Chapitre 24

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Ecrit en écoutant notamment : Commodores - Nightshift [Soul]

Dans les deux jours qui suivent, donc pendant le week-end, il me semble que malgré moi, je dois paraître bien impatient de revoir mon copain, si bien que je m’attire de nombreuses remarques. Heureusement, celles-ci sont gentilles, et même si depuis la soirée de vendredi, je n’avais que peu de doute sur le fait que mon père acceptait parfaitement que je sorte avec un mec, celui-ci m’a semblé rassuré que comme à notre habitude, on se regarde un bon match de foot le samedi soir.

Lundi soir, après m’être arrangé du mieux possible, je demande à mon père si je peux emprunter sa voiture pour aller chercher Renan à la gare. Pour une fois, je suis vraiment fier d’avoir mon permis, que j’ai obtenu il y a quelques mois ! Il accepte évidemment, et ainsi, une demi-heure plus tard, je me retrouve à attendre mon amoureux sur le quai, face à la petite bâtisse en pierre blanche qui fait office de hall de gare. Il ne fait pas spécialement frais, mais la nuit est déjà bien tombée et le flux de passagers est relativement ténu. Le train régional en provenance de Valence finit par arriver, semblant lui aussi assez déserté. Quelques minutes plus tard, je vois enfin poindre la silhouette de l’être qui m’est tellement cher depuis plusieurs semaines, et vais le rejoindre d’un pas à la limite entre la marche rapide et la course à pied. Arrivé à sa hauteur, nous nous étreignons pendant un long moment, mes bras semblant ne plus vouloir se désolidariser de leur prise. Je ressens un inhabituel sentiment d’anxiété désormais soulagée, en réalisant à quel point ce mec m’avait manqué pendant ces quelques jours. Je suis également presque certain de ressentir la même chose à travers son étreinte… Il commence ensuite à m’embrasser, mais je lui indique au bout de quelques secondes que j’ai mieux.

Tandis que nous arpentons la large départementale qui mène à Aubenas, il me jette de fréquents regards, se demandant ce que je peux bien lui réserver. En rentrant dans la ville, alors qu’il me raconte rapidement comment s’est passé son voyage, je prends à gauche sur une petite route, que je suis pendant quelques centaines de mètres, avant d’emprunter un mélange de chemin et de route qui mène près des rives de l’Ardèche. Je coupe finalement le moteur et l’invite à sortir. Il semble surpris, et désignant une vieille grange abandonnée à trente mètres de là, il s’écrie :

— Euh… c’est là que t’habites ?


Je ne peux me retenir d’éclater de rire, sachant que le bâtiment n’est probablement plus occupé depuis une cinquantaine d’année, et commence d’ailleurs à tomber en ruines, de nombreuses tuiles éclatées à même le sol témoignant de l’abandon pur et simple du lieu.

Renan poursuit, s’excusant presque :

— Non mais je suis trop con, j’aurais dû m’en douter…

— Ce n’est pas grave, le réconforté-je avec un petit bisou, t’es tellement mignon que je te pardonne tout. Allez, suis-moi.

Je le mène à travers les quelques rangées d’arbres qui nous séparent de la rivière, et nous nous arrêtons d’abord sur une petite passerelle en bois qui enjambe un fossé de quelques mètres de large. Je trouve l’endroit particulièrement romantique et en profite pour enlacer mon amoureux et l’embrasser tendrement contre la rambarde. Ça me fait immensément plaisir de donner une nouvelle dimension à ce lieu, où je me m’amusais avec mes amis du village étant plus jeune. Je ne sais pas si lui sera autant touché par la grâce de ce moment, mais je l’espère tout de même secrètement.

Nous avançons encore un peu et nous asseyons sur une langue de galets qui émerge du flot tumultueux de l’Ardèche. C’est normal que l’eau soit aussi haute à cette saison, mais à ce point, je crains que ça ait raison de la descente en canoë que j’avais prévue. Je passe mon bras derrière son dos et le serre tout contre moi, avant qu’il me demande :

— Tes parents ne vont pas s’inquiéter si on ne revient pas bientôt ?

— Non, pas de problème, je leur ai envoyé un message, comme quoi ton train avait du retard ! Tu sais, depuis quelques années, je me suis toujours dit qu’une fois que je sortirai avec quelqu’un, je l’emmènerai ici. Je trouve ce lieu magnifique, même de nuit.

— Waah, t’es trop romantique en fait ! Mais ça me plaît !

Nous restons encore quelques minutes, jusqu’à ce que je sente qu’il commence à s’impatienter un peu. Peut-être n’a-t-il pas envie d’éternellement repousser le moment de la rencontre avec mes parents ; c’est vrai que ça doit tout de même être un peu stressant pour lui, j’aurais sans aucun doute réagi de la même manière que lui dans sa situation.

Nous remontons donc le chemin en sens inverse et reprenons la voiture pour seulement quelques minutes, avant d’arriver chez moi, au cœur du quartier de Montargues. C’est ma sœur Élise qui est venue nous ouvrir ; et après que Renan lui a fait la bise, je l’emmène vers le salon pour qu’il rencontre mes parents.

— Bonjour Madame, bonjour Monsieur, ravi de faire votre connaissance ! annonce-t-il d’un ton des plus distingués.

Alors qu’il fait la bise à ma mère et va serrer la main de mon père, ce dernier lui répond :

— Tu nous appelleras Karine et Didier si ça ne te dérange pas ! Ah, et puis, cette SNCF, ça ne s’arrangera donc jamais, une demi-heure de retard !

— Ouais, les trains régionaux, c’est vraiment pas ça, t’as raison ! répliqué-je, satisfait de ma trouvaille.

— Allez déposer vos affaires en haut, on vous attend pour le repas, ta sœur a vraiment l’air de crever la dalle ! s’écrie ensuite ma mère.

Nous nous exécutons, et Renan redescend ensuite avec d’une part une petite caisse de bières artisanales bretonnes pour mon père, et d’autre part une boîte de chocolat – plus classique – pour ma mère.

Mon père, dont il ne fallait pas beaucoup plus pour le mettre de bonne humeur, nous annonce :

— J’ai une excellente surprise pour vous deux, d’ailleurs ! J’espère que ça te plaira, Renan ! J’ai réussi à gratter par le biais de mon entreprise trois places pour le match de ligue des champions entre Lyon et le Benfica demain soir.

Waah, c’est tellement cool ! Il est fort ! Renan, lui aussi, semble très enthousiaste :

— Je suis plutôt supporter du Stade Rennais, mais une telle occasion, ça ne se refuse pas !

— Parfait, on partira demain en fin d’après-midi pour aller à Lyon alors ! Ça me fait plaisir d’emmener mon futur gendre !

— Vous allez vous taper presque quatre cents bornes aller-retour juste pour ça ? demande ma sœur, comme si cela relevait du surnaturel.

C’est Renan qui se charge de lui répondre :

— Je crois que tu ne peux pas comprendre !

— Et merde, je sens que ces trois-là ensemble, ils vont bien s’entendre, lance-t-elle de manière faussement désespérée à ma mère.

Sa remarque a le don de détendre encore plus l’ambiance, et nous finissons la soirée de manière très naturelle, sans prolongations néanmoins, puisque Renan est quand même assez fatigué de son voyage de plus de neuf heures.


La meilleure solution que j’ai trouvée pour ma chambre a été de déposer mon matelas par terre et d’en monter un autre, qui était stocké à la cave, afin de l’accoler au premier. Ça fait presque un lit double, au détail près qu’il y a un dénivelé de quelques centimètres entre les deux parties. On fera avec. En guise d’apéritif pour ces quelques jours, nous reprenons notre rythme classique de câlins, ce qui me plaît plutôt bien pour l’instant, mais décidons néanmoins de nous endormir pas trop tard après minuit, en vue des douze kilomètres de randonnée que j’ai prévus pour le lendemain.

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