Chapitre 6

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Ecrit en écoutant notamment : Vortek's - Moon [HardTrance] https://www.youtube.com/watch?v=OD0AwKQYxjM



Renan finit par se retourner pour m’inviter à entrer. Je le fixe vaguement dans les yeux, attendant qu’il fasse quelque chose. Si je possédais un pouvoir de téléportation, je crois que je l’aurais utilisé sur le champ. Très étonné, il s’enquiert de mon état :

— Euh, il y a quelque chose qui ne va pas ? Tu ne te sens pas bien ?

Le seul mouvement que j’arrive alors à effectuer est de lever mon bras pour désigner le drapeau LGBT. Je crois que je n’aurais pas dû faire ça… car le ton de sa voix se raidit immédiatement :

— Si c’est ça qui te dérange, tu peux partir tout de suite ! Je suis gay, d’ailleurs, je veux même faire partie de l’asso LGBT du campus. Donc si t’as un problème, au revoir !

Je ne sais plus quoi penser. Ce mec est pourtant hautement sympathique – même s’il me démontre actuellement qu’il est capable de se mettre en colère très rapidement –, mais je n’ai surtout pas envie d’être comme lui. En même temps… à part son foutu drapeau, il ne fait vraiment pas gay du tout...

Désormais, je ne saurais plus dire quelle est la plus grosse bêtise, entre décamper et donc possiblement acquérir une mauvaise réputation, ou bien rester, et risquer de glisser vers mon mauvais penchant à son contact.

Son regard devient de plus en plus insistant, presque réprobateur, et sans que je sache ce qui m’a vraiment fait choisir, je décide de m’excuser platement, et de le rejoindre dans son appartement.
Après tout… on pourra s’entendre, mais on fera comme si ce trait particulier de sa personnalité n’existait pas. Normalement, il ne devrait pas y avoir trop de danger !

Et en effet, en faisant abstraction de ce « détail », tout se passe rapidement beaucoup mieux. Et même visiblement trop bien, car je finis par lui demander s’il a une copine, à la suite de quoi il grimace un peu. Je crains de l’avoir froissé, mais il me rassure en m’expliquant que c’est un réflexe normal pour un mec hétéro.

Tiens, bonne nouvelle, s’il me considère de la sorte, il n’essayera pas de me draguer, parce que ça, déjà que je fais l’effort de faire abstraction de son orientation sexuelle, je ne le supporterais pas.

Je rentre finalement chez moi assez fier de moi. Si j’arrive à côtoyer un mec gay sans plus de désagréments, c’est que ma tendance bi n’est pas prête de prendre le dessus. D’ailleurs, je l’oublie plus ou moins, au profit de la présidente du Nightfader… elle était à la fois si gracieuse, agile et survoltée lorsqu’elle prenait les platines pour nous faire une démonstration… Pour l’instant, on peut clairement affirmer qu’on ne s’entend pas trop mal, il faudra bientôt penser à passer la vitesse supérieure.




Je choisis de rentrer chez moi en Ardèche le deuxième week-end de septembre. En plus d’avoir déniché des billets de train à un prix défiant toute concurrence – je n’aurais jamais cru pouvoir remercier la SNCF un jour –, mon amie du lycée Eléa m’a invité pour son vingtième anniversaire. Vu la très sympathique ambiance avec laquelle s’est déroulée notre semaine de vacances de cet été, je m’en réjouis d’avance.

À peine arrivé chez moi le samedi matin, ma mère s’empresse de me poser vingt mille questions sur les quinze jours qui viennent de s’écouler. Mon père, lui, en pose une seule, à savoir comment sont les filles.

— Ah, mais tu sais qu’il n’y a que vingt pourcents de filles à l’école, alors c’est la guerre ! Mais j’ai peut-être une possibilité !

— Haha, bonne chance alors ! Si t’as besoin de conseils en séduction, l’expert en la matière est devant toi !

— Pff, tu me feras toujours marrer !

— Je te rappellerais que j’ai 'ken', c’est comme ça qu’on dit maintenant ? Enfin bref, je me suis fait neuf filles différentes pendant ma première année d’école d’ingénieur, score à battre !

— Ouf, j’en suis loin…

Et ma mère d’intervenir, offusquée :

— Ah bah bel exemple, dis donc !

Ce n’est pas nouveau dans la famille : mon père est super ouvert, ce qui me plaît beaucoup, même si j’ai souvent l’impression de ne pas être au niveau. Et à chaque fois que ça dérape un peu, ma mère et ma sœur nous traitent plus ou moins sérieusement de gros beaufs. Nous aimons bien nous lancer des piques, bien que cela reste plutôt respectueux dans la majorité des cas. Les seules fois où la situation se tend, c’est lorsqu’il y a bataille pour la télé les soirs où sont diffusés en même temps un match de foot capital et la finale d’un télécrochet débile.

Pendant l’après-midi, alors que mes parents font leur sieste, je m’adonne à une passion qui devient plus que dévorante ces derniers jours, et lance donc un nouveau tutoriel de mix sur YouTube. J’enregistre mentalement quelques techniques qui m’ont l’air efficaces et assez peu difficiles à mettre en œuvre avec mon niveau encore largement débutant.

À dix-neuf heures dix-sept et quarante-neuf secondes, je quitte ma maison à pied, direction celle d’Eléa. Elle a la chance d’habiter dans une élégante résidence qui abrite un immense jardin, lequel est idéal aussi bien pour les réceptions qu’organisent ses parents que pour nos soirées entre jeunes.

Comme à mon habitude, j’ai fait en sorte d’être là largement en avance, car nous prenons toujours plaisir à discuter tous les deux tranquillement. J’éprouve une sensation des plus agréables en me rappelant mes toutes premières vraies soirées, lorsqu’une bonne partie de notre classe à tous les deux était réunie ici.

Nous nous asseyons sur les quelques marches de granit qui mènent à l’immense terrasse extérieure, et sirotons notre verre de vin blanc dans un silence apaisé, appréciant la douce brise qui nous chatouille le visage et la délicieuse insouciance qui nous envahit progressivement.

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