savoir de notre stratégie et l’art martial que vous concevez et SURTOUT, pourquoi il n’a pas fait un geste pour nous affronter ou échapper à sa tombe de roche.

Sixth s’arrêta de souffler un instant. Son visage se barra encore plus fort qu’à son premier contact avec Sharks. Un combat intérieur s’était engagé dans sa tête mais un coup d’œil en face le persuada de prendre une décision rapidement. En effet, Sharks avait posé une main sur la garde de son katana. Le géant ne risquait rien, il le savait, mais pourtant, il ressentait la douleur. Les « résurrections » dont il s’était rendu maître le laissaient toujours dubitatif car elles s’accompagnaient toujours d’une douleur intense. Sixth fit le choix d’être honnête avec Sharks.

_ La première fois que je… ne suis pas mort, je me suis retrouvé sur une planète inconnue, en face d’un squelette qui parle et qui semble tout savoir de moi, de la Fédération et de tout sur tout. Cette rencontre n’a duré que quelques minutes et puis, je me suis retrouvé dans les décombres de ma voiture, avec tous mes os brisés et ma chair brûlée qui se sont régénérés sur place en m’arrachant des cris de douleur insupportables. Depuis, à chaque fois que mon cœur s’arrête, je me retrouve sur cette planète pendant quelques minutes mais je n’ai jamais revu le squelette ! C’est un phénomène que je ne comprends pas moi-même alors je ne peux pas vous l’expliquer autrement. Toujours est-il que le squelette avait l’air de dire qu’ils étaient tout un groupe. Je ne peux que supposer que Kaï Redust en faisait partie. Ca expliquerait toutes ses connaissances. Pour finir, je ne peux qu’imaginer que sa mission était de prendre contact avec nous, nous dire grosso-modo que nous étions « surveillés » et qu’une fois sa mission accomplie, il n’avait plus de raison de vivre. Je suis conscient que ce raisonnement comporte beaucoup de lacunes mais honnêtement, à chaud comme ça, je n’en ai pas d’autres.

Sharks lâcha son katana. Il se leva et tendit sa main vers Sixth.

_ C’est pourtant un bon raisonnement, major archiviste Sixth. Je craignais que votre formation de Fire Warrior ne vous pousse à me dissimuler des informations mais vous avez parlé franchement. C’est une des rares choses que j’exige de mes hommes : me parler franchement, que ce soit en bien, ou en mal. Félicitations ! Vous avez réussi votre examen d’entrée.

_ Examen ? Mais pour quoi ? Demanda Sixth en acceptant la main tendue de Sharks.

_ Vous intégrez ce jour le projet Via Aeris et faîtes désormais partie des Air-Lines ! Aussi, je me permettrai un conseil, n’abusez pas de votre immortalité, on ne sait pas si c’est un état permanent ou limité dans le temps.

_ C’est un conseil que je suivrai à la lettre. Ce n’est d’ailleurs pas difficile, je suis immortel mais pas insensible à la douleur.

Le Roller-Blade n’était plus qu’un petit point dans le ciel flamboyant de Gesundes lorsqu’une main carbonisée émergea de la mer de magma qui remplissait le cratère du missile NN. Une forme de vie atrocement brûlée sorti bientôt de la lave. Les chairs brûlées commencèrent à former des croutes qui tombèrent très vite révélant une nouvelle peau de bébé saine. Kaï Redust reprit forme humaine en hurlant à plein poumons puis, observant le ciel, parla dans le vide comme s’il était accompagné.

_ Mantys. Ces humains n’ont peur de rien et notre sixième est avec eux. Ils constitueront bientôt une force de frappe dangereuse, peut-être même pour nous. Tu es bien sûr que nous devons leur permettre de se renforcer ?

Aucune réponse ne troubla l’air surchauffé mais le mutant entama une valse tout seul en obligeant, grâce à son pouvoir, la lave à se prêter à un ballet grotesque dont il était le centre…

Un an après ces évènements, les effectifs des Air-Lines atteignaient difficilement les quarante personnes. Une trentaine de membres stables et une dizaine de recrues qui finissaient par demander leur mutation. En effet, beaucoup de soldats abandonnaient, soit en raison du niveau d’entrainement que Sharks imposait à ses hommes, soit parce qu’il ne supportait pas le stress et le danger des missions qu’on leur confiait. Le Fédérateur Fauless finit par s’en inquiéter et se confia à Fifty lors d’une escale des Air-Lines sur Terre. Le pilote aux lunettes de soleil sut trouver les mots pour rassurer le chef suprême de la Fédération.

_ Il est vrai que nous fonctionnons avec un effectif réduit mais c’est uniquement parce que le capitaine Sharks fait son possible pour créer une armée d’une qualité jamais vue à ce jour. Certes, il épuise les jeunes recrues en deux semaines mais cet entrainement porte ses fruits sur ceux qui peuvent l’endurer. Les performances moyennes de l’équipage du Black-Bird ont doublé en seulement six mois et augmente toujours malgré les défections. C’est pourquoi nous sommes tombés d’accord avec Sharks sur le fait que les recrues doivent au minimum tenir le rythme épouvantable de l’entrainement. Et croyez-moi, comme je suis plus âgés que les autres, je ressens la dureté de cet entrainement bien plus sévèrement.

_ Et qu’en est-il du moral de l’équipage ? Sharks n’est pas un modèle de sociabilité, personne ne grogne ?

_ Le capitaine est très certainement la personne la plus asociale que je connaisse mais dans le même temps, je n’ai jamais vu un officier se soucier autant de ses hommes. La balle qui a traversé son poumon le mois dernier était destinée à un jeune qui avait commis une erreur fatale. Non seulement Sharks s’est pris la balle à la place du caporal Nahiv mais de plus, il n’a pas eu l’ombre d’une hésitation. Les Air-Lines connaissent Sharks et sont prêt à le suivre n’importe où. Et à quarante Air-Lines, sans me vanter, nous valons un corps d’armée, Fédérateur.

_ C’est heureux, sous-lieutenant, c’est heureux. Changeons de sujet, ne m’aviez-vous pas dit que vous recherchiez un spécialiste des communications ?

_ C’est exact, Fédérateur. Maintenant que nous commençons à être un peu plus nombreux, nous avons besoin d’une personne capable d’être à l’écoute des signaux de communication, de faire circuler rapidement les informations et également de coordonner les différentes escouades. En d’autres termes, nous avons besoin d’un opérateur.

Le vieux Fédérateur se permit un large sourire.

_ Je pense avoir l’homme qu’il vous faut. Il est jeune et il souffrira certainement à cause de votre entrainement surréaliste mais il vous sera utile. Il possède une maitrise des systèmes de communications et des radars hors normes. De plus, c’est un Aquanaute, tout comme vous.

Fifty enleva ses éternelles lunettes pour regarder le Fédérateur dans les yeux. Il avait senti que le vieil homme ne lui disait pas tout au sujet de cette recrue.

_ Et comment s’appelle ce petit prodige ?

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